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Submitted By loubiya
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Pages 62
CHAPITRE I

Transition démographique Transition urbaine

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Introduction
Avec un indice de fécondité de près de 3 enfants et un taux d'urbanisation qui dépasse les 54%, le Maroc a franchi plus rapidement les étapes de la transition de la fécondité que celle de l'urbanisation. Un exemple de déphasage que l’on retrouve aussi pour la fécondité et la mortalité : tandis que la première est désormais à quelques décimales du seuil de reproduction des générations, et tend à se rapprocher de celle des pays développés, la mortalité infantile reste encore 4 à 5 fois plus élevée que dans les pays du peloton de tête en termes de baisses de mortalités. C’est dire que les liaisons entre phénomènes démographiques ne sont plus aussi étroites qu’avant, à supposer qu’elles le fussent et que les étapes de la transition ne sont plus aussi bien balisées par celles de modernisation. Pourtant, ces phénomènes sont certainement indissociables, mais l’on éprouve quelque peine à dégager des liaisons sans équivoque, malgré l’abondance de données qui aurait dû, au contraire, rendre cette tâche plus aisée. Néanmoins nous tenterons de voir, dans ce chapitre, dans quelle mesure les deux formes de transition sont encore liées, en privilégiant le quantitatif à l’aide de données récentes issues de recensement et parfois d’enquêtes disponibles.

I- La ville comme démographique

catalyseur

de

la

transition

La transition urbaine accompagne et accélère d’autres transitions : celles de l’éducation et du travail : l’une et l’autre liées à une modification du statut de la femme. La ville met en branle des conditions objectives qui vont dans le sens d’une accélération des transitions démographiques. En outre, des “ effets de mode ”, plus subjectifs, même s’ils s’avèrent durables, vont également dans le sens d’une préférence pour la famille restreinte1.
En ville, en attendant que ces modes se répandent dans la campagne, on valorise la famille de dimension restreinte, ou même de deux enfants seulement. Il s’agit là, pour reprendre l’expression galvaudée, d’un effet de la “ globalisation ” ou de la “ mondialisation ” des mentalités. La norme qui fut d’abord celle de l’Occident avec une famille de deux enfants tend à s’imposer partout dans le monde par le canal de l‘instruction, des média et de la télévision surtout. En ville, plus qu'à la campagne – mais il ne s’agit plus sans doute que de quelques années de décalage – on met peut1

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I.1- De la campagne vers la ville : l’inversion des flux intergénérationnels de richesse
Pour en rester au domaine objectif, la ville contribue à modifier la direction des flux de richesses entre les générations, au sens que lui donne J. Caldwell : le basculement d’un système ancien, où l’enfant est source de richesse, de bien-être ou de puissance pour ses parents et où leur intérêt est d’en avoir le plus grand nombre, vers un système moderne, où l’enfant coûte plus qu’il ne rapporte, où la relation privilégiée avec les parents est de nature émotionnelle plutôt qu’économique et où donc on en a beaucoup moins2. A la campagne jusqu’à présent, sauf exception, l’enfant reste source de richesse plus que de dépense. Dès l’âge de 6 à 7 ans, il est employé dans les travaux des champs, aux corvées de l’eau et du bois, et hors de l’agriculture, il peut assister ses parents dans leurs tâches à caractère commercial ou artisanal. En outre, il peut garder ses cadets, ce qui ôte une charge à la mère, laquelle peut dès lors accroître sa progéniture sans trop se soucier d’espacer les naissances. Le maintien de liens étroits dans le cadre de la famille étendue permet aux parents âgés de compter sur leurs enfants pour assurer leur sécurité matérielle dans leurs vieux jours. Tous ces éléments plaident en faveur d’une famille nombreuse, mais résistent mal à l’influence tentaculaire de la ville. Les opportunités de travail de l’enfant en milieu urbain sont plus rares, son travail plus contrôlé (sauf, sans doute, pour les domestiques enfants). Surtout, la scolarisation y devient universelle ou presque, alors qu’elle demeure limitée en milieu rural. Les relations familiales se distendent et sont remplacées par d’autres réseaux moins traditionnels tels que ceux des amis, des associations…D’où une forte perte d’influence des faiseurs d’opinion traditionnels. D’autres sources de revenu requis pour les vieux jours émergent: les retraites ou l’épargne remplacent la solidarité des générations à l’intérieur de la famille.

être plus qu’avant en exergue la beauté féminine, qui pourrait subir des dommages à la suite de grossesses nombreuses ou trop rapprochées. 2 John Caldwell, “ A theory of fertility : from high plateau to destabilization ”, Population and Development Review, N°3/4, 1976.

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I.2- La baisse de la fécondité dans le sillage de la migration
La ville a donc des effets immédiats sur les comportements démographiques de sa population autochtone, imprégnée de normes urbaines, mais aussi et surtout sur les immigrants qui aspirent à s’intégrer à la ville. Pour ces immigrants et immigrantes surtout, mêmes lorsqu’elles sont démunies de tout bagage d’instruction ou d’une quelconque activité professionnelle, la ville est un puissant vecteur de transformations, celleslà mêmes qui accélèrent la transition démographique. En effet, la répartition des migrations par sexe du rural vers l’urbain présentent cette caractéristique intéressante d’être équilibrées. Les femmes immigrantes tendent donc à profiter autant que les hommes des avantages qu’offre la ville. Les familles quittent la campagne directement avec le chef, ou bien le rejoignent après un certain laps de temps. Ce modèle migratoire est bien plus porteur de transformations que celui où les migrations ne concernent que le chef du ménage, soit sous forme de migration permanente ou pendulaire (aller-retour dans la journée). En effet, avec ce type de déplacements, la femme reste soumise aux influences de son environnement rural; la fécondité élevée pouvant même se voir confortée par les revenus accrus de l’époux installé ou travaillant en ville. En revanche, la pression diffuse mais efficace du milieu urbain favorise la recherche d’une famille aux dimensions restreintes par le refus du mariage précoce et le recours accru aux contraceptifs, également stimulé par une offre beaucoup plus répandue qu’à la campagne. L’exiguïté de l’espace, les contraintes inhérentes à un logement qui relève désormais du secteur marchand, qu’il soit loué ou acheté, imposent la limitation de la descendance, même si cette limitation ne faisait pas partie des convictions initiales du couple.

I.3- En ville: généralisation de la scolarisation des enfants et des filles et les effets sur la fécondité
La ville aide à propager l’égalisation dans l’un des facteurs les plus efficaces de la transition de la fécondité et de la mortalité également: la scolarisation des enfants, des filles principalement. Plus les enfants se rendent à l’école et la fréquentent longtemps, moins les parents peuvent 21

se permettre d’en avoir un grand nombre. L’école, même gratuite, augmente les obligations de dépenses: livres et fournitures scolaires, habillement, transport, activités extra-scolaires, leçons particulières… contrairement à la campagne, où une scolarisation encore balbutiante est synonyme de faible coût de l’enfant. Dans cette décennie, les villes du Maroc, permettent donc des effets de synergie qui précipitent la baisse de la fécondité. La scolarisation de l’enfant s’y généralise et entraîne dans son sillage une égalisation des conditions féminine et masculine à l’école. En ville, le déficit féminin de scolarisation est tombé à des niveaux très bas. Ceci promet dans l’immédiat, par les coûts accrus de l’enfant, ainsi que par ses effets différés, les filles actuellement scolarisées devenant les mères responsables de la maternité de demain, le changement des habitudes de reproduction. En 1994, par exemple, le taux net de scolarisation des filles de 8-13 ans était de 80,4%, celui des garçons de 87,5%, un écart de 7%, contre 8% durant la décennie 80. Sans doute, la scolarisation presque universelle des filles dans les villes n’est pas encore réalisée. Néanmoins la masse concernée par cette scolarisation a considérablement augmenté : 1,3 million d’enfants de 8-13 ans dans les villes en 1982, contre 1,8 million en 1994. En revanche, la campagne paraît bien dépourvue. Le rôle égalisateur des villes y apparaît sensible, du fait que seules 26,6% seulement des filles rurales âgées de 8-13 ans étaient scolarisées en 1994, une inégalité frappante en comparaison avec les garçons à 59,6%, et qui restent eux-mêmes loin de la scolarisation universelle. Les effets actuels et à venir de l’urbanisation sur la fécondité sont patents. Presque chaque ménage urbain a à sa charge un ou plusieurs enfants à l’école, situation rare dans les campagnes. Vers 2010, dans les cohortes qui atteindront les âges de pleine fécondité (25-29 ans), il y aura moins de 20% d’analphabètes dans les villes, près de 75% dans les campagnes, soit 3,7 fois plus.

I.4- L’activité féminine urbaine: facteur essentiel de baisse de la fécondité
Dans les villes, le travail - principalement le travail salarié - de la femme devient une obligation, qui impose le contrôle de la fécondité, la 22

discipline du travail requérant celle de la procréation. Bien entendu, l’activité féminine au Maroc a existé de tout temps, surtout dans les campagnes, comme l’attestent l’observation directe ou les nombreuses enquêtes réalisées à intervalles réguliers en milieu rural, et qui prennent en compte l’utilisation effective du temps de la femme, plutôt que la déclaration du chef du ménage. Le travail étant un attribut du chef du ménage, très souvent un homme, celui-ci tend donc à omettre la contribution active des autres membres, notamment celle de la femme3. Mais l’essence du travail féminin s’est métamorphosée à l’unisson de son impact sur la reproduction. A la campagne, l’activité féminine a d’habitude peu de portée sur la fécondité. L’économie familiale y apparaît comme un tout indifférencié, où le travail des femmes et des enfants est le bienvenu, l’apport en travail compensant la diminution des superficies cultivées et la rareté du capital : machines, intrants, canaux et réseaux d’irrigation. L’enfant n’y a pas un coût d’opportunité. En fait le travail agricole de la femme va de pair avec celui des enfants ; il n’y a donc pas de surprise de constater qu’au début des années 80, les femmes actives mettaient au monde le même nombre d’enfants que les inactives : 6,05-6,06. Maternités nombreuses et travail des champs, sans contraintes d’horaires strictes, ne sont pas incompatibles. Le travail féminin est généralement celui d’une aide familiale, donc dépendante du chef du ménage. Ce travail n’engendre pas un revenu individualisé, distinct de celui de la famille. Indirectement, il ne procure pas d’autonomie en matière de décision, notamment sur le nombre d’enfants. Les contacts du travail restent limités à la ferme, les rencontres extérieures sont rares, les souks hebdomadaires en sont une occasion. Tout ceci ne permet pas à la femme de se mouvoir dans le monde extérieur, de s’imprégner par ses contacts professionnels de comportements démographiques moins traditionnels. Enfin, l’active agricole est tentée d’engendrer un nombre élevé, d’enfants ne serait-ce que pour se décharger d’une partie de son
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En premier lieu Direction de la Statistique, Population active rurale, 1986-1987, Rabat, 1988, qui a contribué à modifier en profondeur la perception tirée des recensements sur la contribution productive de la femme, dans l’agriculture et par là dans l’économie globale.

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labeur sur les enfants à naître. De surcroît, les enfants s’auto entretiennent, les aînés(es) gardant les plus jeunes. Le travail féminin urbain est d’une toute autre nature. Il procure un surcroît d’autonomie financière, grâce à un salaire individualisé, et la possibilité de contacts accrus avec le monde extérieur, où les normes familiales sont différentes, menant à une limitation de la procréation. Les contraintes horaires, une grossesse imprévue, qui risquerait de mener la femme au chômage, l’absence de famille élargie, ascendants ou collatéraux sur lesquels on pourrait se décharger de la garde et de l’éducation des enfants, pèsent sur les décisions en matière de fécondité. Alors qu’il n’existe pas dans les campagnes, le coût d’opportunité devient un paramètre des stratégies familiales urbaines. Dès les années 80, alors même que la baisse de la fécondité était encore hésitante, des différentiels importants se sont révélés entre les femmes actives et celles qui ne l’étaient pas. L’active, souvent mais pas toujours instruite, ne mettait plus au monde que 2,4 enfants, chiffre aujourd’hui banal mais étonnant pour l’époque, contrairement à l’inactive qui en était toujours à plus de 5 enfants4. Même si ces chiffres ne sont pas entièrement à l’abri de facteurs de confusion, ils montrent bien l’incompatibilité entre le travail et la procréation. Au recensement de 1994, la fécondité urbaine a encore baissé à 2,6 enfants (2,2 d’après l’enquête de PANEL de 1995), puis à 2,3 deux ans plus tard à l’enquête PAPCHILD5. Les données détaillées ne sont pas encore là pour le confirmer, mais tout porte à croire que l’augmentation rapide de l’activité féminine urbaine: 24,0% en 1997, (les femmes représentent 25% des actifs)6, s’est accompagnée d’une baisse accélérée de leur fécondité, qui est tombée certainement en-deçà du seuil de remplacement. Il est vrai que depuis quelques années, l’activité
Centre d’Etudes et de Recherches Démographiques, “ Activité féminine, état matrimonial et fécondité ”, Ménages – variables socio-démographiques, Rabat, 1990. 5 Ministère de la Santé, Résultats de l’enquête PAPCHILD (résultats provisoires), 1998, Ministère de la Santé, Enquête de panel sur la population et la santé 1995, Rabat, 1996, Direction de la Statistique, Recensement 1994 - Les caractéristiques socio-économiques et démographiques de la population - Niveau national , Rabat, 1996.
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féminine urbaine a tendance à plafonner, puisqu’en 1991 le taux d’activité féminin a atteint 25,1%. Outre le fait qu’il s’agit d’un taux pour la population féminine de 15 ans et plus7 - alors que nous nous intéressons plus spécifiquement aux femmes d’âge fécond-, la diminution n’est pas assez forte pour signaler un réel renversement de tendance. Toujours est-il que le pic de l’activité professionnelle correspond aux âges où les femmes sont les plus en mesure de porter des enfants (près de 85% des naissances surviennent dans la tranche d’âge 20-34 ans). Or, à ces âges, nous constatons deux phénomènes simultanés: la diminution des taux d’activité féminins (qui comprennent les chômeurs) et celle des taux de chômage. Ainsi, ce ne serait pas tant l’activité féminine qui diminue, que la perception - d’ailleurs souvent subjectiveque l’on a de la situation d’inactivité ou de chômage8 (tableau 1). L’exercice d’une profession salariée au Maroc n’est plus du ressort exclusif des femmes célibataires, des veuves et des divorcées: les femmes mariées avec, et sans enfants sont également concernées. Le mariage demeura pour un temps le butoir contre lequel se heurtait l’activité féminine. Mais dans le contexte économique actuel marqué par des aspirations à l’amélioration des conditions de vie, et une raréfaction des opportunités, les maris ne s’opposent plus, voire exigent la contribution de leur épouse aux ressources du ménage.

Direction de la Statistique, Les indicateurs sociaux 1997, Rabat, 1997. C’est aux âges où les possibilités de procréation sont à leur maximum que les taux d’activité féminine sont les plus élevés: 30% à 20-24 ans, 38,4% à 25-29 ans et 35,6% à 30-34 ans, ce sont les taux qui existaient au début de cette décennie, Direction de la Statistique, Annuaire statistique du Maroc 1992, Rabat, 1993. 8 Par exemple entre 1995 et 1997, l’on a enregistré une baisse du taux d’activité féminin de 43% à 34,8. En réalité le taux d’activité, pour les seules femmes effectivement employées a baissé de 26,9 à 24,5%
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Tableau 1 : Taux d'activité et de chômage urbain féminins 1995–1997
Âge
15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60+ Ensemble 15-24 25-34 35-44 45-59 60+ Ensemble

1995
23,9 39,1 44,5 41,6 33,7 29,1 25,0 17,1 14,1 7,7 30,5

1996
18,0 32,7 38,8 35,4 31,0 26,7 21,5 14,2 12,7 5,9 25,8 33,0 29,9 9,9 5,5 4,5 23,6

1997
15,4 30,8 36,1 33,4 29,0 23,9 19,4 15,9 10,1 5,5 24,0 29,5 29,6 7,8 3,6 3,4 21,8

Taux d'activité (%)

Taux de chômage
40,6 37,4 18,3 14,9 14,4 32,2

Source : Direction de la Statistique, Annuaire statistique du Maroc 1997 et 1998, Rabat

Même si le léger recul de l’activité féminine noté plus haut signale un véritable renversement de tendance, il ne pourrait remettre en question la transition démographique, en raison de l’ “effet de cliquet ”9, de la déconnexion de la baisse de ses causes premières. Au Maroc, le tournant du milieu des années 70 fut décisif dans la forte baisse de la fécondité urbaine, par l’entrée massive des femmes dans l’activité productive, mais aujourd’hui d’autres déterminants peuvent prendre le relais10, à la suite de l’instruction et de l’activité féminine. Une norme
Pour une explication économique de l’effet de cliquet, voir Yves Montenay, Démographie politique des pays arabes d’Afrique, (Thèse de doctorat), Université de Paris-Sorbonne, 1994. 10 Compte tenu de l’effet primordial de l’activité féminine sur la fécondité , il est regrettable de voir à quel point les enquêtes de type DHS ou PAPCHILD la passent
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idéale de procréation, la fameuse famille heureuse de deux enfants, semble s’imposer subrepticement partout, et transcender les clivages habituels de classe, d’origine, d’instruction, d’activité, et peut-être plus encore de zone de résidence : la dichotomie urbain-rural commence à perdre son sens, au moins en termes de reproduction.

II- Vers la disparition des écarts entre milieux urbain et rural
Les réalités semblent démentir ces belles certitudes car la ville n’est plus le creuset unique des transformations. L'urbanisation, avec ce qu’elle implique au plan du travail ou de l’éducation, ne serait plus le vecteur principal de la modernisation du comportement démographique. L'on peut penser arriver ainsi au terme de la deuxième phase de la transition de la fécondité, alors même que le Maroc conserverait encore rurale une large partie de sa population. C'est d'ailleurs l'hypothèse implicite des projections démographiques officielles récemment établies au Maroc. Le seuil de remplacement des générations de 2,1 serait atteint en 2012, selon la variante moyenne, alors même que la population urbaine n’aura pas dominé le paysage national avec 63,7% de la population totale, c’est-àdire un habitant encore rural, pour deux urbains11. D'autres facteurs semblent ainsi relayer l’urbanisation. Ces caractéristiques qui furent l'apanage de la société urbaine y suscitant des transformations profondes de la fécondité, n’en seraient plus le monopole. On vit à la campagne mais on garde les yeux rivés sur la ville, où l’on travaille à l'occasion. Les aspirations peuvent d'ailleurs l'emporter sur les réalisations.

II.1- Une évolution inattendue
Dans les années soixante, le Maroc était encore peu urbanisé, moins du tiers des habitants étaient des citadins. Le monde urbain avait, en outre, une fécondité atypique. Les normes de reproduction ne différaient sans doute pas beaucoup entre la ville et la campagne. sous silence, dans leurs tabulations standard pour ne prendre en compte que des variables plus « évidentes »: milieu de résidence, instruction. 11 Centre d’Etudes et de recherches Démographiques, Projections de la population 1994 à 2014, Rabat, 1996.

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Contrairement à ce que l’on observait alors, le monde urbain, avec une fécondité de 7,8 enfants par femme, l'emportait largement sur les campagnes avec près d'un enfant de plus: 6,912, sans doute en raison d'une stérilité moindre, en partie liée à une meilleure alimentation, peutêtre aussi à des pratiques matrimoniales plus stables. Le mariage était alors universellement précoce et la différence entre les deux milieux, imperceptible, avec des âges moyens au mariage féminins (transversaux) de 17,48 et 17,27 ans13. A partir des années soixante dix14 le milieu de résidence urbain ou rural, commence à marquer le mariage et la fécondité. L'âge au mariage féminin passe au-dessus de la barre des 20 ans dans les villes : 20,85 et la fécondité sous le seuil des sept enfants: 6,6 contre 18,74 ans et 7,8 enfants en milieu rural15. Le milieu urbain commence donc à se démarquer par sa moindre fécondité, mais la diminution propre au milieu urbain (0,3 enfant en une dizaine d'années) fut tellement faible qu'elle n'aurait pu impulser la transition de la fécondité par transition urbaine. Autrement dit, le glissement de la population de l'un vers l'autre milieu aurait laissé la fécondité nationale pratiquement inchangée.
Tableau n°2 : Les transformations de la fécondité urbaine et rurale
Milieu Urbain Rural Ensemble % urbains 1962 7,77 6,91 7,20 29,1 1973 6,58 7,83 7,40 35,1 1982 4,28 6,59 5,52 42,7 1994 2,56 4,25 3,28 51,4

Source : CERED, Analyse et tendances démographiques au Maroc, Rabat, 1987 et Direction de la Statistique, Recensement 1994…, ouv. cit.
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Division du Plan et des Statistiques, Résultats de l'Enquête à objectifs multiples (1961-1963), s.d., Rabat. Même si l'on doute que l'écart entre les deux milieux puisse avoir été aussi élevé, les erreurs d'observation peuvent difficilement expliquer un écart aussi important de près d'un enfant au profit des villes. 13 Age moyen au mariage (SMAM) calculé par la méthode de Hajnal au recensement de 1960. 14 Centre d'Etudes et de Recherches Démographiques, La fécondité marocaine, Rabat, 1974. 15 La forte montée de la fécondité rurale entre les années 60 et 70 peut paraître élevée, elle n'en demeure pas moins plausible, au vu de l'amélioration de l'alimentation et de la diminution de l'instabilité conjugale.

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Ce n’est qu'à partir des années 80 que la transition de la fécondité sera effectivement générée par la conjonction de deux phénomènes. Une diminution rapide dans le milieu urbain, où elle passe en quelques années, de 6,6 à 4,2 et une forte montée de la population urbaine, qui englobe désormais plus de quatre habitants sur dix: 42,7% du total, quelle que soit, au demeurant, la raison de cet accroissement: croissance naturelle dans les villes, exode rural, annexion de douars dans la périphérie des villes ou promotion de localités rurales en centres urbains. En une dizaine d'années, la fécondité urbaine aura diminué de plus du tiers: 2,4 enfants en moins, soit, -36%. Le monde rural se met, avec retard et une intensité moindre, au diapason: 6,6 enfants, 1,2 enfant en moins soit -15%. La décomposition des différents facteurs de baisse de la fécondité nationale, de 7,4 à 5,5 enfants, donne la primauté à la baisse intrinsèque de la fécondité urbaine (50%), ensuite à l'effet de la montée de la population urbaine (30%) et en dernier lieu à la baisse de la fécondité rurale (20%). Outre les facteurs classiques qui rendent compte du retard de transition de la fécondité rurale: bénéfices de l'enfant très élevés en comparaison avec ses faibles coûts, analphabétisme prédominant, forte mortalité avançons une hypothèse liée au contexte macro-économique du Maroc de l'époque. La crise économique de l'année 1975 a entraîné une dégradation des conditions de vie, suscitant une réponse plus rapide des villes sous la forme d’une augmentation du travail des femmes et une diminution concomitante de la demande d'enfants. Car l'économie urbaine était plus dépendante des ressources de l'Etat que celle des campagnes, qui pouvait survivre en quasi - autarcie, grâce à l'autoconsommation. On oublie souvent que la transition au Maroc, fut hésitante à ses débuts. Entre 1962 et 1973, la fécondité a même légèrement augmenté. La situation économique était suffisamment favorable pour que la préférence pour la famille nombreuse, norme prévalant alors, puisse être confortée. Au début des années 70, le triplement du prix des phosphates a permis de financer de nombreux programmes de travaux publics, d’accorder aux employés de l’Etat des augmentations de salaire 29

substantielles, de 26% en moyenne, de subventionner les produits alimentaires. et d’octroyer aux étudiants des bourses appréciables. Sans pouvoir quantifier avec précision le chemin que prenait la redistribution de la rente phosphatière, il paraît certain qu’elle a irrigué l’économie des villes, plus que des campagnes, et y a suscité une croissance rapide par les nombreux effets multiplicateurs des investissements publics. La baisse de la fécondité urbaine est certes survenue mais à un rythme trop modeste (-1,5% par an) eu égard à son niveau initial très élevé: 7,8. En revanche, le milieu des années 70 est marqué par l’effondrement du prix des phosphates et par la montée fulgurante des dépenses de l’Etat, dont l’effet sera le doublement de la pression fiscale, au détriment des urbains surtout, qui se sont donc retrouvés au premier rang des victimes du retournement de conjoncture, après en avoir été les principaux bénéficiaires. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, de voir la fécondité urbaine perdre plus de deux enfants en 4 ans seulement16, en s’établissant à 4,28 en 1982, soit une baisse moyenne annuelle de - 4,7%, à savoir trois fois plus que dans la décennie précédente. En revanche, le milieu rural mieux protégé des aléas de la conjoncture, n’a connu qu’une baisse somme toute modeste de la fécondité avec un rythme de –1,8%. Manifestement, les deux milieux restaient assez hermétiques au plan économique et démographique. La déconnexion relative de la fécondité du milieu rural par rapport au milieu urbain est illustrée par l'indice de fécondité dans le milieu rural et urbain de chaque province (Graphique 1). Les points ne sont pas alignés, ils forment une boule de telle sorte qu’il n’y a pratiquement pas de relation entre la fécondité urbaine et rurale d’une même province. Le coefficient de détermination (carré du coefficient de régression) à l'échelle des provinces et des préfectures, en 1982, est tellement faible: R2=+0,11, que le milieu rural semblait encore peu concerné par les bouleversements des modes de vie et des modes de reproduction qui transformaient les villes. Nous verrons plus loin qu'il en ira tout autrement dans la décennie suivante.
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En 1975-1979, la fécondité atteint 4,19 dans les grandes villes et 5,01 dans les autres villes, (7,02 dans le rural), Ministère de la Santé, Enquête nationale sur la fécondité et la planification familiale au Maroc 1979-80 – Rapport national, volume III, Rabat/Londres, 1984.

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g r a p h iq u e n ° 1 R e la t io n e n t re l'in d ic e d e f é c o n d ité u r b a in e t ru ra l e n 1 9 8 2 (p ro v in c e s )
9 ,0

8 ,0 7 ,0

Urbain

6 ,0 5 ,0 4 ,0 3 ,0 2 ,0 2 ,0 3 ,0 4 ,0 5 ,0 R u ra l 6 ,0 7 ,0 8 ,0 9 ,0

y = 0 ,2 7 5 2 x + 5 ,0 2 5 3 R
2

= 0 ,1 0 8 1

II.2- La déconnexion entre la transition de la fécondité et la transition urbaine se dessine dans les années 90
En 1994, le Maroc a passé la barre des 50% d'urbains (51,4%), mais ce n'est pas là la raison essentielle de sa transition de démographique. La fécondité urbaine a continué sa décrue rapide jusqu'à un seuil proche de celui du renouvellement des générations: 2,56, sans qu’il soit le phénomène direct le plus significatif. De fait, la nouveauté est la rapidité de la transition dans le milieu rural qui rend compte de l'essentiel de la transition nationale. En 1994, avec 4,25 enfants par femme, la fécondité rurale est inférieure à ce que fut la fécondité urbaine en 1982. C'est dire que le monde rural rattrape à grands pas son retard démographique, espérant peut-être par là compenser ses multiples retards. Pour apprécier les déterminants de la transition de la fécondité en milieu rural, il faut multiplier les approches. L’approche macrodémographique est insuffisante et risque de masquer une partie de la 31

réalité. L’idéal serait d’utiliser le riche matériau constitué par les fichiers des recensements et des enquêtes pour entreprendre des analyses individuelles, évitant ainsi le piège que représente l’illusion écologique. Il s’agit là d’une entreprise indispensable mais de très longue haleine. Utiliser le découpage territorial comprend donc un risque évident, mais permet néanmoins de mettre en relief les variations régionales. C'est l’approche adoptée ici: un découpage assez fin du territoire à la dimension des provinces, donc un échelon intermédiaire entre le niveau national et celui des communes.

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Tableau n°3 : La fécondité à l'échelle des provinces en milieu urbain ,1994 Classes de fécondité
Moins de 2.5 Provinces
Tiznit Marrakech Casablanca Mohammedia Béni Mellal Rabat Kénitra Khemisset Oujda Figuig Nador Meknès Ifrane

2.5 à 3 Habitants (milliers) Provinces
550 Assa Zag 134 Chtouka 131 Chichaoua 75 Larache 376 Tétouan

3 à 3.5 Habitants (milliers) Provinces
11 Guelmim 26 Ouarzazate 32 Tantan 201 Laâyoune 367 Chefchaouen 175 Boulemane 155 Jrada

3,5 à 4 Habitants Provinces (milliers)
88 Tata 142 Boujdour 54 Essemara

4 et plus Habitants (milliers)
36 15 29 35 32 33 144

Habitants Provinces (milliers)
70 Agadir 746 Taroudannt 2771 El Kelaâ Sraghna 170 Essaouira 387 Safi 623 Azilal 449 Ben Slimane 175 El Jadida 366 Khouribga 51 Settat 246 Salé 530 Skhirate/Témara 61 Tanger

150 Oued Ed Dahab 43 Zagora 37 Al Haouz 84 Fahs Bni Makada

62 Sidi Kacem 65 Errachidia 240 295 236 586 176 525

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Tableau n°3 : La fécondité à l'échelle des provinces en milieu urbain , 1994 Classes de fécondité –suiteMoins de 2.5 Provinces
Khénifra

2.5 à 3 Provinces
219 Fès Sefrou Al Hoceima Taounate Taza Berkane El Hajeb

3 à 3.5 Habitants (milliers)
775 102 113 52 206 230 65 4929 36,0 967 7,1

3,5 à 4 Provinces Habitants Provinces (milliers)

4 et plus Habitants (milliers)

Habitants (milliers)

Provinces

Habitants (milliers)

Total Pourcentage

6864 50,2

598

324 2,4

Source : Calculs d’après Direction de la Statistique, Recensement général de la population et de l’habitat 1994 : démographie, alphabétisation et scolarisation, activité et chômage, conditions d’habitat : Série provinciale, (divers titres), Rabat, 1996. Les indices de fécondité de certaines provinces, sahariennes, ont été estimés.

34

III- La diffusion de la baisse de fécondité dans le milieu urbain
Elle sera appréhendée à l’aide d’un tableau regroupant les différents milieux urbains des provinces par classe de fécondité en 1994 (tableau 3), puis nous procéderons à une analyse statistique des liaisons apparentes, à l’aide de graphiques et de calculs de régression simple ou multivariée.

III.1- Des variations assez serrées entre provinces
A Rabat, avec deux enfants par femme, la fécondité était tombée dès 1994 au-dessous du seuil de reproduction des générations. A Tata vingt fois moins peuplée il est vrai - elle dépassait encore 4,7 enfants. Entre ces deux extrêmes, s’étage la gamme de la fécondité urbaine du Maroc. Une forte amplitude certes, mais qui ne doit pas cacher les faits significatifs. Plus de la moitié (50,2%) des habitants urbains sont déjà à un stade très avancé de la transition de la fécondité et plus d’un tiers (36%) s’en approchent à grands pas. Les marges de variation interurbaines se resserrent donc, suggérant la convergence vers un modèle uniforme de descendance. Seuls 14% des habitants de l’urbain vivent dans un environnement où la fécondité est plus élevée que la moyenne. Une étape importante a néanmoins été franchie par rapport à leurs parents qui mettaient encore au monde 7,8 enfants. Sauf quelques cas atypiques, il s’agit d’ailleurs surtout des habitants de petits centres urbains encore empreints de ruralité, parfois même classés comme ruraux dans les recensements précédents, souvent isolés, ou, du moins éloignés des grandes concentrations de population. Le premier panneau du tableau 3 fournit les indices synthétiques de fécondité urbains en 1994 à l’échelle des provinces. Il eut été possible de descendre à des niveaux plus fins que la province car les données existent. Cependant, le traitement de centaines de données urbaines (un millier en milieu rural à l’échelle communale) aurait sans doute permis de gagner en précision, mais aurait requis un temps de traitement et d’analyse considérable17. Dans la première colonne, apparaissent les villes

17

Un exercice qu’il sera indispensable de mener à l’avenir, car des mesures géographiques fines permettront de mieux mettre en relief la spécificité locale et

ou les regroupements de centres urbains les plus avancés dans la transition de la fécondité : moins de 2,5 enfants en 1994 (sans doute le seuil de remplacement, ou moins aujourd’hui en 1999). Cet ensemble, qui concentre plus de la moitié de la population urbaine du pays, comprend la plupart des grandes villes, les deux capitales : Casablanca (et Mohammédia dans son sillage), Rabat (et Kénitra, plus ou moins dans sa zone d’influence), et d’autres grandes villes au Sud : Marrakech, au Centre : Meknès et Béni Mellal, à l’Est : Oujda, en tout la moitié des grandes villes du Maroc (de plus de 100 mille habitants en 1982). Il est intéressant de relever que la transition de la fécondité urbaine embrasse de grandes villes situées pratiquement partout (sauf, curieusement au Nord). Plus intéressant est le fait que parmi les villes à transition avancée, se trouvent certaines dans une situation où le caractère urbain n’a pas la même ancienneté, et là aussi sans exclusive régionale, puisqu’on y retrouve aussi bien Nador que Tiznit, au Nord et au Sud, que Khémisset au Centre ou des villes de montagne : Ifrane, Khénifra, ou aux confins du désert: Figuig. La baisse de la fécondité, au stade du seuil de remplacement des générations, est donc sortie du champ exclusif de la grande ville pour englober des centres moins importants, moins prestigieux. Mais sous l’effet de quels facteurs? Les facteurs classiques de la transition, activité, instruction, amélioration de la survie des enfants… n’auraient pas autant joué s’ils n’avaient été épaulés par d’autres facteurs peut-être propres à ces villes. Il est assez inattendu de voir que la fécondité est tombée aussi bas dans des villes moyennes ou petites comme Nador, Tiznit ou Figuig, tant ces villes sont excentrées par rapport à l’axe atlantique notamment. Peut-être ont-elles paradoxalement profité de cette excentration et investit leurs ressources humaines en Ile de France, en Hollande ou en Italie, récoltant ainsi les dividendes directs et indirects de l’émigration sous la forme d’une modification des attitudes vis-à-vis du mariage et de la procréation ? D’où une transition rendre compte de la plus ou moins grande vitesse de diffusion de la transition, des effets de contagion, et vraisemblablement de certains déterminants à l’échelle microgéographique de la transition, qu’il est impossible de mettre en évidence à l’aide de données trop agrégées.

36

plus rapide que celle que l’on aurait pu escompter à un rythme simplement moyen. Il est remarquable d’ailleurs, ce qui tend à accréditer l’hypothèse d’une origine commune à la forte baisse de la fécondité, que les parties rurales de ces provinces figurent aussi parmi les avantscoureurs de la transition démographique. Quant à Khémisset, ce n’est pas tant la migration internationale que sa localisation géographique privilégiée qui rend compte de son exception démographique. A mi-chemin de Rabat et de Meknès, cette ville a pu profiter des effets de diffusion d’attitudes favorables à une fécondité modérée, lesquelles se sont répandues plus tôt dans ces deux villes. Plus isolée, Ifrane, profite de sa situation de centre touristique, riche d’une multitude de résidences secondaires et de sa récente promotion grâce à l’érection d’une université de rang international. Les contacts de la population locale avec des résidents généralement fortunés (et peu féconds) des grandes villes, ou avec la jeunesse universitaire, sont de nature à faciliter la transmission d’idées propres à encourager la baisse de la fécondité. Plus énigmatique, en revanche, est la baisse de la fécondité à Khénifra. Dans la deuxième colonne figurent les provinces urbaines qui se situent autour de la moyenne nationale. Elle comprend la quasi-totalité des autres grandes villes : Agadir, Safi, El Jadida, Khouribga, Salé, Tanger et Fès, toutes légèrement en retard par rapport aux autres grandes villes. Mais outre celles-ci, en apparaissent d’autres dont le caractère citadin est beaucoup moins enraciné dans l’histoire. Ce qui montre à quel point la transition en milieu urbain a pu se diffuser partout aux quatre points cardinaux : au Nord avec Al Hoceima, au Sud avec Taroudannt, à l’Est avec Berkane et à l’Ouest avec El Kalaa Sraghna. Les plaines sont plus facilement touchées : Taza, mais les montagnes ne sont pas épargnées : Azilal, Séfrou, ou les villes relativement isolées comme Essaouira. Elles se classent par leur fécondité comme certains centres urbains qui gravitent autour de métropoles comme Ben Slimane (dans la mouvance de Casablanca) ou Skhirate et Témara (dans celle de Rabat). Les retardataires dans la transition de la fécondité comprennent des exceptions notables : Tétouan, Larache et Sidi Kacem. La première, grande ville à la citadinité bien assise, aurait pu connaître l’évolution de 37

Marrakech, ville à transition très avancée ou du moins de Tanger, sa voisine proche. Larache également. A mi-parcours de Rabat et de Tanger, elle n’aura bénéficié des effets de diffusion ni de l’une ni de l’autre. Sidi Kacem, pourtant au centre d’un triangle Rabat, Fès et Tanger, a moins bien profité de leur influence. Ailleurs, les centres urbains à transition démographique retardée sont de taille modeste et, pour la plupart, situés au Sud de Marrakech : Assa Zag, Chtouka, Chichaoua, Al Haouz, Errachidia, Guelmim, Ouarzazate, Tan Tan, Laâouyoune, Tata, Boujdour, Es-Semara, Oued el Dehhab, Zagora. D’autres encore se trouvent dans des zones de montagne : Chefchaouen, Boulemane, à l’Est : Jerada, ou au Nord : Fahs Bni Makada. Par la grande taille de sa population, (367 mille habitants en 1994, dont 278 mille dans la ville), Tétouan mérite une attention particulière. Malgré un accès facile vers les autres villes du Maroc, à quelques encablures du détroit de Gibraltar, cette ville conserve plus d’une caractéristique sociale, économique ou culturelle qui ne militent pas en faveur d’une transition rapide. Le mariage y reste relativement précoce en comparaison des autres villes du Maroc; les femmes s’y marient en moyenne à 26 ans, soit deux ans de moins qu’à Rabat ou à Casablanca. Pour moitié, elles sont encore analphabètes, contre un tiers seulement à Rabat. Plus de 21% des filles de 8 à 13 ans sont en dehors du système scolaire, près de deux fois plus que dans la capitale. Enfin et surtout, seules 14% de femmes y sont actives, contre 30% dans la capitale. Ces traits socio-économiques et culturels pourraient rendre compte du retard de transition, contrebalançant ainsi les facteurs de taille, de concentration ou de proximité géographique. Mais, Tétouan a, à tort ou à raison, une réputation de ville « conservatrice », il pourrait y avoir là aussi par-delà les critères objectifs, une raison qui explique pourquoi sa fécondité est de 50% plus forte que celle de Casablanca ou de Rabat.

III.2- Analyse simple et multivariée de la fécondité en milieu urbain
Pour tester l’importance relative des différents facteurs, une analyse statistique à l’échelle des provinces (et préfectures) a été effectuée. Les données du recensement de 1994 ont préalablement fait l’objet de certains regroupements, pour constituer des entités urbaines 38

effectives, plutôt que purement administratives. Tel est le cas d’Agadir (2 préfectures), de Marrakech (3) de Casablanca (7) de Fès (3) et de Meknès (3). Outre la constitution d’unités plus significatives au plan sociologique et économique, on gagne en comparabilité avec les observations précédentes, notamment celles du recensement de 1982. En outre, certaines données provinciales ont été estimées par assimilation à celles de provinces voisines, où elles étaient connues. Nous avons testé l’effet de ces assimilations sur les liaisons statistiques obtenues en les recalculant sans inférence de valeurs. Les résultats sont dans l’ensemble assez proches : les liaisons sont dans le même sens, même si les coefficients de corrélation diffèrent légèrement.
Tableau n°4 Indicateurs démographiques, et socio-économiques à l'échelle des provinces, 1982 et 1994
FECONDITE
Provinces/ % Urbains Préfectures 1982 1994 Variation 1982 1994 Variation 1982 1994 Variation 1994 annuelle en annuelle annuelle % en % en % Agadir 5,8 3,0 -3,95 4,9 2,8 -3,55 6,5 4,2 -2,94 61,2 Guelmim Ouarzazate Tan Tan Taroudann t Tata Tiznit Laâyoune Boujdour Es-Semara Oued Ed Dahab Assa Zag Zagora Chtouka Ait Baha Marrakech El Kelaâ Sraghna Essaouira Safi Chichaoua Al Haouz 6,4 7,6 6,7 7,2 6,7 6,1 5,9 6,3 5,9 5,9 6,3 7,6 6,1 5,1 7,1 6,7 5,4 5,9 5,9 4,1 5,2 3,6 4,0 4,9 3,4 3,6 5,1 4,4 4,3 4,8 5,7 3,4 2,7 3,8 4,2 3,9 4,9 4,9 -3,02 -2,62 -3,82 -3,71 -2,26 -3,70 -3,27 -1,63 -2,11 -2,30 -1,94 -2,08 -3,70 -3,87 -3,90 -3,09 -2,33 -1,40 -1,45 7,4 5,9 6,8 4,2 5,8 6,1 5,8 5,8 5,8 5,8 5,8 5,8 5,8 3,7 4,6 3,5 4,6 3,5 3,5 3,8 3,8 3,7 2,9 4,7 2,5 3,6 5,1 4,4 4,3 3,3 4,0 3,1 2,4 2,9 2,6 2,8 3,3 4,0 -4,07 -3,00 -3,81 -2,62 -1,55 -4,90 -3,13 -0,97 -1,98 -2,12 -3,57 -2,56 -3,86 -2,86 -3,03 -2,07 -3,21 -0,39 1,30 5,9 7,8 6,8 7,5 6,7 6,1 6,8 6,8 6,8 6,8 6,8 6,8 6,8 6,1 7,6 7,2 6,0 6,1 6,1 4,5 5,6 3,0 4,3 5,0 3,7 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4 5,9 3,4 3,9 4,1 4,7 5,1 5,1 5,0 -1,99 -2,32 -4,63 -3,57 -2,12 -3,30 -2,90 -2,90 -2,90 -2,90 -2,90 -1,05 -4,14 -3,05 -3,81 -2,88 -1,29 -1,37 -1,50 60,1 20,4 92,4 19,4 30,2 20,1 97,2 70,0 72,4 95,6 50,7 12,5 10,7 46,4 19,2 17,4 45,7 11,4 9,5 TOTALE URBAINE RURALE

39

Tableau n°4: Indicateurs démographiques, et socio-économiques à l'échelle des provinces, 1982 et 1994 (suite)
FECONDITE
Provinces/ Préfectures 1982 4,0 4,2 6,7 5,7 5,4 6,6 5,3 5,3 3,5 4,7 5,5 8,0 5,8 5,9 5,5 4,9 5,9 5,2 5,6 5,0 5,8 5,5 TOTALE 1994 2,2 2,5 4,7 2,8 3,0 3,8 3,0 3,4 2,0 3,0 3,1 6,9 4,3 3,7 3,3 3,1 4,1 3,1 4,2 3,0 3,0 4,3
Variation annuelle en %

URBAINE 1982 3,9 4,0 4,7 4,2 4,1 3,9 4,6 4,0 3,5 4,4 5,3 5,1 4,8 4,9 4,6 4,4 4,6 4,8 4,8 4,6 4,9 5,5 1994 Variation annuelle en % 2,2 -3,70 -3,15 -3,23 -3,59 -3,04 -2,10 -3,41 -2,22 -3,50 -2,87 -3,75 -2,08 -2,82 -2,94 -3,81 -3,74 -2,73 -3,34 -1,45 -2,95 -3,61 -4,12

Casablanca Mohammedia Azilal Béni Mellal Ben Slimane El Jadida Khouribga Settat Rabat Salé Skhirate/Témara Chefchaouen Larache Tétouan Kénitra Khémisset Sidi Kacem Tanger Fahs Bni Makada Fès Sefrou Al Hoceima

-3,70 -3,38 -2,45 -4,25 -3,71 -3,54 -3,63 -2,94 -3,50 -3,03 -3,59 -1,11 -2,16 -3,13 -3,32 -3,05 -2,53 -3,40 -2,13 -3,31 -4,04 -1,84

% Urbains 1982 1994 Variation 1994 annuelle en % 5,6 3,4 -3,35 94,7 4,7 6,9 6,8 5,7 7,5 6,4 5,5 6,0 6,1 5,7 8,3 6,4 7,2 6,2 5,1 6,3 6,4 6,4 6,2 6,4 5,5 3,4 5,1 3,3 3,2 4,2 3,6 3,6 4,2 4,7 3,5 7,3 5,5 5,5 4,3 3,5 4,5 5,0 5,0 3,7 3,1 5,0 -2,32 -2,14 -4,26 -3,69 -3,64 -3,61 -2,89 -2,54 -1,93 -3,18 -0,96 -1,22 -1,98 -2,56 -2,66 -2,42 -1,86 -1,86 -3,32 -4,30 -0,79 99,9 13,6 44,4 30,2 24,7 61,3 27,8 99,9 92,8 71,9 9,8 46,7 68,4 45,8 36,0 27,2 83,6 80,0 83,9 43,2 29,4

RURALE

2,5 2,9 2,4 2,6 2,9 2,7 2,9 2,0 2,9 2,9 3,8 3,2 3,2 2,5 2,4 3,1 2,9 4,0 3,0 2,8 2,8

40

Tableau 4: Indicateurs démographiques, et socio-économiques à l'échelle des provinces, 1982 et 1994 (suite)
FECONDITE
Provinces/ Préfectures 1982 TOTALE 1994
Variation annuelle en %

URBAINE 1982 1994 Variation annuelle en % 5,3 5,1 4,8 4,6 4,6 4,6 5,8 4,9 3,5 5,5 3,4 4,4 3,5 4,8 3,5 2,9 2,9 2,7 3,5 2,4 2,9 2,9 2,3 3,1 2,4 2,5 2,8 3,1 -2,82 -3,60 -3,25 -3,47 -2,03 -4,01 -4,16 -3,43 -2,87 -3,63 -2,36 -3,61 -1,67 -2,9 6,6 5,8 7,2 5,7 5,7 5,7 7,2 5,1 5,4 7,5 5,2 5,8 5,4 6,3 1982

RURALE 1994 Variation annuelle en % 4,5 4,4 4,4 3,5 4,2 4,4 5,2 3,2 2,7 4,9 3,7 3,8 3,2 4,3 -2,69 -1,96 -3,21 -3,23 -2,20 -1,91 -2,33 -3,13 -4,13 -2,87 -2,36 -2,91 -3,40 -2,7
0,89474 -0,3319

% Urbains 1994

Boulemane Taounate Taza Berkane Taourirt Jrada Oujda Angad Figuig Nador Meknès Errachidia Ifrane Khénifra El Hajeb Moyenne Ecart-type Coefficient variation

6,5 5,7 6,7 5,1 5,2 4,7 6,7 5,1 4,1 7,2 4,3 5,3 4,8 5,8

4,2 4,3 3,9 3,0 3,8 2,7 4,1 3,1 2,3 4,4 3,0 3,1 3,1 3,7

-2,96 -2,07 -3,49 -3,45 -2,21 -3,59 -3,22 -3,25 -3,62 -3,21 -2,51 -3,43 -2,92 -3,0

22,8 8,3 29,1 57,6 55,8 87,2 43,7 36,0 67,2 29,7 47,8 47,1 36,0 48,1
28,0378 0,5828

0,94765 0,92615

0,76443 0,89346 0,65223 -0,2567 0,1859 0,21186

1,03599 0,74801 0,85562 -0,3539 0,11783 0,19933

de 0,16391 0,24781

41

Tableau 4: Indicateurs démographiques, et socio-économiques à l'échelle des provinces, 1982 et 1994 (suite)
Provinces/ Préfectures Age au mariage Taux Taux de Taux d'activité 1994 Urb Rur 8,6 5,0 550 88 142 54 134 36 70 150 15 29 35 11 32 26 746 131 75 376 32 112 82 104 76 139 96 143 85 6,47 10,49 7,67 10,82 100 Urb 83 95 119 106 73 114 130 111 3,17 2,57 4,55 Rur 103 100 129 Pop. Urb. Mortalité infantile 1982 Superficie cultivée par ménage agricole (hect.) Urb Agadir Guelmim Ouarzazate Tan Tan Taroudannt Tata Tiznit Laâyoune Boujdour Essemara Oued Ed Dahab Assa Zag Zagora Chtouka Ait Baha Marrakech El Kelaâ Sraghna Essaouira Safi Chichaoua 24,4 23,4 23,9 23,0 24,7 23,2 25,6 23,8 21,5 22,4 22,1 21,7 24,1 24,4 27,3 24,1 25,4 26,0 24,7 Rur Urb Rur Urb Rur 1982 3,17 2,23 2,28

d'analph. (%) scolarisation 1994

Féminin 1994 féminin1994

(%) féminin (%) féminin 1994

23,6 55,2 24,4 59,9 21,7 60,8 25,7 53,6 23,9 61,6 24,7 68,5 25,3 55,7 23,9 50,2 23,9 64,0 23,9 52,0 23,9 53,0 23,9 60,0 21,2 49,7 25,3 48,9 25,0 51,2 21,9 59,6 22,9 58,2 23,0 48,9 22,8 66,8

89,5 78,4 82,3 80,0 89,9 76,4 91,0 82,7 92,8 70,2 88,7 76,0 92,2 84,8 90,0 88,0 90,0 77,0 90,0 86,0 90,0 73,0 90,0 85,0 91,7 60,7 90,7 68,5 85,0 77,9 91,1 73,7 96,5 72,6 92,6 82,0 96,2 62,8

30,5 14,4 45,1 28,5 5,0

7,5 10,9

13,6 12,7 12,3 21,0 10,4 12,9 39,5 24,5 4,1 11,3 8,5 14,5

25,0 14,3 10,6 20,0 15,4 10,6 25,0 16,9 10,6 22,0 16,1 10,6 25,0 23,2 29,4 6,7 10,6 5,9 3,1

8,3 16,9 6,6 4,9 6,4

34,0 20,8 20,0 11,3 12,6 16,6

17,2 17,0 12,5 11,0 11,5 12,9

42

Tableau 4: Indicateurs démographiques, et socio-économiques à l'échelle des provinces, 1982 et 1994 (suite)
Provinces/ Préfectures Age au mariage Féminin 1994 Urb Al Haouz Casablanca Mohammedia Azilal Béni Mellal Ben Slimane El Jadida Khouribga Settat Rabat Salé Skhirate/Témara Chefchaouen Larache Tétouan Kénitra Khémisset Sidi Kacem Tanger Fahs Bni Makada Fès Sefrou Al Hoceima Boulemane Taounate 25,6 28,0 26,8 23,9 24,9 25,6 25,4 26,3 25,5 28,0 25,6 24,1 25,2 24,8 26,2 26,3 25,9 25,9 26,1 24,2 25,8 25,4 27,1 23,3 25,1 Rur Urb Rur Taux d'analph. (%) féminin1994 Taux de scolarisation 1994 Urb Rur 18,0 Taux d'activité 1994 Urb 8,6 Rur 6,9 33 60 68 151 79 60 57 61 55 50 67 67 102 122 83 143 5,36 5,36 2,28 122 73 65 61 71 66 4,04 6,07 12,18 7,35 10,81 10,94 68 7,64 Urb Rur Pop. Mortalité Superficie cultivée par ménage agricole (hect.) 1982

Urb. infantile 1982

(%) féminin (%) féminin 1994

22,9 63,5 24,3 40,1 24,3 40,5 21,1 61,5 23,6 56,7 23,7 47,6 23,6 48,2 23,0 47,8 23,6 52,5 24,0 35,8 24,0 49,7 22,8 51,9 22,5 48,2 21,5 52,4 24,7 50,5 22,4 46,3 24,2 54,1 23,4 52,6 24,9 51,1 24,2 66,1 24,2 54,3 25,5 52,9 27,1 56,9 22,1 58,6 24,8 55,3

93,9 72,8 66,8 87,0 66,8 88,6 92,1 77,5 85,0 76,3 77,4 85,7 91,0 76,3 84,2 83,8 86,4 80,4 66,8 87,5 89,7 77,3 73,3 81,9 93,8 81,3 93,1 76,3 92,7 78,9 89,1 79,0 87,4 80,8 87,7 79,2 85,5 76,8 86,8 66,5 90,1 69,5 82,2 79,9 91,6 82,8 88,3 79,9 91,2 72,3

68,3 24,8 10,8 2771 68,3 19,8 10,8 18,8 9,7 4,1 6,3 7,1 170 62 387 65 240 295 236 623 586 176 43 201 367 449 175 175 525 144 775 102 113 37 52

36,6 12,5 50,6 15,4

22,0 18,1 11,3 29,8 13,8 32,7 16,1 7,1 7,1

68,3 29,6 10,8 24,9 21,3 13,5 57,6 16,9 7,6

15,5 12,7 23,1 17,8 12,1 12,2 34,2 14,4 11,4 20,7 18,2 11,6 27,9 17,6 26,2 12,6 35,3 18,0 35,9 15,4 24,7 17,3 37,4 16,3 21,0 28,2 9,9 7,4 9,6 8,9 6,0 9,0

117 75 90 92 76

124 85 70 113 108

2,70 11,60 11,60 5,82 4,87

84

103

7,26

9,2 11,2 8,9 6,3

63 93 89

114 115 123

2,82 3,90 6,38

20,1 11,2 14,7

43

Tableau 4: Indicateurs démographiques, et socio-économiques à l'échelle des provinces, 1982 et 1994 (suite)
Provinces/ Préfectures Age au Taux mariage d'analph. (%) Féminin 1994 féminin1994 Urb Taza Berkane Taourirt Jrada Oujda Angad Figuig Nador Meknès Errachidia Ifrane Khénifra El Hajeb
Total Moyenne Ecart-Type Coeffi. de Variation

Taux de scolarisation (%) féminin 1994 Urb 79,5 79,1 84,3 85,7 87,1 74,4 80,9 86,7 83,2 81,5 74,2
80,4 78,7
6,2269 0,0791

Taux d'activité (%) féminin 1994 Urb 12,6 10,2 7,4 12,9 10,0 9,4 16,7 7,1 14,5 11,3 11,2
17,3 13,4

Pop. Urb. 1994

Mortalité infantile 1982 Urb

Rur 24,3 27,1 24,4 26,2 21,2 26,9 25,3 21,6 22,1 21,3 24,8
24,2 23,8

Urb

Rur

Rur 24,8 39,5 24,7 37,4 22,8 39,6 39,8 47,0 27,5 21,2 39,3
26,6 30,4

Rur 6,3 3,8 4,5 5,2 4,6 3,6 4,8 9,9 7,9 5,4 5,7
9,3 9,1
3,7805 0,4174

Superficie cultivée par ménage agricole (hect.) Rur 1982 95 6,02

26,6 26,8 25,9 27,5 26,0 26,5 27,0 23,3 25,4 24,2 25,2
26,9 25,1

52,6 89,8 55,7 82,5 53,8 89,5 44,0 81,9 45,7 89,0 56,7 83,9 46,4 79,9 49,0 80,9 51,3 86,9 57,1 91,4 58,3 81,9
48,6 53,5
6,6422

206 230 84 366 51 246 530 155 61 219 65
13747 249,9
397,29 1,5895

111

68

62

9,07 7,48 4,16 7,76 2,55 12,76 4,27

88 112 80 75 56 99

87 129 67 75

85 114

89,1 87,1
6,722

1,5198 1,4817 0,0605 0,0623

13,353 4,9342 0,4394 0,3681

0,1241 0,0772

Source : Pour 1994, calculs d’après la Direction de la Statistique, Recensement général de la population et de l’habitat 1994 : démographie, alphabétisation et scolarisation, activité et chômage, conditions d’habitat : Série provinciale, (divers titres), Rabat, 1996. Pour 1982, estimations d’après CERED, Situation démographique régionale au Maroc, Rabat, 1988.

Le graphique 2 montre que la fécondité urbaine en 1994 est partiellement bien corrélée avec l'âge moyen au premier mariage féminin (R2=0,3). Mais, la corrélation n'est pas totale, ce qui veut dire que bien que le retard de l'âge au mariage demeure le facteur prépondérant des différences de fécondité en milieu urbain, les autres déterminants 44

proches: la contraception, l'allaitement, l'avortement et la séparation des couples, jouent aussi un rôle de différentiation important. Les études de corrélation spatiale précédemment réalisées18 ainsi que des analyses ultérieures permettent de sélectionner quelques indicateurs pertinents pour expliquer le niveau de la fécondité. A l’aide des graphiques présentés ici, voici les coefficients de détermination de ces facteurs. Le taux d'activité féminine: R2= 0,18, est corrélé à la fécondité et à l’âge moyen au premier mariage féminin ; Le taux d'analphabétisme féminin R2 = 0,27 ; est encore mieux corrélé avec ces deux facteurs; Le taux de scolarisation féminine de 8-13 ans : R2= 0,09, en revanche, est en moins bonne liaison avec la fécondité et avec l’âge moyen au premier mariage ; La taille de l'ensemble urbain R2= 0,16 est mieux corrélée à la fécondité qu’à l’âge moyen au premier mariage. graphique n°2 Relation entre âge au mariage et fécondité en milieu urbain en 1994 (provinces)
30,0 28,0 26,0 24,0 22,0 20,0 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 Fécondité en 1994

Age moyen au mariage

y = -1,3592x + 29,548 R2 = 0,3001

18

Centre d'Etudes et de Recherches Démographiques, Situation démographique régionale au Maroc - Analyses comparatives, Rabat, 1988.

45

Graphiqu n°3 Relation entre fécondité et taux de scolarisation féminine en milieu urbain en 1994 (provinces)
6,0 5,0 Fécondité 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 0,0 20,0 40,0 60,0 80,0 100,0 Taux de scolarisation y = -0,0323x + 5,6288 R = 0,0944
2

Graphique n°4 Relation entre fécondité et taux d'analphabétisme en 1994 en milieu urbain (provinces)
6,0 5,0 Fécondité 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 90,0 100,0 Taux d'analphabétisme y = 0,0514x + 0,3299 R = 0,2736
2

L'analyse de régression linéaire simple a permis de hiérarchiser les facteurs, mais sans certitude sur leur apport respectif net des interférences des autres facteurs. L’analyse multivariée permet de mieux mettre en relief ces différents liens.

46

Tableau n°5 : Régression multiple de la fécondité urbaine et de l'âge moyen féminin au premier mariage 1994 Indice synthétique de fécondité
Variables explicatives Constante Analphabétisme féminin Scolarisation féminine Activité féminine Taille de population Coefficient de détermination Observations Constante Analphabétisme féminin Scolarisation féminine Activité féminine Taille de population Carré du coefficient détermination R2 Observations de Avec inférence Variables 1,8096 Coeff b 0,0356 t 2,1385 Prob F 0,0374 0,7332 0,5656 0,2016 4,4074 Coeff b 0,0131 -0,0187 -0,0500 0,0000 0,4742 50 26,4459 t Prob F 0,0052 0,4320 0,7851 0,0410 Coeff b -0,0595 0,0132 0,0696 0,0006 0,4708 50 t -1,9393 0,4824 1,7979 1,3432 Prob F 0,0587 0,6319 0,0789 0,1859 t 0,9871 -1,5710 -2,9758 -0,0901 Prob F 0,3289 0,1232 0,0047 0,9285 Sans inférence variables

-0,0050 -0,3428 -0,0123 -0,0578 -0,0003 -1,2941 0,3174 55

Age moyen au mariage féminin 32,3702 Coeff b -0,0107 -2,9194 -0,0254 -0,7922 0,0127 0,0011 0,3943 55 0,2740 2,0974

Source : Calcul à partir des données du tableau 4

Nous avons procédé aux régressions multiples en inférant certaines variables pour des provinces où les données du recensement manquaient (55 observations au total), puis uniquement sur les provinces où l’on n’a pas eu recours à des estimations (50). Le carré du coefficient de détermination montre que la deuxième approche est meilleure : il atteint R2=0,47 contre R2=0,32 pour l’indice de fécondité urbain, ce qui veut dire que ces quatre variables sélectionnées expliquent près de la moitié de la variation de la fécondité urbaine. Il en est de même pour l’âge moyen au premier mariage féminin, où le non – recours aux inférences donne un coefficient de détermination égal à 0,48 contre 0,39 avec recours.

47

III.3- Remarque sur la liaison mortalité infantile et juvénile et fécondité
Ces variables indépendantes sont-elles suffisantes pour rendre compte de la fécondité et de l’âge au mariage urbains? Sans doute pas. Il manque une dimension essentielle, celle de la mortalité infantile et juvénile. L’on sait que plus le niveau de la mortalité infantile est élevé plus la fécondité tend à l’être et plus le mariage peut être précoce, en raison de la nécessité qui se crée d’avoir le plus grand nombre d’enfants pour assurer la survie d’un certain nombre. Au Maroc, les dernières estimations de l’enquête PAPCHILD montrent bien la forte concomitance entre la fécondité et la mortalité des enfants. Si, en milieu urbain, la fécondité n’atteignait plus que 2,3 enfants, c’est aussi en partie parce que, quelques années auparavant, la mortalité infantile urbaine était tombée à 24 p.mille et la mortalité juvénile à 5 p.mille, tandis que dans les campagnes, ces taux atteignaient respectivement 46 et 28 p.mille, cohérents donc avec une fécondité de 4,1 enfants. Malheureusement, les données du recensement de 1994 sur la mortalité des enfants n’ont pas été fournies et celles de l’enquête PAPCHILD n’étaient pas encore disponibles. On peut néanmoins se rendre compte de la liaison entre la mortalité et la fécondité en corrélant la mortalité infantile en 1982 à la fécondité en 1994, selon l’hypothèse que la fécondité réagit à la baisse de la mortalité, après un certain temps, ici 12 ans. Le coefficient de détermination (calculé pour les provinces, telles qu’elles existaient en 1982) est de R2=0,21. La liaison, assez importante, pourrait rendre compte en partie des variations provinciales de la fécondité. Cependant, il n’était pas recommandé d’inclure ces estimations de mortalité infantile dans la régression de la fécondité urbaine, d’abord parce que le décalage de 12 ans entre 1982 et 1994 est certainement excessif, et ensuite parce que les données de 1982 et de 1994 sont trop hétérogènes sur le plan du découpage en provinces. Les interrelations mortalité des enfantsfécondité, dans les deux sens, devront être reprises dès que les données de l’enquête PAPCHILD seront disponibles (fin de la remarque). Par rapport à la régression simple, la hiérarchie des déterminants est modifiée. Apparaissent, dans l'ordre, l'activité féminine, puis la 48

scolarisation des filles, puis l'analphabétisme féminin et enfin la taille des villes. L’équation de régression est : Fécondité urbaine= 4,41+0,013*Analphabétisme-0,019*Scolarisation 0,05*Activité - 0,0005*Taille de l'urbain. Cette relation représente très correctement la fécondité urbaine à partir de certains de ses déterminants socio-économiques. En appliquant les indicateurs d'analphabétisme urbain féminin (48,6%) de scolarisation féminine (80,4%) et de taux d'activité féminin (17,3%), on obtient à l'aide de l'équation un indice synthétique de fécondité de 2,63, c'est-à-dire très proche de l'indice effectivement trouvé au recensement de 1994 : 2,56. A titre d’illustration, cette équation montre aussi que la transition féconde du monde urbain est virtuellement en voie d'achèvement, au vu des modifications de ses déterminants culturels et socio-économiques. Il suffirait par exemple que le taux d'analphabétisme urbain baisse de 10 points pour atteindre 38,6%, que consécutivement le taux de scolarisation des filles dans les villes augmente de 5 points pour atteindre 85% et que le taux d'activité des femmes urbaines augmente de 17 à 25%, que la taille moyenne de l'urbain atteigne 300 mille, pour que l'indice de fécondité tombe au-dessous du seuil de renouvellement des générations à 2,05. Notons que ces conditions sont évidemment à portée du Maroc urbain, dans la prochaine décennie (ou plus exactement celle qui suit l’année 1994).

IV- La baisse de la fécondité dans le milieu rural
Nous reprenons les mêmes subdivisions que pour le monde urbain, un tableau synthétisant la situation du milieu rural des provinces par tranches de fécondité et une analyse statistique simple et multivariée.

IV.1- Vers le creusement des différences de fécondité en milieu rural
En 1982, le coefficient de variation (l’écart-type rapporté à la moyenne) de la fécondité rurale était de 0,12. En 1994, il est passé à 0,20. Ceci suggère à quel point les différences interprovinciales rurales se sont accentuées, beaucoup plus qu’en milieu urbain où l’augmentation est, en revanche, très faible : de 0, 19 à 0,21 (tableau 4). 49

Le tiers environ de la population rurale du Maroc a atteint, en 1994, un niveau modéré de fécondité compris entre 4 et 4,5 enfants, encadrant la moyenne nationale. Un autre tiers est grosso modo en avance sur ce groupe dans cette transition, tandis que l’autre est plus tardif (tableau 6). En 1994, la fécondité du milieu rural n'a jamais été aussi contrastée. A Meknès, où les campagnes ne sont pas uniquement du périurbain déguisé, la fécondité n'est plus que de 2,7, soit trois fois plus basse qu'à Chefchaouen où elle dépassait encore, à la même date, 7,3 enfants. Il est vrai que cette dernière province manifeste une résistance tenace à la baisse, puisque 12 ans auparavant, elle était à un niveau étonnamment élevé de 8,3 enfants. L'insensibilité de cette province au mouvement général qui balaye le pays est peut être due aux interrelations entre transition féconde du monde urbain et rural. Les zones rurales où la fécondité a le plus baissé se rencontrent généralement dans la zone d'attraction des plus grandes villes : Meknès (et El Hajeb), Casablanca (et Ben Slimane), Skhirate-Témara (près de Rabat, qui n'a pas de zone rurale), Marrakech, Fès (et Sefrou) ou de certaines autres villes qui le sont récemment devenues: Béni Mellal, Settat, Khouribga…Cependant, certaines zones rurales ont pu arriver à un stade de fécondité assez bas, sans qu'elles ne soient situées a proximité d'une grande ville. Les performances remarquables du rural de Tiznit (et Chtouka), dans le Sud du pays ou celui de Nador, dans le Nord, en témoignent. Le rôle facilitant de la transition qu'exerce la grande ville a peut-être été, dans ces cas d'espèce, remplacé par l'émigration vers l'étranger et par les transformations qu'elle a pu induire sur la fécondité. Ce qui plaide en faveur de cette hypothèse est la diversité des conditions culturelles des femmes dans ces zones d'émigration: à Tiznit et Chtouka, les conditions d'analphabétisme, de scolarisation, et de travail féminin sont plutôt mauvaises et en tout cas moins bonnes que la moyenne nationale, tandis qu'à Nador (et dans une large mesure dans la province proche de Berkane) les femmes y sont moins analphabètes (83,9%), moins mobilisées aux tâches agricoles: 3,6% et les filles plus scolarisées : 40%. Pourtant, l’indice de fécondité est assez proche dans ces trois provinces et inférieur à la moyenne nationale. 50

Cependant, une baisse plus intense de la fécondité rurale se rencontre aussi à Khémisset, à Ifrane ou à Khénifra sans que les conditions de proximité de grande ville, d'émigration internationale précoce, de scolarisation, d'analphabétisme ou de travail de la femme ne soient présentes. Les provinces où la fécondité s'aligne sur la moyenne nationale peuvent à la fois être démunies de grandes villes: Guelmim, Taroudannt, El Kelaâ Sraghna, Sidi Kacem, Taounate, Taza, Jerada, mais comprendre également des campagnes où un grand centre urbain existe: Agadir, Salé, El Jadida, Kénitra, Oujda. Le rôle moteur de la grande ville existe certes, mais il semble que, dans plus d'un cas, il n'est pas assez influent pour déclencher ou accompagner une évolution rapide de la fécondité dans le monde rural. Parmi ces contre-exemples déroutants le cas de Tanger et Tétouan (ou des provinces contiguës de Fahs Bni Makada et de Larache), où la fécondité est plus élevée que ce que l'on attendrait de pourtours de villes et où les indicateurs sociaux ne sont pas les moins bons du pays. Safi, malgré la présence d'un chef-lieu de province qui compte 262 mille habitants, conserve une fécondité rurale de 5,5 enfants, peut-être sous l'effet d'indicateurs sociaux peu favorables: 17% seulement de filles scolarisées, activité féminine plus forte que la normale. Hormis ces provinces, les fortes fécondités rurales restent en général l'apanage du Sud: Essaouira, Chichaoua, Tata, El Haouz, Ouarzazate, Zagora, Errachidia, de zones de relief montagneux et d'isolement relatif : Figuig, Azilal et Chefchaouen.

51

Tableau n°6: La fécondité à l'échelle des provinces en milieu rural, 1994
Classes de fécondité
2.5 à 3 Provinces Mekhnès Habitants (milliers) 259 Tantan Chtouka Casablanca Béni Mellal Ben Slimane Skhirate/ Témara Khémisset Sefrou Berkane Nador 311 Khénifra 131 169 438 246 Oued Dahab Assa Zag El Kelaa 11 551 731 Ed2 3 à 3.5 Provinces Habitants (milliers) 4 Tiznit 214 Marrakech 154 Khouribga 483 Settat 149 Fès 69 Ifrane 3.5 à 4 Provinces Habitants (milliers) 278 Agadir 863 Guelmim 186 Taroudannt 612 Laâyoune 149 Boujdour 67 Essemara 4 à 4.5 Provinces Habitants (milliers) 349 Essaouira 59 Tanger 560 Fahs Makada 4 Al Hoceima 7 Errachidia 11 270 El Haouz 367 Azilal Figuig 402 Larache 393 Tétouan 66 230 170 Bni 4.5 à 5 Provinces Habitants (milliers) 358 Tata 103 Safi 36 Chichaoua 5 à 5.5 Provinces Habitants (milliers) 83 Ouarzazate 447 Zagora 280 Chefchaouen 6 et plus Provinces Habitants (milliers) 553 224 396

Sraghna El Jadida

52

Tableau 6: La fécondité à l'échelle des provinces en milieu rural, 1994 (suite)
El Hajeb Salé Kénitra Sidi Kacem Boulemane Taounate Taza Jrada Oujda Total % 259 1,9 2122 15,4 2401 17,4 45 530 471 125 577 502 66 53 4654 33,7 1134 8,2 1671 12,1 1573 11,4

Source : Calculs d’après la Direction de la Statistique, Recensement général de la population et de l’habitat 1994 : démographie, alphabétisation et scolarisation, activité et chômage, conditions d’habitat : Série provinciale, (divers titres), Rabat, 1996.

53

IV.2- Analyse statistique de la fécondité en milieu rural
On peut rendre compte de la connexion entre les transitions des deux mondes, en comparant l'intensité des liaisons telles qu'elles se manifestaient en 1982, puis 12 ans plus tard, en 1994. En 1982, les deux transitions de fécondité urbaine et rurale semblaient hermétiques l'une à l'autre. Leur liaison était pratiquement inexistante: le coefficient de détermination (à l’échelle des provinces telles qu’elles existaient en 1982) était de R2=0,108 seulement (graphique 1). En 1994, l’intensité de cette liaison double avec un coefficient de détermination de R2=0,21 (graphique 5). C’est comme si dorénavant la transition du monde urbain, quasiment achevée, tirait celle des campagnes, faisant des contraintes structurelles qui auraient pu entraver le processus : le faible développement dont les symptômes les plus manifestes sont l’analphabétisme prépondérant, qui laisse 9 femmes sur 10 sans instruction (89% en 1994 pour les femmes de 10 ans et plus), la sous-scolarisation qui laisse 3 filles sur 4 hors de l’école primaire (taux de scolarisation de 26,6% chez les filles de 7-13 ans), de travail dépendant :72% et majoritairement exercé dans un foyer agricole: 84%, c'est-à-dire sans différentiation entre le foyer et le lieu du travail, seule à même de susciter des modifications des normes de reproduction.

Graphique n°5 Relation entre âge au mariage et fécondité en milieu rural en 1994 (provinces)
30,0 28,0 Age au mariage 26,0 24,0 22,0 20,0 0,0 2,0 4,0 Fécondité en 1994 6,0 8,0 y = -0,767x + 27,082 R = 0,1962
2

54

Il n'est pas étonnant, que dans ces conditions, la fécondité soit positivement, même si c'est faiblement: R2= 0,11, liée à l'activité féminine contrairement aux villes, où elle est apparue comme l'un des moteurs essentiels des modifications du comportement fécond. En outre, les coefficients de détermination du taux d'analphabétisme féminin: R2=0,24 et celui du taux de scolarisation féminine R2 = -0,17, sont de même amplitude que dans le monde urbain.

G r a p h iq u e n ° 6 R e la tio n e n tr e l'in d ic e d e fé c o n d ité u rb a in e t ru ra l e n 1 9 9 4 (p ro v in c e s )
8 ,0

Graphique n°8 Relation entre fécondité et taux d'analphabétisme en 1994 en milieu rural (provinces)

7 ,0

8,0
6 ,0 7,0 Urbain y = 0 ,6 0 3 5 x + 2 ,4 3 4 4
2 R y = 0,0627x - 1,1695 = 0 ,2 1 1 6

6,0 Fécondité
5 ,0 5,0

R = 0,2427

2

4,0 2,0

4 ,0 3,0

3 ,0 1,0

0,0
2 ,0

30,0
2 ,0

40,0
3 ,0

50,0
4 ,0

60,0
5 ,0 R u ra l

70,0

80,0
6 ,0

90,0
7 ,0

100,0
8 ,0

Taux d'analphabétisme

Graphique n°7 Relation entre fécondité et taux de scolarisation féminine en milieu rural en 1994 (provinces)
8,0 7,0 6,0 Fécondité 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 0,0 20,0 40,0 y = -0,0262x + 5,0898 R = 0,1677
2

55

60,0

80,0

100,0

Taux de scolarisation

Graphique n°8 Relation entre fécondité et taux d'analphabétisme en 1994 en milieu rural (provinces)
8,0 7,0 6,0 Fécondité 5,0 4,0 3,0 2,0 1,0 0,0 30,0 40,0 50,0 60,0 70,0 80,0 90,0 100,0 Taux d'analphabétisme y = 0,0627x - 1,1695 R = 0,2427
2

Le tableau 7 donne la régression multiple de la fécondité et de l’âge moyen au premier mariage féminin en milieu rural. Un premier essai, à l’aide des seuls indicateurs d’analphabétisme féminin, de taux de scolarisation féminine et d’activité féminine a donné des résultats peu 19 convaincants .
Tableau n°7: Régression multiple de la fécondité et de l'âge moyen au premier mariage féminin rural 1994
Variables explicatives Constante Indice de fécondité Age au mariage féminin 2,3832 13,848 Coefficient Statistique t Probabilité Coefficient Statistique t Probabilité angulaire b F angulaire b F 0,0112 0,1876 0,8524 0,1224 0,8309 0,4124 -0,1228 0,0761 0,0101 -0,0561 0,5904 37 -0,4200 2,7981 1,7357 -1,0751 0,6774 0,0088 0,0925 0,2489 0,0682 0,0497 -0,0262 -0,117 0,1765 37 0,0943 0,7389 -1,8172 -0,9909 0,3532 0,4655 0,0789 0,3294

Analphabétisme féminin Scolarisation féminine Activité féminine Mortalité infantile 1982 Hectares cultivés par ménage agricole Coefficient de détermination Observations

Source : Calculs d’après tableau 4.

19

Pour la fécondité, coefficient de détermination de R2=0,36 et des coefficients angulaires tous de signe positif, ce qui est logique pour l’analphabétisme et à la rigueur pour l’activité féminine mais ne l’est pas pour la scolarisation des filles. Pour l’âge moyen au premier mariage féminin, le coefficient de détermination R2 est de 0,07 seulement, et les valeurs des coefficients angulaires tous positifs, ce qui est également aberrant, surtout pour l’analphabétisme féminin.

56

Il fallait donc introduire d’autres variables. D’abord, la mortalité infantile du milieu rural en 1982. Ceci peut susciter des réserves, en raison du décalage entre les observations sur la fécondité et celles relatives à la mortalité infantile. On a introduit également la superficie 20 moyenne disponible par ménage agricole . Ces deux variables explicatives, il faut le souligner, se modifient rapidement avec le temps, ainsi que l’atteste la forte baisse de la mortalité infantile en milieu rural, réduite de moitié exactement entre le début des années 80 : 92 p. mille (recensement de 1982) et le milieu des années 90 : 46 p. mille (Enquête PAPCHILD de 1997). On peut douter que la diffusion de la baisse de la mortalité infantile fut uniforme selon les provinces rurales, ce qui est pourtant une hypothèse implicite ici. En outre, les disponibilités en terres cultivées par ménage agricole -un indicateur de la pression démographique locale, à laquelle l’on pourrait s’adapter par une modification du comportement fécond- n’ont certainement pas varié au même rythme partout en milieu agricole selon les provinces. Toujours est-il que cette nouvelle régression présente l’avantage de donner un coefficient de détermination multiple élevé R2= 0,59 et des coefficients angulaires dont le sens est conforme au sens attendu. Ainsi, la fécondité rurale varie positivement avec l’analphabétisme féminin et négativement avec la scolarisation des filles; ce second facteur pesant plus dans l’explication de la fécondité que le premier. Autrement dit, un effort de scolarisation rurale peut produire des résultats plus efficaces dans la réduction de la fécondité que des programmes d’alphabétisation des adultes. En outre, les programmes de scolarisation sont plus rentables sur le plan socio-économique que les programmes d’alphabétisation des adultes, car ils permettent entre autres, d’exposer l’individu et la fille à l’instruction, dès leur plus jeune âge, donc plus longtemps et de manière plus approfondie.
20 Données extraites de “ Les déterminants de la mortalité infantile au Maroc ”, CERED, Situation démographique régionale au Maroc - Analyses comparatives ”, Rabat, 1988. Outre le décalage des données, il existe un autre problème délicat, celui du découpage provincial qui s’est beaucoup métamorphosé entre 1982 et 1994. La solution adoptée a été de ne retenir que les provinces telles qu’elles existaient en 1982, en affectant la fécondité et l’âge moyen au premier mariage à la province telle qu’elle apparaissait en 1982.

57

Que l’activité féminine rurale21 soit positivement corrélée à la fécondité semble contraire à l’intuition, et aussi à ce que l’on a constaté dans les villes. Bien qu’il faille être prudent dans l’analyse de l’activité féminine rurale et agricole, qui dépend beaucoup de la conjoncture et de la pluviométrie - une bonne campagne suscitant un surcroît de l’offre de travail féminin, une mauvaise campagne entraînant par la suite une rétraction - il est possible de signaler les raisons pour lesquelles l’activité féminine pourrait induire une fécondité plus forte. Tout d’abord, l’activité féminine rurale et agricole surtout, se déroule le plus souvent dans l’exploitation; travail productif et reproduction sont donc moins en compétition que dans les villes. Ensuite, la venue d’enfants additionnels – assez tôt économiquement rentables dans un contexte de sous-scolarisation généralisée - peut aller de pair avec l’activité féminine dans la mesure où plutôt que se concurrencer, elles viennent l’une et l’autre renforcer l’économie familiale, en se substituant aux autres ressources rares: la terre et le capital. Une autre raison pourrait rendre compte de la relation positive entre activité féminine et fécondité, par le biais de la mortalité infantile rurale. En effet, l’activité féminine en milieu rural tend à l’augmentation de la mortalité des enfants, ainsi que cela avait été démontré avec les données du recensement agricole22. D’abord parce qu’elle entre en concurrence avec l’entretien de l’enfant, sans susciter le surcroît de revenu et d’autonomie apte à favoriser son développement, en raison, de l’indivision existant dans les ménages ruraux et agricoles. Ensuite, parce
21 Bien entendu, les estimations que nous avons utilisées pour mesurer l’activité féminine rurale (mais urbaine également), sont tirées du recensement et, par conséquent, biaisées en raison de la sous-déclaration du travail de la femme ; qui est la règle dans les recensements. Il faut donc faire l’hypothèse implicite que la sousdéclaration est commune à toutes les provinces et que les variations provinciales de l’activité féminine rurale traduisent bien les différences relatives, mêmes si elles ne retracent qu’imparfaitement les différences absolues. Au plan national, une comparaison de l’activité féminine au recensement de 1994 et à l’enquête sur l’emploi de 1995, a montré que si les taux bruts d’activité étaient assez proches en ville : 17% et 22%, l’écart était considérable dans les campagnes : 9% et 28%, voir PNUD, Analyse des tendances des indicateurs de développement (document de travail) , Rabat, 1998 22 CERED, “ Les déterminants de la mortalité infantile… ”, ouv. cit.

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que les femmes enceintes qui travaillent risquent de mettre au monde des enfants de moindre poids à la naissance, donc plus vulnérables. Enfin, le tétanos frappe plus les femmes actives, en raison du contact étroit avec la terre et les animaux ; tétanos qui peut se transmettre au fœtus, provoquant le décès de l’enfant peu après sa naissance. Le remplacement des enfants décédés suscite normalement une fécondité plus élevée. Enfin, la superficie cultivée par ménage agricole, qui reflète une situation passée, en attendant les données de nouveau recensement agricole, peut influencer la fécondité. Rappelons d’abord que cette variable est très liée à une autre variable calculée par le passé, le revenu par ménage agricole. Ceci veut dire que la superficie cultivée représente une approximation correcte du niveau de vie, de l’aisance matérielle de l’agriculteur et de sa famille. Mais la réponse en termes démographiques de cette caractéristique économique est ambiguë. Pour le monde rural et agricole, il pourrait s’agir d’une transition de la fécondité liée à l’amélioration du niveau de vie, mais il peut s’agir d’une transition féconde liée à la pauvreté (poverty led transition). Dans le premier cas, après une phase assez courte où l’augmentation du niveau de vie suscite une demande accrue d’enfants, assimilés à des biens de consommation au même titre que d’autres, arrive un stade où les parents, désireux de jouir pleinement de ces objets de consommation, permis par le surcroît de revenu, restreignent le nombre de leurs enfants. Ils entrent en effet en concurrence avec la consommation par le temps nécessaire à leur 23 entretien . Mais on peut aussi considérer une relation causale inversée entre le niveau de vie des populations agricoles et leur fécondité. Ce serait la dégradation des revenus, due notamment au rétrécissement des superficies cultivées qui provoquerait un ajustement du nombre

23

Il s’agit là de vues contraires de celles de Gary Baker, notamment celles de Julian Simon, “ Income, health and their distribution as policy tools in fertility control ”, in Ronald Ridker, (ed.), Population and Development, Baltimore, John Hopkins University Press, 1976 et Robert Repetto, Economic Equality and Fertility in Developing Countries, Cambridge, Harvard University Press, 1979.

59

d’enfants, par le retard de l’âge au mariage et la pratique de la contraception, en vue d’éviter la détérioration des conditions de vie. Les deux effets peuvent jouer en parallèle et il est très difficile avec des données agrégées de privilégier l’un ou l’autre de ces effets. Le sens du coefficient angulaire de la fécondité par rapport aux superficies cultivées, qui est négatif : -0,056, suggère que la relation est plus dans le sens de l’augmentation des ressources foncières (donc amélioration du niveau de vie) et diminution de la fécondité que dans le sens du 24 rétrécissement de la base foncière et la diminution de la fécondité . Cependant, la valeur de la probabilité associée à la superficie moyenne: 0,25 montre que cette donnée explique moins la fécondité que l’activité féminine : 0,009 ou la mortalité infantile : 0,09. Contrairement au monde urbain, la fécondité rurale semble être plus réticente à l'ordonnancement et à l'explication à partir de critères simples. Ce qui est un défi à la fois scientifique et relatif à la politique de population, compte tenu du fait que c’est en milieu rural que se situe le vrai potentiel de baisse de fécondité : 4,1 enfants par femme en 1995-97, c’est-à-dire qu’il faudrait encore une diminution de 44%, ne serait-ce que pour parvenir au dernier indice mesuré pour le monde urbain: 2,3. S’il est apparu que l’augmentation de l’aisance matérielle en milieu rural favorise la baisse de la fécondité, c’est en large partie parce que ce monde rural s’est désenclavé. Il vit de plus en plus à l’unisson de la ville, qui échange avec lui ses biens de consommation qui émoussent le désir d’avoir des enfants additionnels. Plus globalement, les valeurs économiques, sociales, culturelles, esthétiques de la ville qui se diffusent à la campagne, n’incitent plus à une forte procréation. Autrement dit, la ville est devenue un agent majeur des décisions de fécondité de la femme rurale, même si cette dernière n’en est pas pleinement consciente.
24 Ainsi en reprenant les indicateurs du Maroc rural: taux d’analphabétisme féminin de 80%, de scolarisation féminine de 26,6% d’activité féminine de 9,3%, de mortalité infantile de 92 p.mille (en 1982) on constate selon l’équation de régression multiple présentée plus haut (avec une constante de 2,38), qu’une superficie moyenne de 2,5 hectares est associée à une fécondité de 4,5, tandis qu’une superficie de 7,5 hectares est associée à une fécondité de 4,2. Pour qu’il y ait transition de fécondité tirée par la pauvreté, il aurait fallu que le passage de 7,5 à 2,5 entraîne une diminution de la fécondité, ce qui n’est pas le cas.

60

Dans cet ordre d’idées, parmi les autres facteurs que l'on a essayé de mettre en œuvre pour rendre compte de la fécondité rurale, est celui de la proximité d'une grande ville. En 1994, le Maroc comptait 18 villes de plus de 100 mille habitants, chef-lieux de provinces ou de wilayas, avec une population rurale dans ses alentours immédiats. Dans la moitié des cas, la présence d’une grande ville induit une baisse de la fécondité des ruraux, plus basse que la moyenne nationale, dans 6 cas l'effet est imperceptible et dans 3 cas, il est dans le sens opposé. Il y a donc une influence de la ville sur son milieu rural, mais cette influence n'est pas aussi absolue que l'on aurait pu l'escompter. La diffusion de l'urbanisation dans l'ensemble de la province, que l'on peut refléter par la proportion de la population urbaine, ne paraît pas non plus un agent décisif de la diffusion de la baisse de la fécondité dans le milieu rural (coefficient de corrélation de -0,29).

V- Vue d’ensemble et conclusion
La transition de la fécondité aujourd’hui est indéfectiblement liée à la transition urbaine du Maroc. Mais, ce lien est relativement récent. Il y a de cela une génération à peine, le milieu urbain était curieusement plus fécond que le milieu rural. Les moteurs de la transition se sont d’abord mis en marche dans les villes. Le Maroc ne fait pas exception à cette loi universelle. Pour la plupart des pays en voie de développement, la baisse de la fécondité urbaine a d’abord été un phénomène urbain. Globalement, c’est par l’inversion des flux intergénérationnels de richesses, plus précoce dans les villes, que la préférence pour la famille de dimension réduite s’est confirmée. Parmi les éléments significatifs qui ont incité à cette préférence, figure la scolarisation, de plus en plus universelle des garçons et des filles, avec de moins en moins d’inégalité par sexe. A terme, cette scolarisation suscitait une injection massive de femmes dotées d’un certain niveau d’instruction, quel qu’en soit le niveau, au sein de la population en âge d’avoir des enfants, ce qui la motivait de plus en plus à rejeter le mariage précoce et à accepter la contraception. Mais outre ces motifs universels, le Maroc a connu certaines spécificités dans son histoire économique, qui peuvent rendre compte de la date du déclenchement de la transition démographique urbaine et de 61

ses raisons. Il s’agit du passage abrupt au milieu des années 70, d’une économie qui, pour ne pas être rentière, comptait encore largement sur les ressources en phosphate, à une économie qui repose de plus en plus, sur l’activité productive. Elle s’accompagne d’une augmentation de la fiscalité et d’un ajustement économique avec la monté du travail féminin, et démographique, à travers la réduction du nombre d’enfants. Les processus qui, d’après l’analyse statistique, sont les plus à mêmes de continuer à infléchir la fécondité urbaine sont la régression de l’analphabétisme féminin, la montée de la scolarisation, l’accroissement de l’activité féminine urbaine, sans doute le facteur le plus décisif, et enfin la taille des villes. Au cours des dernières années, les différentes observations : recensement de 1994, enquête PANEL pour 1992-1995, enquête PAPCHILD pour 1995-1997, ont donné des indices de fécondité respectivement de 2,56, 2,17 puis 2,30; c’est-à-dire à quelques décimales du seuil de reproduction des générations, qui est de 2,1 enfants par femme. Il apparaît pourtant que ce seuil pourrait rapidement être dépassé, avec une fécondité sensiblement inférieure à 2 enfants, si les déterminants de la fécondité continuaient à évoluer dans le sens attendu. Si la scolarisation, et par conséquent l’alphabétisation des adultes, sans même mentionner la taille des villes, ne peuvent évoluer que dans une direction favorable à la baisse de la fécondité, le plafonnement actuel de l’activité féminine aurait pu susciter quelques inquiétudes. Mais c’est compter sans l’effet de cliquet qui postule que la baisse de la fécondité pourrait adopter une dynamique propre et se détacher de la cause première qui l’avait enclenchée. En milieu rural, les enjeux de la fécondité sont d’une tout autre dimension: 4,25, 4,50, et 4,10, selon les investigations mentionnées cihaut. Quelle que soit la tendance récente, nous sommes, en tout état de cause, dans un contexte de fécondité encore trop élevée par rapport aux possibilités économiques de l’environnement rural et agricole. D’où l’intérêt majeur de connaître les déterminants de la fécondité rurale, pour la faire évoluer. Certains d’entre eux ne pourront malheureusement évoluer que lentement, comme la scolarisation féminine ou la résorption de l’analphabétisme, sans compter que l’activité féminine en milieu rural 62

peut accompagner la fécondité à la hausse plutôt qu’à la baisse, et que les superficies des exploitations agricoles auront peu de chance d’augmenter dans le futur, elles auraient plutôt tendance à régresser. De fait, le milieu rural semble assez démuni pour trouver en son sein les ressorts à même d’induire une baisse conséquente de la fécondité, qui devrait atteindre près de 100%, pour qu’il y ait égalisation avec celle des villes. Cependant, ce pessimisme peut être tempéré par le fait qu’après une certaine autarcie rurale, favorisée sans doute par une auto-consommation dominante, où la démographie dans les campagnes était peu réceptive aux transformations en cours en ville, le monde rural est devenu preneur des modes venues de la ville, au même titre que de ses objets de consommation, le tout ayant été favorisé par une ouverture soudaine de la campagne marocaine sur le monde extérieur par l’entremise des migrations internationales et les médias. Il est possible donc que l’évolution de la fécondité rurale s’affranchisse de ces contraintes lourdes, éducatives ou économiques. La baisse récente et forte de la mortalité des enfants en milieu rural est un signe encourageant de la relative déconnexion entre phénomènes. Cette baisse porte aussi en elle-même un potentiel de réduction accru de la demande d’enfants. Ces pistes, surtout celles qui concernent le monde rural, devraient être poursuivies et approfondies. L’utilisation des données individuelles des recensements et des enquêtes seules ou liées aux données relatives aux provinces (analyse multi-niveaux), pourrait confirmer ou infirmer certains de ces constats, tout en révélant des déterminants plus occultés de la fécondité. Les données démographiques relatives aux communes du recensement de 1994, permettant d’identifier au sein du monde rural les avants - coureurs et les retardataires dans des unités locales restreintes, il serait souhaitable de compléter l’appréhension au plan macro-démographique des causes de cette avance ou de ce retard, par des enquêtes qualitatives légères sur place, sous forme de focus groups par exemple. L’on pourrait mieux comprendre, dès lors, si lors du premier quart du prochain siècle, la démographie constituera un avantage ou un handicap pour le Maroc rural. 63

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English Law and Its Resources

...Introduction English law is enshrined in the legal system of England and Wales, and is a set of rules, created by the state along with jurisdiction binding and implemented by its authority. The rules define what we can do and what we cannot do. They are created by Parliament and are known as ‘statute law’ or act of Parliament. The content of statue law is greatly influenced by the European Union including the Human Rights Act 1998. In the case of ‘common law’, the decisions of senior appellate court are included as law. European Union (EU) law takes priority and the European Convention on Human Rights (ECHR) protects those identified rights for the relevant stakeholders. Betten, L. (1999) A key distinction is made in terms of civil law and criminal law. Civil law deals in areas such as family matters, employment and contracts; whereas, criminal law is applicable when it is believed that a crime requires an investigation. Speaight, A. (2012) EU laws have considerable influence in a number of areas related to business and human rights and many treaties and directives are applicable in the UK for employment, security and freedom of movements. European law is highly applicable especially in terms of rights at work and business related law. Betten, L. (1999) English Law and its Sources English law is made up of common law - legislation passed by Parliament influenced by Europe. There are four main sources of English law 1. Statute law 2. Common law 3. European...

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European Union Case Law

...Table of Contents Introduction 2 Background of the case 2 Preliminary questions 2 Judgment of the European Court of Justice 3 Order 5 Summary 6 Bibliography 6 Introduction European Union law implements the provisions of EU treaties and initiatives. It establishes a series of rights and demands that are recognized by EU member states' national judiciaries.  EU law is governed by the European Court of Justice (ECJ), which has a unique role in developing a European identity and influencing national governments. The ECJ was originally set up under the Treaty of Paris (1951) and its competences have gradually expanded under the Treaties of Rome (1957), Maastricht (1992), Amsterdam (1997), Nice (2001) and Lisbon (2007). Legal precedents established by the ECJ have played a large role in shaping the development of EU law. The case of Costa vs. ENEL in 1964 for example ruled that in the case of a clash between EU and national law, EU law is the higher authority, thus establishing the supremacy of the ECJ. So now I am going to describe the details of this case. Background of the case M. F. Costa, a lawyer practicing in Milan claimed that he is not under an obligation to pay the amount of an invoice (1,925 Italian lire) which was demanded from him in respect of the supply of electricity by the ENTE NAZIONALE PER L’ENERGIA ELETTRICA (ENEL). He objected to do this payment before a Justice of the Peace (who was competent in first and last resort by virtue of the amount...

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Vinamilk Marketing Plan

...errors and omissions. Comments are invited to Paivi.Leino@abo.fi.) 1. The Sovereign of Monetary Policy The creation of a single market and the continuing concentration and integration at the European level have created phenomena that can neither be governed by nationally based policies nor left to the working of unregulated markets.( Hirst, Paul and Thompson, Grahame (1996), p. 156.) According to the European Court of Justice, one of the cardinal aims of the Treaty is to create a single economic region, free from internal restrictions, in which an economic and customs union may be progressively achieved. This requires, among other things, that the parities between the currencies of the various Member States remain fixed( As stated by the ECJ, as soon as this requirement ceases to be met the process of...

Words: 19380 - Pages: 78

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The Cost of Competition

...Microeconomic Assignment | The cost of Competition | Case Analysis | Justine Liu MBA Candidate at TiasNimbas Business School | * Explain how between January and September 1997 the game changed compared to that which had existed prior to January 1997. Prior to January 1997, there were only two big players in the market of flights between Turin in Italy and Innsbruck in Austria. These two players are Air Turin and Innsbruck Air. Thus we can conclude this market was a duopoly one. There were some features in this market. First, they provided differentiated services. Air Turin flied twice-daily whereas Innsbruck Air flied once a day. And their flight schedules were never the same. Second, they avoided conflicts with each other intelligently. Air Turin did not provide Sunday services, whereas Innsbruck Air did not provide Saturday services. Third, the pricing strategies they used were similar. As table shown the fare structure all in the same currency, we can find that there was no large differences between their price. Also, they even use the same price differentiation segmentations for customer with higher or lower price elasticity. Forth, they share almost half the market. In year, 1996, Air Turin achieved an average load factor of 65 per cent, and Innsbruck Air achieved 68 per cent. The market shares for Air Turin and Innsbruck Air, recorded at December 1996 on the Innsbruck-Turin route, were 58 per cent and 42 per cent respectively. There is interesting...

Words: 1591 - Pages: 7