La IVe République, qui devait incarner le retour à la démocratie et à la légalité républicaine, ne dure que douze années. Marquée par des problèmes de fonctionnement institutionnels, elle ne résiste pas aux conflits liés à la décolonisation, en particulier à la guerre d'Algérie.
La crise de mai 1958 provoque une refonte de la constitution et la mise en place d'un nouveau régime conçu par et pour De Gaulle. La nouvelle constitution rompt de manière profonde avec la précédente et conduit à de nouveaux équilibres des pouvoirs.
1. D'une république à l'autre : l'année 1958
a. Les difficultés de la IVe République
Installée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la IVe République doit rompre avec le passé peu glorieux du régime de Vichy.
Pour insister sur cette rupture avec le régime autoritaire du maréchal Pétain, la constitution de 1946 offre au pouvoir législatif une place centrale. Le Parlement, qui comprend l'Assemblée nationale et le Conseil de la République, est le pilier du régime. Il procède à l'élection du président de la République. Celui-ci n'a qu'un rôle secondaire. Il désigne le Président du Conseil, c'est-à-dire le chef du gouvernement, mais ce dernier, pour pouvoir former son gouvernement, doit être investi par l'Assemblée nationale. Ce point explique en grande partie la fragilité du régime et ses dysfonctionnements.
De nombreux partis politiques sont représentés à l'Assemblée, ils sont souvent divisés. Un gouvernement, pour être constitué, doit reposer sur une coalition, c'est-à-dire une alliance entre partis permettant de former une majorité. Ces alliances ont beaucoup de mal à rester soudées dès lors qu'un dossier sensible est abordé. Au moindre désaccord, les coalitions explosent, provoquant la chute du gouvernement. La question de la décolonisation va ainsi renforcer l'instabilité ministérielle.
b. La crise du 13 mai 1958
Le contexte de la guerre d'Algérie précipite la chute de la IVe République (voir fiche La guerre d'Algérie). Le 13 mai 1958, une manifestation est organisée par les colons à Alger. Ils tiennent à honorer la mémoire des soldats français tués par le FLN.
Ce même jour est annoncé à Paris l'investiture d'un nouveau président du conseil, Pierre Pfimlin. Celui-ci est connu pour être partisan d'une solution négociée avec le FLN. Pour les colons, cette position signifie que le gouvernement envisage peut-être l'indépendance de l'Algérie, ce qui à leurs yeux, est inacceptable.
La manifestation se radicalise et les insurgés établissent à Alger un Comité du Salut public qui traduit la rupture avec la politique du régime. Afin de défendre une Algérie française, ils réclament le retour du Général de Gaulle au pouvoir.
c. La prise du pouvoir par De Gaulle et la fin de la IVe République
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Figure emblématique de la Résistance et de la Libération, le général de Gaulle bénéficie d'une image positive auprès des Français. De par son statut de militaire, il apparaît, aux yeux des Pieds-noirs d'Algérie, comme un partisan de la lutte contre le FLN et donc un partisan du maintien de la souveraineté française. Par ailleurs, De Gaulle a toujours manifesté son opposition au régime de la IVe République, jugée trop faible.
En 1946, hostile au projet de constitution instituant cette république, il démissionne du gouvernement provisoire. Il apparaît donc, dans ce climat insurrectionnel, comme l'homme providentiel.
Le 15 mai, De Gaulle se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République ». Malgré l'inquiétude de parlementaires de gauche qui craignent un coup de force et la mise en place d'un pouvoir autoritaire, De Gaulle rallie à lui une majorité d'hommes politiques. Le 29 mai, René Coty charge donc celui-ci de former un nouveau gouvernement. De Gaulle pose néanmoins une condition : sa prise de fonction doit conduire à un changement de constitution et donc de régime. C'est une large majorité qui investit le nouveau et dernier président du Conseil le 1er juin 1958. Deux jours plus tard, une loi constitutionnelle autorise le gouvernement à réviser le fonctionnement des institutions. C'est la fin de la IVe République.
2. La constitution de 1958 : un nouveau régime républicain
a. L'objectif de De Gaulle
Hostile au fonctionnement de la IIIe République, De Gaulle définit sa conception du fonctionnement des institutions à l'occasion d'un discours prononcé à Bayeux le 16 juin 1946. Il souhaite une fonction présidentielle renforcée avec un « chef de l'État, placé au dessus des partis ». L'échec de la IVe République est lié selon lui à ce « régime des partis » qu'il dénonce, à la prépondérance du Parlement et en particulier de l'Assemblée nationale sur le pouvoir exécutif. Ce déséquilibre a conduit à la fragilisation du gouvernement.
Pour mener à bien l'œuvre de reconstruction du pays, pour redonner à la France sa place et sa capacité de rayonner à l'échelle mondiale, il convient de redonner au Président et au gouvernement la possibilité d'organiser l'action politique, de pouvoir œuvrer sur un long terme.
b. L'organisation des pouvoirs
La nouvelle constitution est conçue par De Gaulle. Son Garde des Sceaux (ministre de la Justice), Michel Debré, participe avec lui à sa rédaction. Le projet est soumis aux Français par le biais d'un référendum. Il est adopté le 28 septembre 1958 avec près de 80 % des suffrages exprimés.
Le Président devient la « clé de voûte » des institutions. Il occupe désormais une place prééminente. La séparation des pouvoirs est plus clairement établie. Le Président nomme le Premier ministre et les ministres sur proposition de ce dernier. L’Assemblée nationale n’a plus le pouvoir d’investiture ce qui offre au gouvernement une plus grande stabilité. Celui-ci demeure toujours responsable devant cette Assemblée : elle peut le renverser par l’adoption d’une motion de censure mais celle-ci doit être adoptée à la majorité absolue. Le Président dispose également d’une arme de dissuasion vis-à-vis des députés puisqu’il peut, seul, prendre la décision de dissoudre l’Assemblée nationale : c’est l’article 12.
Les pouvoirs dont dispose le Président témoignent de son rôle central. Il veille au respect de la constitution, à l’indépendance nationale et à l’intégrité du territoire. Par l’article 16, il peut, en cas de crise, prendre les pleins pouvoirs pour une durée de six mois.
Le Président est chargé de la politique internationale, de conduire l’action diplomatique et la politique étrangère. En matière de politique nationale, il promulgue les lois.
Certains pouvoirs lui permettent même d’interférer avec les attributions du Parlement : par l’article 11, le Président peut soumettre à référendum certains projets de lois. Ce pouvoir est important puisqu’il établit un lien direct entre le Président et la nation et permet de « court-circuiter » l’Assemblée nationale. Cette dernière conserve bien sûr l’initiative et le vote des lois mais le gouvernement peut, par l’article 49-3, faire voter une loi sans débat préalable à l’Assemblée.
Tous ces pouvoirs renforcent le caractère présidentiel du régime.
3. Les débuts de la République gaullienne
a. Un exercice personnel du pouvoir
Élu le 21 décembre 1958 par un collège de 80 000 grands électeurs, Charles de Gaulle affirme rapidement les prérogatives liées à sa fonction. Son autorité est renforcée par une large majorité de soutien à l’Assemblée nationale. Les élections législatives organisées en novembre 1958 sont un succès pour le nouveau parti gaulliste, l’UNR (Union pour la nouvelle République). Les partis d’opposition n’osent pas, dans le contexte trouble de la guerre d’Algérie, contester l’autorité du nouveau président.
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De Gaulle renforce cette autorité par une utilisation fréquente des médias, radio et surtout télévision. Il multiplie également les voyages en France : les bains de foule lui permettent d’entretenir le lien avec les Français et participent à sa popularité. L’usage fréquent du référendum sur ces premières années consolide également ce lien.
b. La réforme de 1962
La fonction présidentielle est renforcée par la révision constitutionnelle du mode d’élection du chef de l’État. Le 28 octobre 1962, un référendum est organisé pour proposer l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Les partis d’opposition dénoncent une dérive vers une République autoritaire : cette réforme ainsi que l’usage du référendum amenuisent selon eux le rôle du Parlement.
Malgré ces critiques, la réforme est adoptée avec près de 62 % des suffrages. La fonction présidentielle repose désormais sur une légitimité de la nation. Cette réforme finit d’achever la pratique présidentielle des institutions.
L'essentiel
Régime parlementaire instable, la IVe République souffre d’un contrôle excessif de l’Assemblée nationale sur le gouvernement. Les coalitions gouvernementales ne parviennent pas à rester unies face aux questions sensibles qu’elles sont censées résoudre. La guerre d’Algérie conduit à une crise de régime et à la nomination du général de Gaulle qui mène une refonte des institutions.
La Ve République offre un tout nouveau visage en accordant au Président de la République un rôle majeur. On entre dans un régime présidentiel.