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Pages 54
LE FRANC FORT

options pour les entreprises, la politique monétaire et la politique économique

Alois Bischofberger, Rudolf Walser, Boris Zürcher

E DI D PIER PA

O USSI SC

N

Le présent papier de discussion plaide pour une réserve extrême de la part de la Banque nationale sur le terrain des interventions monétaires. Pour l’heure, rien ne plaide pour l’abandon de la ligne actuelle d’une politique monétaire autonome s’appuyant sur la libre circulation des capitaux et un régime de changes flexibles – le système a fait ses preuves. Retenue également sur le front des interventions de politique économique, par exemple sous la forme d’un soutien public à certaines branches. Si, par contre, la forte pression à la hausse qui s’exerce sur le franc suisse devait continuer de s’accroître à la suite d’une dégradation de la situation dans la zone euro, entraînant une forte accentuation des tendances déflationnistes et récessives, ainsi qu’une chute abrupte de la compétitivitéprix des entreprises suisses, nous n’excluons pas qu’il soit opportun d’évaluer d’autres options, notamment celle, temporaire, d’un objectif de taux de change, qui impliquerait l’abandon, temporaire lui aussi, de l’autonomie de la politique monétaire. Il va sans dire qu’une telle décision devrait s’appuyer sur un examen minutieux des coûts associés à ce changement de régime.
NOMBRE 02/ FÉVRIER 2011

Impressum: ©2011 Avenir Suisse Traduction: Renaud Moeschler Correctorat: Jean-Luc Babel Reproduction seulement avec mention légale Mise en page, diagrammes, production: Jörg Naumann www.avenir-suisse.ch

TABLE DES MATIÈRES

Table des matières

Les hauts et les bas du franc suisse ................................................................................................... 5 01 02 03 04 05 06 07 08 La réaction des entreprises et des autorités monétaires .................................................................... 6 Les récentes interventions de la BNS sur le marché des changes .................................................... 11 Le trilemme fondamental .............................................................................................................. 17 Un regard en arrière ...................................................................................................................... 19 Pistes de réflexion concernant la tendance du franc ...................................................................... 21 Les options qui s’offrent aux entreprises ....................................................................................... 27 Les options en matière de politique monétaire .............................................................................. 29 Mesures à prendre au niveau de la politique économique ............................................................. 33

Notes finales ................................................................................................................................. 34 Bibliographie .................................................................................................................................. 35

LE FRANC FORT : OPTIONS POUR LES ENTREPRISES, LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

LES HAUTS ET LES BAS DU FRANC SUISSE

Les hauts et les bas du franc suisse

Ces dernières années, le cours de change du franc suisse pondéré par les échanges extérieurs a connu de fortes fluctuations, notamment vis-à-vis de l’euro. Entre 2003 et 2008, il a subi une pression constante à la baisse. Cette période a été marquée par une aversion au risque à la fois basse et décroissante. Les investisseurs se sont endettés toujours plus profondément dans des pays à bas taux d’intérêt, afin de réorienter les fonds sur des placements à rendement plus élevé dans d’autres monnaies. Les valeurs refuges n’étaient plus prisées, et le franc s’est déprécié. Lorsque, au cours l’été 2007, la crise financière a explosé, l’aversion au risque est revenue sur le devant de la scène, mettant un terme à la faiblesse relative du franc. Ainsi, la monnaie suisse a repris son envol, se raffermissant encore sensiblement au cours des derniers mois, au point de pousser non seulement l’Europe, mais encore le dollar à des plus bas historiques. Le scénario et son calendrier ne doivent rien au hasard. Le franc était à un bas niveau au cours des années durant lesquelles les marchés financiers internationaux et les marchés des capitaux et des changes étaient dominés par une volatilité extrêmement faible, une forte propension au risque et à l’endettement et des primes de risque en net recul. La situation a entraîné des opérations dites de carry trade et le développement massif des crédits libellés en francs contractés par des ménages et des entreprises d’Autriche et d’Europe de l’Est. Lorsque la crise des marchés financiers s’est aggravée dans le sillage de la chute de la banque Lehman Brothers, les placements et investissements liquides dans des monnaies et des instruments financiers réputés sûrs ont soudain retrouvé les faveurs des investisseurs. Les carry trades se sont révélés être un phénomène temporaire, et les voix qui déniaient au franc suisse une position particulière dans le monde des placements en raison de l’absence de pression à la hausse se sont évanouies. L’attrait des placements refuges comme le franc suisse, le yen japonais et l’or s’est accru depuis 2008, entraînant

une forte montée des cours pour les trois valeurs. Parallèlement, dans le sillage des turbulences monétaires, les gouvernements et les banques centrales ont multiplié les tentatives visant à pousser artificiellement leur monnaie à la baisse. Plusieurs questions se posent dans ce contexte : comment les entreprises exportatrices et les autorités monétaires ont-elles réagi aux fluctuations de change ? Quelle réponse doit-on attendre si la pression à la hausse se maintient dans les années à venir ? Quelle est la probabilité qu’il en soit ainsi ? Quelles options d’actions restent ouvertes ? Faut-il éventuellement remettre en cause l’indépendance de la politique monétaire de la Banque nationale suisse (BNS) ? Le présent papier de discussion plaide pour une extrême retenue concernant les éventuelles interventions de la banque centrale fondées sur des considérations de politique monétaire. Il n’y a en l’état pas lieu de se détourner du régime de politique monétaire autonome, avec libre circulation des capitaux et des changes flottants, le système ayant fait ses preuves. La retenue est aussi de mise concernant les interventions de politique économique, notamment via le soutien à certaines branches par le biais de subventions ou d’allégements fiscaux. Si, par contre, la forte pression à la hausse sur le franc suisse devait continuer de s’accroître du fait d’une brutale aggravation de la situation dans la zone euro, entraînant une forte accentuation des tendances déflationnistes et récessives ainsi qu’une chute abrupte de la compétitivité-prix pour les entreprises suisses, nous n’excluons pas qu’il soit opportun d’analyser d’autres options, en particulier celle d’un objectif de taux de change impliquant l’abandon temporaire de l’autonomie de la politique monétaire. Si une situation aussi délicate devait s’avérer, une stratégie de ce type serait précisément en conflit avec le mandat légal de la BNS, chargée de garantir la stabilité des prix tout en tenant compte de l’évolution de la conjoncture. Il va sans dire qu’une telle décision –

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LE FRANC FORT: OPTIONS POUR LES ENTREPRISES, LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

même de portée temporaire – devrait s’appuyer sur un examen minutieux des coûts associés à ce changement de régime. Le papier de discussion est organisé comme suit: le chapitre 1 expose la manière dont réagissent les entreprises et les autorités monétaires face aux fluctuations de change. Le chapitre 2 propose une tentative d’interprétation des interventions de la BNS sur le marché des changes au cours de l’année passée ; l’exercice paraît nécessaire, vu le caractère inédit des mesures non conventionnelles prises par la BNS et les effets ambivalents obtenus à travers ces instruments. Le chapitre 3 s’arrête sur les trois pôles qui forment l’équation fondamentale de la politique monétaire – le trilemme macroéconomique –, tandis que le chapitre 4 revient dans une perspective historique sur les mesures qui ont été envisagées pour affaiblir le franc. Le chapitre 5 ouvre sur un exercice de prospective concernant le cours du franc. Enfin, les trois derniers chapitres sont consacrés aux options qui s’offrent respectivement aux entreprises, à la politique monétaire et à la politique économique.

LA RÉACTION DES ENTREPRISES ET DES AUTORITÉS MONÉTAIRES

01 La réaction des entreprises et des autorités monétaires

Pour les entreprises suisses tournées vers l’exportation, de fortes fluctuations des cours de change ne sont rien de nouveau. Elles ont souffert de l’appréciation massive du franc pendant la première moitié des années 90, profitant seulement après l’assouplissement de la politique monétaire, jusqu’alors trop restrictive, et avec plusieurs années de retard de la reprise de l’économie mondiale. Elles ont en revanche tiré pleinement parti de la relative faiblesse du franc de 2003 à 2008, pour laquelle la BNS s’est montrée passive. Non seulement la volatilité à court terme du cours EUR/CHF pondéré par les exportations a clairement diminué entre 1999, année du passage à l’euro, et 2007, mais encore le «bonus d’intérêt» à long terme a dépassé d’environ 1,5 % l’appréciation réelle tendancielle du franc jusqu’en 2004 (HILDEBRAND 2004). Dans ces circonstances, il était si facile de supporter le risque de change qu’il n’était guère nécessaire de se couvrir contre les fluctuations des cours. Cette «configuration de rêve» a favorisé l’essor économique.

Plusieurs faits en attestent : temporairement, les exportations réelles ont affiché une croissance au moins aussi forte que celle du commerce mondial, avec à la clé un excédent commercial répété ; la croissance du produit intérieur brut (PIB), avec un taux moyen de 2,8 % (2003 à 2008), a été nettement supérieure au potentiel de croissance ; la Suisse s’est ainsi inscrite parmi les économies européennes présentant la croissance la plus soutenue. La situation financière favorable d’un grand nombre d’entreprises a permis une forte poussée de l’investissement, qui a accru la compétitivité et contribué à la relativement bonne résistance au récent renchérissement du franc. L’internationalisation des services d’achat des entreprises et le développement de leurs activités de « natural hedging » ont aussi contribué à cet état de fait, qui s’est manifesté par la rupture de chaînes de valeur ajoutée sous la forme de l’achat de prestations intermédiaires à l’étranger, essentiellement dans la zone euro,

Figure 1 : Evolution de l’activité en termes absolus et relatifs dans le secteur secondaire (NOGA 05-43) ; 1991-2009 en 1000 1250 en % 30

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Nombre d’actifs du secteur secondaire (gauche) Part du secteur secondaire (droit)

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Figure 2: Valeur ajoutée réelle et part de la valeur ajoutée de l’industrie au PIB (NOGA 10-41) ; 1980-2009 en millions de francs 120000 110000 100000 90000 80000 70000 60000 50000 40000 10% 15% 20% 25% 30%

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Valeur ajoutée réelle de l’industrie (gauche) Part de la valeur ajoutée de l’industrie (droit)

Figure 3: Indice des cours de change réels par rapport à 24 partenaires commerciaux ; 1973:1–2010:11; Janvier 1999 = 100)
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Source: BNS (2011)

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Source: Office fédéral de la statistique (2011) et calculs des auteurs

LA RÉACTION DES ENTREPRISES ET DES AUTORITÉS MONÉTAIRES

afin d’établir un équilibre monétaire entre les coûts et les recettes. En outre, il ne faut pas oublier la petite «réindustrialisation» observée en Suisse à la suite de la baisse du franc, ce qui s’est traduit par une croissance de l’activité et de l’emploi en termes absolus ainsi qu’un ralentissement du recul de la contribution du secteur secondaire à l’emploi général à partir de 2003. Le nombre d’actifs occupés dans l’industrie est passé pour la première fois au-dessous du seuil d’un million au début de 2003, avant de se redresser jusqu’au deuxième trimestre de 2005 pour repasser la barre de un million (fig. 1). Même le recul de la part du secteur secondaire (industrie hors construction) à la valeur ajoutée de l’ensemble de l’économie, qui, suivant une tendance lourde, est passé de presque 27 % au début des années 80 à 20 % aujourd’hui, a été freiné (fig. 2). Tous ces facteurs ont fait que les récriminations de l’industrie d’exportation sont longtemps restées limitées malgré le niveau élevé du franc. Il a fallu attendre ces dernières semaines pour observer une nette augmentation des plaintes, comme le confirme la dernière enquête en date de la BNS auprès des entreprises, au quatrième trimestre de l’année passée (BNS 2010). Le fait que la Suisse, en raison de sa forte orientation à l’exportation, soit globalement plus sensible que le reste de l’Europe aux fluctuations de la conjoncture mondiale n’est pas une nouveauté. La chose est attestée par l’élasticité des exportations à la demande étrangère, qui donne l’accroissement en pourcentage des exportations suisses lorsque la croissance étrangère augmente de 1 %. Ces valeurs sont relativement stables par type de pays; elles se situent autour de 2,4 % pour le Japon, de 2,1 % pour la zone euro et de 1,9 % pour les Etats-Unis (CREDIT SUISSE 2010). Par contre, l’élasticité des exportations au cours de change pèse moins lourd (-0,5 % en moyenne à court terme). Cela tient avant tout au fait que la part des exportations suisses qui s’imposent essentiellement par leur qualité et non leur prix n’a cessé d’augmenter (CREDIT SUISSE 2010). Cette part est ac-

tuellement estimée à un pourcentage de l’ordre de 60 %. C’est la même raison qui, si l’on en croit l’enquête effectuée auprès des responsables des achats en décembre 2009, a permis à presque un tiers des entreprises industrielles de facturer en francs, et de répercuter ainsi le risque de change sur les importateurs étrangers. A cela vient s’ajouter le fait que la structure des exportations suisses s’est profondément modifiée au cours des 20 dernières années. Alors que la part des biens d’investissement (de même que celle des matières premières et des produits intermédiaires) aux exportations de biens a fortement reculé, celle des biens de consommation a beaucoup augmenté, à commencer par les produits pharmaceutiques. Elle représente aujourd’hui plus de 50 % des exportations de marchandises. Etant donné que la demande de biens de consommation varie moins fortement que la demande de biens d’investissement à l’évolution conjoncturelle, cette modification structurelle a un effet conjoncturel stabilisant pour l’économie suisse (HILDEBRAND 2010). C’est ce qui explique aussi pourquoi l’Allemagne, du fait de sa forte proportion de biens d’investissement, a essuyé au cours de la récente crise une chute des exportations bien plus marquée que la Suisse. Toutefois, la situation se tend régulièrement pour l’économie d’exportation suisse lorsque la conjoncture mondiale marque le pas et que le franc tend à s’apprécier en parallèle. Ainsi, le cours de change fait figure de talon d’Achille pour l’économie comme pour la politique monétaire.

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LES RÉCENTES INTERVENTIONS DE LA BNS SUR LE MARCHÉ DES CHANGES

02 Les récentes interventions de la BNS sur le marché des changes
Les réactions de la BNS en matière de politique monétaire aux fluctuations de cours de change ont mis au jour certaines asymétries et suscité des controverses parfois âpres dans le débat public. Alors qu’elle avait laissé libre cours à la relative faiblesse du franc depuis 2003, la BNS, invoquant le risque de déflation, est intervenue à partir de 2009 si massivement sur le marché des changes qu’elle a induit un accroissement tout aussi massif de son bilan, qui pourrait entraîner un lourd fardeau pour les temps à venir. A l’étranger, des voix se sont élevées pour reprocher une « dévaluation » compétitive, tandis qu’en Suisse, des critiques ont mis en cause les interventions sur le marché des changes au motif qu’elles ne se fondaient pas sur des représentations claires concernant le « bon de taux de change » ni sur les conséquences que cela entraînait pour l’économie et en termes d’inflation (SCHILTKNECHT 2010). De plus, selon ces critiques, ces interventions seraient intervenues à un moment où on ne pouvait pas encore clairement parler d’un franc à proprement parler surévalué. Ces réflexions se fondent sur le fait que, pendant le boom économique, aucune pression inflationniste ne se dessinait sur les prix à la consommation jusqu’en 2008, ce qui élargissait la marge de manœuvre des autorités monétaires. Dans ces conditions, une politique monétaire plus restrictive ne répondait pas à une nécessité; il n’était au demeurant pas même souhaitable du point de vue politico-économique. Cette phase terminale de la «grande modération» s’inscrivait dans le contexte d’un recul de l’inflation à l’échelle mondiale et d’une baisse correspondante du niveau des taux, laquelle a en dernière analyse aussi agi comme une invitation à des opérations de carry trade. Des mesures de stabilisation du cours de change ne s’imposaient pas à ce moment-là. Avec le recul, on peut tout au plus reprocher aux instituts d’émission – BNS incluse – d’être restés inactifs face aux risques d’éclosion de bulles spéculatives sur les actifs, malgré les signaux donnés par des indicateurs permettant certaines interprétations avancées dans ce sens. Dans ce contexte, à partir de mars 2009, la BNS s’est mise à acheter des devises, notamment de l’euro, contre le franc suisse ; il convient de préciser que ces achats n’ont pas accru le bilan de la BNS jusqu’en février 2010. En fait, entre mars 2009 et mars 2010, la somme des bilans a fluctué autour de 200 milliards de francs, malgré Pour une petite économie nationale qui, comme celle de la Suisse, se caractérise par un volume limité d’emprunt des entreprises et un endettement de l’Etat relativement faible, des mesures non conventionnelles de ce type ne sont toutefois pas faciles à mettre en place, car les interventions sur les marchés secondaires entraînent rapidement d’importantes distorsions du marché du fait de l’important volume requis pour ses interventions. De ce fait, les interventions sur le marché des changes se posent comme une alternative. Après l’éclatement de la crise des marchés financiers, la BNS s’est vue contrainte à une baisse rapide et massive des taux à un niveau proche de zéro. Dans une première phase, cette baisse visait une détente du marché interbancaire, alors sous haute tension, ainsi qu’un assouplissement des conditions de refinancement pour les banques. Cependant, lorsque, à partir du début de 2009, il a été jugé nécessaire de stimuler l’économie réelle, la BNS n’a plus pu compter sur l’instrument des taux (ZÜRCHER 2009). Une telle stimulation ne pouvait plus être visée que par le biais de mesures non conventionnelles, relevant en particulier de l’assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE).2 L’instrument du QE est utilisé lorsqu’une économie se trouve en panne de liquidités, et que les instruments habituels de la politique monétaire sont devenus inopérants. Le QE permet de poursuivre une politique monétaire expansive dans un contexte de taux courts très bas, voire proches de zéro. La question du rôle du soi-disant consensus des banques centrales sur la politique monétaire avant la crise ne sera pas développée ici (CLARIDA 2010).1

LE FRANC FORT: OPTIONS POUR LES ENTREPRISES, LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

des achats de devises équivalant à près de 70 milliards de francs. Parallèlement aux achats de devises, la BNS
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une fuite vers les placements sûrs et a contribué à pousser le franc suisse à la hausse. Par ses interventions du printemps 2010, la BNS voulait enrayer ce phénomène à travers une nouvelle injection importante de liquidités. Ce sont essentiellement ces achats de devises qui essuient le feu de la critique, laquelle pointe que, en achetant presque exclusivement de l’euro – elle n’a jamais expliqué de manière convaincante pourquoi le portefeuille de devises n’a pas été davantage diversifié –, la BNS a concentré ses risques et restreint de manière inutile sa marge de manœuvre future. Il convient tout d’abord de préciser que les réserves de devises de la BNS tendaient déjà à être trop basses avant la crise des marchés financiers, ce qui s’est révélé notamment à la lumière de l’exposition en monnaie étrangère des deux grandes banques UBS et CSG. Au plus fort de la crise des marchés financiers, la BNS était hautement

a procédé à une réduction des créances en francs suisses résultant de pensions de titres (-45,5 milliards de CHF) et des avoirs résultant d’opérations swaps contre franc suisse (-62 milliards de CHF). La somme des bilans de la BNS a même baissé d’environ 30 milliards de francs au cours de cette période. Ce n’est qu’en avril-mai 2010 que sont venues les premières interventions sur le marché des changes sans compensations correspondantes par la réduction d’autres postes au bilan (fig. 4).4 Par la suite, le total du bilan de la BNS est passé de 208 à près de 309 milliards de francs entre fin mars et mai 2010. Pendant ce laps de temps, les réserves de devises sont passées de 125 à 238 milliards de francs. HILDEBRAND (2011) justifie cet accroissement par l’apparition soudaine de violentes tensions sur les marchés financiers à la suite du risque de défaut de certains Etats de la zone euro et de la perte de confiance que cela impliquait, ce qui a induit

Figure 4: Evolution de certains postes du bilan de la BNS côté actifs en millions de francs 250000

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tributaire d’opérations de swaps en dollars avec la Federal Reserve Bank des Etats-Unis et en euros avec la Banque centrale européenne, vu que sa propre latitude en qualité de prêteur de dernier ressort en monnaie étrangère était au mieux très restreinte, voire nulle. Par cet accroissement considérable des réserves de devises, la BNS a gagné en liberté sous cet angle et pourrait agir en qualité de prêteur de dernier ressort en devises étrangères dans une mesure bien plus large que naguère. Un autre point souvent négligé dans la discussion concernant les interventions sur le marché des changes concerne les gains de seigneuriage, lesquels peuvent résulter de l’achat de monnaie étrangère par la BNS et de l’accroissement de son bilan découlant de ces achats.
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compensation de celles-ci dans un premier temps, puis leur non-compensation par la suite. Pour faire la lumière sur cet aspect, nous articulerons ici le débat autour de deux thèses. La première dit que les interventions de la BNS visaient au premier chef à affaiblir le franc, ou tout au moins à atténuer sa pression à la hausse. De fait, l’évolution du cours de change nominal vis-à-vis de l’euro semble conférer une certaine plausibilité à cette thèse. Selon cette interprétation, les interventions semblent dans un premier temps avoir eu les effets souhaités, vu que le rythme du renchérissement du franc a pu être considérablement ralenti, et la volatilité de son cours nominal, réduite. L’évolution du cours de change illustré à la figure 5 montre toutefois que l’appréciation n’a finalement pas pu être endiguée. Cela ne plaide toutefois pas a priori contre l’efficacité de ces interventions. Une appréciation de l’efficacité des interventions sur le marché

Indépendamment de ces aspects, les interventions récentes de la BNS sur le marché des changes ont soulevé diverses questions liées à la difficulté d’interprétation des motifs qui ont sous-tendu ces interventions, vu la

Figure 5: Cours de change nominal CHF/EUR ; 2008:01–2011:01
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Source: BNS (2011)

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des changes est par nature difficile, vu l’absence de moyen de vérification (« counterfactual ») : on ne sait en effet pas comment les cours de change auraient évolué sans ces interventions. Sur les marchés, l’évolution de la valeur extérieure du franc a vraisemblablement été interprétée en ce sens que la BNS a cherché à défendre un cours de 1,50 franc vis-à-vis de l’euro entre mars et décembre 2009, avant de revoir l’objectif à 1,45, puis de répéter l’opération jusqu’à finalement devoir capituler. Il est à relever dans ce contexte que, au fil de ses interventions, la BNS n’a jamais annoncé un objectif de cours ni déclaré que l’affaiblissement du franc était pour elle un objectif explicite. Ainsi, si elle a suivi un objectif de cours de change, la BNS l’a fait de façon implicite. Cela nous amène à une deuxième thèse, selon laquelle l’objectif premier n’était pas d’affaiblir le franc, mais de provoquer un afflux de liquidités par le biais d’une sorte

de QE, afin de parer à un risque significatif de déflation. De fait, la BNS a annoncé en mars 2010 vouloir recourir à cet instrument et se porter à cette fin acquéreuse de devises et d’emprunts d’entreprises. Un examen des statistiques montre que, fin 2008, les indices des prix disponibles se mettaient effectivement à plonger dans le rouge et qu’il a fallu attendre le printemps 2010 pour les voir retrouver des valeurs positives (fig. 6). Or, l’indice des prix à la consommation selon l’évolution sous-jacente de l’inflation, pour la période considérée, n’avait pas montré d’effets déflationnistes. Il est significatif que les interventions de la BNS n’ont pas pu compenser, à ce moment-là, les niveaux élevés de prix à la production et à l’importation. Auparavant, les interventions avaient été compensées par une diminution d’autres postes à l’actif. L’évolution des différents indices de prix confère une certaine plausibilité à cette thèse, selon laquelle l’objectif premier était de réaliser une injection massive de liquidités par le biais d’un QE, et non d’agir sur le cours de change.

Figure 6: Variation de différents indices de prix et de leurs principales composantes (en % par rapport à l’année précédente) 8
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Inflation à l‘importation sous-jacente Inflation de l‘offre sous-jacente Inflation à la production sous-jacente

Source : BNS (2010)

LES RÉCENTES INTERVENTIONS DE LA BNS SUR LE MARCHÉ DES CHANGES

Si l’on s’attache à évaluer ses interventions sur le marché dans la perspective de ces deux thèses, il est aussi pensable que la BNS, faisant entorse à la règle de Tinbergen (selon laquelle un seul instrument doit être mis en œuvre à la fois pour poursuivre un objectif), ait voulu viser simultanément à réaliser un QE et à affaiblir le franc ou à endiguer une pression excessive à la hausse. Diverses déclarations de membres de la direction générale à l’occasion de la conférence de presse semestrielle concernant la situation économique et monétaire (BNS 2010a) donnent du moins à penser que les deux objectifs étaient poursuivis en même temps. A cet égard, il est frappant que, d’une part, la BNS mette en garde contre de possibles risques déflationnistes, tout en revenant de manière récurrente sur les problèmes posés par une rapide appréciation du franc, d’autre part. Dans ce cas, conformément aux attentes, l’objectif aurait été manqué – en l’occurrence celui de l’affaiblissement du franc – vu que tout au moins le cours nominal de l’euro vis-à-vis du franc n’a pas évolué dans la direction souhaitée. Au contraire, le franc est passé de plus de 1,50 à moins de 1,30 franc par euro. Un jugement définitif des interventions de la BNS doit se faire exclusivement sur la foi de sa mission légale de garantie de la stabilité des prix. Or il est encore trop tôt pour ce faire, puisqu’il faudra attendre au mieux encore quelques mois pour savoir si le mandat pouvait effectivement être respecté. On est porté à penser que l’instrument du QE est par nature ambivalent. Comme nous l’avons mentionné, compte tenu des volumes comparativement restreints sur le marché des emprunts d’Etat et des entreprises, un QE mettant en œuvre les importants moyens d’intervention requis ne peut se faire raisonnablement en Suisse que par le truchement du marché des changes. Il est aussi clair qu’en recourant à cet instrumentaire sur le marché des changes, on provoque d’une part une extension de la liquidité, d’autre part et indissolublement lié avec le premier effet, un affaiblissement tendanciel du franc. Comme l’instrument du QE

est nouveau et qu’il ne peut pas encore forcément être anticipé dans toute sa portée par les observateurs, les mauvaises interprétations ne sont pas exclues. L’issue de l’opération suspendue en juin 2010 laisse supposer dans ce contexte que des effets secondaires non souhaités se sont manifestés. Le fait que la BNS a réduit ses réserves de devises de 30 milliards de francs entre l’été 2010 et décembre 2010 tend à étayer cette interprétation. La BNS doit pour le moins admettre le reproche qu’elle n’a pas su communiquer assez clairement ses intentions et ses priorités. Elle aurait dû annoncer de manière bien plus transparente les objectifs effectivement visés à travers ses interventions sur le marché des changes.

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LE TRILEMME FONDAMENTAL

03 Le trilemme fondamental

Pour une économie nationale, il serait souhaitable de pouvoir bénéficier de la libre circulation des capitaux, tout en poursuivant une politique monétaire autonome et en pouvant minimiser la volatilité de la valeur extérieure de sa monnaie en fixant le cours de change. Les marchés des capitaux ouverts permettent d’exploiter tous les avantages offerts par la mondialisation des marchés financiers ; des changes fixes contribuent de manière déterminante à la stabilité des marchés financiers nationaux, en offrant aux investisseurs sécurité et prévisibilité ; enfin une politique monétaire autonome permet à la banque centrale de tenir compte des préférences nationales pour ce qui est de la conjoncture, des taux d’intérêts et de l’inflation. Ces trois objectifs posent un trilemme macroéconomique fondamental : toute économie est prise entre ces trois contraintes, dont deux seules peuvent se réaliser simultanément. On peut donc avoir des marchés des capitaux ouverts avec des changes fixes, mais en sacrifiant l’autonomie de la politique monétaire, des marchés des capitaux ouverts avec une critique monétaire autonome, mais en renonçant à

fixer les cours de change, ou des taux de changes fixes avec une politique monétaire autonome, mais au prix de la libre circulation des capitaux. Les phases historiques des marchés des capitaux sont marquées par différentes combinaisons spécifiques de binômes d’objectifs du trilemme. Sous le régime de l’étalon-or, la tendance était par exemple à sacrifier l’autonomie de la politique monétaire nationale au profit de marché des capitaux ouverts et d’un régime de changes fixes. A la suite de la Grande Dépression des années 30 et du chômage de masse qui l’a accompagnée, ce régime a perdu de son attrait auprès des politiques et s’est trouvé exposé à une pression croissante. Il fut suivi par le système de Bretton-Woods, un régime qui visait une politique monétaire autonome avec des taux de changes fixes mais ajustables, la libre circulation des capitaux faisant les frais de cette option. On croyait ainsi avoir éliminé les principaux inconvénients de l’ordre d’avant-guerre. Après le naufrage des accords de Bretton-Woods au début des années 70, la plupart des

Tableau 1: Le trilemme fondamental au fil des principales périodes de l’ordre financier international

Pour résoudre le trilemme fondamental, les économies sacrifient… l’indépendance de la politique monétaire
Etalon-or (jusqu’en 1914) Entre-deux-guerres (abandon de l’étalonor) Etalon devises-or de Bretton-Woods (1944 à 1971) majoritairement

l’ouverture des marchés des capitaux rarement la fixation du cours de change rarement Remarques

large consensus mais contrôles des mouvements de capitaux, notamment en Europe centrale et en Amérique latine large consensus, CH: pour l’essentiel libre circulation des capitaux un certain consensus ; exceptions : arrimage étroit d’une monnaie ou unions monétaires (currency boards, zone euro, dollarisation, etc.)

rarement

parfois

majoritairement

rarement

majoritairement

rarement

Changes flottants (dès 1971)

rarement

rarement

majoritairement

Source: sur la base d’OBSTFELD et TAYLOR (2005)

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Etats se sont finalement engagés sur la voie d’un régime de changes flottants, dans lequel les cours sont déterminés sur le marché des changes et peuvent ainsi fluctuer librement, le tout combiné avec la libre circulation des capitaux et la préservation de l’indépendance de la politique monétaire. Comme nous nous proposons de l’illustrer dans le chapitre suivant, en Suisse, la BNS s’est aussi heurtée de manière récurrente à l’impossibilité de poursuivre les trois objectifs en même temps.

UN REGARD EN ARRIÈRE

04 Un regard en arrière

Sous le régime de l’étalon devises-or du système de Bretton-Woods, mais plus encore depuis la chute de fait de ce système en 1971 et le passage à un régime de changes flottants le 23 janvier 1973, la BNS s’est déjà retrouvée confrontée de manière répétée à des situations monétaires difficiles. Typiquement, un petit pays suivant une politique monétaire axée sur la stabilité doit sans cesse lutter pour enrayer une pression à l’appréciation de sa monnaie vis-à-vis d’importantes monnaies rivales, ce qui soumet avant tout l’industrie d’exportation, mais aussi les banques et l’économie intérieure concurrencée par les importations, à de fortes pressions qui mettent en péril leur compétitivité. Pour la politique des autorités monétaires, le trilemme fondamental évoqué plus haut, qui veut que seuls deux des trois objectifs soient réalisables simultanément (politique monétaire autonome, changes fixes, libre circulation des capitaux), est une restriction contraignante. Et si les tentatives n’ont pas manqué de contourner ou de passer outre ces restrictions, le succès de ces mesures est demeuré au mieux très limité, voire nul (cf. SCHILTKNECHT 1994). Dans la lutte contre l’internationalisation du franc comme monnaie de placement, tout un arsenal de mesures de protection ont été mises en œuvre ou tout au moins prises en considération, surtout dans les années 70, comme le montre le survol ci-après (cf. BNS 2007 : p. 181 ss.). Ces mesures n’ont pas toutes été appliquées. Mais il s’agissait toujours de variantes, soit de la limitation de la libre circulation des capitaux, soit d’une tentative visant à établir un régime de changes fixes.

Limitation et contrôle des mouvements de capitaux
Mesures administratives contre l’afflux de devises – Interdiction de placer des fonds étrangers dans des titres et des immeubles en Suisse (juin 1972), interdiction de rémunérer les fonds étrangers et intérêt négatif sur ces fonds (juillet 1972). – – Avoirs minimaux sur les fonds indigènes et étrangers et limite de crédit. Autorisation obligatoire pour contracter un crédit à l’étranger (juillet 1972). Contrôle des changes – A titre de mesure de dernier recours, tous les achats de francs doivent obligatoirement être soumis à l’approbation des autorités, lorsque tous les autres moyens de défense se sont révélés insuffisants. En 1973, le directoire de la BNS a mandaté une étude strictement confidentielle dans ce sens. Gentlemen’s agreement – La BNS a négocié très tôt avec des agents économiques de poids, notamment les grandes banques suisses et les banques étrangères en Suisse, des accords les engageant à ne pas spéculer sur une appréciation du franc. Promesses de réescompte sur titres – Le but était de favoriser les opérations à terme pour l’industrie et l’hôtellerie et des contrats d’options préférentiels.

Ancrage, fixation et objectif de cours de change
Segmentation du marché des changes en un marché des opérations commerciales et un marché des capitaux – En août 1971, la BNS a préparé une segmentation du marché des changes, sous la pression politique consécutive à la forte envolée du franc. La question est revenue sur le devant de la scène en 1978. Parmi

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les pays industrialisés, seule l’Italie a effectivement appliqué cette mesure, le 21 janvier 1973. Adhésion à un espace monétaire – En 1973, la BNS a envisagé le rattachement au système de block floating de la Communauté économique européenne (CEE), avec des parités fixes entre les membres au sein du «Serpent monétaire». La France s’y était alors opposée, comme elle l’a fait d’ailleurs encore en 1979, barrant l’entrée de la Suisse dans le Système monétaire européen (SME). Ancrage unilatéral à une autre monnaie – Contrairement à l’Autriche, qui s’est raccrochée unilatéralement au SME, la BNS n’a jamais évoqué cette possibilité, bien qu’elle aurait probablement pu, par ce biais, éviter d’importantes fluctuations du cours de change, sans devoir pour autant faire face à un taux d’inflation supérieur à celui associé à une politique monétaire autonome, grâce à la politique de stabilité de la Deutsche Bundesbank. Objectif de cours de change – Le 29 septembre 1978, la BNS a annoncé que le cours du DM devait être maintenu bien au-dessus de 80 centimes. Cette décision a certes permis de résoudre la problématique des cours de change, mais a aussi causé l’échec de la politique de la masse monétaire introduite en 1975. Les agrégats monétaires ont ensuite gonflé massivement et l’inflation s’est accélérée avec le décalage usuel, pour atteindre plus de 6 % au début des années 80. Toutes les mesures mentionnées visaient à éviter ou tout au moins à atténuer le conflit d’objectifs résultant du trilemme macroéconomique fondamental. La BNS était surtout attachée à préserver l’autonomie de la politique monétaire, même si la chose n’était pas toujours possible dans les faits – notamment avec un objectif de cours de change. Cet aspect explique au moins en partie la

mollesse souvent observée dans l’application de ces mesures. Il n’est dès lors pas étonnant que les objectifs de politique monétaire n’aient pas été atteints, malgré cet imposant arsenal de mesures, dont la mise à contribution a atteint un pic pendant la crise monétaire de 1978 (ROTH 2009). Dans une analyse critique, l’ancien directeur de la BNS voyait trois raisons principales qui ont fait que ces mesures n’étaient pas adéquates pour enrayer la hausse du franc: – il est impossible de mettre sur pied un dispositif de défense absolument étanche car l’industrie financière possède une capacité d’innovation qui lui permet de toujours trouver un chemin ; – les mesures visaient au premier chef les étrangers, et non les nationaux, ce qui, eu égard à l’excédent chronique de la balance des transactions courantes, n’était pas suffisant pour atténuer la pression à la hausse sur le franc ; – les restrictions à l’importation de capitaux ont poussé le marché du franc suisse à l’étranger, le soustrayant ainsi proprement au contrôle des autorités suisses. C’est dans ce contexte que la BNS a commencé, en 1980, à pratiquer une politique d’« internationalisation contrôlée » du franc suisse. Il faudra ensuite attendre l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la Banque nationale, en 2004, pour que soient levées les restrictions à l’exportation de capitaux.

PISTES DE RÉFLEXION CONCERNANT LA TENDANCE DU FRANC

05 Pistes de réflexion concernant la tendance du franc

Depuis le passage aux changes flottants, en 1973, la valeur réelle du franc pondérée par les échanges extérieurs a grimpé en moyenne d’environ 1 % par an. Cette tendance n’a toutefois pas été continue (fig. 7). Entre 1973 et le milieu des années 90, elle a été nettement plus marquée que par la suite. Le renchérissement tendanciel du franc reflète la position structurellement forte de la Suisse – en comparaison internationale – en termes d’inflation, de l’endettement et du chomage. Cela résulte du surplus chronique de la balance des transactions courantes et du fait que la Suisse a pu élargir son potentiel productif par la nouvelle internationalisation du marché du travail. Pour cela, le renchérissement du franc était supportable pour le secteur exportateur et a entraîné des avantages macroéconomiques considérables, comme le confirme l’amélioration des termes de l’échange réels (cf. KOHLI 2002). Cette tendance a marqué le pas au milieu des années 90, tout comme l’amélioration des

termes de l’échange réels. La corrélation entre l’indice réel du cours de change pondéré par les échanges extérieurs et les termes de l’échange est très étroite. Témoin l’appréciation du franc depuis 2008, qui se manifeste dans une amélioration correspondante des termes de l’échange réels de presque 5 points de pourcentage (fig. 8), après une période de stagnation émaillée d’épisodes de baisse entre 2003 et 2008. Cela dit, la moyenne cache souvent une forte volatilité du cours de change, ainsi que des fluctuations abruptes, lesquelles peuvent peser lourdement sur l’industrie exportatrice, même lorsqu’elle fait montre d’une grande capacité d’adaptation. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si la tendance à un franc fort dominera aussi les années à venir et si les entreprises resteront exposées à une certaine pression à l’adaptation.

Figure 7: Indice réel du cours de change mensuel pondéré par les échanges extérieurs et tendance linéaire; 1973:1 à 2010:11 (Janvier 1999 = 100)
120

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100

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Source : BNS (2011) et calculs des auteurs

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70

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01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 01 07 73 974 976 977 979 980 982 983 985 986 988 989 991 992 994 995 997 998 0 0 0 0 01 0 03 0 04 0 06 0 07 0 09 010 19 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2

LE FRANC FORT: OPTIONS POUR LES ENTREPRISES, LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

En termes nominaux, le cours de change franc-euro a baissé de près de 16 % entre janvier et décembre 2010, passant de 1,4876 à 1,2507. L’euro a atteint son plus bas le 30 décembre 2010, à 1,2433 franc. Dans les premiers jours de la nouvelle année, l’euro s’est légèrement raffermi. En termes réels, l’appréciation du franc vis-à-vis de l’euro s’est néanmoins inscrite à un bon 14,2 % entre janvier et décembre. Sur la même période, la revalorisation nominale du franc vis-à-vis du dollar US a été de 7,1 %, son appréciation réelle se limitant à tout juste 6,5 %. Toujours entre janvier et décembre 2010, l’indice réel du cours de change du franc par rapport à 24 partenaires commerciaux s’est revalorisé de 10,4 %. Actuellement, tous les calculs des parités de pouvoir d’achat donnent le franc comme étant surévalué (LACK 2010). La parité de pouvoir d’achat est définie comme

le cours de change auquel une corbeille comparable de biens et de services coûte le même prix dans les pays considérés (fig. 9). A court terme, ce théorème ne joue aucun rôle sur le marché des changes. A long terme, cependant, les cours de change tendent tout au moins à converger vers un cours d’équilibre théorique (parité de pouvoir d’achat). Or, on ne peut donc en l’état pas simplement miser sur une correction automatique de l’actuelle surévaluation, d’autant qu’il faut compter avec des écarts d’environ 10 % de part et d’autre de la parité. Cela impliquerait par exemple qu’un cours de change nominal d’environ 1,25 franc par euro se situe encore dans la fourchette de fluctuation normale. Sous cet angle la valeur nominale du cours de change (fig. 9) n’est pas loin de celle de la parité du pouvoir d’achat qui suit cette tendance. Dans ce contexte, il faut rappeler que même dans le système de Bretton-Woods des taux d’écart de ± 4% étaient possibles.

Figure 8: Evolution des termes de l’échange réels ; 1980-2009

110

105

100
Source : SECO (2011) et calculs des auteurs

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PISTES DE RÉFLEXION CONCERNANT LA TENDANCE DU FRANC

Personne, pas même Hermès, le dieu des commerçants, ne sait comment les cours de change vont évoluer. Les prévisions ponctuelles fréquemment proposées sont de ce fait peu pertinentes. Mais comme le franc tend à se raffermir lorsque la propension au risque est faible sur les marchés financiers internationaux, une analyse du risque permet tout au moins certaines indications de tendance. Les années à venir seront-elles placées sous le signe du goût du risque ou de l’aversion au risque ? Il n’est pas exclu que, en cas de période prolongée de taux bas, l’aspiration à des rendements plus élevés réoriente rapidement certains investisseurs institutionnels vers des placements plus risqués, à l’image de ce qui s’est passé entre 2003 et 2008. Il est toutefois plus probable que les marchés tendent à rester rétifs aux risques. Le processus de deleveraging, qui correspond à la réduction du bilan des banques, devrait encore

durer quelques années ; les ménages, les entreprises et les pouvoirs publics doivent mettre de l’ordre dans leurs bilans et se heurtent aux limites du financement par le crédit. Les instituts financiers se voient serrer la bride, soumis qu’ils sont à des prescriptions plus sévères en matière de fonds propres et de liquidités, ainsi qu’à une surveillance plus serrée. Les déséquilibres monétaires mondiaux se sont creusés sans que se dessinent jusqu’ici des ajustements, pour ne rien dire d’un nouveau système monétaire mondial stable. La zone euro, tout comme les Etats-Unis, n’est pas à l’abri d’une crise. Dans plus d’une économie émergente, les bulles qui se sont formées sur différents marchés, à l’image de l’immobilier en Chine, menacent d’éclater un jour ou l’autre. Ces développements marqueront l’économie mondiale dans les années à venir et pèseront sur les déséquilibres sur les marchés des biens et les marchés financiers.

Figure 9: Cours de change nominal CHF-EUR, parités de pouvoir d’achat et écarts par rapport à la PPA (1982:1–2010:12)
2.40 15.0

2.20

10.0

2.00

5.0

1.80

0.0

1.60

-5.0

1.40

-10.0
Source : Lack (2010)

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8 19

2

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4

8 19

6

8 19

8

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0

9 19

2

9 19

4

9 19

6

9 19

8

0 20

0

-15.0

0 20

2

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4

0 20

6

0 20

8

1 20

0

Cours de change CHF/EUR (gauche)

Parité de pouvoir d‘achat CHF/EUR (gauche)

Ecarts du cours de change nominal par rapport à la parité en pur cent (droit)

LE FRANC FORT: OPTIONS POUR LES ENTREPRISES, LA POLITIQUE MONÉTAIRE ET LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Parallèlement, la situation particulière de la Suisse en matière budgétaire va perdurer. Il est peu probable que, dans les années à venir, une croissance soutenue vienne accélérer l’assainissement des finances publiques en Europe, aux Etats-Unis et au Japon ; les conséquences de la crise financière mettent un bémol à la croissance et grèvent le marché du travail. On peut dès lors estimer que des facteurs d’influence structurels tenant en dernière analyse aux tendances démographiques (prévoyance vieillesse, santé, baisse du potentiel d’activité) vont peser durablement et de plus en plus lourdement sur les finances publiques. Le problème ne serait qu’aiguisé par de nouveaux paquets de relance, tels qu’ils sont demandés par les milieux politiques et certains milieux scientifiques. Ces tendances sont fondamentalement aussi valables pour la Suisse, même si elle part d’une position plus favorable. Cela dit, un grand nombre d’éléments donnent cependant à penser que l’attrait exercé par le franc et la sécurité qu’offre la Suisse ne vont pas baisser. Peu d’arguments plaident en faveur d’un retournement de tendance durable dans le trend descendant à long terme du dollar US. Cela tient principalement au double mandat de la banque centrale américaine, à la situation précaire des finances publiques et à la volonté de compenser la faiblesse de la conjoncture intérieure par un accroissement des exportations tiré par un dollar bas. Le double mandat oblige le Federal Reserve Board à accorder la même importance au plein-emploi et au maintien de la stabilité des prix. Les années qui viennent seront placées sous le signe de la réduction de la dette, essentiellement du côté des ménages privés. Ce phénomène réduit à la fois la marge de manœuvre pour l’expansion de la consommation privée, laquelle était le moteur de la conjoncture américaine jusqu’à la crise économique et financière, et maintient le taux de chômage à un niveau supérieur à la moyenne, d’autant que les entreprises vont persévérer dans leur stratégie fondée sur la baisse des coûts et les gains de productivité. Il est donc probable que

la banque centrale continue d’injecter généreusement des liquidités dans l’économie et maintiennent les taux bas même si la situation conjoncturelle l’évolution des marchés financiers (formation de bulles) demanderait plutôt une ligne plus restrictive. Ce ne serait pas la première fois que le Federal Reserve Board manque une occasion opportune de retourner sa politique monétaire. Même sans tenir compte des sérieux problèmes que connaît la zone euro, sa politique monétaire devrait être plus expansive que celle de la Banque centrale européenne (BCE), qui est clairement assujettie à l’objectif de la stabilité des prix et prend d’ailleurs cette mission au sérieux. Les perspectives sont plutôt troubles pour les finances publiques américaines, et certaines décisions budgétaires (reconduction des baisses d’impôts, réforme de la santé) ne contribuent pas à la détente, même si on peut estimer qu’elles sont souhaitables dans une perspective à long terme. Cela n’est pas sans conséquences : la pression exercée sur la banque centrale pour qu’elle maintienne à un bas niveau les taux à long terme (afin de faciliter le refinancement de la dette publique et de réduire le coût du crédit pour l’Etat, les ménages et les entreprises) s’accroît (MINSCH et al. 2010). Il est dès lors concevable que la politique d’assouplissement quantitatif soit poursuivie (QE2), bien qu’on ne décèle jusqu’ici aucun effet positif sur le marché du travail. Si la banque centrale cède à la pression, le risque d’anticipation d’une inflation à la hausse s’accroît. Et si, par suite du QE2, les taux longs sont maintenus « artificiellement » à un bas niveau, qui ne reflète ainsi pas correctement les anticipations de l’inflation, le dollar perdra encore plus en attrait auprès des investisseurs soucieux d’un bon rendement et de ceux qui calculent en valeur réelle. La situation est quelque peu différente en Europe. On peut tout à fait partir du principe que les responsables (BCE, commission de l’UE et, surtout, les grands Etats membres que sont l’Allemagne et la France) mettront tout en œuvre pour sauver l’union monétaire, car

PISTES DE RÉFLEXION CONCERNANT LA TENDANCE DU FRANC

«l’euro est depuis plus de 10 ans l’expression la plus visible et la plus omniprésente de l’intégration européenne» (WEBER 2010). Pour sauver la zone euro, il faut qu’elle reste une communauté de stabilité, ce qui requiert toutefois des efforts quasi herculéens. Il faut non seulement une consolidation crédible des finances publiques, une réforme du cadre budgétaire, et plus encore une consolidation du pacte de stabilité et de croissance, mais aussi un mécanisme complémentaire pour maîtriser les difficultés à venir. En l’absence de l’instrument monétaire de la dévaluation, les pays moins concurrentiels et surendettés de la zone euro doivent passer par des réformes structurelles douloureuses, qui touchent des domaines aussi sensibles que les salaires et les rentes. Il est difficile de prédire si tout cela pourra être mis sur les rails en temps utile et si les marchés financiers se laisseront convaincre. On peut voir un point positif dans cette grisaille dans le fait que l’émission en faveur du Fonds européen de stabilité financière (FESF) se déroule de manière satisfaisante et qu’il est même soutenu par des pays extra-européens, comme la Chine et le Japon, dans le cadre de leur stratégie de diversification. Bien que l’on ne devrait pas douter de la volonté politique des pays de la zone euro, force est de compter avec de nouvelles tensions sur les marchés financiers, qui ne resteront pas sans influence sur le franc. Cela tient notamment au fait que, au sein de la zone euro, le développement économique des différents pays sera inégal ces prochains temps, alors que la BCE est tenue d’orienter sa politique monétaire sur les perspectives d’inflation à moyen terme pour l’ensemble de la zone. L’union monétaire a certes écarté les risques monétaires, mais elle a ouvert la porte de la crise du crédit et de la dette à l’arrière-cour (WOLF 2010). Indépendamment de ces aspects, il serait parfaitement déplacé pour la Suisse de spéculer sur l’effondrement de la zone euro ou de s’en réjouir. Il ne nous reste donc pas grand-chose d’autre à faire que de nous préparer au pire, en espérant que les choses iront pour le mieux.

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LES OPTIONS QUI S’OFFRENT AUX ENTREPRISES

06 Les options qui s’offrent aux entreprises
Après l'appréciation du franc suisse, quel avenir pour le profit des entreprises basées en Suisse?

Si le cours du franc devait dépasser nettement les niveaux actuels et continuer de subir une pression durable à la hausse, menaçant ainsi les opportunités qui s’offrent à l’industrie exportatrice sur les marchés, la question des différentes options des entreprises et de la politique monétaire reviendrait au premier plan et se poserait de façon encore plus aiguë. Les entreprises, qui dans une première phase ont dû accepter des marges à la baisse pour conserver leurs volumes et leurs marchés, modifieront leur comportement au fil du temps. Elles remarqueront que le financement d’investissements visant à abaisser les coûts ou à accroître la productivité sera compromis par des pertes de revenus et que leur compétitivité vis-à-vis de leurs concurrents étrangers est menacée. Dans ce contexte, elles peuvent essayer de réduire les coûts grâce à la baisse relative du coût des importations liée à la fermeté du franc, étant précisé que le potentiel d’économies varie d’une entreprise et d’une branche à l’autre. Elles peuvent en appeler à la sagesse et à la «disposition au sacrifice» du personnel et des syndicats, et obtenir des concessions en matière salariale. Elles peuvent supprimer des emplois et continuer de diversifier leurs fournisseurs. Il se peut que ces stratégies soient gagnantes durant un temps. Mais elles se heurtent à leurs limites en cas de cherté prolongée du franc, et des mesures plus radicales comme des délocalisations de la production à l’étranger risquent d’être envisagées. Aujourd’hui déjà, un grand nombre d’entreprises sont déjà à ce stade de la réflexion. Deux arguments plaident pour un attrait accru de ce genre de stratégie. Premièrement, il convient de relativiser l’idée selon laquelle l’industrie suisse, grâce à son aptitude à créer de la valeur et à sa production de niche (biens de haute technologie) serait à même d’éviter constamment les désavantages compétitifs liés au cours de change. Sur le fond, le principe est toujours vrai ; mais cet atout ne doit

pas être surestimé ni surexploité eu égard aux énormes progrès réalisés par les économies émergentes dans le sens d’un accroissement de la valeur ajoutée. Dans le sillage des entreprises conjointes favorisées par la mondialisation, le transfert de savoir-faire des anciens pays industriels vers les marchés émergents s’accélère. Dans ces économies émergentes, les spécialistes des départements R&D se forment dans les universités et les hautes écoles techniques phares du monde occidental. Sous l’influence de ces développements, l’avance technologique des Etats industriels classiques se réduit comme peau de chagrin, d’autant que les régions émergentes peuvent encore compter sur des avantages en termes de coûts, même si l’écart s’est réduit au cours des deux dernières décennies et qu’il continuera de s’amenuiser. La concurrence s’accroît donc aussi dans le domaine des hautes technologies, qui faisait jusqu’ici office de bouclier contre les poussées abruptes du franc. Deuxièmement, de nombreux Etats – dont notamment certains pays émergents – ont accru l’attrait de leur place économique. Ce fait ressort de l’enquête annuelle de l’International Finance Corporation (IFC), une filiale de la Banque mondiale (IFC 2010). On peut émettre la réserve que l’enquête ne couvre pas tous les déterminants des décisions d’investissement. Le classement ne tient par exemple pas compte de la stabilité macroéconomique du pays, du niveau de formation de la population, de la qualité des infrastructures ou du risque de corruption. Néanmoins, l’analyse montre sans ambiguïté que la concurrence entre les places économiques s’intensifie sur tous les continents. Dans son rapport Doing Business 2010, l’IFC signale qu’un vent de réforme souffle sur les économies nationales à bas ou moyen revenu. Dans toutes les régions du monde, il est devenu plus simple d’implanter une entreprise. Les prescriptions régissant les transferts de bénéfices ont été assouplies et les investissements consentis dans la formation ont relevé le niveau de qualification de la maind’œuvre. La charge administrative liée à la fondation

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ou à la fermeture d’une entreprise a été réduite. Des marchés du travail auparavant rigides ont été déréglementés, la sécurité du droit pour les investisseurs, améliorée. Tous ces développements concourent à rendre les délocalisations de la production plus attrayantes. Il n’est dès lors pas étonnant qu’une enquête récente mette les marchés émergents au premier rang lorsqu’il s’agit de choisir un site industriel (DELOITTE 2010). On est en droit de penser que les entreprises suisses ne se privent pas de saisir ce genre d’opportunités, et non seulement en raison du cours de change. Mais la cherté du franc vient probablement comme un argument fort à l’appui d’autres motifs, comme la dimension des marchés vendeurs, la croissance des revenus des ménages, la proximité avec les clients, l’ouverture aux technologies modernes, etc. Même si les représentants de l’industrie suisse ont jusqu’ici fait preuve d’une certaine sérénité vis-à-vis de la montée du franc, ils mentionnent de plus en plus la délocalisation comme une option réaliste. D’un autre côté, force est aussi de constater que les entreprises suisses se sont fortement immunisées contre les fluctuations brutales du cours de change, surtout depuis le milieu des années 90. Des analyses économétriques montrent à tout le moins que la sensibilité aux cours de change reste certes élevée, mais qu’elle a baissé. S’ajoute à cela que les exportations de la zone euro – du fait du bas niveau de la monnaie européenne – profitent fortement de la configuration actuelle non seulement vis-à-vis du franc suisse, mais encore d’autres monnaies. Comme un grand nombre d’entreprises sont fournisseurs de prestations intermédiaires pour la zone euro, elles profitent indirectement de sa faiblesse relative. Cet aspect est un des facteurs essentiels de la bonne tenue du commerce extérieur suisse, dont les chiffres dépassent actuellement les attentes. Reste que l’histoire nous apprend qu’une désindustrialisation supérieure à la tendance et commandée par des fluctuations des cours de change est en règle générale

irréversible. Autrement dit, les activités industrielles n’ont pas été rapatriées en Suisse lorsque le franc est par la suite retombé à un niveau plus bas. De ce point de vue, la réaction des entreprises est intrinsèquement asymétrique.

LES OPTIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUE MONÉTAIRE

07 Les options en matière de politique monétaire

A plusieurs reprises, la BNS a eu l’occasion de constater qu’elle n’était pas à même d’enrayer une appréciation du franc, même au prix d’interventions massives sur le marché des changes. Forte de cette expérience, elle devrait s’abstenir de reconduire cette politique. Si son objectif est de ne pas perdre son autonomie – même à titre temporaire – elle laissera flotter le franc sans intervenir sur le marché par l’achat de devises, pour donner la préférence à une politique monétaire autonome avec libre circulation des capitaux par rapport à l’option de la stabilisation des cours de change. En cas de poussée du franc forte et prolongée à la hausse, cette option va de pair avec un risque considérable d’éclosion de ten6

entend mettre en œuvre pour atteindre l’objectif de la stabilité, ce qui revient à dire qu’elle peut aussi décider par elle-même de renoncer à son autonomie si cette option devait paraître indiquée dans l’«intérêt général» du pays. L’autonomie de la politique monétaire n’est pas un but en soi, mais un moyen pour réaliser l’objectif de la stabilité des prix. Les arguments classiques qui plaident en faveur d’une politique monétaire autonome sont les suivants : 1. La politique monétaire peut être orientée en fonction des besoins de l’économie suisse ; elle est le pendant de l’indépendance de l’Etat en matière budgétaire et conjoncturelle. 2. Les taux d’intérêt bas sur le franc constituent un avantage pour l’économie exportatrice, les propriétaires immobiliers et les pouvoirs publics. Les coûts d’ajustement nécessités par un relèvement des taux suisses au niveau européen seraient élevés. 3. Les perspectives de la zone euro sont incertaines. Il s’ensuit que la grande volatilité de l’euro est inhabituellement préoccupante. 4. Les économies de la Suisse et de la zone euro ne suivent pas forcément un développement parallèle, raison pour laquelle l’application des instruments de la politique monétaire exige un degré élevé de flexibilité. 5. La politique monétaire menée dans la zone euro est compliquée par la forte disparité des taux de croissance des pays qui la composent et ne s’appuie de ce fait pas sur des conditions optimales. L’examen de ces arguments appelle les remarques suivantes : Ad 1. L’argument est tendanciellement pertinent. Toutefois, avec la mondialisation de l’économie réelle et des marchés financiers, la nécessité de réagir aux mesures étrangères s’accroît. La BNS est de plus en plus étroitement intégrée à un environnement international (cf. crise financière). La tendance est aussi

dances récessives et déflationnistes et de dévalorisation du potentiel de production qui lui est associée, du fait de la non-utilisation ou de la réduction des facteurs de production et de l’absence d’investissements. Les avantages et les inconvénients d’une politique monétaire autonome dans le contexte d’une forte poussée à la hausse du franc font actuellement l’objet d’un intense débat. La discussion n’est pas à l’abri des malentendus et des interprétations erronées. Certains commentateurs voient dans une politique monétaire autonome la mission suprême de la Banque nationale. Ils font toutefois fausse route. L’article 99 de la Constitution fédérale dispose: «En sa qualité de banque centrale indépendante, la Banque nationale suisse mène une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays; …». Et l’article 5, alinéa 1, de la loi sur la Banque nationale concrétise le mandat constitutionnel en ces termes: «La Banque nationale conduit la politique monétaire dans l’intérêt général du pays. Elle assure la stabilité des prix. Ce faisant, elle tient compte de l’évolution de la conjoncture.»6 La stabilité des prix (« stabilité du niveau des prix » serait préférable), est menacée par des tendances aussi bien inflationnistes que déflationnistes. La BNS est libre dans le choix des stratégies et des instruments qu’elle

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valable pour les décisions d’ordre monétaire. Les dernières années le confirment d’ailleurs : la BNS n’a plus guère pris de mesures essentielles de manière autonome, même si la situation de l’économie réelle était particulière. La Suisse a été moins touchée que la moyenne par la crise économique et financière et on peut se demander si les « besoins de l’économie suisse » n’auraient pas exigé une politique monétaire moins expansive. Ad 2. Certes, des taux bas représentent en principe un avantage pour les débiteurs. Mais il faut aussi voir l’autre face du différentiel de taux d’intérêt (le «bonus d’intérêt» sur le franc), notamment dans le contexte de taux extrêmement bas : mauvaises allocations, risques de surchauffe sur le marché immobilier, risques inflationnistes sur le long terme, faible rendement nominal des intérêts pour les créanciers, à commencer par les caisses de pension et les assureurs, qui sont tributaires d’un certain niveau de rendement. Par ailleurs, l’argument des coûts élevés d’ajustement doit être relativisé dans un contexte de taux minimaux. Il s’agirait d’une poussée unique. Et les coûts plus élevés pour les débiteurs sont à mettre en balance avec l’augmentation des rendements pour les créanciers. Il ne faut toutefois pas sous-estimer les coûts de l’adaptation sur les marchés immobiliers, sur lesquels un niveau élevé des taux entraînerait des pertes patrimoniales pour les propriétaires immobiliers. Ad 3. Les perspectives de la zone euro se sont sans aucun doute assombries dans la foulée des graves problèmes budgétaires rencontrés par quelques pays de l’Euroland, même s’il ne faut guère s’attendre à la sortie de certains pays ni à un effondrement de la zone euro. Ad 4. L’argument est pertinent pour la zone euro prise dans son ensemble, mais moins pour l’Allemagne, qui est le principal partenaire commercial de la Suisse et la plus grande économie de l’UE.

Ad 5. C’est là le problème fondamental de toute union monétaire. La politique monétaire de la BCE s’applique à l’ensemble de la zone euro. Autrement dit, elle peut être trop expansive pour certains pays, et trop restrictive pour d’autres. C’est là un fait connu depuis la fondation de la zone euro, mais les milieux politiques ne voulaient pas le voir. Une union monétaire a besoin d’une politique budgétaire commune. Or, pour l’heure, aucun Etat de l’Euroland ne semble vraiment disposé à déléguer de réelles compétences fiscales et budgétaires à Bruxelles. Malgré ces relativisations, la théorie de la monnaie et l’expérience montrent qu’un régime de changes flottants avec la libre circulation des capitaux et une politique monétaire autonome donne les meilleurs résultats sous l’angle de la stabilité. Cette constellation permet de tenir compte au mieux du différent niveau de performance des économies et de leur positionnement inégal dans le cycle conjoncturel; c’est donc à raison qu’on le considère comme un système efficace, qu’il ne faut pas mettre en jeu à la légère. Il ne faut toutefois pas exclure pour autant qu’une pression massive à la hausse ait directement et indirectement des effets déflationnistes et mette ainsi en péril la stabilité du niveau des prix. Directement, par l’effet baissier sur les prix de la réduction du coût des importations ; indirectement, par une forte perte de compétitivité internationale et les tendances récessives qui s’ensuivent, accompagnées d’une chute de la demande générale et de l’emploi. C’est surtout ce dernier phénomène qui risque d’enclencher un mouvement déflationniste, avec un impact potentiel sur le niveau des salaires nominaux. Relativement fiables, les indicateurs à prendre en compte ici sont une montée massive du chômage, notamment de la main-d’œuvre hautement qualifiée, bien au-delà des plus hauts observés jusqu’ici, ainsi qu’un fort recul du PIB réel s’étalant sur plusieurs trimestres.

LES OPTIONS EN MATIÈRE DE POLITIQUE MONÉTAIRE

Il est important de préciser ce que nous entendons par processus déflationniste. Il ne s’agit pas d’un tassement temporaire du niveau des prix à la consommation, surtout lorsque le recul est dû à seul produit (le pétrole, p. ex.) ou lorsque la baisse des prix tient à des gains de productivité (dans le commerce de détail, p. ex.). Un processus déflationniste est la résultante de plusieurs facteurs: retenue des entreprises en matière d’investissements consécutive à des baisses de bénéfices et des anticipations négatives sur les profits, retenue des ménages en matière de consommation dans l’attente d’une baisse des prix à la consommation et par crainte d’un recul des salaires et de l’emploi, fléchissement des exportations, contraction de la demande de crédit découlant de la charge réelle élevée pesant sur les débiteurs. Un tel processus risque de déboucher sur un changement structurel non souhaité, déclenché par des fluctuations excessives des cours de change, et non par des ressorts de l’économie réelle. Ce changement se caractérise par la sous-utilisation des facteurs de production, la frilosité des investisseurs, le vieillissement de l’appareil de production, la perte de savoir et de compétences et, ainsi, la dégradation de la qualité du site et de sa compétitivité internationale. L’érosion de la base industrielle fait aussi perdre au pays de son attractivité pour les services et la recherche. Dans un scénario de ce type, la politique monétaire autonome touche à ses limites, surtout lorsque les taux sont déjà très bas. Les tendances récessives et déflationnistes seraient renforcées par la conjonction d’une poussée massive à l’appréciation du franc et d’une chute de la conjoncture internationale. Dans ce contexte, l’évaluation d’autres stratégies que celle du maintien d’un régime de changes flottants est dès lors légitime. Avec des marchés financiers mondialisés, les régimes de contrôle des mouvements de capitaux mis en place unilatéralement sont pratiquement sans effet. Des inter-

ventions comme les allégements d’impôt et les subventions pour les industries particulièrement touchées par l’appréciation de la monnaie nationale faussent la concurrence et ne sont pas défendables dans une optique libérale. En tout état de cause, les expériences réalisées dans d’autres pays montrent que cette voie n’est pas prometteuse. S’ajoute à cela pour la Suisse que le franc est précisément une monnaie importante traitée sur les marchés internationaux (on estime qu’environ 60 % du marché du franc se situe à l’étranger). En revanche, la fixation temporaire d’un plancher de cours de change de l’euro vis-à-vis du franc – l’euro est la principale devise pour les échanges extérieurs de la Suisse – pourrait entraîner une détente. Ce plancher devrait être défendu avec résolution par la Banque nationale. Il va sans dire qu’une telle politique n’est pas exempte de risques. En suivant cette voie, il est probable que la BNS doive soutenir sa détermination par des achats massifs de devises – ce qui revient à un gonflement de la masse monétaire – et accepter un relèvement des taux à court terme.7 Quant au potentiel d’inflation qui résulte de ce genre d’intervention, il peut certes être désamorcé, mais guère complètement éliminé. Enfin, lorsque les circonstances permettent le retour à une politique monétaire autonome, il est difficile de définir une stratégie de sortie et de la mettre en œuvre de manière crédible. Il s’ensuit que cette politique exige de grandes qualités de communication de la part de la BNS pour convaincre de la crédibilité de son action. Mais elle désamorce le risque encore plus grave d’une trappe déflationniste et pare au risque d’un régime de contrôle des mouvements de capitaux qui poserait problème à notre ordre économique libéral. En même temps, elle fait taire les voix qui demandent pour le secteur d’exportation des subventions tout aussi problématiques. Enfin, cette politique permet à la BNS de respecter son mandat, qui lui impose de tenir compte de l’évolution de la conjoncture.

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Nous sommes convaincus que le risque d’une glissade dans une spirale déflationniste est actuellement bas en Suisse et que le passage à un régime de changes fixes n’est pas indiqué en l’état. Le niveau des prix monte de manière mesurée, la croissance des exportations ralentit tout en conservant un taux plus qu’honorable –, les facteurs de production sont bien exploités, et il ne saurait être question d’une pression générale sur les salaires. Les signaux d’alerte pointent le risque d’inflation. Mais cela peut changer pour peu que la crise s’aggrave au sein de la zone euro et que les déséquilibres de l’économie mondiale soient perçus comme une menace, entraînant une accélération de la fuite vers le franc. Dans ce cas, la BNS doit pouvoir mettre en œuvre des stratégies alternatives, en toute indépendance. En guise de synthèse des présentes réflexions, nous retiendrons ceci: Une banque centrale, avec une mission claire, dans l’intérêt des attentes doit être sûre et prévisible. Elle doit dès lors communiquer ses objectifs avec clareté. La politique monétaire ne peut pas être un champ expérimental. Un grand nombre d’arguments plaident pour le maintien de la politique monétaire autonome de la BNS, même si son importance doit être relativisée un peu au regard de l’expérience des dernières années et des tendances mondiales. Parmi les raisons principales qui motivent cette position, il convient de citer les incertitudes qui pèsent sur la zone euro et, du même coup, sur les perspectives de la BCE. Il est cependant important que la politique monétaire mette aussi son indépendance à l’épreuve, par exemple en évitant les asymétries, en appliquant systématiquement des instruments qui ne provoquent pas de distorsion sur le marché et qui ont fait leurs preuves, ainsi qu’en réduisant en temps utile les liquidités excédentaires,8 quand bien même d’autres banques centrales remettent sans cesse cette mesure à des jours «meilleurs». Dans le scénario du pire, l’appréciation du franc peut toutefois prendre un rythme et une proportion tels qu’ils

mettent en péril des pans entiers de l’économie, entraînant une chute de l’emploi et de l’investissement et, dans la foulée, risquant de porter atteinte à long terme au potentiel de l’économie suisse. Mais cet état de crise n’est à nos yeux pas d’actualité en Suisse.

MESURES À PRENDRE AU NIVEAU DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

08 Mesures à prendre au niveau de la politique économique

Il est certes vrai que la politique monétaire la BNS a un rôle tout à fait particulier à jouer dans la situation actuelle. Cela ne veut toutefois pas dire que la politique économique peut rester au point mort. Au contraire : une politique économique convaincante, qui passe par des finances publiques saines, un système fiscal favorable à l’innovation et à l’investissement, des marchés du travail et des produits ouverts, une infrastructure performante, un système d’éducation et de formation de premier ordre et un cadre réglementaire peu onéreux est plus nécessaire que jamais, étant donné que les entreprises suisses doivent pouvoir faire face aux chocs exogènes qui sont loin d’être exclus dans les temps à venir. Les entreprises qui vont de l’avant doivent plus que jamais pouvoir compter sur un cadre fiable. Dans l’intérêt du renforcement du potentiel de croissance économique, l’ajustement des conditions-cadre doit être placé dans la ligne de mire de la politique économique. Il est singulier que, dans des situations comme celle que nous connaissons aujourd’hui, les appels aux subventions, aux interventions protectionnistes et dirigistes voire à une politique industrielle de l’Etat résonnent toujours plus fort que les voix de ceux qui demandent un cadre dynamique. Les exemples à l’étranger montrent à foison ce qu’il advient lorsque l’Etat se détourne d’une politique d’essence libérale offrant un cadre général favorable à l’activité économique, pour embrasser une politique de nature interventionniste. Il s’ensuit qu’une contribution importante de la politique économique devrait consister à continuer d’optimiser les conditions générales et de mener une politique orientée sur la croissance. Il faudrait en tout état de cause se détourner définitivement des allégements fiscaux ou autres subventions en faveur de certaines branches économiques, car elles faussent la concurrence. Enfin, il convient aussi de rappeler que la Suisse n’est pas constituée uniquement d’entreprises exportatrices, mais aussi et surtout de consommateurs. Ces derniers ne seraient pas mécontents de voir répercutés sur leur panier les

avantages en termes de prix liés au cours de change, ce qui, là encore, peut être réalisé au mieux par une optimisation du cadre et des conditions de concurrence. La simplification des importations parallèles, l’abaissement des barrières entravant l’accès au marché et d’autres démarches visant l’ouverture au commerce international seraient autant de mesures appropriées pour ce faire.

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Notes finales

1. Ce consensus s’appuie notamment sur la conviction qu’il est meilleur de laisser éclater ces bulles pour ensuite lutter contre leurs conséquences par une politique monétaire expansive. Dans le même ordre d’idée, il convient aussi de mentionner la représentation attribuant un rôle stabilisateur à la titrisation sur les marchés du crédit et à la relation complémentaire entre la stabilité des prix et celle des marchés financiers. 2 Concernant le QE, cf. BISCHOFBERGER et al. (2009), et en particulier BUITER (2009). 3 A la suite de l’effondrement du marché interbancaire et de la reprise de sa fonction par la BNS, la monnaie centrale a doublé par la force des choses, puisque la BNS agit alors directement en qualité d’intermédiaire et attribue des liquidités aux banques d’affaires. En cas de fonctionnement normal du marché interbancaire, les prêts de banque à banque se font sans participation de la BNS. Au cours de la crise des marchés financiers, la monnaie centrale a dans les faits presque triplé en Suisse. 4 On ne peut pas proprement dit parler de stérilisation dans ce contexte, vu que celle-ci aurait des effets limités à la monnaie centrale. Cela dit, on observe des analogies quant au principe. 5 L’augmentation du volume de francs détenus par le public fait aussi profiter la BNS de gains de seigneuriage correspondants. 6 Il convient d’opérer ici une distinction entre deux acceptions de la notion de « politique monétaire autonome » : suivant le mandat constitutionnel, l’autonomie désigne l’indépendance des autorités monétaires par rapport aux pressions politiques. Dans ce sens, les autorités monétaires conduisent leur politique sans instructions des autorités politiques. Dans les pages qui suivent, l’autonomie de la BNS doit toutefois être comprise comme la conduite autonome de la politique monétaire, compte tenu du trilemme macroéconomique fondamental. 7 L’argument selon lequel un objectif de cours de change réduirait à néant le bonus d’intérêt de la Suisse doit toutefois être relativisé, précisément eu égard aux plus bas atteints par les taux dans plusieurs pays de la zone euro. 8 Par exemple via le relèvement du taux minimal de réserves imposé aux banques commerciales.

INDICATIONS LITTÉRAIRES

Bibliographie

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...A business undertaking is an organisation which is engaged in some industrial or commercial activity. It represents an institutional arrangement for carrying on any kind of business activity. It may be owned and controlled by a single individual or by a group of individuals who have entered into a formal or informal agreement to jointly conduct the business. Every business undertaking is a separate and distinct business unit. It has its own identity and separate ownership. It can be distinguished from other undertakings on the basis of its ownership, management and control. According to Wheeler, a business undertaking is a concern, company or enterprise which buys and sells, is owned by one person or a group of persons and is managed under a specific set of operating policies". Thus, a business undertaking may be defined as an organisation operating under separate ownership, management and control and carrying on any business activity with independent risk- bearing. All business undertakings are directly or indirectly engaged in the transfer or exchange of goods and services for value. They deal in goods and services on a regular basis. Their main motive is to earn profits and they are exposed to various types of risks. Characteristics of a Business Undertaking The basic features of a business undertaking are as follows: 1. Separate identity: Every business undertaking has a separate identity. It has a distinct name and separate existence. Its assets and liabilities are...

Words: 1147 - Pages: 5

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...Gerri Bednarcyk Ch 1 Assign - Business Now: Change is the Only Constant Respond to these questions in a Word document. You do not have to include the question, but make sure to number the response.  You need to use complete sentences and correct grammar.  Once you have answered all the questions, save it as Chapter 1 – [your name] and upload it as an attachment. Watch the lecture video:  Make sure you have read Chapter 1 and have posted in the discussion forum. 1. What factors contribute to the rapid pace of change in business? Is the pace likely to accelerate or decrease over the next decade? Why? The factors that contribute to the rapid pace of change in business are Human Resources, Capital, Natural Resources, Entrepreneurship, and Technology. The factors are more than likely to increase because all factors listed are increasing at a fast pace. I feel that factors are increasing because they are definitely in high demand at this time in our economy. 2. Explain the term "business".  A business is any organization or activity that provides goods and services in an effort to earn a profit. Businesses are leading in capitalist economies, where most of them are privately owned and ran to earn profit to increase the wealth of their owners. Businesses may also be not-for-profit or state-owned 3. Explain the role of business in the economy. The economies of the country depends upon the employment provided by big and small businesses and produces the goods and provide...

Words: 908 - Pages: 4

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...The Business Enterprise 1.) Discuss the common elements described in the theories/philosophies of Case, Kouzes, and Drucker including how their principles/strategies relate to the new definition of entrepreneurial leadership presented in Understanding Entrepreneurial Leadership in today’s Dynamic Markets. Case, Kouzes and Drucker each have good theories and philosophies on entrepreneurship and leadership. Each had different ways of stating what they thought made a good entrepreneur but for the most part focus on some of the same things and agreed that with the right balance of these characteristics then succeeding, as an entrepreneur would be possible. One of the common elements that each focused on was people. Interaction with people is important when it comes to entrepreneurship and leadership skills according to Case, Kouzes, and Drucker. Each inferred that if a person does not have people skills, then the person would not succeed as an entrepreneur or a leader. People skills would be the ability to motivate others and interact. A leader cannot lead without being able to interact with people. Starting a business requires interaction with people on some level. Another common element that they all thought were important was not being afraid to take risk. Taking a risk in order to monopolize an industry to succeed is important. The definition of entrepreneurial leadership is one of an enterprising, transformational leader who operates in a dynamic...

Words: 1383 - Pages: 6

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...Business communication can take many forms, written and verbal. It can be between managers and employees within a company, or between a company and its customers, partners or suppliers. The purpose of business communication also varies, but it should always benefit your business. When carried out effectively, business communication can build your company's reputation, resolve and prevent conflicts, and contribute to strong relationships between your company, its customers and the business community. Build Customer Relationships Few businesses would grow or even survive without the benefits gained through marketing communications. You can take advantage of the wide variety of media available to let the public know about your products or services. Use business communications to establish your company as an authority or thought leader in your industry. Offer a white paper or online articles that discuss common problems business owners face and present your company's solution. A weekly or monthly newsletter to your prospects or established customers will help build trust by providing helpful tips and information. Occasionally sending out a direct mail or email survey will help you get to know your customers and better fill their needs. Freely sharing your expertise and gathering feedback from your customers will help you build a strong relationship with your customer base, and establish your company as a trusted expert in your industry. Motivate Team Good communication...

Words: 763 - Pages: 4

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...ecutive Summary The New Australian Company is a new red wine brand that will be introduced in Singapore. The brand is a unique and high quality red wine brand that meets the growing preference of consumers. It will be distributed to several hotels, restaurants, supermarkets, and wine boutiques/shops that are located in the commercial business districts of the city-state. The brand is managed and owned by a group of wine-lover businessmen who have tremendous experienced in business administration, marketing and sales management and customer service. The owners are now looking for additional investments in order to capitalize the project well. The company has already made several negotiations with successful business distributors in Singapore. The company is confident to compete with many large distributors because it is closely working with top-notch suppliers and manufacturers who are known as wine experts or cellar masters. The target market is the Generation Y or the millennial because it is 77 percent of the population. This group also consumes wines at a faster and higher rate. The sales forecasts for the New Australian Company begin with $700,000 for the first year, and this will increase to 50 percent ($1, 050,000) in the second year, and 60 percent ($1,680,000) in the third year of operation. The company will be expecting a profit margin of 30-40 percent, and at least 25 percent return of investment in the first operational year. The company wants to change...

Words: 1216 - Pages: 5

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...Recording Transactions Keeping business records accurate and up to date is important for the smooth running of a business. The business owner must record all of the money coming into the business from successful sales of the product and all of the money going out, such as expenses including money owed for storage, wages that are paid and money to purchase the stock. If a business fails to do this it may find itself not chasing payments, forgetting to pay bills or, even in trouble with HM Revenue and Customs. If the business does not record its transactions correctly, it cannot report its financial performance accurately and therefore tax payments may be wrong. By recording the sales made, the business owner is given a clear indication of what’s popular and so it becomes clear what products should have increased stock or altered price. In your case, it is very important that you monitor your sales as a new business will most likely not make any profit straight away, so it’s vital to record your transactions so you are able to at least breakeven until more customers become aware of your business and you can start to make a profit. Furthermore, since you have negotiated a one month credit with a supplier, it is important to record your transactions so you know that you can repay the supplier after the month has passed and avoid any consequences. It would be beneficial to you if you could keep your credit supply as then you will have money coming in from your customers to then...

Words: 274 - Pages: 2

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...The United States exists in a capitalistic economy meaning that private enterprise is based on fair competition, economic freedom, and private ownership therefore; business is the heartbeat of our economy. Everything from manufacturing, health care, sales, and agriculture involves business in some way. Businesses provide jobs and produce goods and services that we depend on every day (What Role Does Business Play in Our Economy..?). They pay state and federal taxes to the government on their services provided. The taxes paid by businesses and the people employed by them allow the government to function. Looking at businesses in this way you can clearly see that business is a pivotal part of the economy. Within our economy two types of business organizations exist: for-profit and nonprofit. A for-profit organization will produce goods or services in the hopes of making revenue off its products. Most organizations you think of today are probably a for-profit establishment. Organizations that are classified as not-for-profit or nonprofit often operate under the guise of the emotional appeal of compassion but can also become major economic engines. They are business like establishments but unlike a for-profit business, their primary goals do not include making monetary profits. For profit businesses operate to generate revenue under the idea to have more profit than loss at the end of the day. Unlike for- profit businesses, nonprofits are organizations that are classified...

Words: 1532 - Pages: 7

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...Module-16 The role of business in The economy: M arkets and coMMerce TEACHER’S GUIDE P. 487 P. 491 P. 492 P. 492 P. 493 P. 496 P. 497 P. 501 Defined Content standards Materials Procedure Lesson outline Closure Assessment Overheads VISUAlS N Visuals for overhead projector. Copy to transparent paper for overhead. P. 502 NVisual-1: Market defined P. 503 NVisual-2: Business defined lESSonS 2 Copy and handout to students. P. 506 P. 513 P. 518 P. 522 2Lesson-I: I, Pencil 2Lesson-II: Specializing in production 2Lesson-III: Wal-Mart 2Lesson assessment the role of business in the econoMy Markets and coMMerce Module-16 Teacher DEFInED A market is a social arrangement that allows buyers and sellers to discover information and complete voluntary exchanges of goods and services. commerce consists of trading something of economic value such as a good, service, information, or money between two entities. business is the management and coordination of people and resources to accomplish particular production goals, usually for the purpose of making profit. business, commerce, and markets create many benefits for consumers, and as a result of business, commerce, and markets in the economy, consumers experience an increased standard of living. businesses obtain resources such as labor and equipment, and businesses specialize in the production of particular goods and services. As a result of business in the economy, the variety...

Words: 9175 - Pages: 37

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...offer the bases in preparing, presenting and displaying even in interpreting general-purpose financial statements. There are some important accounting concepts that support the readiness and preparation of any accounting arrangement or financial statements such as Going Concern Concept, Consistency Concept, Prudence Concept, and Accruals Concepts. For example, Going Concern Concept is a company or organizations will not be going to bankrupt unless there have a confirmation and evidence to the contrary and this is supported by accountants. Purpose of Accounting Conventions An accounting convention refer to regular and common practices which are all around followed in recording and exhibiting accounting data and information of the business entity. They are taken after like traditions, convention, and so forth in a general public. Accounting conventions are evolved through the normal and consistent practice throughout the years to encourage uniform recording in the books of accounts. Accounting conventions help in contrasting accounting information of various specialty units or of the same unit for various...

Words: 645 - Pages: 3

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...cover cover next page > Cover Business, Management and Finance Small Business; Entrepreneurship title author publisher isbn10 | asin print isbn13 ebook isbn13 language subject publication date lcc ddc subject : : : : : : : Entrepreneurship and Small Business Burns, Paul. 0333914732 9780333914731 9781403917102 : : : : cover next page > file:///Z|/_==%CF%CE%C8%D1%CA==/Entrepreneurship%.../0333914732__gigle.ws/0333914732/files/cover.html [06.10.2009 1:01:58] page_i < previous page page_i next page > page_i next page > Page i Entrepreneurship and Small Business < previous page file:///Z|/_==%CF%CE%C8%D1%CA==/Entrepreneurship%...0333914732__gigle.ws/0333914732/files/page_i.html [06.10.2009 1:02:00] page_ii < previous page page_ii next page > page_ii next page > Page ii < previous page file:///Z|/_==%CF%CE%C8%D1%CA==/Entrepreneurship%2...0333914732__gigle.ws/0333914732/files/page_ii.html [06.10.2009 1:02:00] page_iii < previous page page_iii next page > page_iii next page > Page iii Entrepreneurship and Small Business Paul Burns < previous page file:///Z|/_==%CF%CE%C8%D1%CA==/Entrepreneurship%2...333914732__gigle.ws/0333914732/files/page_iii.html [06.10.2009 1:02:00] page_iv < previous page page_iv next page > Page iv © Paul Burns 2001 All rights reserved. No reproduction, copy or transmission of this publication may be...

Words: 182024 - Pages: 729

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...CHANGING CLOTHES. CHANGING CONVENTIONAL WISDOM. CHANGING THE WORLD. Fast Retailing has the conviction and vision to face the challenge of creating a better world. PARIS Valerie Dassier, Head of E-Commerce and Customer Care, Comptoire des Cottonniers and Princess Tam Tam To become a leader, it’s not enough to do it a little bit better. Great leaders see a different reality. LONDON Kate Pierre, Store Manager, Uniqlo UK We are going to be the number one casual clothes company in the world. And we will look to our managers in the company to take on bigger roles in their local countries and abroad. MOSCOW Aleksandr Kurchatov, Store Manager, Uniqlo Your attitude and your smile go a long way. My philosophy is to give people the chance to smile and they will open up. NEW YORK Jennifer Parker, VP Store Management, Theory, NY More than any other retailer, FR empowers people to be the CEOs of their own four walls. They put the onus on the store manager to change themselves and make it the most important role. SAN FRANCISCO Daisuke Tsukakoshi, Director West Coast, Uniqlo USA In the U.S., the home of casual clothing, competition is fierce. We’ll need people who are willing to play major roles in opening up this effort. SHANGHAI Joanne Lam, Merchandising Director, Uniqlo, Hong Kong and Mainland China I always admired Coco Channel as a kid. She turned around the whole fashion industry of her time. I want to work in a big company that is prepared to make that...

Words: 6333 - Pages: 26