Notes du livre : « La vie privée à l’heure des médias », Patrick Baudry, France 2002

La vie privée est une notion confuse, difficilement formalisable et qui ne prend de sens que dans un contexte historique précis.

Le phénomène de médiatisation de la vie privée est étudié selon trois points de vue successifs :
- La porosité des frontières entre le privé et le public cette porosité remet en cause les catégories, les perceptions et les significations traditionnelles. Même si, d’après les derniers sondages, les individus restent toujours attachés à la notion de vie privée, de plus en plus acceptent de se mettre à nu et de dévoiler leurs secrets les plus intimes. Comment penser ce passage du secret et de la pudeur à un monde où tout peut se dire et se montrer ? Comment expliquer le succès du voyeurisme télévisé ?

La place qu’occupe la vie privée dans les médias et notamment à la TV correspond sans doute à une stratégie communicationnelle. Il s’agit de jouer de la proximité, de la projection et de l’identification : le monde des médias ne serait pas différent du monde vécu, il serait ce monde même. Entre le spectateur et ce qu’il voit, il faudrait que la mise en spectacle de la réalité apparaisse comme le réel même.

- La vie privée des hommes politiques : jeux de face et jeux de profil
Après les stars, c’est la vie privée des hommes politiques qui intéresse le plus les médias. Ses détenteurs sont soumis à une tyrannie de l’intimité où vie publique et vie privée sont de plus en plus confondues. Les dérives ne touchent pas de la même façon tous les pays mais l’évolution est la même.

- Le conflit entre la liberté d’informer et le secret de la vie privée
Il a fallu attendre les années d’après-guerre pour que la vie privée soit reconnue comme un droit fondamental de l’individu. Longtemps, l’espace public et politique a été valorisé au détriment de l’espace privé. Toujours est il qu’aujourd’hui, la liberté d’information et d’expression soit s’arrêter aux frontières de la vie privée.
Les médias ne peuvent pas tout dire et tout montrer parce qu’il peut y avoir des conséquences; la liberté d’information doit s’arrêter notamment au mur de la vie privée. Ce mur n’est cependant pas une barrière infranchissable. Il est possible de divulguer des informations personnelles de nature confidentielles. Par exemple, le fait d’être atteint d’une grave maladie ne concerne que le malade ; il en va différemment si cette maladie devrait concerner un chef d’Etat ou personne célèbre.

Tous les grands textes qui reconnaissent la liberté d’expression marquent des limites comme l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 ou l’article 10 de la Convention Européenne de 1950. Il en va de même pour la protection de la vie privée.
Au cours des dernières décennies, on observe un double mouvement contradictoire. Le développement des médias et des techniques de communication s’est accompagné de violations de plus en plus nombreuses du droit à la vie privée. Dans le même temps, on a eu le souci de mieux formaliser et de mieux protéger ce droit, grâce à la création de normes et d’institutions nouvelles.

Si la liberté d’expression est reconnue dès la fin du XVIIIe siècle, il faut attendre la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, pour voir affirmer le principe d’une protection de la sphère privée. Quant à la liberté d’information, elle a toujours été présentée comme une exigence démocratique fondamentale.

La légitimation de l’intimité
Le privé n’était pas protégé seulement comme privé, il l’était comme intime. Le privé était ce dont on ne parlait pas . Il recouvrait 2 domaines majeurs : l’argent et le sexe.
Il y a ainsi deux niveaux dans le privé : le premier est celui de la famille par rapport à la société mais le second, la quintessence du privé en quelque sorte, c-a-d, que la famille a deux faces, l’une qui peut être montrée et l’autre qui doit être tue. Par exemple, on peut dire que Madamr un tel trompe son mari, qu’elle élève mal ses enfants ou autre car c’est la face visible, la face publique de la famille. Sa face privée, ce sont des sujets protégés par la pudeur.

Ccl
Ainsi, ce qui a changé n’est pas le rapport des médias à la vie privée des vedettes ou des homme spolitiques. C’est, d’une part, que les médias se sont assouplis et diversifiés et qu’ils ont changé leur organisation, notamment leur organisation politique : ils sont désormais à même de traiter publiquement des sujets qui n’intéressent qu’une partie éventullement très restreinte de l’auditoire et de traiter, pour cette partie restreinte du gd public, des sujets extrêmement intimes et privés.
Mais si les médias ont connu cette évolution, c’est parce que dans notre société toute entière le rapport à l’individu comme valeur suprême, l’individu légétimé dans la diversité de ses envies, de ses gouts, de ses pratiques, légitimé et presque honoré dans sa personne physique, cet individu est désormais plainement légitime et, à la limite, seul légitime. D’où cette évolution qui a déplacé la frontière entre l’impudique et le pudique, entre ce qui etait narcissique condamnable et exhibition de soi acceptable ou valorisante, le corps choyé, travaillé, donné à voir et lieu d’un certain bonheur et d’un certain épanouissement.
Dès lors que les échanges publics sur l’intime et le privé sont entrés dans notre vie quotidienne, les homme spolitiques sont évidemment soumis à la règle commune ou du moins ils n’y échappent pas. Peu etre cependant y échappent-ils un pue mieux que les autres, si ce n’est qu’ils sont, plus que d’autres, victimes de rumeurs impossibles à dissiper.

Espace public
L’irruption à la TV de la parole profane dans tous les magazines consacrés à des débats sur les mœurs, la morale et la vie quotidienne modifie l’espace public contemporain. La TV de l’intimité, triomphante à la période des reality shows, omniprésente dans les talks-shows contemporains, se caractérise par la promotion du témoignage : témoignage personnel concernant des questions privées formulées par des personnes « anonymes » issues de la société civile.

Les médias ont toujours valorisé le témoignage mais celui-ci occupe désormais une fonction particulière. Il ne vient pas appuyer un propos, illustrer un point de vue mais vaut, au contraire, pour lui-même. Alors que le témoignagne habituel met en scène une parole illustrative, le témoignage de la TV de l’intimité met en scène une parole argumentative : la seule présence et expression du témoin et de son récit vaut vérité.

Pour être crédible dans l’espace public, le témoignage privé se doit de permettre, par delà l’histoire individuelle et le cas personnel d’accéder à la généralité.
La TV de l’intimité a mis en place 3 dispositifs de généralisation :
- le témoignage représentatif dans lequel le témoin ressemble le plus possible, par ses idées, ses aspirations, ses expériences au citoyen « moyen ».
- le témoignage emblématique par lequel le témoin en laissant entendre toutes les aspérités de sn histoire parvient à incarner lui-même un problème plus général : à travers son histoire singulière se dessinent des souffrances collectives
- le témoignage relationnel dont l’objectif est de renouer, au moins symboliquement, des liens distendus dans le social ou dans l’entourage familier.

L’irruption du témoignage privé dans l’espace public renvoie à des phénomènes proprement liés au médias : la création d’un rapport d’identification avec un public néo-télévision a promu acteur du pacte relationnel.

EN gros,
Nous assistons donc, depusi quelques années, à la montée d’un phénomène, dont les reality shows ne forment que l’écume. Ce phénomène est bien plus général. Il se caractérise par une nouvelle forme d’articulation de la parole privée et de la parole publique. La parole privée ne vient plus seulement illustrer un propos, accompagner une démonstration. Elle vaut en elle-même comme parole publique, cad comme une parole susceptible de nourrir le débat collectif, de s’intégrer à l’espace public.