Geopolitique : Emigration Et Élargissement, Comment Les Etats Membres Régulent-Ils Les Flux Du Sud-Ouest de L’europe
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Table des matières
Introduction
I. Europe et immigration illégale
1- La migration du problème vers l’Est : les raisons et les chiffres 2- les enjeux de l’élargissement de la zone Schengen : Un espace de libre circulation
3- La sécurisation des frontières
4- Le rôle de l’agence Frontex
II. Nouveaux murs, anciennes peurs : une efficacité relative
1- Une réponse simple face à l’urgence? La réponse de la Grèce.
2- ….mais aussi imparfaite, un aveu d’impuissance ? Les Droits de l’Homme en sous-jacent.
3- Ce modèle s’inspire-t-il du celui de Melilla et Ceuta ? La Bulgarie va-t-elle faire de même ?
4- Le mur & souveraineté nationale. Un prolongement du conflit chypriote ?
Conclusion
Bibliographie
Introduction
Dans l’imaginaire collectif français, la majeure partie des flux migratoires extra-européens vient d’Afrique. On nous montre régulièrement le drame des boat people, qui, en quête d’une vie meilleure, se retrouvent échoués sur les côtes espagnoles et maltaises. Or, surprise, les candidats à l’exil illégal en Europe choisissent désormais majoritairement les frontières du Sud Est de l’Europe. Irakiens, Afghans, ou encore Pakistanais choisissent de transiter par la Turquie pour rejoindre l’espace Schengen et le rêve européen. 75% des flux migratoires illégaux se feraient ainsi en transit sur le territoire turc ou moldave. En mars 2011, la Roumanie et la Bulgarie rejoindront à leur tour la zone de libre circulation européenne. Nouvelles frontières et nouveaux défis sont au programme du calendrier Européen 2011.
Comment le programme d’investissement à-t-il été pensé ? Est-il suffisant et efficace ? Et comment concilier souveraineté nationale et intérêts européens ? Nous analyserons ces questions au travers de l’exemple du nouveau mur Gréco-Turc.
I. Europe et immigration illégale
1- La migration du problème vers l’Est : les raisons et les chiffres
Communément, les raisons principales qui poussent à l’immigration -légale ou illégale -sont les suivantes :
• Professionnelle : pour la recherche d’un emploi ou un transfert
• Politique : Fuite d’un pays en guerre ou suite a des répercussions, on parle alors de refugiés politiques
• Sécuritaire : en crise et surtout en cas de guerre
• Economiques : la personne recherche une meilleure situation et surtout un meilleur niveau de vie dans les pays riches
• Familiale : pour rejoindre un membre de sa famille ou un conjoint qui a lui-même immigré pour les raisons cités au-dessus.
Les estimations que l’on peut avoir sur le nombre de migrants sont assez confuses; elles proviennent de sources diverses telles que le refoulement aux frontières, les expulsions des pays environnants, les reconduites aux frontières, etc… . Selon plusieurs études et estimations, de 200 000 à 300 000 migrants en provenance d'Afrique et d'Asie se trouvent à l’instant T sur les territoires des pays d'Europe centrale et orientale dans l'attente d'un passage à l'Ouest.
En Pologne par exemple, on estime que les arrestations aux frontières ne représenteraient seulement que 20 à 30 % du passage illégal. D'après une évaluation récente du Tadjikistan, qui est le premier pays de transit pour nombre de migrants, il aurait près de 20 000 ressortissants afghans séjournant sur leur territoire, prêts à poursuivre leur voyage grâce à des filières organisées. Le nombre de migrants clandestins séjournant sur le territoire de pays tels que la Russie, la Biélorussie ou l'Ukraine est considérablement plus élevé.
On estime que de 40 000 à 60 000 migrants clandestins passent tous les ans de Pologne en Allemagne. Les indications fournies par la République Tchèque permettent une estimation du même ordre. Il est de plus important de souligner que tous ces chiffres sont en augmentation depuis plusieurs années.
Il arrive souvent que des personnes cherchant à transiter d’un pays à un autre ne parviennent pas à obtenir de visa pour les Etats d'Europe occidentale et soient alors obligées de rester dans le pays où elles se trouvent; c'est ce qu’on appelle le phénomène des «migrants bloqués». En effet, 39 % des personnes interrogées dans l'étude de l'OIM en République Tchèque n'avaient pas de projet défini concernant la poursuite de leur voyage. De façon générale, il semble aujourd'hui arriver dans les pays européens davantage de migrants de l'Est et du Sud qu'il n'en repart vers l'Occident.
Un autre problème de taille tient du nombre croissant de migrants rejetés par les Etats de l'Union européenne qui, après être passés par les pays d'Europe centrale et orientale, sont réadmis sur le territoire de ces pays. Ils demandent alors le plus souvent l'asile dès leur arrivée, faisant ainsi des pays de la région des pays de destination par défaut. Cependant, certains sont aussi réadmis plus à l'est.
Depuis peu, on constate un nouveau phénomène pour ainsi dire dérivé qui est le trafic occasionnel de migrants de l'Ouest vers les pays de la région, comme dans le cas du passage d'Allemagne en Pologne de Vietnamiens en attente de renvoi dans leur pays.
Des réseaux criminels sont très souvent utilisés pour organiser le passage de migrants clandestins destinés à séjourner dans des pays d'Europe centrale et orientale: Par exemple, des mineurs roumains ou ukrainiens introduits en Hongrie aux fins de prostitution, des ressortissants vietnamiens introduits en Pologne pour des emplois clandestins. Il s'agit aujourd’hui, malheureusement, de phénomènes à relativement grande échelle malgré une réelle difficulté à dénombrer.
2- les enjeux de l’élargissement de la zone Schengen : Un espace de libre circulation
L’espace Schengen comporte au total 25 États membres, dont trois (Suisse, Norvège et Islande) ne faisant pas partie de l’UE. Il n’a pas connu de nouvelle extension depuis l’intégration de la Suisse en décembre 2008. Les accords de Schengen, signés en 1985 et entrés en application en 1995, prévoyaient la libre circulation des personnes entre les États signataires et la suppression des contrôles aux frontières qu’elles soient terrestres, aériennes ou maritimes. En conséquence, à l’intérieur de l’espace Schengen, le contrôle des personnes est supprimé aux frontières entre les Etats membres, les contrôles aux frontières extérieures sont harmonisés et une politique commune en matière de visas est mise en place. Ainsi les citoyens des États participants peuvent circuler librement dans l’espace Schengen ; les étrangers n’ont besoin que d'un seul visa pour voyager « librement » dans cette zone.
• Pays signataires : Allemagne, Belgique, France, Luxembourg, Pays-Bas, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Autriche, Danemark, Finlande, Islande, Norvège, Suède, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République Tchèque, Suisse.
• Pays signataires pour lesquels les accords ne sont pas encore appliqués : Roumanie, Bulgarie, Chypre.
L’abolition des contrôles aux frontières intérieures de l’Union a reporté cette fonction à ses frontières extérieures, qui font désormais l’objet de contrôles renforcés du fait de l’importance des enjeux migratoire. Une politique commune de visas est encouragée et un fichier informatique commun est mis en place: le Système d’information Schengen (SIS) mutualisant et contrôlant les identités des personnes dites "interdites de territoire". Chaque État peut alors rétablir, lorsqu'il le veut ou le juge nécessaire, des contrôles sur les personnes à ses frontières.
Les risques d’élargissement de la zone Schengen : La Roumanie et la Bulgarie mis de côté
En janvier dernier, Paris et Berlin se sont opposés à l’entrée prochaine de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen, cela afin de mieux maitriser l’élargissement de l’UE. En effet, trois rapports indépendants confirment que ces deux pays intégrés dans l’UE ne peuvent pas être raccordés à l’espace de liberté et de sécurité dont fait partie la Suisse: le Système d’information Schengen (SIS).
Puisque l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie déplace les frontières extérieures de l’UE, la Cour des comptes aborde la question de sécurité aux frontières.
En Roumanie, la situation actuelle en devient presque hilarante. En effet, « Selon la police des frontières roumaine, deux des bateaux de patrouille fluviale (coûtant chacun 300 000 euros) ne pouvaient être utilisés dans le delta du Danube durant l’hiver... » alors que normalement « les bateaux devaient pouvoir être utilisés jour et nuit, à travers la glace brisée et à des températures comprises entre –15 et 45 degrés. » En d’autres termes, ce matériel subventionné par l’Europe, ne peut être pas être utilisé un quart de l’année, laissant alors aux trafiquants une belle opportunité. (point49c). De plus, comme le souligne le point 50, il existe un réel risque que les « équipements utilisés aux frontières et qui ont été utilisés aux frontières et qui ont été audités ne soient plus pleinement opérationnels lorsque la Bulgarie et la Roumanie adhéreront à l’espace Schengen » bien que leurs frontières constitueront indéniablement une partie de la frontière extérieure de l’UE.
En Bulgarie, la situation n’en est pas moins distrayante. La cour des comptes, en plus de souligner un défaut de formation de personnel risquant sur long terme d’amoindrir l’usage du matériel, sa longévité ainsi que les opportunités de coopération européenne.
« Le service national de police des frontières (SNPF), a indiqué que le financement national de la maintenance du système de radiocommunication après l’expiration de la période de garantie n’avait pas été budgétisé. En outre, les composants électroniques des systèmes de surveillance infrarouge devraient être renouvelés après cinq à sept années de service. Or, en 2007, les caméras de vision nocturne auront été en service pendant cinq ans » (point 46).
La Roumanie et la Bulgarie délimiteraient donc une future partie de la frontière extérieure de l’UE. Or, si ces deux pays n’ont pas directement été intégrés dans l’espace Schengen, c’est pour de bonnes raisons : on constate en effet de vraies carences matières de lutte anticorruption et de lutte contre le crime organisé ; mais surtout la mise en jeu de la sécurité des citoyens européens.
3- La sécurisation des frontières
Une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (Frontex) a été créée pour améliorer la gestion intégrée des frontières extérieures des États membres de l'Union européenne. Frontex défend un modèle paneuropéen intégré de sécurité frontalière renforçant la sécurité des frontières en assurant la gestion de la coopération opérationnelle entre les États membres.
L’agence concentre ses activités sur six principaux domaines précisés dans le règlement Frontex:
Elle garantit une véritable coopération opérationnelle entre les États membres en ce qui concerne la gestion des frontières extérieures;
Elle aide les États membres dans la formation des gardes-frontières nationaux, et dans la définition de normes communes en matière de formation;
Elle effectue des analyses de risques en évaluant des menaces, en analysant les aspects vulnérables et en pondérant les conséquences;
Elle suit de près l’évolution de la recherche en matière de contrôle et de surveillance des frontières extérieures, aussi bien en informant les institutions chargées de la surveillance des frontières des technologies modernes et des produits disponibles qu’en s’assurant que les intérêts particuliers des autorités chargées de la surveillance des frontières soient dûment pris en considération dans les recherches ayant trait à la sécurité;
Elle aide les États membres dans des circonstances exigeant une assistance technique et opérationnelle accrue aux frontières extérieures, en préparant par exemple des paquets d’interventions rapides, positionnés et structurés au préalable, susceptibles d’être rapidement déployés sur une région;
Pour finir, elle fournit aux États membres qui organisent des opérations de retour le soutien nécessaire.
4- Le rôle de l’agence Frontex
L'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (ou « Frontex ») est l'agence européenne pour la sécurité et les frontières extérieures de l'Union européenne. Créée par le Conseil Européen le 26 octobre 2004 , elle siège Varsovie (Pologne) et elle est dirigée par Ilkka Laitinen. Elle est responsable de la coordination des activités des garde-frontières dans le maintien de la sécurité des frontières de l'Union avec les États non membres, elle coordonne leurs opérations dans la gestion de ces frontières extérieures en garantissant des normes communes et un haut niveau d'efficacité. Toutefois, chaque État membre demeure responsable de la partie de frontière qui se trouve sur son territoire. Frontex dispose d’un budget de 285 millions d'euros provenant uniquement des subventions de l'Union européenne (Programme européen spécifique 2007-2013 pour la protection des infrastructures critiques -PEPIC). L'agence intègre des experts mais ne dispose pas de ses propres avions ou navires, ni de ses propres policiers, ce sont les Etats qui leur « prêtent » (un réservoir de 400.000 garde-frontières travaillant dans l'UE est mis à sa disposition). L'agence n’assume en direct que les frais liés au déploiement du matériel comme des hommes: communication, logistique, indemnités journalières, coûts de fonctionnement.
Les missions de Frontex sont les suivantes :
• Mission de collecte et d’analyse des données terrain: L'agence dispose d'un système de recueil des données qui sont analysées en temps réel afin de mieux connaitre la situation aux frontières extérieures de l'UE.
• Coordination des opérations de surveillance (EUROSUR): Sur la base de l'analyse des risques réalisée en amont, FRONTEX propose aux États membres de participer à des opérations conjointes aux frontières extérieures aériennes, maritimes et terrestres de l'Union. Si besoin l’agence peut aussi mettre à leur disposition la RABIT : Une force d’intervention rapide composée d'un vivier de gardes-frontières européens.
• Formation harmonisée des Etats membres : Assister les s membres dans le développement de standards communs de formation, incluant un tronc commun, dans l'optique d'instaurer une politique de gestion intégrée des frontières.
• Remontée d’information pour la recherche et le développement. L’agence analyse les besoins et remonte les informations pour déterminer les objectifs de recherche et développement pour la surveillance des frontières. Puis sert aussi de relais dans la phase de test.
• Coordination des opérations de retour : Assister les États membres dans l'organisation d'opérations de retour communes.
Quels sont les objectifs majeurs de l’agence :
• Réduire le nombre d'immigrants illégaux qui entrent dans l'UE sans être découverts.
• Réduire le nombre de décès d'immigrants illégaux en sauvant davantage de vies en mer;
• Renforcer la sécurité intérieure dans l'ensemble de l'UE, en contribuant à prévenir la criminalité transfrontalière.
Frontex publie chaque année les chiffres relatifs à la détection des clandestins aux frontières de l'UE. Et d’après les spécialistes, 20% des migrants présents sur le territoire de l'UE sont entrés clandestinement via une frontière. Les 80% restants sont entrés grâce aux accords de Schengen ou au moyen d'un simple visa. Un migrant irrégulier entrant dans l'espace Schengen peut y rester trois mois, période, au-delà de laquelle il devient un clandestin. Pour prévenir l’afflux, Frontex a récemment ouvert un bureau en Grèce, sa seule implantation physique en dehors de son siège polonais. Trois autres sont en projet, dont un dans la zone dite «Méditerranée occidentale».
II. Nouveaux murs, anciennes peurs : une efficacité relative
1. Une réponse simple face à l’urgence? La réponse de la Grèce.
Face à l’arrivée de l’immigration massive vers les pays de l’Europe vers l’Est, la Grèce début janvier 2011 a pris la décision de construire une clôture entre la Grèce et la Turquie. Cette décision est problématique et est source d’un véritable débat au sein de l’Union Européenne.
Selon la Grèce la construction d’une clôture semble inévitable et semble être la seule réponse plausible face à l’arrivée journalière d’environ 200 (selon l’agence Frontex) clandestins par la Grèce. La clôture serait construite sur 12,5 kms proche du fleuve Evros, dans le nord-est de la Turquie.
La Grèce est actuellement en situation de crise économique, et doit faire face au chômage et à la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Le pays n’est donc pas en mesure de soutenir et de contrôler l’arrivé d’immigrés. Le pays doit avant tout faire face à ses problèmes internes.
La Grèce étant géographiquement à la limite de l’Europe est une porte d’entrée évidente et facile. Néanmoins cette immigration est difficile à contrôler : les immigrés passent nuit et jours. Les autorités grecques ont recensés environ 27 000 passages clandestins par la région d’Evros l’année dernière. 12 000 personnes ont traversé le fleuve Maritsa et ce par tous les moyens : à la nage, bateaux ou encore en marchant sur la rivière gelée. Près de 9 immigrants clandestins sur 10 sont entrés par la porte grecque.
Il y a 10 ans, le problème ne se posait pas. L’Espagne et l’Italie étaient face à ce problème. Mais depuis le renforcement du passage des frontières et la signature des accords de rapatriement entre l’Afrique du Nord et l’Italie et de l’Espagne, les trafiquants et les immigrés ont dû s’adapter et trouver une autre porte d’entrée a l’Union Européenne : la Grèce.
La décision du gouvernement Grec est soutenue par certains personnages politiques comme Brice Hortefeux. Pour lui il est normal de mettre en place ce type de mesures à court terme car le problème de l’immigration illégale surtout au niveau de la frontière grecque et turque devenait trop important. Néanmoins cette décision est aussi est contrée par d’autres Etats européens comme l’Allemagne, qui a décidé de suspendre le renvoi des refugies présents sur son territoire en Grèce.
2. mais aussi imparfaite, un aveu d’impuissance ? Les Droits de l’Homme en sous-jacent.
Cette réponse de la Grèce par la construction d’une clôture est certes immédiate et résoudrait ne serait-ce que temporairement les problèmes d’immigration clandestine vers l’Europe mais à long terme ne répond pas au problème et soulève de nouvelles interrogations : les Droits de l’Homme par la construction de cette clôture se retrouvent en ligne de mire.
Selon un porte-parole de Cecilia Malmstrom, commissaire chargé de la sécurité, "Les murs ou les grillages sont des mesures à court terme qui ne permettent pas de s'attaquer de manière structurelle à la question de l'immigration clandestine”.
Par ailleurs, l’Organisation des Nations Unies s’est opposée à la décision de la Grèce. La Cour européenne des droits de l’homme a également condamné la Grèce. Selon l’ONU et la Cour Européenne, la mise en place d’une clôture n’améliorerait pas la situation et rappelle en quelque sorte, et dans un autre contexte la mise en place du mur de Berlin lors de la guerre froide.
La construction du « mur de Papoutsis », ministre de l’intérieur en charge de l’immigration Christos Papoutsis, a fait l’objet de nombreuses contestations au cours du mois de janvier 2011 de la part des populations immigrées et des organisations en place dans le pays. A Athènes plus particulièrement, des affrontements ont pris place entre nationalistes et migrants : des comités de quartiers et des ultranationalistes s’affrontent des groupes de migrants étant soutenus par l’extrême gauche. Le premier ministre grec dénonce « l’hypocrisie » des autres Etats Européens face à la construction du mur et aux critiques concernant les mesures de protections de ses frontières qu’ils jugent parfois insuffisantes. Selon lui « La société grecque a atteint les limites de ce qu'elle pouvait accepter en matière d'immigration illégale. »
Près des frontières, entre la Grèce et la Turquie, des camps de réfugiés ont été mis en place, cependant les conditions de logement précaires, en surcharge et vétustes remettent en cause les droits de l’Homme et sont d’ailleurs pointés du doigt par les organisations internationales. Les camps comptent en moyenne 10 000 personnes.
Selon Bill Frelick de « Human Rights Watch », la clôture pourrait disperser l’immigration vers d’autres endroits et ne pas la faire disparaitre, car la frontière Grecque est assez étendue, ce qui montre que le problème ne peut pas être réglé par la simple mise en place d’une clôture.
Ainsi cette solution de clôture n’est valable qu’a court terme. Il faut des reformes structurelles à long terme.
3. Ce modèle s’inspire-t-il du celui de Melilla et Ceuta ? La Bulgarie va-t-elle faire de même ?
Il faut savoir qu’il existe déjà en Europe deux clôtures du même type, construites à Melilla et Ceuta, entre l'Espagne et le Maroc. Précisons que Ceuta et Melilla sont deux enclaves au cœur du Maroc septentrional, acquises par l’Espagne à la fin de la Reconquista (1497 et 1668).
Sous couvert du contexte géopolitique de la guerre froide, et sous l'effet de la pression migratoire et de l'immigration clandestine, le gouvernement espagnol a choisi en 1993 d'enfermer ces deux villes derrière une barrière, encore renforcée et complexifiée technologiquement pendant les années 1990. Autour de Melilla, une double clôture s'étend sur 10,5 kilomètres, et sur 7,8 kilomètres à Ceuta. Barbelés, 106 caméras vidéo fixes, hélicoptères, 300 policiers et plus de 600 officiers de la Garde civile, une structure d'écoute et un système à infrarouge sont parmi les systèmes mis en place par le gouvernement espagnol. Cependant, le bilan de la « politique forteresse » de l’Espagne menée sur ses enclaves territoriales est à nuancer : Le déploiement d'une clôture n'a bien souvent pour seul effet que de déplacer les flux migratoires et rend le voyage plus mortel pour les migrants. La sécurisation de Ceuta et Melilla, a déplacé les migrations vers les Canaries, en augmentant indument le nombre de morts sur les routes migratoires. De plus, les immigrants clandestins qui atteignent le territoire européen par cette voie demeurent minoritaires.
La politique « forteresse » menée par l'Espagne peut aussi être considérée comme un moyen de renforcer sa position dans le détroit de Gibraltar et de repousser durablement les volontés hégémoniques du Maroc. Face à la pression migratoire la règle du « chacun pour soi » demeure malgré tout, et dans une certaine mesure, solidement ancrée en Europe. En effet, La convention de Dublin, entrée en vigueur le 1er septembre 1997, exige le traitement exclusif d’un individu en situation irrégulière par l’État qui a permis son entrée dans l’espace Schengen. Les pays ayant une frontière exposée, deviennent ainsi un guichet géant pour tous les demandeurs d'asile. La Grèce, avec le soutien de Paris, souhaite donc construire une clôture à sa frontière turque, s'estimant trop isolée face à l'immigration clandestine. Bruxelles s'est opposé au projet, pourtant, à Ceuta et Melilla, l’UE a financé la construction des barrières. En effet, pour un coût de 30 millions d’euros, Ceuta est depuis 1995 entourée d’un « périmètre de sécurité », financé à 75 % par l’Union européenne. Il y a donc une ambivalence des discours pouvant s’expliquer par la politique grecque en matière de droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’Homme estime en effet qu’Athènes ne respecte pas assez les droits des demandeurs d’asile. De plus, l’Europe a développé une politique volontariste de développement, en obligeant les pays du Maghreb à accentuer la surveillance de leurs frontières. En contrepartie d’aides financières, l’Union européenne instaure une politique de chantage d’aide au développement. Pour encourager le Maroc, l’Europe subventionne notamment des grands travaux et des chantiers sociaux. Ce n’est pas le cas en Turquie actuellement.
La question de la porosité des frontières européennes avec la Turquie se pose aussi pour la Bulgarie, et ses 143 kilomètres de frontières avec l’ancien empire Ottoman, à l’heure où elle s’apprêtait courant mars 2011 à rejoindre l’espace Schengen. Cependant, le mardi 25 janvier 2011, la porte-parole du ministère bulgare des Affaires étrangères a confirmé, que l’entrée de Sofia dans l’espace Schengen, a été refusée sur fond de craintes, dans les capitales européennes, des développements sur les frontières extérieures de l’UE. Bien que la Commission ait exprimé son aversion pour les clôtures aux frontières de l’Europe, la Bulgarie a décidé de réinstaller préventivement des clôtures de barbelés le long de sa frontière avec la Turquie. Une mesure qui a, d’ors et déjà, été fortement critiquée par le gouvernement turc. Lors de cette élocution, le gouvernement Bulgare a par ailleurs indiqué qu’ils comptaient sur des financements européens pour la remise en état des clôtures de barbelés, datant de l’époque communiste.
4. Le mur & souveraineté nationale… un prolongement du conflit chypriote ?
Le premier ministre turc, Tayyip Erdoğan, a minimisé l'importance de cette barrière qui ne couvrira « que » 12,5 des 206 km de frontière. « Il ne s'agit pas d'une mesure contre la Turquie ou la Grèce », a précisé M. Erdoğan. « Il ne faut pas voir cela comme un mur. Nous nous faisons totalement confiance sur ce point ». M. Erdoğan a expliqué que sa vision du problème avait changé après que M. Papandréou lui a dit que la Grèce comptait un million d'immigrants clandestins.
Aux vues de la souplesse turque concernant le mur, M. Papandréou s’est lancé dans le consensus et a réaffirmé à l’occasion son désir de voir la Turquie adhérer à l'Union européenne et il a déclaré qu'il tenterait de contribuer au déblocage du processus, notamment concernant le conflit chypriote.
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Rappelons que l’île de Chypre est un membre de l’UE depuis 2004 et est gouvernée par un gouvernement gréco-chypriote, alors que dans le nord, une enclave dissidente turque uniquement reconnue par la Turquie fait l’objet d’un embargo de l’UE. «Nos deux pays ont la volonté de rétablir la paix dans la mer Égée et dans la Méditerranée», a affirmé le premier ministre turc.
Au-delà, de la diplomatie de façade, M. Papandréou a toutefois amèrement évoqué les violations de l’espace aérien grec par les avions militaires turques. Rappelons également que les deux pays membres de l’OTAN sont entrés en guerre en 1996 au sujet d’une île inhabitée et sont en conflit territorial dans la mer Égée. Le conflit chypriote n’est donc pas l’unique sujet de friction entre les 2 puissances de la mer Egée. « Nous avons lutté pendant des années pour construire la confiance, mais il suffit de peu pour ruiner tous ces efforts » a rajouté le premier ministre grec.
Les relations entre les deux pays demeurent tendues, même si des efforts sont fait de part et d’autre de la frontière, il n’est pas improbable, quoi que son effet ait été volontairement minimisé, que le mur s’invite à l’avenir dans le banquet des discussions hégémoniques entre puissances de la mer Egée.
Conclusion
Le rêve d’une Europe espace de libre circulation peut devenir une réalité dans un avenir proche. Il est pour cela, du ressort de l’UE de contribuer à son édification. Pour le moment, il est primordial de trouver de réelles solutions au problème des visas qui sont les premières sources de tensions avec les pays frontaliers de l’UE. Les mesures prises en matière contrôles aux frontières et de visas doivent à la fois concilier liberté de mouvement et sécurité ; cela afin de ne pas donner matière à de nouvelles lignes de division en Europe.
Comme nous avons pu le voir tout au long de ce dossier, le futur de l’UE dépend essentiellement de comment est géré sa situation migratoire. Pour cette raison, toutes les mesures qui pourraient mener à optimiser et finaliser la politique communautaire concernant l’immigration revêtent un caractère essentiel. Cela en trouvant le juste équilibre entre aspects économiques des flux migratoires des pays tiers et aspects humanitaires. Son efficacité se base essentiellement sur un traitement équitable des ressortissants des pays tiers : en leur accordant des droits et des obligations comparables à ceux des ressortissants locaux. La maîtrise des flux passe également par une politique équitable de coopération et de partenariat avec les pays de départ des migrants.
Ces ambitions nécessitent bien entendu l’engagement de moyens financiers conséquents ainsi que l’élaboration d’un cadre juridique adapté. Le succès de cette politique communautaire dépendra de la capacité des Etats membres à sublimer leurs intérêts (politique du chacun pour soi) et à remettre en cause le principe de souveraineté nationale.
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Nouveaux Etats membres. Comment devenir pays d’accueil ?,Céline BAYOU
COUR DES COMPTES : RAPPORT SPÉCIAL No 4/2006
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SITES
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http://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/31981/telechargement_fichier_fr_publi_pdf1_442.pdf