Free Essay

Réflexion Clinique, Humaine, Éthique Et Théologique À Partir D’un Cas Clinique

In:

Submitted By moneyball
Words 3027
Pages 13
QUESTION DE SCIENCES RELIGIEUSES :
Questions d’éthique chrétienne

QUESTION DE SCIENCES RELIGIEUSES :
Questions d’éthique chrétienne

Travail :
Réflexion clinique, humaine, éthique et théologique à partir d’un cas clinique

Année académique 2011-2012

1. Description clinique : Le cas clinique que je vais exposer concerne la fille d’une amie de ma maman. X a 30 ans, elle est une handicapée mentale et physique, suite à une complication lors de l’accouchement (anoxie cérébrale) entrainant des séquelles irréversibles. Tout au long de sa vie, X a eu plusieurs ennuis de santé nécessitant divers interventions médicales (alimentation parentérale, pompe à baclofène,…) L’année passée, cette famille a été confrontée à un choix crucial. Suite à la complication d’une bronchite, X fût hospitalisée en soins intensifs, son état ne s’améliorait pas et dégénérait rapidement. Lors d’une crise, X fût réanimée in extremis par le personnel soignant. Dès lors, deux possibilités s’offraient à sa maman. Soit, on extubait sa fille et celle-ci mourrait, soit on pouvait placer une trachéotomie pour lui permettre de respirer. Le personnel soignant du service a conseillé à sa maman de bien réfléchir sur sa décision. Selon eux, après autant d’années de combats contre l’ handicap, il était peut-être temps de dire au revoir à X. La maman de X a été face à un choix fort difficile. Ce cas clinique ouvre la voie à de nombreuses questions éthiques. Le cours de question d’éthique chrétienne peut nous aider à trouver le chemin à suivre, les démarches et les différentes solutions possibles. Face à la prise de décision d’un tel choix, il est important de prendre le temps pour analyser avec attention cette situation éthique, les acteurs, les enjeux et les conséquences d’un tel choix. Il est nécessaire d’étudier le contexte, l’histoire des protagonistes, prendre une distance critique et consulter des personnes compétentes.

2. Les enjeux cliniques : Le choix qui est proposé à la maman de X n’est pas simple. Ce sera la mort ou la vie. Pour la maman de X, qui se bat depuis tant d’années contre les douleurs et les effets du handicap cela peut être interprété comme un échec de la part de la médecine de pouvoir soulager (permettre de mieux respirer) sa fille en dépit de la guérir (cerveau atteint, conséquences impossibles à soigner). Tout d’abord, le choix de retirer l’intubation de X, ce qui signifierait la mort. Le fait que les docteurs puissent envisager cette possibilité découle surement d’une longue réflexion, on ne propose pas la mort d’un enfant à une maman, quand le problème médical peut être résolu. Peut-être pour eux, après de nombreuses interventions médicales, le fait de poser une trachéotomie serait une sorte d’acharnement thérapeutique pour cette fille à qui la vie n’a pas fait de cadeau. Mais la médecine n’est pas-t-elle là pour permettre un meilleur confort de vie ? Proposer la mort ne serait ce pas un peu « choquant » alors qu’on sait que X aurait pu avoir une vie normale si certains actes avaient été réalisés lors de la grossesse de la maman. Néanmoins, la médecine a permis à X de vivre jusque 30 ans alors qu’on lui prédisait tout au plus 5 ans à sa naissance. Mais retirer l’intubation de X alors que celle-ci se porte bien et regarde sa famille d’un air heureux n’est pas en quelque sorte un homicide ? Si la famille faisait ce choix alors que X se porte mieux, cela risquerait de leur peser sur la conscience. Ensuite, la solution de la vie. Si on réalise l’opération, cela changerait profondément la vie de X et de sa famille. Cela pourrait prolonger son espérance de vie de plusieurs années, mais est ce que sa maman est-elle prête à affronter encore plusieurs années ? De plus, une des conséquences de réaliser une trachéotomie sera de supprimer tout son. Même si X n’a jamais su parler, elle peut néanmoins émettre des bruits, un des seuls moyens de communication avec sa famille. Lui enlever sa voix ne serait pas trop ?
Pour prendre la meilleure décision, il va falloir pourvoir réfléchir au mieux, en écoutant les avis des médecins mais essayer de prendre en compte ce que pourrait vouloir X.

3) Les enjeux humains : Ce cas-ci nous nous confronte à plusieurs enjeux humains tant du coté de la famille, du patient et des soignants. Pour le personnel médical soigner une personne comme X peut les interpeller. Un des principaux objets de la médecine est de prendre soin des personnes fragilisées. Tous les jours, le personnel médical est confronté à ces personnes désarmées. Faire face à ce genre de personnes peut revaloriser de médecins, ils sont capables de les aider, car mais ils doivent aussi faire face à leur vulnérabilité, ils ne possèdent pas le dernier mot de l’histoire. Rencontrer une personne comme X, peut bouleverser notre vie. On peut remettre en question notre propre vie, notre idée du bonheur (heureux d’être en bonne santé, de pouvoir parler et marcher), de réussite, de la normalité. Comprendre que ces personnes inhabituelles peuvent nous apprendre beaucoup de choses : « Remercions-les de cette espérance dont ils sont les témoins les plus ingénus : l’intelligence et le corps peuvent bien se dégrader et disparaitre, l’esprit, lui, ne peut mourir » 1
Les équipes soignantes vont être confrontées à plusieurs difficultés en rapport avec le handicap : communication difficile sur le sujet de la douleur ; compréhension difficile de savoir où se trouve la personne handicapée dans sa vie ; difficulté vis-à-vis de la nouveauté ; pouvoir prendre le temps de rentrer dans un mode de communication non verbal, mais plus par un langage corporel. Du point de vue de la famille, les enjeux humains sont difficiles. Ils doivent savoir si il est temps de laisser partir X vers de nouveaux horizons ou alors si ils choisissent de continuer leur chemin ensemble, si ils pourront encore assumer les charges que représentent une personne polyhandicapée. Ils doivent faire face à une grande décision mais le poids de la culpabilité peut modifier cette prise de décision. Ils ne doivent pas se sentir coupable de leur choix. Et pour X, les enjeux humains sont à la base de toute la réflexion éthique, il faut pouvoir prendre au mieux une décision pour elle tout en respectant sa dignité d’être humain.

4) Les enjeux éthiques.

Il se pose un problème éthique qui fait référence à des valeurs morales Lorsqu’une décision est difficile à prendre, quels sont les acteurs en cause ? Le sujet handicapé lui-même, la famille, l’entourage, les professionnels de la santé, et l’institution soignante. Mais comment prendre cette décision ? Des difficultés importantes surviennent lorsque la personne malade n’est pas reconnue comme acteur de la décision la concernant, son avis impossible à demander ou à deviner. En effet, ici à la place de la décision de la personne, le but est d’essayer de trouver la meilleure solution pour répondre aux mieux aux besoins, aux enjeux, principalement pour X mais aussi pour sa famille mais aussi du personnel médical. X n’est pas une personne comme les autres ! Elle n’a jamais su marcher, elle n’a jamais su parler, elle est déficiente intellectuellement (« pour reprendre l’expression de sa maman son cerveau est grillé »). Elle n’a jamais su faire tout ce qu’on attend d’une personne normale. Elle est totalement dépendante, sa seule survie est due au courage et au combat de sa maman depuis sa naissance. Pour beaucoup de personnes, sa vie n’est pas l’image de bonheur. Il y a toujours une histoire, un vécu de la personne, et dans ce cas-ci ce n’est pas seulement à propos de X mais aussi celui de sa famille. Mais si le choix concernant le futur repose sur la décision de la maman, que peut-on dire de X ? En effet, si celle-ci ne comprend pas spécialement ce qu’il lui arrive, elle peut néanmoins ressentir les émotions de son entourage, la peur de perdre X, la joie aussi de la voir en meilleure forme depuis qu’elle a été intubée. Est ce parce qu’elle ne répond pas aux idéaux de la société, qu’elle ne sait pas agir comme une personne normale, qu’elle ne sait pas pour autant montrer ce qu’elle ressent ? Le corps n’est pas seulement une enveloppe corporelle c’est aussi « le destinataire et le lieu de la vie »2, c’est l’identité du sujet. Un des points à prendre en compte pour mener à bien notre réflexion éthique est le statut du corps. Même si le corps de X est déformé, abimé, le plus important à comprendre est que son corps n’est pas seulement une enveloppe charnelle, c’est le tissu même de la vie, tant au niveau physique, émotionnel que psychique. A travers ce corps elle peut nous communiquer, certes à sa façon, ces sentiments (joie d’un visage connu, grimace de douleur ou mécontentement), elle peut aussi émettre des sons. Même si son corps est atteint par la maladie depuis le début de son existence, il faut pour établir une réflexion éthique aller au-delà des apparences, des présupposés, ce n’est pas qu’un corps malade et inutile. Le corps est un lieu de contestation, il nécessite d’autant plus de dignité quand c’est une personne plus faible.
« Il est, en matière d’éthique, un principe que je souhaite rappeler : plus une personne est vulnerable, plus fortes sont nos obligation à son égard. »3 Il faut adopter une approche avec humanité et respect. Cela rejoint bien la pensée hébraïque : « le corps n’est pas séparable de la vie donné pas Dieu. Il est important de ne pas disjoindre ces deux entités (le corps et l’âme) »4 pour pouvoir essayer de comprendre au mieux ce que X peut vivre en tant qu’handicapée. Pour une meilleure dynamique entre le personnel soignant et la famille, il est important pour les deux partis de comprendre que, « le corps que l’on soigne n’est pas rien, il est révélateur de « l’autre ». »5 Comment décider pour une personne de son sort, de son avenir alors qu’elle n’a pas conscience de la situation, alors qu’elle ne comprend pas, qu’elle ne se rend pas compte de sa maladie, X est juste consciente d’être hors de chez elle avec des étrangers. Comment arriver à concilier ce que l’on pense être pour son bien, ce qui est au mieux pour elle avec sa propre liberté, son droit de faire ses propres choix ? La maman de X doit penser à de nombreux aspects avant de faire son choix, aussi soit dure qu’il soit il faut absolument en faire un. On pourrait analyser la situation en déterminant les trois pôles que Paul Ricœur décrit dans sa définition de l’éthique « l’intention éthique est la visée de la vie bonne (pôle je : estime de soi) avec et pour autrui (pôle tu : sollicitude) dans des institutions justes (pôle il : justice).» 6
-pôle je : la maman de X doit savoir si dans un cas elle pourra gérer d’être responsable de la mort de sa fille. Et dans l’autre, si elle sera capable d’assumer les nouvelles responsabilités suite à la trachéotomie (encore plus de soins médicaux, risque de survie de sa fille après la mort de sa maman), encore plus de dépendance de sa fille envers elle ; si elle pense avoir le droit de vie ou de mort sur l’être qu’elle a elle mis au monde, ce n’est pas un choix que les parents devraient avoir à faire.
-pôle tu : ajouter à la réflexion que la liberté de l’autre soit : réfléchir à ce que sa fille voudrait si elle comprenait, si elle pouvait s’exprimer (n’en a-t- elle pas marre de supporter tous ces soins médicaux néanmoins indispensables à sa survie), prendre en compte l’avis du reste de sa famille, les médecins, prendre en compte tous les avis même si ils sont divergents.
-pôle il : médiation des justices justes. Voir les lois existantes, la déontologie, analyser les avis spécialisés, prendre en compte les données morales ou religieuses. Une réflexion éthique est nécessaire pour pouvoir prendre la meilleure décision surtout lorsqu’on est face à un choix difficile, à des moments de tensions émotionnelles, il y a dans ces situations souvent des conflits de valeurs. Il faut chercher au mieux quelles sont les valeurs fondamentales entre les différents protagonistes. Pour mener à bien ce but, il faut établir une alliance thérapeutique entre les 3 entités (X, sa famille, le personnel soignant). Pour Paul Ricœur, il y a une véritable alliance thérapeutique entre le soignant et le soigné : « un mutuel engagement éthique, chaque sujet avec sa propre relation au temps, à la souffrance, au corps, à ses convictions. »7 En n’oubliant pas d’inclure la famille en reconnaissant, respectant le rôle qu’elle joue et leur vécu. Et de surtout ne pas oublier que X n’est pas quelqu’un comme les autres.

5) les enjeux théologiques : La famille de X est croyante mais pas pratiquante. La maman n’inclut pas dans sa réflexion l’aspect théologique. Pour certaines familles confrontées à une telle épreuve, la foi peut leur apporter un réconfort, ou alors se sera tout l’opposé, ces familles vont s’éloignées de la religion. La réflexion théologique peut amener à envisager d’autres pistes nécessaires pour la prise de la décision.
« En effet, l’Église devient lieu d’un passage pour l’homme et le croyant lorsqu’elle leur permet de vivre la dimension de procès, de cheminement dans leur propre existence. Comment cela ? Il me semble qu’elle pourrait y parvenir en favorisant toujours la dimension d’accompagnement, en éclairent les enjeux humains et évangéliques des questions nouvelles qui se posent à l’homme contemporain. Vivant ce cheminement commun d’humanité et de foi, elle peut considérer les questions contemporaines comme des espaces d’Alliance, des lieux de rencontre entre les questions de l’homme et la question de Dieu. » 8
L’analyse théologique montre l’importance de chaque sujet, même atteint d’un lourd handicap. Tout être humain, quelle que soit sa situation, est porteuse d'une vie bénie par Dieu. Dieu a aussi parlé de cette problématique à travers le phénomène de transfiguration en disant que chaque corps même imparfait peut devenir le lieu de la révélation de Dieu ; il faut aller au-delà des apparences, aller derrière le fait que X ne pourra jamais faire les choses comme quelqu’un de normal, mais que cet être imparfait est porteur d’une lumière, porteuse de sens et d’espoir. Dans un des textes édité par Concile Vatican II, le Concile insiste bien sur le respect de la personne humaine : « que chacun considère son prochain, sans aucune exception, comme « un autre lui-même», tienne compte avant tout de son existence et des moyens qui lui sont nécessaires pour vivre dignement » (Cf. Jc 2, 15-16) De plus tous ce qui s’oppose la dignité humaine est infâme »9 On voit que le sujet de l’handicap est un thème qui est important aux yeux de l’Eglise. Plusieurs papes ont témoignés leur bienveillance et leur soutien à des institutions catholiques s’occupant des handicapés mentaux. Voici quelques extraits de discours de Papes destinés à l’association Foi et Lumière.
« Vous qui êtes porteurs d’un handicap, (…) vous êtes un trésor précieux pour l’Eglise, qui est aussi votre famille, et vous avez une place spéciale dans le cœur de Jésus. » Jean-Paul II, 2001 »
« Le Pape se réjouit qu’à travers le mouvement de nombreuses familles se donnent la main pour s’aider et donner ensemble un témoignage attendu sur la valeur infinie de toute vie humaine, même la plus fragile. » Benoît XVI, 2008 Quelques extraits des discours envers l’organisme « foi et lumière »
Pour terminer ce point, voici, une devise de l’association Foi et Lumière et qui rejoint bien ce que tous les parents de personne handicapées ressentent.
« Là où se trouve l’amour, une souffrance même profonde peut coexister avec la joie. Dans les communautés Foi et Lumière, la personne faible, assoiffée de communion, sent qu’elle est aimée, qu’elle est acceptée, qu’elle peut pleinement participer à la fête. Sa joie gagne de proche en proche et devient communicative. Du milieu de nos larmes, naît la joie qui nous entraîne à la danse. La souffrance du Vendredi Saint (la vie s’écroule) devient la joie de Pâques (jour où on célèbre la vie). »

6) Conclusion : Pour ma part, je respecte vraiment le courage que la famille de X fait preuve depuis le début. Il est bien difficile parfois d’affronter les regards des autres, les longs soins de santé, les difficultés administratives,…
Je dois bien l’admettre que j’aurai fait le choix de désintuber X pensant qu’elle serait devenu un cas trop lourd à gérer. Mais bon qu’est ce que veut dire un cas lourd ?? Chacun à sa perception des choses, et ce qui peut être très difficile pour moi, l’est peut-être moins pour d’autres. Le choix de la maman fût la vie bien entendu, X est pour le moment en bonne santé. Lorsqu’on est face à un tel choix, il indispensable de passer par ces différentes étapes de réflexion et de description du problème, il faut choisir la meilleure solution en respectant ses valeurs. Cette décision peut tout influencer dans une vie, elle peut tout remettre en question et peut influencer la vie de toutes les personnes impliquées mais surtout influencer celle d’une existence singulière. « Dans notre vie, il y a deux choses dont on a la certitude c’est comment elle commence et comment elle se termine, ce qui se trouve entre la naissance et la mort dépend de l’histoire de chacun »

7) Bibliographie :
1 : Duchêne J e.a., Ethique et handicap mental, Namur : Presses universitaires de Namur, 1997, 95p
2 : Cours de Questions d’éthique chrétienne, chapitre 3 : La médecine : un nouveau lieu pour le Salut ? Quelle place pour l’échec dans cette perspective de salut ?, p11
3 : Hirsch E., L'éthique au cœur des soins : un itinéraire philosophique, Paris, Vuibert, 2006, 54p
4: Cours de Questions d’éthique chrétienne, chapitre 4 : le corps, p5
5 : Cours de Questions d’éthique chrétienne, chapitre 4 : le corps, p9
6: Cours de Questions d’éthique chrétienne, chapitre 1 : Jalons théologiques pour une pratique de la médecine, p8
7 : Cours de Questions d’éthique chrétienne, chapitre 5 : La relation de soin et la médecine comme alliance thérapeutique, p1
8: Jacquemin D., La bioéthique et la question de Dieu : une voie séculière d'intériorité et de spiritualité, Montréal, Médiaspaul, 1996, p106
9 : Concile Vatican II, Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps : GAUDIUM ET SPES, 27 : respect de la personne humaine.

Similar Documents