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The Beginning of Capitalism During the Middle Age

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Submitted By edgarduco
Words 9908
Pages 40
11
Auteur : Edgar du Colombier
Directeur d’étude : Monsieur Coquin
ESCP Europe
08
Automne

Etude SSH : La naissance du capitalisme au Moyen Age

Sommaire I. C’est dans la décomposition de l’ordre féodal que va s’enraciner la formation du capitalisme marchand 6 a. Un ordre féodal qui, à l’origine, est un frein structurel à l’apparition d’une économie de marché 6 i. Une économie domaniale fermée, caractéristique du monde féodal 6 ii. La condamnation de l’usure par l’Eglise 7 b. Croissance démographique et urbanisation 9 iii. La croissance démographique engendrée par les progrès réalisés dans l’agriculture constitue un premier levier de développement 9 iv. Le développement des villes du Xème au XIIIème siècle 9 v. Le mouvement communal 11 vi. Les nouveaux acteurs qui apparaissent dans ces villes 13 c. De nouvelles techniques qui permettent une augmentation de la production 14 vii. Le rôle des constructions d’églises 14 viii. Les innovations des campagnes 15 II. Le renouveau du commerce 16 d. Les conditions matérielles du commerce 16 ix. Les transports 16 x. La monnaie et le crédit : la naissance d’un système bancaire 18 xi. Les innovations juridiques liées aux besoins croissants de capitaux 20 e. Les lieux du commerce 29 xii. Les foires 29 xiii. Le grand commerce international au XIIIe siècle 30 xiv. Les « centres » du commerce en Europe occidentale 31 III. Peut-on réellement parler de « naissance » du capitalisme au Moyen Âge ? 35 f. La thèse récente de Jacques Le Goff dans Le Moyen Age et l’argent publié en 2010 35 xv. Des éléments essentiels du capitalisme non présents au Moyen Age 35 xvi. Une économie marquée par le caritas 36 g. Quelle est réellement l’importance de ce débat ? 37

Introduction
Le système économique dans lequel nous vivons semble aujourd’hui avoir atteint le stade de la maturité, dans la mesure où il s’étend sur l’ensemble de la planète, et malgré les crises qui le traversent, son fondement et sa légitimité ne sont pas réellement contestés. Ce système, que l’on peut qualifier de capitaliste, est le fruit d’évolutions économiques, politiques et sociales de grande ampleur qui s’inscrivent dans le temps long de l’histoire. Nourrit de ruptures et de continuités, le capitalisme, caractérisé par l’appropriation privée des facteurs de production et d’échange, la coordination des décisions par le marché et l’accumulation de capital, ne s’est pas développé en un jour ; et la question de ses origines et de son commencement est une étape nécessaire à la compréhension globale de ce système économique.
Dès lors, de très nombreux auteurs se sont penchés sur les transformations intervenues à un moment bien particulier, et à bien des égard charnier pour l’humanité : le Moyen Age. Cette expression historique désigne la période qui s’étend de la fin de l’Antiquité, vers l’an 500, au début de la Renaissance vers 1500. Toutefois, il est rapidement apparu que seuls les derniers siècles du Moyen Age (du XIème au XVème siècle) ont connu des évolutions déterminantes pour notre sujet ; sujet dont l’intitulé exact est le suivant : la naissance du capitalisme au Moyen Âge. Derrière cette affirmation apparemment simple se cache une controverse historique forte: peut-on réellement parler de capitalisme au Moyen Âge ? Assiste-t-on à un prélude, à une naissance ou à un épanouissement ? Telles ont été les questions auxquelles nous avons été confrontés tout au long de notre étude. Afin d’y répondre, nous nous sommes attachés à dégager les évolutions majeures et décisives de ces quelques siècles, afin d’en mesurer leur portée et d’en peser leur influence.
Il apparaît clairement que l’émergence d’une forme quelconque de capitalisme passe par la remise en cause d’un ordre féodal qui pendant plusieurs centaines d’années a découragé l’initiative individuelle et favorisé des rapports non marchands. C’est l’objet de notre première partie. Dans le prolongement et en parallèle de ce mouvement, on assiste à l’émergence progressive mais hétérogène d’un ordre marchand nouveau, souvent très localisé mais qui tend à s’étendre et à former un réseau d’échange de plus en plus dense. La présentation et l’analyse de ce processus constituent le cœur de notre deuxième point. Toutefois, nous verrons que malgré les conclusions que nous avons pu tirer des évolutions présentées dans les deux premières parties de l’étude, certains auteurs ne les jugent pas suffisamment conséquentes et globales pour qu’elles attestent véritablement d’une naissance du capitalisme. C’est cette controverse que nous présentons dans notre dernier axe de réflexion.
Afin de réaliser une étude qui soit la plus personnelle possible, il a d’abord été nécessaire de s’imprégner du contexte historique, religieux, politique, économique et social des derniers siècles du Moyen Age. Puis le travail a consisté en la comparaison d’analyses et de points de vues assez différents sur des faits pourtant acceptés par tous. En somme, ce fut un travail laborieux mais passionnant. Ma plus grande joie serait que l’étude en témoigne.

C’est dans la décomposition de l’ordre féodal que va s’enraciner la formation du capitalisme marchand

Un ordre féodal qui, à l’origine, est un frein structurel à l’apparition d’une économie de marché

Une économie domaniale fermée, caractéristique du monde féodal

Au IXème et Xème siècle, le besoin de protection des populations face à des invasions et des agressions fréquentes les pousse à se regrouper autour de seigneurs locaux qui garantissent leur sécurité. Les microsociétés qui se forment alors fonctionnent sur un modèle quasi autarcique : les échanges se contractent brusquement, la monnaie disparaît presque totalement, et le principe est celui de l’auto subsistance, d’où une activité économique centrée sur l’agriculture. Les rapports sociaux de cet ordre féodal sont structurés par un réseau de prestations, contre prestations et allégeances entre des seigneurs, des vassaux et des serfs. Ainsi, le cerf, qui cultive la terre, doit au seigneur auquel il est attaché des prestations en nature, comme des corvées, en échange de sa protection. Le droit à la propriété, qui constitue un des fondements du capitalisme, comporte un droit sur la personne. En effet, les petits et moyens propriétaires terriens vendent leurs terres au seigneur qui les leur rétrocèdent au titre de fiefs en échange d’une protection. De même, le serf est directement attaché à son seigneur et à la terre qu’il exploite. La notion de marché n’existe pas, dans la mesure où il n’y a pas de libres transactions entre les individus : les rapports sont régis par un réseau de droits et de devoirs en nature. On comprend donc bien que l’économie domaniale fermée ne permet en aucun cas le développement des échanges et le début d’une quelconque économie de marché. Toutefois, cet ordre féodal va être progressivement concurrencé par le développement parallèle de structures plus ouvertes aux échanges et au progrès. Les trois phénomènes qui ont mis fin à cet ordre féodal sont l’urbanisation, le commerce extérieur et l’expansion monétaire que nous traiterons plus loin.

i. La condamnation de l’usure par l’Eglise

L’autre frein important au développement économique du Moyen Age est très certainement la position de l’Eglise quant au prêt à usure. Ainsi, s’appuyant sur des passages de la Bible, comme celui de l’Evangile de Saint Luc (VI, 36-38) dans lequel il est dit : « Prêtez-vous l’un à l’autre sans rien en attendre », l’Eglise condamne fermement le principe du profit lié à l’intérêt. Les textes en la matière sont nombreux : Pierre Lombard, grand théologien parisien du XIIème siècle, inscrit dans son Livre des Sentences, ouvrage à la portée immense dans l’enseignement scolastique, l’usure comme un péché qui peut être assimilé au vol. En 1215, l’un des canons du concile de Latran réaffirme la position de l’Eglise, après que le légat Robert de Courçon a suggéré quelques années auparavant la tenue d’un concile pour réduire à néant l’utilisation de l’usure dans l’Occident chrétien. Cette position de l’Eglise est relayée et dépassée par de nombreux philosophes comme Saint Thomas d’Aquin qui écrit au milieu du XIIIème siècle dans son ouvrage la Somme théologique que «recevoir un intérêt pour de l’argent prêté est en soit une chose injuste : on vend ce qui n’existe pas, provocant ainsi une inégalité contraire à la justice ». Les conséquences de ces interdictions vont assez loin : en 1274, à la suite du canon de Latran, le concile universel de Lyon décide que tout usurier n’ayant pas avant sa mort réparé les torts causés aux emprunteurs du fait de la perception d’un intérêt se verrait refuser une sépulture chrétienne. Leur cas est confié à la juridiction des tribunaux ecclésiastiques, ce qui signifie que les usuriers sont traités de la même manière que les hérétiques.
En plus de la condamnation de l’usure, l’Eglise développe une conception du travail assez négative. En effet, le travail apparaît comme étant la conséquence du péché originel tel que l’histoire est relatée dans la Genèse (III, 17-19) : « C’est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie. Il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l’herbe des champs. C’est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain. » Dès lors, tout profit sans travail, lié à l’usure par exemple, constitue une forme de tromperie devant Dieu.
La dernière raison invoquée pour condamner l’intérêt est d’ordre sociale. En effet, s’inspirant des exemples antiques (avec les hectémores à Athènes par exemple, paysans en situation de dépendance quasi absolue), l’Eglise est convaincue que l’endettement est source de restriction de liberté. Le mal, dans l’usure, réside dans le fait qu’elle est une offense à la charité et à la miséricorde que tout homme doit à son prochain. Il semble juste de faire remarquer que cette position de l’Eglise est en contradiction avec l’acceptation tacite du servage, qui constitue une aliénation autrement plus importante de la liberté individuelle !

Toutefois, ces rigidités féodales vont progressivement se fissurer, sous la pression d’une croissance urbaine importante, d’un changement progressif des mentalités dans certaines régions, et du début d’un commerce certes localisé mais vivace.

Croissance démographique et urbanisation

La croissance démographique engendrée par les progrès réalisés dans l’agriculture constitue un premier levier de développement

Les XIIème et XIIIème siècles sont marqués dans les campagnes par une intense croissance agricole, qui est la conséquence de progrès techniques mais également d’évolutions climatiques favorables, à savoir la baisse du nombre des étés humides et des hivers longs. L’augmentation des rendements agricoles qui en découle, que Duby estiment à 4,5 pour 1 à la fin du XIIIème siècle, a pour résultat une hausse de l’excédent de production agricole, dont les conséquences démographiques et sociales sont très importantes. Ainsi, entre l’an 1000 et 1340, le démographe J.C. Russel a estimé que la population européenne passe de 38,5 millions à 73,5 millions. Toutefois, cette croissance démographique étant globalement moins rapide que les progrès réalisés dans la production agricole, elle permet au « revenu réel par tête » de croitre pendant ces trois siècles. Ce constat revêt une très grande importance, car grâce à l’augmentation de l’excédent agricole, un nombre croissant de personnes peuvent s’investir dans un travail non agricole et acheter leur alimentation auprès de paysans qui ont des productions agricoles supérieures à leurs besoins propres. C’est ainsi que l’on assiste à cette époque à un début de division du travail qui se complexifie et évolue au cours des décennies : les intellectuels, les artisans et les bourgeois de l’Europe sont les enfants de cette croissance du revenu réel par tête.

Le développement des villes du Xème au XIIIème siècle

On assiste à cette époque à l’émergence de la première civilisation urbaine en Europe. La ville se définit intrinsèquement par sa capacité à réunir des personnes qui n’ont plus besoin de produire eux mêmes leur nourriture et qui peuvent se consacrer à acquérir des compétences dans des fonctions spécialisées. C’est ainsi que dans la plupart des situations, la croissance des villes est due à l’exode rural de populations venant de campagnes environnantes (le rayon d’attraction ne dépasse jamais 50 kilomètres, sauf pour certains ports de Méditerranée qui disposent d’une force d’attraction supérieure à 100 kilomètres). La vague d’urbanisation qui va toucher l’Europe commence dès le Xème siècle en Italie, et en particuliers dans le Nord de la péninsule avec des villes comme Florence, Venise, Milan ou Pise. On remarque d’ailleurs que c’est la région d’Europe qui en 1200 a la densité de villes d’au moins 5000 habitants la plus élevée. Le phénomène d’urbanisation s’étend ensuite à l’Europe du Nord-Ouest à partir du XIème siècle comme en témoigne la forte urbanisation des Flandres, avec les villes de Gand ou d’Arras, et de la Champagne où se développent rapidement les villes qui accueillent les foires dont nous reparlerons plus tard. Finalement, le XIIème siècle est marqué par l’émergence de villes capitales aux fonctions très entendues, à savoir Londres et Paris. C’est en effet au XIIème siècle que Philippe Auguste lance l’édification d’une enceinte fortifiée autour de Paris, que la ville devient une plaque tournante du commerce avec son grand marché qui se situe à l’emplacement actuel des Halles, et enfin qu’est lancée la construction de Notre Dame de Paris par l’évêque Maurice de Sully. Toutefois, ce phénomène d’urbanisation n’est pas uniforme et certaines régions d’Europe son épargnées.

Le mouvement communal

Les villes prennent donc une importance croissante dans le paysage européen du XIème et XIIème siècle, mais elles restent des seigneuries. Ainsi, le pouvoir est aux mains d’un ou de plusieurs seigneurs qui ne sont pas souvent présents dans la ville et résident dans leurs châteaux ruraux. L’autre institution qui exerce une autorité est bien évidemment l’Eglise, représentée par l’évêque, mais celui ci ne perçoit ni l’intérêt ni les enjeux du développement du commerce et des activités artisanales. Dès lors, l’élite urbaine constituée par les marchands et les juristes, prenant conscience de l’inadaptation du cadre institutionnel féodal à la réalité urbaine décide de remettre en cause cette organisation du pouvoir et certaines villes se constituent en communes, profitant souvent d’un contexte insurrectionnel. Décrivons quelque peu le fonctionnement d’une commune. Une charte communale est rédigée et constitue l’acte fondateur qui précise les rôles des différentes institutions. Ces chartes sont progressivement acceptées par les seigneurs qui avaient les villes sous leur tutelle, en échange d’importantes sommes d’argent. La commune possède sa milice qui fonctionne comme une police. Tous les citoyens sont tenus par une obligation militaire. Des magistrats sont élus parmi les familles dominantes et sont chargés de représenter la commune, de défendre ses intérêts, et de gérer les recettes fiscales. Toutefois, ces communes, si elles ont une certaines autonomies, elles ne sont pas pour autant indépendantes, dans la mesure où elles restent souvent sous la domination indirecte d’un seigneur. Ainsi, de nombreuses communes se sont constituées avec l’assentiment du seigneur qui y trouve également son intérêt. En France, la majorité des communes reconnaissent l’autorité du roi capétien. Ce mouvement communal, que certains qualifient même de révolutionnaire, concerne avant tout l’Italie du Nord au XIe siècle puis le nord de la France et les Flandres au début du XIIème siècle, avant de s’étendre dans la Midi de la France, sur les côtes de la Baltique et en Angleterre dans la seconde moitié du XIIème siècle.
Si nous avons évoqué longuement ce phénomène communal, c’est qu’il revêt une importance toute particulière dans l’avènement progressif d’un ordre marchand. Le mouvement communal a permis de mettre en place un système dans lequel le pouvoir des marchands l’emporte sur le pouvoir des seigneurs.
La création de la commune de Laon (111)
Les clercs, archidiacres compris, et les nobles, qui guettaient l’occasion d’exiger de l’argent du peuple, lui font offrir par le biais d’envoyés, s’ils sont prêts à en payer un prix convenable, la permission de faire une commune. La Commune, mot nouveau et détestable, consiste en ceci que tout les hommes de chevage ne payent qu’une fois par an à leurs seigneurs la dette habituelle de la servitude et s’ils ont commis un délit contraire au droit, s’en rachètent par une redevance légale ; les autres levées de cens que l’on a coutume d’infliger aux serfs disparaissent de toute façon. Le peuple ayant saisi cette occasion de se racheter, ils comblèrent par de larges monceaux d’argent ces gueules que tous ces cupides ouvraient pour qu’on les emplît. Ceux-ci rendus plus calmes par l’épanchement d’une telle pluie, confirmèrent par des serments que dans cette affaire ils garderaient leur foi envers le peuple
Guilbert de Nogent, De vita sua (traduction dans Ch.-M. de La Roncière, Ph. Contamine, R. Delort, M. Rouche, L’Europe au Moyen Âge. Documents expliqués, tome 2 : fin IXe siècle – fin XIIIe siècle, Paris, 1969-1971, p. 226-228

Les nouveaux acteurs qui apparaissent dans ces villes

Les artisans réunis autour de corporations

Le travail manuel n’a pas toujours eu bonne presse. En effet, jusqu’au XIème siècle, les deux activités valorisées sont la prière pour obtenir le salut éternel ou le combat guerrier pour la gloire. Ce n’est qu’à partir du XIIème siècle que, grâce à des traités théologiques et politiques, dont le Polycraticus de Jean de Salisbury, les perceptions sur le travail manuel évoluent et la place de l’artisan dans la société devient légitime et importante. Ceux-ci sont généralement organisés dans les villes en associations appelées Métiers, Arts ou Corporations. Ces organisations sont basées sur une grande solidarité entre leurs membres, qui se traduit notamment par l’existence d’une police interne qui s’attache à la lutte contre la fraude, mais aussi par l’encouragement d’une transmission des ateliers de père en fils et par la formation des jeunes. Les corporations sont des acteurs clés des villes du Moyen Âge et participent pleinement à la vie de la cité.

L’apparition de grands notables urbains qui bâtissent des fortunes considérables

Le développement des villes en Europe s’accompagne de l’émergence d’une nouvelle élite, celle des marchands et des notables. Ils apparaissent tout particulièrement en Flandre et en Toscane. Ils bâtissent des fortunes considérables, conduisent leurs affaires de façon autonome, et à partir du XIIIème siècle ces notables peuvent rivaliser avec les membres de la haute noblesse par leur richesse et leur arrogance. Guillaume Cade, de Saint-Omer en est l’exemple frappant : grâce au très lucratif commerce de l’habillement du XIIème siècle, il parvient à devenir l’un des grands financiers de son temps. Il était titulaire de la ferme de Douvres, c’est à dire du droit d’y collecter les revenus locaux du roi.

On assiste donc à une véritable transformation du corps social qui s’élargit et se diversifie, laissant à la place à de nouveaux acteurs, les artisans et les marchands. En plus de ces transformations sociales liées à l’urbanisation, il convient d’évoquer les innovations techniques qui interviennent dans les derniers siècles du Moyen Age.

De nouvelles techniques qui permettent une augmentation de la production

Le rôle des constructions d’églises

Selon Robert I. Moore, « l’édification d’églises aura joué un rôle assez semblable à celui de la construction des lignes de chemin de fer dans la révolution industrielle du XIXème siècle ». Décrivons d’abord le phénomène de manière quantitative avant de nous pencher sur ses conséquences et ses implications. Du nord de l’Ecosse à Lisbonne, de Riga à Esztergom, l’Europe du XIème au XIVème siècle se couvre de cathédrales gothiques ou romanes et d’églises de paroisse, comme en France où plusieurs milliers d’églises paroissiales sont bâties à cette époque. Il faut imaginer ce que représente en terme de main d’œuvre, de matériaux et de technicité la construction d’une cathédrale. Les techniques employées sont d’une précision hors du commun pour l’époque dans des domaines aussi différents que la maçonnerie, le taillage de pierres ou la fabrication de vitraux. Les besoins en matières premières ont d’autre part engendré des progrès considérables dans les moyens de transport et de communication, et les machines et outils utilisés pour bâtir ces cathédrales ont pu être repris pour la construction de bâtiments civils.

Les innovations des campagnes

La campagne au Moyen Age connaît de nombreuses innovations qui permettent l’augmentation des rendements dont nous avons parlés plus haut. Les techniques et les habitudes progressent et permettent d’améliorer la productivité des espaces cultivés. On peut citer l’exemple du nord de la France, où progressivement le cheval remplace le bœuf de labour grâce à l’adoption du collier de poitrail. En Angleterre le mouvement des enclosures se développe au XIIIème siècle et permet à des propriétaires individuels d’acquérir des terres communales s’ils acceptent d’installer une clôture autour du champ. Mais l’exemple le plus emblématique de l’innovation des campagnes, rendu populaire par l’œuvre de Cervantes (chapitre XX de Don Quichotte : De l’aventure inouïe que mit à fin le valeureux don Quichotte, avec moins de péril que n’en courut en nulle autre nul fameux chevalier), est sans aucun doute le moulin à foulon : « Ils n’eurent pas fait deux cents pas que leurs oreilles furent frappées par un grand bruit d’eau … et s’étant arrêtés pour écouter attentivement d’où il partait, ils entendirent tout à coup un autre vacarme qui calma tout à la fois leur joie et leur soif, surtout pour Sancho, naturellement poltron. Ils entendirent de grands coups sourds, frappés en cadence, et accompagnés d’un certain cliquetis de fer et de chaînes, qui, joint au bruit du torrent, aurait jeté l’effroi dans tout autre cœur que celui de don Quichotte. »

Ces transformations techniques, sociales et urbaines apparaissent comme des préalables indispensables à tout développement économique. Cependant, on comprend bien que l’on ne peut pas parler de capitalisme simplement parce que l’on assiste à une augmentation des rendements agricoles ou à un début d’urbanisation. L’analyse du renouveau commercial que connaît l’Europe de la fin du Moyen Age devient donc nécessaire.
Le renouveau du commerce

Les conditions matérielles du commerce

Les transports

Les transports maritimes

Du XIe au XVe siècle, les bateaux n’ont cessé de s’améliorer en terme de tonnage, de rapidité et de fiabilité. Ces bateaux sont très utilisés pour le transport des pondéreux, du blé, du vin, du bois, ou du sel. La voile remplace progressivement les bateaux à rames qui sont certes plus rapides mais beaucoup moins à même de transporter des grosses quantités de marchandises. Ainsi, on peut citer l’exemple de la galée marchande de Venise qui, au XVe siècle, peut transporter trois cents tonnes métriques de marchandises grâce à sa coque de quarante mètres de long et cinq mètres de large portée par deux imposants mâts. De cinquante à cent matelots sont nécessaires pour manœuvrer ces navires. L’autre apport considérable à la navigation est l’adoption de la boussole, qui apparaît dans sa forme moderne, avec un système de pivots pour conserver la précision, au début du XIVe siècle. Toutefois, la diffusion de cette innovation sera très contrastée en fonction des zones géographiques : alors que les marins italiens l’adoptent très vite, les navigateurs de la Baltique et de la mer du Nord n’y ont toujours pas accès au milieu du XVe siècle. Enfin, dernière invention majeure, le gouvernail d’étambot, qui apparaît dans la courant du XIIIème siècle, permet d’améliorer la maniabilité des navires et de remonter le vent.
Ce progrès technique généralisé autorise une utilisation à plus grande échelle et sur de plus grandes distances de la navigation maritime. Ainsi, à partir du XIVe siècle, une circumnavigation de l’Espagne permet de relier la Méditerranée à la mer du Nord. Les Génois sont les précurseurs de ces liaisons, avec Nicolozzo Spinola qui atteint Bruges en 1277. Le plus important pour notre sujet, c’est que le développement du transport maritime nécessite des capitaux importants, mais également un partage des risques dans la mesure où les risques liés aux traversées restent très importants. Dès lors, apparaît pour la première fois des investisseurs n’ayant aucun lien direct avec le bateau (ils ne sont ni armateurs, ni affréteurs,…) qui apportent des capitaux pour investir dans des affaires à moyen terme (six mois à un an). On peut dire que le capitalisme naît à cet instant.

Les transports terrestres

Ils sont très difficiles au Moyen Age : les voies romaines ont quasiment disparues, les quelques chemins qui existent relient principalement les châteaux et ne supportent guère les chariots lourds. Seuls les transports par colonnes de mulets ou par chevaux sont appropriés. Toutefois, dans le contexte d’ouverture et d’augmentation des échanges, des routes s’ouvrent à travers les Alpes. Ainsi, le XIIIème siècle voit la création de la route du Saint Gothard grâce à la construction d’un pont suspendu, mais aussi l’ouverture du col de Simplon. Grâce à ces routes, l’Europe du Nord et la Lombardie sont enfin reliés plus commodément.

La monnaie et le crédit : la naissance d’un système bancaire

La monnaie

Depuis Charlemagne et son fils Louis Le Pieux, le système monétaire en place est celui du monométallisme, c’est à dire un système monétaire ne reconnaissant qu’une seule monnaie légale, à savoir l’argent. La monnaie en vigueur à partir du IXème siècle est donc le denier d’argent, dont la valeur est initialement fixée à 240 pièces pour une livre de poids d’argent, mais qui est rapidement dévalué. Face à l’augmentation des besoins en masse monétaire, l’extraction minière reprend dès le Xème siècle, en Saxe, dans les gisements du Harz, mais également dans les Alpes, les Vosges et le Jura. Toutefois, la reprise de l’expansion démographique à partir de l’an mil, le développement des villes, le développement du commerce, du textile, de la draperie et des constructions rendent insuffisant ces efforts de création monétaire, d’où un phénomène d’inflation qui s’installe en Europe. Ainsi, le tournois, monnaie des rois carolingiens, n’a plus en 1240 que 0,35 gramme de fin, ce qui correspond à une inflation de 83%. On imagine le poids de métal nécessaire pour payer des quantités importantes de produits dans les foires notamment. En réaction à cela, on assiste à une diversification des unités monétaires : en 1203, Venise frappe un gros d’argent (mataplan), puis Louis IX créé le gros tournoi en 1266. Ces nouvelles monnaies constituent enfin des unités de compte à part entière. De plus, le dogme du monométallisme tombe et grâce notamment à l’afflux d’or en provenance du Sénégal, la monnaie d’or refait son apparition. C’est dans les villes italiennes de Gènes, Florence et Venise que naissent les ducats et le florin. Le ducat de Venise devient progressivement l’instrument privilégié des échanges internationaux du Moyen Age. L’or étant considéré comme un élément constitutif de la souveraineté nationale, la France et l’Angleterre frappent également leurs pièces d’or, sans rencontrer le même succès que les Italiens. Toutefois, ces créations monétaires, qui s’accompagnent de réformes de la politique monétaire comme celle lancée en 1266 par Saint Louis en France, ne répondent pas aux besoins toujours plus importants des échanges. C’est pourquoi, on assiste en Europe au développement des mécanismes de prêt, d’endettement et d’usure. C’est ce que nous allons voir dans la partie suivante.

Le crédit

On l’a vu dans la première partie, le prêt à usure ou prêt à intérêt est dans son principe fermement condamné par l’Eglise. Toutefois, cette position religieuse ne tient pas devant une réalité qui a besoin de systèmes de crédits pour fonctionner. C’est pourquoi les marchands parviennent à détourner l’interdiction édictée au début du XIIIème siècle au concile de Latran et comptent sur le soutien de clercs pour justifier une pratique rendue nécessaire pour la bonne marche des affaires.
Voyons d’abord les évolutions théologiques qui apparaissent sur cette question du prêt à intérêt. Ainsi, certains textes canoniques qui sont publiés dans le courant du XIIIème siècle nuancent les condamnations de Latran et s’attachent plus à dénoncer les excès de l’usure que l’utilisation normale de ce procédé. On peut également citer le cas de l’archevêque de Florence Antonio di ser Niccolo Pierozzi, fils de notaire, qui a été la figure de proue d’un courant de théologiens modérés qui ont cherché à faire preuve de tolérance en ce qui concerne l’usure.
Attachons nous maintenant à voir comment les marchands et hommes d’affaires du Moyen Age, comprenant l’importance du crédit pour soutenir une croissance économique durable et équilibrée, ont trouvé de moyens de détourner les interdictions de l’Eglise. On peut citer quelques unes des formules inventées : le prêt gratis et amore, le prêt à la grosse aventure, le contrat de change, où l’intérêt trouve sa justification dans le risque assumé par le prêteur. Le crédit le plus fréquemment utilisé est la vente à crédit. En effet, le paiement au comptant reste rare dans les opérations de négoces de gros ou de détail, et il n’est pas rare que les termes de ces crédits aillent jusqu’à un an. Dans ces crédits, l’intérêt est dissimulé mais existe bel et bien.
Toutes ces inventions ne sont en réalité que des moyens de transférer l’épargne vers les personnes ayant besoin d’argent pour vivre ou pour développer une activité.

Les innovations juridiques liées aux besoins croissants de capitaux

La commande

La complexification et la diversification des activités économiques engendrée par la montée en puissance d’activités industrielles et commerciales rendent nécessaire la création de mécanismes qui permettent à plusieurs individus de mettre en commun des capitaux pour financer un projet. Prenons l’exemple d’un drapier qui souhaiterait commercialiser ses marchandises à une plus grande échelle que son traditionnel marché local. A lui seul, il n’a pas les moyens de financer l’armement de navires, l’installation de grues pour charger les bateaux, ou encore le fonctionnement de teintureries plus grandes. De même, il ne peut supporter seul le risque de voir toute sa marchandise disparaître à cause d’une traversée malheureuse. D’où la propension des acteurs économiques de l’époque à disperser ce risque en s’associant à d’autres investisseurs. Les capitaux peuvent venir d’acteurs très différents. Si les marchands ont par nature tendance à se tourner vers leurs semblables, dont l’intérêt évident est de diversifier leurs placements et de s’associer à des opportunités de profit, il arrive également que des acteurs économiques moins puissants, mais disposant de liquidités qu’ils ne peuvent réinvestir directement, s’associent à ces projets. C’est le cas par exemple du boulanger, pour qui il ne sert à rien de réinvestir les profits qu’il réalise dans sa boulangerie si la demande en pain n’augmente pas dans son quartier. Enfin, les derniers types d’individus potentiellement concernés par ces investissements sont les acteurs économiques du secteur tertiaire, à savoir les avocats, les notaires, les officiers de finance, etc.
Plusieurs formes d’associations sont alors envisagées. La première consiste simplement en la réunion de différents capitaux ou de différentes personnes pour une affaire déterminée. Ainsi, la réunion de deux marchands, l’un disposant d’un capital qu’il souhaite faire fructifier, l’autre ayant la volonté de faire des affaires, constitue une première forme de capitalisme. Les apports sont de natures diverses : l’un apporte une somme d’argent, l’autre apporte son travail. Cependant, on ne peut parler d’association que si le marchand actif, celui qui va travailler à faire fructifier le capital de l’autre, apporte une réelle compétence, qui peut être sa connaissance des acteurs économiques (intermédiaires, clients, fournisseurs) et du marché (niveaux de prix, qualités des marchandises), ou sa juste appréciation des temps de parcours. Les deux se partagent les risques, et donc les profits escomptés. Le partage est généralement fixé à deux tiers à trois quarts pour celui qui apporte les capitaux, et de 25% à un tiers pour le marchand actif. Tout dépend du niveau de risque encouru par ce dernier. Ainsi, pour les transports de marchandises dans la Baltique, la part des profits dévolue au marchand en charge du transport a pu monter jusqu’à 50% en raison des risques météorologiques importants. Ces associations constituent de véritables contrats, que l’on peut assimilé à des commandes. A Venise, ces contrats créent au XIVe siècle s’appellent les colleganza : le marchand apporte un tiers, le commanditaire deux tiers du capital ; le marchand fait le voyage et au retour, on partage les profits selon des proportions variables. Les opérations sont limitées à un contrat pour une affaire. Ces commandes deviennent un outil formidable de développement des petites entreprises. Mais elles sont parfois sujettes à des contestations, en particulier pour les contrats impliquant un transport maritime. En effet, il arrive que le commanditaire ne soit pas satisfait des arbitrages du marchand actif en terme de marchandises échangées. On peut citer l’exemple de Anthoni Berga, catalan, qui ayant financé l’envoie en Orient de jarres de miels, souhaite que le marchand, en l’occurrence un dénommé Johan de Vilasecha, lui rapporte du gingembre d’un genre précis : baladi. Toutefois, celui ci se trompe et rapporte du gingembre marqui, produit disponible en abondance à Barcelone. L’effondrement des prix qui en résulte pousse Berga a refuser de partager dans les proportions prévues par le contrat initial le maigre profit réalisé. Ces litiges poussent les contractants à fixer très précisément les termes des contrats de commande qu’ils sont amenés à signer.
On l’a dit plus haut, les individus apportant leur épargne ne sont pas nécessairement des marchands. De nombreux contrats ayant pour objet l’exploitation d’un négoce ou d’un atelier associent le pêcheur, non commerçant, et le vendeur de poisson, l’éleveur et le boucher, etc. De même, il est fréquent que des notaires ou des courtiers placent leur argent dans l’affaire d’un artisan (drapier, tisserand de voiles) afin de toucher de façon régulière une rente liée aux bénéfices réalisés par cet artisan. Ces contrats s’apparentent plus à des commandes d’investissements qu’à des commandes maritimes. On assiste donc à une complexification et une diversification des formes d’associations.
Ce changement d’échelle des commandes ne se retrouve pas seulement dans la diversification des commandes. On assiste également à une complexification des commandes maritimes. En effet, à partir du XVème siècle, les contrats cessent d’être limitées à une seule affaire : ils s’allongent, sont prolongés à la fin d’un voyage pour un nombre parfois illimité d’affaires. Ainsi, certains grands marchands génois qui commercent avec l’Orient et l’Europe du Nord, parviennent à réunir tant de commandes pour financer leurs expéditions maritimes que l’on assiste à une véritable concentration des capitaux. Cette concentration, expression d’un capitalisme naissant et florissant, autorise le développement prodigieux d’affaires commerciales de grande ampleur.

La société à participations

La différence principale qui existe entre la commande et la société à participations est que dans le cadre de cette dernière, le marchand actif, en plus de son travail, apporte à l’entreprise une part de son capital. Dès lors, il ne risque pas simplement sa personne, mais également son patrimoine. Les marchands investissent souvent dans de nombreuses sociétés à participations, toujours dans un objectif de dispersion du risque et de recherche des opportunités de profits. Autre caractéristique des sociétés à participations, le nombre d’associés est généralement limité, ceux ci étant fréquemment membres d’une même famille. Les trois frères Veckinchusen sont l’exemple le plus pertinent, dans la mesure où ils s’organisent pour se partager les marchés d’Europe du Nord: Hilderbrand s’installe à Bruges, Sievert à Lubeck et Cesar à Reval, berceau familial. Leur association dure plus de vingt ans, avant de tourner à la ruine. Enfin, les sociétés à participations n’ont pas vocation à durer indéfiniment. La difficulté de ces sociétés réside dans la fixation de la rémunération du travail du marchand actif, sachant qu’il apporte également une part du capital. La société des mers inventée à Gènes rétribue le marchand actif de la moitié des profits s’il a apporté un tiers du capital, tandis que ses risques sont limités au montant de son apport en capital. Mais cet arbitrage est loin d’être partagé par tous et de longues négociations ont souvent lieu lors de la fixation des termes du contrat.
La société en participations est un cadre juridique souvent utilisé par des acteurs économiques ayant des activités proches et complémentaires, et donc des intérêts communs. Ainsi, il est fréquent qu’un bouquetier qui vend des produits en ville s’associe avec un forain qui fait le tour des marchés d’une région.
Une autre utilisation de cette structure, plus polémique, est constituée par l’organisation des fermes fiscales françaises en sociétés à participations, motivée par la nécessité de répartir les risques et les responsabilités et par le besoin de réunir des capitaux importants. Des ordonnances royales ont essayé de limiter le nombre d’associés, appelés compagnons.
Il faut souligner que ces sociétés en participations conviennent surtout aux affaires de taille moyenne à petite.

Les sociétés en commandite

Les sociétés en commandite permettent d’associer un nombre important de bailleurs de fonds sans que ceux ci partagent les responsabilités : c’est la notion de responsabilité limitée. Les parts sont égales mais un même créancier peut en posséder plusieurs, ce qui encourage la concentration des capitaux, et librement cessibles, fait constituant un progrès extrêmement important. En effet, dans la mesure où chaque associé peut retirer au moment où il le souhaite son capital et donc son profit, ses exigences en terme d’apurement des comptes sont moins importantes : il sait qu’il récupérera son investissement quand il le voudra. D’où le développement d’investissements à moyen terme, nécessaires à des voyages qui durent généralement de six à douze mois. Ce système de société en commandite plait à la fois à l’entrepreneur, qui y voit le moyen de rassembler des capitaux qu’il ne rémunère qu’en cas de bénéfices, contrairement à un dépôt, et à l’investisseur, pour qui ces sociétés permettent de réaliser des placements faiblement risqués qui peuvent rapporter des plus-values.
Gènes est la ville qui exploite le mieux la flexibilité offerte par les sociétés en commandite en développant les sociétés à « carats », c’est à dire des sociétés qui se divisent en 24 carats égaux, sur le modèle de l’or fin. Elles ont vocation à concerner un objet précis et déterminé, souvent lié à l’exploitation d’un monopole.
Cependant, l’Italie n’est pas la seule région où la forme juridique de la société en commandite est utilisée par les hommes d’affaires. Dans les villes de la Hanse, la propriété des navires, en particuliers des grosses hourdes, peut être divisée en trente-deux ou soixante-quatre parts. De même en France, dans la région de Toulouse, les moulins sont divisés en « uchaux » (huitièmes) dès la fin du XIVème siècle. Ces uchaux sont librement cessibles, ce qui permet à l’entreprise en charge du moulin de perdurer dans le temps et de ne pas dépendre de la volonté d’un des participants qui voudrait liquider l’entreprise. Ces uchaux sont vendus sur un véritable marché, avec une cotation qui dépend de la situation économique et politique, mais également des bénéfices espérés.
Les sociétés en commandite ont enfin l’avantage de réunir des individus éloignés géographiquement. Ainsi, la propriété des mines de Bosnie est répartie entre des capitaux italiens et allemands.

La compagnie

L’apparition de la compagnie est très localisée : c’est dans les villes italiennes de l’intérieur, et en particulier en Toscane, que cette nouvelle forme juridique voit le jour. Donnons quelques éléments de contexte pour comprendre pourquoi la compagnie a émergé à cet endroit. Dès le début du XIVème siècle, les hommes d’affaires de Sienne et de Florence accentuent le phénomène de concentration des capitaux, le rendant plus important, plus pérenne et plus flexible. D’autre part, grâce au dynamisme commercial et à l’expansion géographique des expéditions, certains florentins s’installent dans des ports étrangers et deviennent des sortes de directeurs de succursales.
Voyons maintenant quelle est la structure de ces compagnies. Le cœur d’une compagnie est constitué par la famille, dont les membres possèdent la totalité ou la très grande majorité du capital. Cela permet d’établir un climat de confiance auprès du public qui peut avoir la garantie que la compagnie s’inscrit dans une certaine continuité. D’autre part, le fait que les responsables et cadres de la compagnie portent le même nom permet une plus grande lisibilité et crédibilité de la compagnie à travers les pays. Un exemple abouti est celui de la famille Portinari originaire de Florence. Les fils, neveux et frères sont répartis dans des filiales basées à Florence, Naples, Venise, Milan, Bruges et Londres.
Examinons à présent les caractéristiques d’une compagnie. Dans cette structure juridique, au même titre qu’une société en commandite, les associés partagent les risques, les profits et les pertes. La grande nouveauté tient à l’invention du concept de responsabilité collective dont les conséquences sont très importantes. En effet, elle suppose une exclusivité des investissements dans une seule compagnie, alors que les sociétés en commandite encouragent la dispersion des capitaux dans plusieurs affaires. Cela n’empêche pas pour autant des membres d’une compagnie d’investir sous des formes juridiques différentes, mais on ne peut être lié à plus d’une compagnie.
Les compagnies sont plutôt prospères : ainsi, au XVème siècle, la compagnie des Medici, famille célébrissime dont la compagnie était présente partout en Europe, verse, à l’exception de sa filiale brugeoise qui s’est effondrée, des dividendes très importants. L’autre élément essentiel est le rôle des dépôts extérieurs. La compagnie accepte des dépôts et les rémunère, tout en les dissociant de son capital propre. Cela lui permet de disposer de plus d’argent, sans que les dépositaires aient un quelconque droit de regard sur la gestion de la compagnie ni sur l’emploi de leur argent. La rémunération offerte pour ces dépôts, que l’on peut assimiler à un intérêt, n’est pas liée à l’activité de la compagnie mais au marché du crédit. Pour avoir un ordre de grandeur, les intérêts pratiqués au XVème siècle dans les villes italiennes étaient de l’ordre de 10% plus ou moins 2%. Là encore, tout le monde y trouve son compte : ce genre de placement offre pour l’investisseur un intérêt garanti et pour la compagnie une source de disponibilité supplémentaire, le risque étant bien sûr de trop faire dépendre la santé économique de la compagnie de ces placements qui peuvent, en cas de doute quant aux performances de la compagnies, être réclamés par les déposants et conduire ainsi à la faillite. On retrouve les problématiques actuelles concernant le niveau de levier (dettes / capitaux propres) acceptable pour une entreprise. L’autre problème qu’il faut souligner réside dans le fait que les taux d’intérêts appliqués imposent à la compagnie une rentabilité forte et durable.
Les difficultés de communications de l’époque incitent les compagnies à adopter une organisation en filiales disposants d’une relative autonomie. Cette décentralisation se traduit moins par une division du capital, dans la mesure où la personne qui dirige la maison mère ou la filiale principale veille à garder la majorité du capital de chacune des filiales, que par une autonomie de gestion et une réelle division des risques. Toutefois, même au XVème siècle, la solidarité entre les différents corps de la compagnie est préservée et se retrouve dans les échanges d’informations entre les filiales et la cohérence générale des opérations de la compagnie à l’échelle européenne. Le passage de la succursale familiale à la filiale s’est fait en douceur et très discrètement, comme en témoigne l’attitude du public.
Si l’on devait résumer le fonctionnement d’une compagnie, on pourrait citer Jean Favier qui écrit dans De l’or et des épices :
« Répartir le capital entre plusieurs sociétés aux intérêts identiques, et laisser chaque dirigeant jouer des opportunités et prendre des risques – de gain et de perte – qu’elles procurent, dans une politique globale que symbolise le nom collectif, tel est le capitalisme raisonné des grandes compagnies décentralisées qui s’impose au XVe siècle comme la structure idéale d’une mainmise sur les affaires à l’échelle européenne. » Il nous est apparu nécessaire de développer longuement cette partie sur les évolutions juridiques et la naissance de sociétés commerciales, car elles conditionnent l’émergence d’un véritable capitalisme marchand. Nous allons maintenant voir comment le commerce se déploie à l’échelle européenne à partir du XIIIème siècle.

Les lieux du commerce

Les foires

Au sein même de royaumes qui sont encore dominés par la féodalité, l’ordre marchand s’insinue dans quelques bourgs, marqués par l’émergence d’une nouvelle classe dirigeante composée de marchands et de financiers. Ils font du contrôle des outils de travail le moyen de leur pouvoir. Ces bourgs se distinguent par une plus grande liberté de pensée qu’engendre une moindre influence exercée par les pouvoirs religieux et militaires. Un nouveau mode de travail naît dans leurs ateliers, dans leurs entrepôts et leurs banques : le salariat. Dans certains de ces bourgs apparaissent des foires. Ce phénomène touche l’Angleterre avec les villes de Winchester et de Stamford, les Flandres avec Bruges, Ypres et Lille, l’Italie à Milan et Vérone, mais la région où les foires vont le plus s’ épanouir est la Champagne entre le milieu du XIIème siècle et 1300. Quatre villes sont concernées : Provins, Troyes, Lagny et Bar-sur-Aube. Tout au long de l’année, six foires se succèdent dans ces villes en un cycle continu. Le comte de Champagne est l’instigateur de ces foires et à ce titre il se charge de la protection des marchands, il fait construire des maisons où ces marchands qui viennent des quatre coins de l’Europe occidentale peuvent loger, et établit des modèles de contrats. Les principales marchandises échangées au cours de ces foires sont des draps et des toiles des Flandres, des cuirs et des fourrures d’Allemagne, des épices et autres produits de luxe commercialisés par des Italiens mais venant souvent d’Orient, du cuir de Provence, etc. En plus de cette activité commerciale, les foires développent rapidement une fonction financière, dans la mesure où les paiements se font de plus en plus par compensation et non au comptant : apparaissent alors des lettres de foire et des billets à ordre. Ces techniques financières sont apportées par les Italiens, pionnés dans ce domaine comme nous l’avons vu plus haut.
Toutefois, l’apogée de ces foires au XIIIème siècle laisse rapidement la place au déclin, en raison du déplacement des marchands vers d’autres places comme Paris, les villes de Flandres ou l’Angleterre. Ce déclin est également corrélé au fait que de plus en plus, le marchand est sédentaire. Il a des associés établis directement à l’étranger et n’a plus besoin de se déplacer. Nous avons développé ce point en parlant des compagnies et des sociétés en commandite.

Le grand commerce international au XIIIe siècle

Méditerranée

Les grandes avancées de l’Occident chrétien, qu’illustrent la Reconquista espagnole et les Croisades laissent le champ libre aux Italiens pour dominer l’espace méditerranéen et par conséquent le commerce qui y prospère.
Il se caractérise par des importations de matières premières pour l’industrie textile, dominée par les draperies. D’où des échanges importants d’alun venant d’Asie mineure, de laine d’Afrique du Nord et de coton du Moyen Orient. Les autres types de biens primaires échangés sont constitués par les bois et les métaux d’Egypte, ainsi que de nombreux produits alimentaires : sel des Baléares, sucre de canne de Mésopotamie, blés de Crimée. Enfin, des produits qualifiés de luxueux représentent une part importante du trafic commercial méditerranéen, avec des tissus de soie, des fourrures, mais aussi et surtout des épices. Venise est d’ailleurs, à partir du XIIIème siècle, en situation de quasi monopole concernant ces denrées rares, comme nous le verrons dans un paragraphe suivant. Le commerce des épices était auparavant contrôlé par les Musulmans ou Constantinople.

Mers nordiques

Les échanges se concentrent sur les denrées alimentaires et les matières premières. Ainsi, si les villes de Flandres importent massivement des produits alimentaires venant de France (blés), de Holland et de Scandinavie (beurre), de la Saxe (sel), elles sont également friandes des métaux de Suède, du bois venant de Russie et surtout de la laine anglaise. Le système commercial qui se développe dans cette région est celui de la Hanse, qui regroupe des villes portuaires de Norvège, de Suède, d’Allemagne, etc.

Les « centres » du commerce en Europe occidentale

1200-1350 : Bruges

Dès la fin du XIIe siècle, Bruges fait parti des ports les plus dynamiques d’Europe. La ville se présente comme un gros bourg possédant un vaste arrière pays agricole. Bruges est tournée vers le monde : ses marchands se rendent en Angleterre, en Espagne, en France, en Pologne, etc. Elle est ouverte aux échanges extérieurs, en devenant progressivement un point de passage obligé des foires flamandes, mais également en accueillant au XIIIe siècle les bateaux venant de Gènes et plus tard, ceux de Venise. D’où le développement à Bruges d’un important échange d’épices venant des pays lointains (Chine, Inde) contre la laine, les bijoux et le verre de la région. La ville compte au milieu du XIVe siècle 35 000 habitants tout au plus, mais c’est pourtant à cette époque qu’elle devient le cœur de la première forme du capitalisme. Ce cœur repose sur ses liens avec les foires de la Hanse, d’Allemagne, de France et d’Italie. Il est basé sur l’échange de vin, de draps, de verres et de bijoux contre du blé, du bois et du seigle venant du reste de l’Europe. Toutefois, cette position dominante de Bruges sera éphémère. En effet, confrontée à la fois au ralentissement des échanges avec l’Asie, à la Grande Peste qui ravage l’Europe en tuant un tiers de la population et en anéantissant les échanges, et à un problème structurel d’ensablement de son port, la ville, tout en restant la plus grande puissance marchande du nord de l’Europe, perd progressivement du terrain face à une ville italienne : Venise.

1350-1500 : Venise

Les points communs avec Bruges sont nombreux : Venise est isolée et dispose d’un vaste arrière-pays agricole. Sa position géographique, apparemment malheureuse, se révèle être un atout pour recevoir l’argent découvert dans des mines allemandes. Mais le véritable élément déclencheur de l’avènement de Venise est le rôle que la ville va jouer dans les croisades au XIème siècle. En effet, le Sérénissime décide de construire des chantiers navals pour armer les bateaux des croisés. L’histoire de Venise et des croisades va se croiser à nouveau au tout début du XIIIème siècle. En effet, la ville parvient à détourner la IVème croisade de son but initial pour s’assurer des routes commerciales de l’Orient. Cette croisade est décidée par le pape Innocent III et dirigée par quatre personnages célèbres : le prince lombard Boniface de Montferrat, le comte Baudouin de Flandres, Geoffroy de Villehardouin et Dandolo, le doge de Venise. La ville accepte en 1202 d’affréter suffisamment de navires pour transporter près de trente milles croisés qui devaient à l’origine aller combattre en Egypte. Les croisés étant moins nombreux que prévus, ils ne peuvent pas payer intégralement les 81 000 ducats dus pour les navires. Dandolo négocie alors qu’en échange d’une remise de dette l’armée des croisés prennent pour le compte de Venise le port de Zara situé en Dalmatie, ancienne possession vénitienne. Cette attaque contre une contrée catholique vaut aux croisés d’être excommuniés par le pape. Ils poursuivent leur avancée à Constantinople qu’ils prennent en 1204. Cette croisade permet à Venise de s’assurer la domination commerciale sur la région. D’autre part, Venise se positionne progressivement comme un acteur incontournable des échanges : porte d’entrée des produits d’Orient vers l’Europe du Nord, elle profite de l’ouverture du Saint-Gothard que nous avons déjà évoquée pour faire transiter les marchandises venues d’Orient vers les villes du Nord sans passer par les ports flamands ou ceux de la mer du Nord. Au sortir de la Grande Peste, Venise prend la tête de l’Ordre marchand.
Attardons nous d’abord sur le fonctionnement de la ville. Venise est dirigée par une élite à la fois marchande et militaire. A la tête de l’exécutif se trouve le doge, élu à vie mais qui doit garder la confiance des oligarques de la ville. La ville est gouvernée par une aristocratie puissante mais restreinte formée de marchands et de soldats, mais également par des milliers de stratèges. En dessous se trouvent les artisans, qui travaillent dans les ateliers de la ville. Ils sont regroupés dans des guildes très organisées, sortes de corporations locales. Leurs revenus sont importants et leur statut social relativement protégé, dans la mesure où il règne une grande solidarité au sein de ces corps de métiers. Le dernier étage de la pyramide sociale est composé de plus de cinquante milles marins qui travaillent très dur, mais aussi de mercenaires, d’artistes et de médecins. Il règne à Venise une grande liberté intellectuelle et artistique qui donne à la ville un esprit d’entreprise inconnu en Europe. Elle établit les normes artistiques et architecturales, attire de grands architectes, des philosophes, des écrivains. Venise se lance dans l’établissement d’ateliers et d’institutions financières dont les armateurs, les banquiers et les marchands ont besoin. Cette ville est, comme Bruges, entièrement tournée vers l’extérieur. En compétition avec Constantinople puis l’Empire turc, elle signe avec ces adversaires des compromis pour favoriser le commerce. Afin d’accroitre sa puissance marchande, Venise se lance dans la construction d’une flotte de bateaux de commerce de 300 tonnes réputés très sûrs grâce à l’emploi de mercenaires. Venise devient peu à peu le centre des échanges : elle fixe les prix des marchandises et s’enrichit considérablement. La ville devient également une place financière de premier plan : elle manipule les cours des monnaies et ses agents de change contrôlent la quasi totalité des places financières européennes. D’autre part, si Venise n’est pas le centre des innovations technologiques de l’époque, elle a l’intelligence de copier ce qui se fait de mieux dans les autres villes. Ainsi, si Gènes est précurseur dans la création d’une monnaie forte, le génois, Venise frappe trente ans plus tard le ducat qui s’imposera partout en Europe, si c’est Florence qui invente le chèque et la holding, c’est Venise qui développe le concept en organisant un vaste système de bourses, de maisons de commerce, de banques et de sociétés d’assurances. Venise innove encore en encourageant la constitution de sociétés par actions financées par de nombreux petits épargnants pour affréter des navires, comme nous l’avons vu précédemment. C’est grâce à cette organisation que la ville italienne devient le centre d’un réseau de marchands et d’explorateurs. Toutefois, vers le milieu du XVème siècle, Venise vacille : elle manque d’argent pour financer une organisation interne de plus en plus coûteuse ; les guildes qui faisaient sa force deviennent trop rigides et sont réticentes au changement ; la sûreté de ses expéditions qui faisait sa réputation se trouve affaiblit par les insuffisances de son armée. La chute de Constantinople en 1453 finit d’achever Venise, dont la domination sur la mer Tyrrhénienne est remise en cause par les Turcs.
Le cœur suivant, Anvers, dépasse déjà les bornes de notre sujet.
Il est apparu que de nombreux éléments laissent penser que le capitalisme est véritablement né au Moyen Âge, en particulier en raison du développement d’échanges très poussés entre des acteurs économiques qui utilisent des techniques financières et commerciales modernes. Cependant, ces avancées sont extrêmement localisées et la grande majorité des populations européennes reste prisonnière d’archaïsmes économiques sociaux et ne profite pas de la progression des échanges. D’où une controverse quand à l’existence d’une forme de capitalisme au Moyen Age que nous allons expliciter dans la dernière partie.
Peut-on réellement parler de « naissance » du capitalisme au Moyen Âge ?

La thèse récente de Jacques Le Goff dans Le Moyen Age et l’argent publié en 2010

Des éléments essentiels du capitalisme non présents au Moyen Age

Jacques Le Goff part d’une définition personnelle du capitalisme pour expliquer que celui-ci n’est pas réellement présent au Moyen Age. Selon l’auteur médiéviste, le capitalisme se définit par « une alimentation suffisante et régulière soit en métaux précieux permettant la fabrication de monnaie, soit en monnaie papier », par la formation d’un marché unique, et par la mise en place d’une Bourse. Sur la première condition concernant la monnaie, Jacques Le Goff défend l’idée que « le Moyen Age a été à plusieurs reprises au bord de la famine monétaire ». On pourrait lui répondre que être au bord d’un manque crucial de monnaie signifie justement qu’il n’y a pas eu de situation de famine monétaire. Sur la question du marché unique, il explique que, selon lui, l’Europe est marquée par la multiplicité des marchés qui sont responsables de la fragmentation de l’usage de la monnaie. Toutefois, ce point pourrait être contesté dans la mesure où l’établissement de ce marché unique est un processus qui s’étale sur le très long terme, qui n’est pas achevé, et qui n’a pas été plus abouti au XIVe ou XVe siècles qu’au XVIe siècle. Enfin, concernant la création de la Bourse, il n’est pas évident que cette institution soit véritablement un caractère fondamental du capitalisme, c’est du moins le point du vue défendu par certains auteurs. D’autant que si selon Le Goff, la première véritable Bourse a été créée à Amsterdam en 1609, on peut considérer que les expériences à Anvers, et surtout à Bruges avec la maison des Van der Beurse où se retrouvaient les marchands pour négocier et pour financer leurs affaires, sont les véritables premières bourses d’échanges.

Une économie marquée par le caritas

Enfin, le dernier argument avancé par Le Goff pour expliquer que le capitalisme était absent au Moyen Age repose sur le type d’économie en place. Pour lui, la notion de caritas, c’est à dire la charité, occupe une place centrale dans le système économique et monétaire du Moyen Age. En effet, reprenant les thèses d’Anita Guerreau-Jalabert, il démontre que l’économie du Moyen Âge est une économie du don, d’où un accroissement parallèle des échanges marchands et des dons volontaires. Il n’y aurait pas d’économie indépendante, elle serait intimement liée à un système global de valeurs religieuses chrétiennes.

Quelle est réellement l’importance de ce débat ?

Une chose est sûre : il est vain de vouloir comparer les évolutions économiques de la fin du Moyen Age avec celles du XVIIIe et XIXe siècle. Pour Jean Favier, peut importe que l’on parle de naissance, d’origine ou de pré capitalisme. L’essentiel est de comprendre que les changements qui interviennent au cours des derniers siècles du Moyen Age préparent des évolutions futures de plus grandes ampleurs certes, mais qui n’auraient pas été possibles sans justement ces transformations médiévales. Ainsi en est-t-il des systèmes de paiements, des crédits, des instruments de bilans, des lettres de change, et des nouvelles formes juridiques ; mais également du passage à une économie domaniale fermée à une économie qui permet le développement d’activités diversifiées et commerciales.

Conclusion
Tout au long de cette étude, nous avons cherché à mettre en valeur les principaux changements sociologiques, économiques et techniques qui interviennent entre le XIème et le XVème siècle et qui conditionnent l’émergence d’un système économique d’un nouveau genre. Quatre évolutions majeures ont pu être distinguées : l’urbanisation croissante, l’émergence d’une nouvelle classe sociale, la bourgeoise marchande tournée vers la recherche du profit, la créations de formes juridiques nouvelles et le renouveau du commerce en Europe. Nous nous rangerons plutôt du côté des auteurs qui défendent l’idée que le capitalisme est bien né au Moyen Âge, tout en réaffirmant le fait que l’essentiel n’est pas tant de se mettre d’accord sur la terminologie que sur l’importance décisive des changements observés à cette époque.
Il est d’usage de dire que le Moyen Âge se termine quand Christophe Colomb atteint les côtes américaines : c’est en effet le début d’une nouvelle ère marquée par un changement d’échelle dans les échanges sans précédent.

Bibliographie
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BEAUD (Michel), Histoire du capitalisme : 1500-2010. Paris, Point, 2010.

BRAUDEL (Fernand), La Dynamique du capitalisme. Paris, Flammarion, 1988.

DUMÉZIL (Bruno), La société médiévale en Occident. Paris, Ellipses Marketing, 2006

FAVIER (Jean), De l’or et des épices, Naissance de l’homme d’affaires au Moyen Âge. Paris, Hachette, 1987

JESSUA (Claude), Le Capitalisme. Paris, PUF Que sais-je ?, 2010.

LE GOFF (Jacques), Le Moyen Âge et l’argent : Essai d’anthropologie historique. Paris, Librairie Académique Perrin, 2010.
- Marchands et banquiers au Moyen Âge. Paris, PUF, 2011

LOPEZ (Roberto S.), La Révolution commerciale dans l’Europe médiévale. Paris, Aubier Montaigne, 1992

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SAPORI (Armando), Le marchand italien au Moyen Age : Conférences et bibliographie. Paris, A. Colin, 1952.

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--------------------------------------------
[ 1 ]. Anita Guerreau-Jalabert, « Spiritus et caritas. Le baptême dans la société médiévale », dans F. Héritier-Augé, E. Copet-Rougier (sous la direction de), La Parenté spirituelle, Paris, Ed. des Archives contemporaines, 1995, p.133-203.
[ 2 ]. Jean Favier, De l’Or et des épices, 1988

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History of Capitalism

...Samson Diegbegha 5/26/2009 Moscow University Touro; Course Title; History of Philosophy, Project Titled; History of Capitalism By; Professor; Marion Wyse Table of content 1:1…….…..………………………………………………………………………Introduction 1:2..………….………………………………………………………………capitalism history 1.3.…….………………………………………..….. Merchant capitalism and mercantilism 1:4……………………………………………….. Transition from 'feudalism' to capitalism 1:5……………………………………………………. Industrial capitalism and laissez-faire 1:6…………………………………………… Finance capitalism and monopoly capitalism 1:7……………………………………………… Capitalism following the Great Depression 1:8……………………………...………………………………………………... Globalization 1:9………………………..………………………………………………………… conclusion 1:10……………………………………………………………………….…………. References The History of capitalism 1; 1 Introduction | Capitalism as we all know is an economic system of producing wealth in which the wealth is privately owned. in capitalism, the land, labor, and capital are owned and operated by private individuals who are trading for one purpose that is, the generation of more income or profits in a legitimate way without force or fraud, by singly or jointly, and investments, distribution, income, production, pricing and supply of goods, commodities and services are determined by voluntary private decision in a market economy. A distinguishing feature of capitalism is that each person is entitled to his or her own labor and therefore is allowed to sell the use of it to any employee....

Words: 3339 - Pages: 14

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Homestead Strike In The American Civil Labor Movement

...1. Unrestricted Capitalism in America Determining the overall importance of the Homestead Strike in the American Civil Labor Movement requires the investigation to examine the reasons for which the common laborer moved towards unionism and, later, full-fledged strikes. The overarching structure of American capitalist society which grew significantly in the Progressive era which extended from post reconstruction into the early 20th century and consisted of the laborers of which was the most significant portion of the population; and the management which included a very select, miniscule percentage of the population. During this period agrarian work declined and did not have a large effect on the Labor Movement and the corresponding events...

Words: 1567 - Pages: 7

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Reformation Dbq

...Reformation The Reformation was one of the greatest religious and political movements of the 16th century, aimed at reforming the practises and beliefs of the Roman Catholic Church. Beginning in 1517, The Reformation was led by a German monk, known as Martin Luther. Luther argued that the Roman Catholic Church was corrupt and that it should be reformed, in attempt to making it fair, less greedy, and accessible to all people. He declared authority should be derived from the Bible, not the Pope or the Church, giving rise to Protestant systems of belief. This conflict caused a split in the Church, and separated the Christians of Western Europe into Protestants and Catholics. The disruption also triggered a series of wars, persecutions and the...

Words: 1839 - Pages: 8

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Rise Of The Bourgeoisie

...The rise of the bourgeoisie The bourgeoisie in short is known as the middle class which is the basis of the capitalist society; it consists of the likes of the manufactures of production, capitalists, bankers and other owners of production, exploiting the working class also known as the proletariat. In the communist manifesto Marx describes his patterns of class struggle and how the bourgeoisie falls from its pedestal of power and the proletariat turns the tables of social class under the reform of capitalism. Marx’s class theory is built on the foundations of “the history of all hitherto existing society is the history of class struggles” which in theory believes that since human society has begun there has been a fundamental divide among...

Words: 1308 - Pages: 6

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Singer Modernity

...as a source of examples, the themes are not necessarily fixed in time, depicting modernity not as a historical age, but as a developmental stage that happened to be reached by the west in the last 200 years. Indeed, while the event and developments depicted in Singer’s themes happened in a certain time in western history, they do not preclude those events being replayed at a later time. Singer’s work presents modernity outside the temporal perimeters established in the earlier works he cites, but as an absolute set of conditions. In Singer’s argument, the modern moment depicted by Kern and others is not identified in a specific event or series of events that epitomized a confluence of cultural and intellectual change, but rather a outline of conditions that constitute “modern” from “pre-modern” in the same way that one can determine...

Words: 1284 - Pages: 6

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Socialism And Communism: The Rise Of Marxism

...conditions of life, must give way. They must, perish in the revolutionary holocaust” (Karl Marx). Marxism was created in the mid-1800s by two German philosophers named Karl Marx and Friedrich Engels. Since the beginning of the 21st century Marxism has been making a comeback due to Marxism-Leninism in Asia and Eastern Europe, different morals of the upcoming generation, and due to the fact that it is one of the key components of the Communist style government that is being introduced around the world. Marxism-Leninism was created together in 1929, which was 5 years after Lenin’s death, by Joseph Stalin. Many communist parties today imagine it...

Words: 1502 - Pages: 7

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Triangle Shirtwaist Factory Fire Essay

...Workers during the Progressive Era continued to form unions such as the International Ladies’ Garment Workers Union. In 1909, the women workers had a walkout against the Triangle Shirtwaist Company, demanding better hours, working conditions and wages. This walkout achieved better wages for the women, however working conditions and hours were still horrific. On Saturday March 25, 1911 a fire broke out on the eighth, ninth and tenth floors of the Company. Due to the lack of emergency exits many of the workers were trapped and within half an hour 146 immigrant women were dead. The accounts of Kate Alterman, Anna Gullo and Ida Nelson in the primary source tell of people running around trying to find ways to escape. People were jumping out of windows and falling to death because the safety nets could not catch people jumping from that height. The Triangle Shirtwaist Company fire and the strike of 1909 even though unsuccessful sparked the beginning of progressive reform and workplace safety....

Words: 451 - Pages: 2

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Economy After Cold War

...------------------------------------------------- Post–World War II economic expansion From Wikipedia, the free encyclopedia "Golden Age of capitalism" redirects here. Other periods this term may refer to are Gilded Age and Belle Époque. In the United States and several other countries, the boom was manifested insuburban development and urban sprawl, aided by automobile ownership. Many Western governments funded large infrastructure projects during this period. Here the redevelopment of Norrmalm and theStockholm Metro, Sweden. The post–World War II economic expansion, also known as the postwar economic boom, the long boom, and the Golden Age of Capitalism, was a period of economic prosperity in the mid-20th century which occurred, following the end of World War II in 1945, and lasted until the early 1970s. It ended with the collapse of the Bretton Woods system in 1971, the 1973 oil crisis, and the 1973–1974 stock market crash, which led to the 1970s recession. Narrowly defined, the period spanned from 1945 to 1952, with overall growth lasting well until 1971, though there are some debates on dating the period, and booms in individual countries differed, some starting as early as 1945, and overlapping the rise of the East Asian economies into the 1980s or 1990s. During this time there was high worldwide economic growth; Western European and East Asian countries in particular experienced unusually high and sustained growth, together with full employment. Contrary to early...

Words: 3190 - Pages: 13

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Middle Class

...I know I’m dating myself by writing this, but I remember the middle class. I grew up in an automaking town in the 1970s, when it was still possible for a high school graduate — or even a high school dropout — to get a job on an assembly line and earn more money than a high school teacher. “I had this student,” my history teacher once told me, “a real chucklehead. Just refused to study. Dropped out of school, a year or so later, he came back to see me. He pointed out the window at a brand-new Camaro and said, ‘That’s my car.’ Meanwhile, I was driving a beat-up station wagon. I think he was an electrician’s assistant or something. He handed light bulbs to an electrician.” In our neighbors’ driveways, in their living rooms, in their backyards, I saw the evidence of prosperity distributed equally among the social classes: speedboats, Corvette Stingrays, waterbeds, snowmobiles, motorcycles, hunting rifles, RVs, CB radios. I’ve always believed that the ’70s are remembered as the Decade That Taste Forgot because they were a time when people without culture or education had the money to not only indulge their passions, but flaunt them in front of the entire nation. It was an era, to use the title of a 1975 sociological study of a Wisconsin tavern, of blue-collar aristocrats. That all began to change in the 1980s. The recession at the beginning of that decade – America’s first Great Recession – was the beginning of the end for the bourgeois proletariat. Steelworkers showed...

Words: 2827 - Pages: 12

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Art and Culture Through the Middle Ages

...Head: ART AND CULTURE THROUGH THE MIDDLE AGES AND BEYOND Art and Culture through the Middle Ages and Beyond IWT1 Abstract In this essay I compare the art of Middle Ages period to the art of the Pop Art period. I begin by explaining each period and the social and cultural factors contributing to art during the era. I then give examples of musical works from each time, a liturgical piece from Guillaume de Machaut, and a rock and roll song from Pop Art icon Elvis Presley. A summary includes a compare and contrast of the styles in whole and of the specific pieces, noting the impact of rock and roll on modern day music and society. Art and Culture through the Middle Ages and Beyond The subject of art throughout history is one that is widely debated and highly subject to interpretation. One thing that isn’t debatable is that cultural influences from centuries ago are as relevant as ever, from theming box office movies to manipulating the way we see the world around us. Of course, art forms are available in a wide variety, but I find music to be perhaps the most influential. To further elaborate, I will give an explanation of two separate periods of music through history in the following essay. The Middle Ages The Middle Ages, also referred to as the Medieval period, was a time when science and technology were being pursued perhaps more than ever, yet humanism wasn’t quite in the lead. “We are inclined today to romanticize the Middle Ages as a time when things were simpler...

Words: 1406 - Pages: 6

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Luminosity In The Muslim World

...most of its successors,” said Bernard Lewis, a historian of the Middle East. (Akoyl) Islamic scholars and teachers lit the flame that would spread to Europe and ignite the fire which brought forth the Renaissance and Age of Enlightenment. For centuries, Islam was at the forefront of human civilization and achievements. The Golden Age of Islam was extraordinary, ground breaking and original, but like many things throughout time, it came to an end. Contemporary Islam no longer...

Words: 1772 - Pages: 8

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Summary Of Marjoleine Kars Breaking Loose Together

...They came from the north seeking upward social mobility, free markets for their crops, freehold property, inflated money supplies, decentralized credit markets, good or at least limited government whose local branches would be under their control, and the right to worship in their Protestant churches without interference. Slavery was beginning to be questioned during this period. Agrarian capitalists sought advantage and land for families in North Carolina. "Their desire," she writes, "to create communities based on strict moral values led evangelicals and radical Protestants to attempt to regulate the behavior of their fellow Christians." These groups "supervised family conduct in such areas as childrearing, courtship, and marriage, as well as deportment in politics and business" (113). This is a clear description of middle-class, Protestant American culture. Throughout the nineteenth century, white Protestant Americans, and indeed many free Protestant African Americans, would try with great success to make the entire country to keep their image. Such moral crusading, emphasis on good government, and material restraint was the very soil in which nineteenth-century American capitalist culture grew. The reality, for certain, was often quite different from the ideal, but the ideal continued to exist into the twentieth...

Words: 865 - Pages: 4

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Fuck

...provide for people. When the word had gotten out about America and what it had to provide, a vast amount of immigrants started pouring in, in search of a better life and better fortune. The industries of Eastern United States keenly employed these immigrants because they were willing to work long hours for low wages, and the rich capitalists took advantage of this situation. Capitalists and the incoming immigrants never saw eye to eye, and strikes would break out often, some ending in violence or death. Most workers had no political freedom nor even have a voice in the company that employed them because of the industrial system that curtailed their rights. The life of a nineteenth century American industrial worker was far from easy, even during what seem to be good times, wages were low, hours long and work conditions dangerous. The general issue that raised between the two, what has for many years before is that, little of the wealth being made is being distributed to the working class. This situation was worse for women and children who took up more of the work force than men, and still made half of what men usually would make. Work conditions were often tedious because workers would do tasks over and over while working an average 10 hour days, six days a week. Since there was a lack of government regulation, it led to unsafe and unhealthy work sites; and most employers did not offer payment if any of their workers got hurt or killed on the job site. An example of poor work conditions...

Words: 1400 - Pages: 6