L'Influence Des Entités Régionales Dans Le Processus Politique National : Étude Du Cas Catalan
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L’influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan.
L'objectif de ce travail de recherche est de démontrer qu’en raison de son glissement vers un Etat fédéral et en dépit de réels mécanismes de représentation territoriale des Communautés Autonomes au sein des Institutions nationales, la participation de la Catalogne au processus législatif s’est organisée sous la forme d’un assemblage complexe de relations formelles et informelles menées entre les partis nationaux et régionalistes tant au niveau national qu’autonomique et lui ayant permis - dans sa course à davantage d’autonomie financière - d’exercer une influence au-delà de sa traditionnelle position de pivot aux Cortes. Les relations intergouvernementales formelles et informelles empruntent chacune des voies parallèles mais convergentes par rapport aux buts à atteindre : les relations formelles sont nouées au niveau sub-étatique entre tous les acteurs régionaux, elles ouvriront ensuite la voie à des relations informelles entre gouvernements. Ce système dual a connu des fluctuations depuis ses prémisses, captant toute la dimension de l’essor d’une capacité politique accrue de la Catalogne au sein de la sphère nationale.
EXTRAIT : MOTS CLES : capacité politique régionale, relations intergouvernementales, Convergencia i Unio,
semi-fédéralisme, Loi Organique de Financement des Communautés Autonomes.
Introduction
L'INFLUENCE
DES ENTITES PERIPHERIQUES AU SEIN DES INSTITUTIONS NATIONALES EST-ELLE
INDISSOCIABLE DES LEGISLATURES MINORITAIRES DES PARTIS NATIONAUX AUX
CORTES ? La
transition et son lot de pactes démontra que sans disposer de pouvoirs de pressions démesurés les forces périphériques avaient obtenu du Centre une série d'avantages, bien que, lorsque le consensus entre les formations démocratiques se dissipa - et à l'arrivée du PSOE au pouvoir en 1982 - la logique de compétition bipartisane émergea pleinement et les législatures majoritaires enterrèrent l'espoir périphérique de participer aux décisions avec la même vigueur qu'auparavant. L’organisation territoriale de l’Estado de las Autonomias s’est développée dans une logique fédérale1 bien qu’elle n’en possède pas les institutions ; son principal déficit se concentre au niveau national où les Communautés Autonomes ne peuvent
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Juan J.LINZ (1989). ‘Spanish Democracy and the Estado de las Autonomias’pp261-303 (Eds) GOLDWIN, KAUFMAN, SCHAMBRA. ‘Forging Unity Out of Diversity. The Approaches of Eight Nations’. American Enterprise Institute for Public Policy Research/ Robert AGRANOFF (1996). ‘Federal Evolution in Spain’. International Political Science Review. Vol 17 No 4 pp385-401 /Luis MORENO (1997) ‘La federalizacion de Espana. Poder politico y territorio’. Siglo/ Lius MORENO (1997) ‘Federalization and Ethnoterritorial Concurrence in Spain’ Publius Vol 27, No 4./ Juan LINZ (1999) ‘Democracia, multinacionalismo y Federalismo’. Vol 1 No 1 pp7-40 Revista Espanola de Ciencia Politica. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
-2 pas participer à l’élaboration de normes nationales en raison d’institutions inappropriées2. Des partis régionalistes ont pourtant réussi à intégrer le niveau national, obligeant les partis nationaux à répondre à leurs demandes territoriales par la voie législative3. Ces partis ayant élu des représentants dans les institutions nationales – bien que leur assise électorale ne dépassait pas leur communauté - saisirent l’opportunité, en raison d’un cadre de négociation favorable, de modifier des structures communes à l’ensemble des communautés pour parfaire leur vision territoriale. En effet, le territoire est devenu, à la suite des transformations politiques, sociales et économiques, un élément clé de la vie politique : le nouveau régionalisme cherche à le réinventer en fonction de paramètres contemporains car il devient le lien entre l'évolution globale et l'expérience personnelle et un espace où se concrétise une nouvelle forme de politique 4. Depuis la transition la Catalogne est l’acteur d’un processus de construction régional – fer pais - intense, mené par Jordi Pujol, l’ex leader de la fédération nationaliste modérée Convergencia i Unio 5. Cette construction a conduit à un processus de différenciation au sein des communautés soulevant un certain nombre de questions ayant retenu notre attention et notre volonté d’entreprendre cette recherche . Comment expliquer que la Catalogne et non l’Andalousie ou la même la Galice parvient-elle à participer et à influencer le processus national sans que l’initiative vienne du Centre ? Comment expliquer une telle superposition entre le CiU et la région catalane ? Et comment cet aspect se concrétise sur le plan institutionnel et politique dans un Etat semi-fédéral ? Doit-on cette influence catalane à la région, aux partis qui la gouvernent et comment différencier la région de ses acteurs ? D’autre part, par quels mécanismes politiques et institutionnels une entité politique n’occupant qu’une partie du territoire fait-elle pour influencer des normes - comme la loi de financement - applicables presque à l’ensemble des Communautés ? L’objectif sera de trouver une réponse à chacune de ces interrogations, d’analyser les progrès, les travers d’une question centrale en sciences politiques et à laquelle les nations plurinationales sont confrontées la plupart du temps. Deux hypothèses, intégrant ces interrogations seront formulées dans la première partie. De même nous y préciserons l’approche et le terrain choisi pour l’analyse empirique. Une seconde partie analysera le cadre institutionnel et les acteurs au centre de cette recherche. Une dernière partie sera consacrée entièrement à l’analyse empirique en nous basant sur les réformes des lois de financement comme terrain d’investigation.
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Josep M. COLOMER (1999). "The Spanish 'State of Autonomies": Non-Institutional Federalism"p40-52. (Ed) Paul HEYWOOD. Politics and Policy in Democratic Spain. Franc Cass. London. p50. Eve HEPBURN (2009) ‘Introduction: Re-conceptualizing Sub-state Mobilization’. Regional and Federal Studies. No 19 Vol 4. p479 4 Michael KEATING (1996). Les défis du nationalisme moderne ; Québec, Catalogne et Ecosse. Presses de l'Université de Montréal. p64 5 Michael KEATING, John LOUGHLIN, Kis DESCHOUWER (2003). ‘Culture, Institutions and Economic Development. A study of eight European regions’. Edward Elgar. p44.
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Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
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Première Partie
Hypothèses et méthodologie
1. Première hypothèse : La capacité territoriale et le positionnement idéologique des partis régionalistes Nous posons comme première hypothèse que dans le cas analysé l'influence de la Catalogne, lorsqu’elle participe au processus politique national, en raison de son caractère fédéral inachevé, marqué par l’absence de réels moyens de représentation territoriale pour les Communautés autonomes, peut être expliquée à partir de deux axes complémentaires : l’activation d’une capacité politique régionale différentielle et le positionnement idéologique du CiU – parti dominant l’offre régionaliste - déterminant ses rapports intergouvernementaux formels et informels avec les partis nationaux composant l'exécutif, les réunions au niveau sub-étatique et au sein de son assemblée régionale. Ces deux axes sont complémentaires dans la mesure où : 1) tous les deux seront la variable dépendante de facteurs identiques : la construction régionale, l’identité régionale, le système électoral et le système partisan, national et autonome. 2) Le positionnement idéologique du CiU déterminera l’étendue de la construction de l’autonomie régionale qu’il souhaite accomplir et qui elle augmentera la capacité politique régionale. De ces deux axes va découler la stratégie territoriale catalane visant à augmenter ses ressources mais ponctuée par une donnée supplémentaire exprimée dans la seconde hypothèse : l’obtention ou non d’une majorité aux Cortes par le parti ayant emporté la législature. 2. Deuxième hypothèse : L’influence catalane au sein des Cortes (Parlement) majoritaires L’influence de la Catalogne est fonction du soutien qu’elle peut offrir à des gouvernements minoritaires, par lequel elle peut obtenir en retour des concessions en matière de politique de décentralisation. Nous soutenons qu’il est possible d’influencer un gouvernement en dehors d’une législature minoritaire à travers une combinaison de mécanismes institutionnels formels et informels qui s’entrecroisent entre le niveau sub-étatique et national. Notre seconde question de recherche sera que la Catalogne peut influencer le processus politique national entendu comme toute norme ou tout ensemble de normes issues d’un vote des Cortes, sans distinction de place dans la hiérarchie des normes, ni sur la matière qu’elle vise - 1) lors d'une période de consensus entre formations politiques centrales et périphériques caractérisant les
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-4 périodes de transitions ; 2) lorsqu’elle joue un rôle de formation pivot aux Cortes ; 3) lors d’une législature majoritaire aux Cortes. 3. Méthodologie et falsification des hypothèses : l’influence mesurée à travers un output législatif De manière naturelle notre méthode de recherche s’est construite autour d’un fait indissociable de notre objet d’étude : la question du financement. Les communautés espagnoles sont, pour une large part de leur budget, tributaires des versements réalisés depuis le centre leur assurant de financer leur politique publique. Envisagé dès les premiers transferts de compétences, notre terrain couvre un espace temporel suffisamment large pour l’analyse empirique, la comparaison et la falsification de nos hypothèses. 3.1 Les modifications de la loi de décentralisation fiscale (LOFCA) comme variable dépendante de l’influence du pouvoir politique catalan au centre Les régions ayant un statut économique supérieur au reste du territoire vont poursuivre des projets visant à réduire leur contribution au centre6. La structure fiscale de l’Estado de las Autonomias sera en perpétuelle renégociation impliquant les gouvernements régionaux à se mobiliser politiquement pour adopter et mettre sur pied des termes qui leur seront favorables individuellement, même si cela entraîne un coût pour les autres communautés7, caractéristique relevant d’un fédéralisme compétitif8 . Après une modification de son système de calcul la loi de financement connaîtra une série de réformes en 1989, 1996, 1998, 2001 et 2009. Le CiU place au centre de son programme politique national la question fiscale dans la mesure où selon lui le système en vigueur supposerait une large disproportion pour la Catalogne qui : 1) ne peut pas bénéficier pleinement de son développement interne, 2) n’a pas d’autre choix que l’endettement en raison du grand nombre de compétences qu’elle assume9. Ces réformes seront autant d’indicateurs de la capacité de la Catalogne à influencer le Centre et le matériel empirique utilisé dans notre d’étude (Partie 3). 3.2 Objectifs et Limites de ce projet Notre ambition tout au long de cette recherche sera de déterminer les mécanismes permettant à la région étudiée d’influencer les décisions au centre et, en fonction des résultats obtenus, de mesurer et d’analyser comment s’articule l’évolution de son influence. En revanche, la
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Eve HEPBURN (2010) ‘op.cit’ p47 Alfred P MONTERO (2005), ‘The Politics of Decentralization in a Centralized Party System : The case of democratic Spain’. Comparative Politics, Vol 38, No 1 pp63-82. p77 8 Josep M. COLOMER (1999).op.cit. p50 9 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002). Partidos y estrategias nacionalistas en Cataluna, Escocia y Flandes. Ciencia Politica. p206 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
-5 modification des rapports intervenant entre les acteurs au cours du temps, selon la thèse de l’augmentation du niveau d’autonomie10 comme facteur expliquant une capacité territoriale accrue dépasse largement les objectifs de ce travail et impliquerait des outils de recherche différents. D’autre part, le choix d’un terrain de recherche implique que des observations et les résultats ne soient pas généralisables à l’ensemble des situations dominant les rapports centre/périphérie, mais restent exclusifs au cadre étudié. Pour terminer, plus par question de pertinence face à notre démarche empirique que par complexité d’analyse, la loi de financement sera instrumentalisée pour expliquer un autre mécanisme, l’influence de la Catalogne. Dès lors, le débat autant juridique que social qui l’entoure, ne fera pas l’objet d’une attention particulière. 4. L’approche institutionnaliste et le choix rationnel L’institutionnalisme permet d'expliquer l'influence qu'ont les structures sur la gouvernance11. Certaines caractéristiques sont communes aux différentes approches institutionnelles : ‘une structure, formelle ou informelle’ considérée comme l'élément primordial ; ‘une stabilité à travers le temps de cette structure’ ; ‘cette structure ou institution doit affecter le comportement individuel’ ; ‘un sens commun pour des valeurs’ (élément central de l'institutionnalisme normatif de March et Olsen)
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. Parmi les trois institutionnalismes –
normatif, historique, sociologique - nous n’utiliserons qu’une partie du premier, l’approche du rational choice. La volonté, d’une part, pour les partis régionalistes de se positionner comme une offre compétitive face aux partis nationaux et, d’autre part, celle de maximaliser leurs gains en matière de décentralisation sont deux aspects illustrant l’approche rationnelle des stratégies territoriales développées dans cette recherche. L’argument central du choix rationnel tient dans la maximalisation de son bénéfice comme première motivation des choix des individus. Cependant les individus peuvent réaliser que leurs objectifs seront accomplis de manière plus effective à travers l’action au sein des institutions et que son action sera conditionnée par les institutions auxquelles il appartient13. L’approche du choix rationnel s’avère un outil d’analyse précieux, d’autant que notre recherche porte sur la question de gains en matière de financement. Cependant, elle ne sera pas en mesure de falsifier nos hypothèses dans la mesure où Peters l’indique ‘il est très difficile de trouver des situations
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John LOUGHLIN (2000). Regional autonomy and state paradigm shifts in Western Europe. Regional and Federal Studies, 10: 2, B. Guy PETERS (2005). Institutional Theory in Political Science : The New Institutionalism (2nd edition). Continuum. p25-165 12 ibid. p18-19 13 Ibid. p48 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
-6 dans lesquelles des individus n’agiraient pas rationnellement dans le choix d’une issue, ce qui au final apporte aux chercheurs une utilité principalement en terme de logique d’analyse’14.
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ibid p67.
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Deuxième partie
La construction du modèle catalan d’influence
Introduction Comment expliquer que la Catalogne et non l’Andalousie ou même la Galice parvient-elle à participer et à influencer le processus national sans que l’initiative vienne du Centre ? L’Espagne compte 17 communautés autonomes connaissant des rapports différents avec le Centre de l’Etat, dont l’expression la plus marquante est la relation entre la Catalogne et Madrid. La volonté d’expliquer la spécificité de cette relation de manière claire, complète et originale fut au cœur du développement de cette seconde partie imaginée à partir de variables15 proposées par Keating (1998). En nous basant sur deux ensembles de variables 1. les variables historiques et culturelles et 2. les variables institutionnelles et politiques – nous avons tenté de répondre à cette exigence. Le premier ensemble discuté comprend deux facteurs distincts dans leurs effets mais interdépendants : la construction régionale et l’identité régionale. Le second ensemble est composé du système électoral espagnol et du système partisan (national et régional) eux aussi reliés. La spécificité du cas Catalan se trouve dans son statut de nation historique ayant vu apparaître des partis régionalistes. Comme la Galice ou le Pays Basque, des partis régionalistes se sont retrouvés – avec plus au moins de succès – au cœur des négociations avec des acteurs nationaux, faisant que leur positionnement sur le clivage centre/périphérie (et aussi gauche/droite) détermine la stratégie adoptée et conditionne l’avancée des négociations. Dès lors, afin d’expliquer le rapport différentiel entre les régions et l’impact du positionnement des acteurs dans la négociation de leur autonomie régionale, il convient d’analyser pour chaque ensemble de variables leur effet sur la capacité politique de la région et sur le positionnement des partis régionalistes dominant le consensus régional sur les clivages centre/périphérie et gauche/droite, au cœur de leur approche des relations intergouvernementales. Cependant, ce modèle explicatif développé dans les pages suivantes n’est pertinent qu’en connaissance des spécificités du cadre institutionnel espagnol et des acteurs qui y évoluent. Ce sera l’objet du chapitre suivant, débutant par un rappel des principales notions théoriques utilisées au cours de cette étude.
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Micheal KEATING (1998). The New Regionalism in Waestern Europe. Territorial Restructuring and Political Change. Edward Elgar Publishing. p123
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
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Chapitre 1
Le cadre d’analyse pour la région : ‘la capacité politique’ au sein du système institutionnel espagnol La capacité politique régionale s’envisage comme un phénomène décrivant les modifications survenues au sein de la région et ayant modifié son action politique. C’est un phénomène expliquant le processus d’institutionnalisation des institutions régionales au sein de la région ou de ses organes de représentation et expliquant les nouveaux rapports de pouvoir qui affectent leurs interactions avec d’autres acteurs. La capacité politique régionale est un processus historique en tant que construction sociale découlant des rapports centre/périphérie16. Le fait que des institutions se superposent à un découpage territorial historique ou administratif avec comme dans le cas des Communautés Autonomes espagnoles un mimétisme institutionnel reproduisant au sein d’une sphère réduite des normes, des pratiques et des comportements semblables à ceux en vigueur au centre, a permis à la Catalogne d’accroître considérablement son influence en tissant des relations durables avec les autres centres de pouvoir. M. Keating (1992) décrit de manière précoce ce processus d’affaiblissement du centre consacrant la montée en puissance d’une région développant une capacité d’action politique accrue17. Cette capacité politique (section 1) pourra se manifester au sein de différentes sphères intergouvernementales (section 2) et impliquant la prise en compte des spécificités de chacun des acteurs et des intérêts qu’ils entendent protéger (section 3). Section 1. La capacité politique de la région : 1.1 Définition C’est à travers le concept de capacité politique que l’on peut proprement saisir l’ensemble des facteurs qui sous-tendent l’influence régionale sur des issues politiques. De nombreux auteurs ont élaboré des définitions centrées sur différentes variables, nous permettant d’en saisir les contours. Selon Keating (1998), la capacité politique d'une région se définit comme 'l'aptitude à mobiliser un support pour ses initiatives politiques’ d'une part et ‘de prendre des décisions sur des politiques et des priorités’, d’autre part
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. En termes de facteurs, elle est
fonction de la construction de l'entité comme région, de son sens de l’identité, de sa cohérence
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Romain PASQUIER (2004) ‘La Capacité Politique des Régions. Une comparaison France/Espagne’. Presses Universitaires de Rennes. p28 17 Michael KEATING (1992). ‘Regional Autonomy in the Changing State Order: A framework of Analysis’. Regional Politics and Policy (Regional and Federal Studies). Vol 2 No 3. p55 et 56 18 Michael KEATING (1998). Op.cit p123. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
-9 territoriale et sociale et dépendra de deux variables institutionnelles : le système électoral et le système partisan19. Pour Hepburn (2010), qui se base sur les définitions antérieures de Keating (1992 ; 1998), la capacité territoriale se réfère à ‘l’habilité d’une entité territoriale de supporter un projet territorial, de contrôler les ressources et de poursuivre des canaux d’influence informels à travers la formation de réseaux et de courtage’20. Alistair Cole (2006) définit la capacité politique régionale comme un mécanisme interactif englobant des institutions ainsi que des processus institutionnels, des intervenants ainsi que les relations qui les lient entre eux, des identités reposant sur un tissu social, ainsi que des modes de gouvernance à haut niveau.21. Sa définition comprend quatre composantes distinctes mais reliées entre elles : 'les institutions', 'les relations', 'les identités' et ' les contraintes et circonstances' (influencées par les variables environnementales ) 22. Angela Bourke (2003) s’y réfère en tant que pouvoir régional, définissant son habilité à influencer les décisions en sa faveur ou celle de contrôler ou d'échapper au contrôle d'acteurs politiques répartis sur d'autres niveaux territoriaux, dès lors, 'l'influence', 'le contrôle' et 'l'indépendance' sont les éléments de l'autonomie régionale qui lui permettront de promouvoir et de protéger sa spécificité et de faire valoir ses préférences face aux autres entités politiques23. Sa définition diffère dans la mesure où elle y intègre l’autonomie et non plus seulement la capacité. L’autonomie impliquerait d’après Loughlin (2000) d'être comprise comme ‘le droit’ des communautés, défini par un territoire, une langue, une culture ou une religion, de pouvoir se gouverner, afin que les caractéristiques qui la distinguent puissent être protégées et promues24. Pour Hepburn (2010), elle impliquerait davantage ‘la reconnaissance constitutionnelle’ du groupe distinct en lui attribuant des institutions administratives et législatives au niveau territorial25. Si l’on se réfère à ‘l’Estado de las Autonomias’, la Cour Constitutionnelle Espagnole a défini 'l'autonomie' comme la possibilité pour une Communauté Autonome de prendre une décision finale dans un domaine qui touche à l'une de ses compétences’26. Pour terminer, la capacité politique selon Pasquier (2004) est ‘un processus complexe de définitions d’intérêts, d’organisation et de coordination de l’action collective qui permet à des institutions et à des groupes d’acteurs publics et/ou privés de réguler des problèmes collectifs dans des contextes d’action fragmentés et fluides que sont les espaces régionaux’27. Elle n’est pas représentée
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Ibid. Eve HEPBURN (2010). op.cit. p39. 21 Alistair COLE (2006). ‘Beyond devolution and decentralisation :building regional capacity in Wales. Manchester University Press. p6. 22 Ibid 23 Angela K. BOURNE (2003). The Impact of European Integration on Regional Power. Journal of Common Market Studies, 2003, Vol 41, nº4. p598 24 John LOUGHLIN (2000). Regional autonomy and state paradigm shifts in Western Europe.Regional and Federal Studies, 10: 2. p10 25 Eve HEPBURN (2010). Op.cit p34 26 Robert AGRANOFF and Juan Antonio RAMOS GALLARIN (1997). Federal Democracy in Spain : An Examination of Intergouvermental Relations. Publius, Vol 27, No 4. p12 27 Romain PASQUIER (2004) op.cit . p28 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 10 uniquement en termes de ressources institutionnelles puisqu’elle intègre la construction de relations de coopération entre des institutions et des acteurs dans un univers anticipé28. Au vu de ces définition - dans lesquelles elle ne s’immisce que timidement - la notion d’autonomie et son rapport à la capacité politique implique d’être précisée. Nous reprendrons la distinction élaborée par Hepburn (2010). 1.2 La distinction entre la ‘capacité’ et ‘l’autonomie’ Eve Hepburn (2010) se base sur une distinction fondée sur le concept de ‘liberté positive’ et ‘liberté négative’ d’Isaiah Berlin et permettant d’expliquer la dualité des stratégies territoriales : 1) la liberté positive se réfère à l’habilité de pouvoir poursuivre son propre potentiel et qui fondera la capacité territoriale (régionale). 2) la liberté négative vise l’autonomie régionale, qui vise la non-interférence des autres dans la vie de la communauté ou des individus et se référera à l’autonomie constitutionnelle
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.
Les deux notions sont complémentaires et forment un tout comme les deux faces d’une pièce de monnaie, la première justifiant la capacité d’agir d’une région et la seconde le fait institutionnel d’autonomisation régionale
30
. La complémentarité entre les deux notions
impliquerait que dans le jeu politique entre le Centre et la région, chaque concession qui serait octroyée, chaque nouvelle compétence qui serait transférée augmenterait de plein droit la capacité de son bénéficiaire comme illustré à la figure 3. Endosser le maximum de compétences au niveau régional impose d’atteindre l’équilibre entre le coût des compétences et le niveau de reversement depuis Madrid, plaçant la question financière au centre des revendications régionales. 1.3 La Mise en œuvre de la capacité Cette distinction entre l’aptitude et la mise en œuvre de cette aptitude se retrouvent également lors de la mise en œuvre concrète de la capacité politique, nous permettant de faire une deuxième classification. La capacité politique décrit un phénomène lié au niveau d’autonomie des institutions régionales. Des auteurs comme Pasquier (2004) l’ont définie comme allant audelà des ressources institutionnelles pour englober aussi les acteurs31. En revanche, les relations intergouvernementales entre les institutions autonomiques supposent une multitude de relations (relation partisane, création de réseaux de pouvoir informels, négociations multilatérales ou même paradiplomatie) dont la capacité pourra expliquer l’intensité en terme
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ibid. Eve HEPBURN (2010). op.cit .p34 30 ‘ibid 31 Romain PASQUIER (2004) op.cit p28 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 11 de compétences, mais non les aspects structurant les tendances partisanes - impliquant d’en être différenciées, comme le fait d’ailleurs Keating (1998)
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.
Les
relations
intergouvernementales impliquent nécessairement une dimension partisane, la capacité, elle, concerne l’espace régional, son statut, ses ressources institutionnelles et leur influence sur les acteurs - elle se maintiendra dans l’alternance politique, bien qu’elle soit tempérée par l’influence des relations partisanes (notre hypothèse 1).
Section 2. La mise en œuvre de la capacité politique régionale : les relations intergouvernementales au sein du système autonomique espagnol 2.1 Définition et typologie des relations intergouvernementales Les relations intergouvernementales (RIG) se sont développées en marge de la fédéralisation de l’organisation territoriale Espagnole33 . Elles sont asymétriques, complexes et sont les témoins des rapports de force présents au sein du système politico-institutionnel. D’après la définition de D. Krane et D. Wright 'les relations intergouvernementales sont les diverses combinaisons d'interdépendances et d'influences qui s'établissent entre les responsables publics, les hommes politiques ou fonctionnaires appartenant à des unités de gouvernements de tout type et à tout niveau territorial, qui se répètent dans les aspects relatifs au financement, à la politique publique et à l'action politique'34. En premier lieu elles sont à envisager à la fois comme le vecteur et la garantie de la montée en puissance des acteurs régionaux face au centre. Selon Keating (1998), les relations intergouvernementales consistent à contrebalancer la capacité de contrôle du Centre à partir de l'influence exercée par les régions dans leurs domaines de compétence à partir de canaux tels que 'les relations partisanes entre les partis régionalistes et nationalistes', 'la mobilisation dans la Chambre haute des sensibilités régionales', 'la bureaucratie locale et son rôle d’ascenseur', 'la création de réseaux à des niveaux multiples' ou 'la relation entre la région et gouvernements locaux' 35. Deuxièmement, elles impliquent aussi un processus d’action publique au niveau sub-étatique et suscitant entre les Communautés un rapport de concurrence direct, notamment lorsqu’il s’agit d’enjeux
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Michael KEATING (1998). Op.cit 123-135. Juan J.LINZ (1989). ‘Spanish Democracy and the Estado de las Autonomias’pp261-303 (Eds) GOLDWIN, KAUFMAN, SCHAMBRA. ‘Forging Unity Out of Diversity. The Approaches of Eight Nations’. American Enterprise Institute for Public Policy Research/ Robert AGRANOFF (1996). ‘Federal Evolution in Spain’. International Political Science Review. Vol 17 No 4 pp385-401 /Luis MORENO (1997) ‘La federalizacion de Espana. Poder politico y territorio’. Siglo/ Lius MORENO (1997) ‘Federalization and Ethnoterritorial Concurrence in Spain’ Publius Vol 27, No 4./ Juan LINZ (1999) ‘Democracia, multinacionalismo y Federalismo’. Vol 1 No 1 pp7-40 Revista Espanola de Ciencia Politica. 34 D. KRANE and D. WRIGHT. Intergovernmental Relations. J.M SHAFRITZ (Ed). International Encyclopedia of Public Policy and Administration. Westview Press pp 1168-1176 (1998). p1168 35 Michael KEATING (1998) op.cit p124-126. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 12 communs dans le développement régional. D’après Moreno (1997) suite à la démocratisation, la réorganisation territoriale et le développement de l’Estado de las Autonomias ont généré en Espagne des relations de concurrence multiple et ethno-territoriales 36 fondées sur des traits à la fois politiques, sociaux et économiques conditionnant les conflits et la coopération du système autonome 37. Deux axiomes expliquent la nature de ces relations entre les acteurs au regard de la fédéralisation ou décentralisation de l’organisation territoriale et de la logique qu’elle sous-tend la conflictualité intergouvernementale et le protagonisme institutionnel. Le premier axiome – central dans notre propos - implique la variable de l’appartenance partisane des exécutifs des différents niveaux de pouvoir, le second la volonté de chaque niveau d’augmenter son prestige politique et valoriser son image, à l’intérieur et à l’extérieur de l’Espagne38. Troisièmement, nous pouvons distinguer deux types de RIG, chacune formant des voies distinctes : les relations formelles et informelles. Les RIG formelles favoriseront des comportements de routine et d’institutionnalisation alors que celles informelles seront perçues comme le versant dynamique des RIG39. La stratégie d’influence catalane dans le cadre de révision de la LOFCA sera un assemblage de ces deux dimensions, les relations informelles ayant permis au départ de mettre sur pied des structures comme le Conseil de Politiques Financières et Fiscales au niveau sub-étatique, qui ensuite par sa forte institutionnalisation viendra faire levier sur les rapports informels entre les acteurs nationaux et catalans, ultime étape du processus avant l’adoption de ses recommandations sous la forme de loi organique. La forme partisane et informelle qui a modulé les RIG entre le centre et la périphérie découle d’une part de pratiques caractéristiques des Etats fédéraux, renforcées dans le cadre de l’Espagne pas l’absence de Sénat pouvant satisfaire les exigences d’un Etat plurinational.
2.2 Les RIG informelles et l’institutionnalisation du pacte De la pratique des RIG informelles va apparaître une institution centrale au sein du paysage politique espagnol de la transition : l’institution informelle des pactes. Helmke and Levitsky (2006) définissent une institution informelle ‘ [as] a socially shared rules, usually unwritten,
36
L‘ethno-territorialité’ est définie dans sa dimension sociale comme l’ensemble des conflits liés à la mobilisation politique menée par une série d’acteurs appartenant à des groupes ethniques possédant un ancrage géographique qui sur le plan interne se traduit par l’existence de frontières et impliquant qu’en Espagne l’existence de ‘sous—Etats’ ayant retenu des éléments de leur identité et de leur autonomie institutionnelle. (Luis MORENO (2007). ‘Identités Duales et nations sans Etat’. Revue Internationale de Politique Comparée. Vol 14 No 4 pp497-513) 37 Luis MORENO (1997) ‘La federalizacion de Espana. Poder politico y territorio’. Siglo 107 38 Ibid p108-110 39 J.A.RAMOS GALLARIN, M.A FERNANDEZ. (2006) ‘Una propuesta para el estudio de las relaciones intergubernamentales en el Estado Autonomico’pp13-26 (Ed) Lourdes LOPEZ NIETO. ‘Realaciones Intergubernamentales en la Espana Democratica. Interdependencia, Autonomia y Cooperacion’. Dykinson. p18 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 13 that are created, communicated, and enforced outside officially sanctioned channels’40 . L'étude institutionnelle du cas espagnol suggère qu'une approche qui porterait uniquement sur l'architecture formelle serait inadéquate : les institutions informelles sont plus difficiles à établir ou à contingenter historiquement et peuvent être modifiées plus facilement 41. Un cas déterminant de RIG informelles trouve sa source dans la relation entre le gouvernement national et celui de la Generalitat de Catalogne. La convergence entre le parti au pouvoir en Catalogne (le CiU) et les institutions régionales fait qu’un accord entre l’exécutif national et l’exécutif de la Generalitat, n’est autre qu’un rapport entre partis échappant au cadre institutionnel formel entre par exemple le PSOE et le CiU ou le PP et le CiU. Cet exemple souligne l’importance des négociations partisanes au sein du système politique espagnol42. Ce point soulève la question de l’opportunité de la démarche face aux enjeux de gestions publiques des communautés. Si cette architecture offre une certaine flexibilité aux parties elle implique nécessairement une contrepartie à offrir en retour, faisant que la plupart des négociations tournent irrémédiablement en marchandages. De plus, ces relations entre les différents niveaux ne trouvent qu’une vraie raison d’être qu’au sein de parlements sans majorité, plaçant certains auteurs face à la constatation qu'il n'y a que dans un parlement sans majorité que les partis régionalistes soient véritablement capables d'avoir de l'influence43. Plusieurs facteurs ont contribué à la création d'institutions informelles: la volonté des élites de prendre en compte le passé de violences politiques, la peur que la démocratie soit renversée pendant la démocratisation avec l'armée jouant un rôle de veto player et l’apprentissage de la transition favorisant leur création et leur maintien
44
. D'après B.N. Field (2008) il y a
principalement trois 'institutions informelles' qui ont gouverné la politique inter partisane depuis la transition et qui ont facilité la prise de décisions consensuelles : ‘les pactes informels de majorité spéciale’, ‘le pacte du pardon’ et ‘les alliances centripètes’45. Cependant ces institutions faibliront en 2000 et disparaîtront en 2004, faisant glisser la politique vers plus d'affrontements directs46. C’est au sein d’un fédéralisme imparfait que ces pratiques se sont développées, pourtant il serait difficile d’imaginer qu’au sein d’un Etat à l’architecture institutionnelle fédérale
40
Gretchen HELMKE and Stevens LEVITSKY (2006) Introduction. pp1-30" (Eds) Gretchen HELMKE and Steven LEVITSKY, ‘ Informal Institutions and Democracy: Lessons from Latin America’. John Hopkins Universitary Press. p5 41 Bonnie N. FIELD (2008) 'Interparty Politics in Spain : The Role of Informal Institutions' pp44-68. (Eds) Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN. Democracy and Institutional Development. Spain in Comparative Theoretical Perspective. Palgrave.p45 42 Michael KEATING (1998) op.cit .p125 43 David HANLEY and John LOUGHLIN (2006). ‘Spanish Political Parties’. University of Wales Press p15. 44 Bonnie N. FIELD (2008) 'Interparty Politics in Spain : The Role of Informal Institutions' pp44-68. (Eds) Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN. Democracy and Institutional Development. Spain in Comparative Theoretical Perspective. Palgrave. p51 45 Bonnie N. FIELD (2008) op.cit p62 46 ibid Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 14 complète, la pratique informelle n’ait pas été cumulée avec une activité au sein de la Chambre Basse. Si la question reste ouverte, il convient de dresser les contours de l’institution. 2.3 Les institutions formelles 2.3.1 La Chambre Basse La décentralisation ne fut pas anticipée par les rédacteurs de la Constitution ce qui explique qu’elle se soit organisée sans la mise en place des institutions nécessaires à une logique de représentation territoriale
47
. Cet aspect témoigne du caractère inachevé du fédéralisme
espagnol dans la mesure où le Sénat n’est qu’une faible caisse de résonance de la diversité territoriale 48. En tant qu’institution, le rôle du Sénat se traduit pas une utilité instrumentale, offrant au gouvernement ou à l’opposition une seconde occasion pour consentir ou amender des grands projets législatifs et entraînant, en tant qu’institution, un large désintérêt public49. Ceci soulève la question d’une réforme qui consacrerait définitivement la dimension fédérale d’une institution qui maintient le symbole de l’Etat unitaire ? quid de sa réelle opportunité ? Les débats constitutionnels opposèrent deux modèles de Sénat, variant sur le type de scrutin qui déterminait sa composition : un Sénat de type fédéral dans lequel les CA désignaient l'ensemble des Sénateurs ou un Sénat basé sur un modèle unitaire et conservateur à suffrage direct et majoritaire où chaque province offrirait quatre sièges50. La solution hybride adoptée a prévu que 208 Sénateurs seraient élus au suffrage universel et direct à raison de quatre Sénateurs pour chacune des provinces et de 50 Sénateurs désignés par les Chambres législatives des Communautés Autonomes qui éliraient au minimum un sénateur. Dans cette logique le Sénat prend la forme d'une chambre de seconde lecture subordonnée au Congrès et ce bien que suite à une réforme du règlement interne une Commission Générale des CA ait vu le jour en 199451. Pour conclure, conformément à la marge de manœuvre que leur laissait la constitution, les communautés peuvent élire leurs membres au sein des parlements régionaux sur base de représentation proportionnelle et pour quatre ans52. 2.3.2 Les conférences sectorielles et le Conseil de Politique Fiscale et Financière C’est au sein des conférences sectorielles que s’exprimera la capacité politique différentielle des C.A, caractérisée par les relations intergouvernementales conflictuelles dont les
47 48
Josep M. Colomer.(1999) op.cit. p41. Robert AGRANOFF (1996).op.cit. p398 49 Luis MORENO (1997) ‘op.cit p163-164 50 Eliseo AJA (1999) El Estado Autonòmico. Federalismo y Hechos Diferenciales. Alianza Editorial. Madrid. p144. 51 ibid p144-147 52 Richard GUNTHER, José RAMON MONTERO, Joan BOTELLA (2004). Democracy in Modern Spain. Yale University Press 296 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 15 communautés les plus fortes prennent parti. L’institution fut établie par l’article 8 de la LPA de 1983 organisant l’existence des Conférences comme organe multilatéral de réunion et de rencontres entre le gouvernement central et les gouvernements autonomes, bien que le Conseil de Politique fiscale et financière (CPFF) lui fut déjà constitué en 1981 53. Le Conseil de Politiques Fiscales et Financières (CPFF) a été mis en place pour régler et étudier les propositions de réformes fiscales54. La première conférence sectorielle est établie en 1982, il s’agit du CPFF, fondé entre le ministre des finances et ses homologues autonomes. Si le gouvernement central participe aux Conférences, c’est pourtant au niveau sub-étatique qu’elles ont lieu avant de servir d’impulsion à des politiques qui seront adoptées au centre. Leur nature est éminemment politique, en conséquence elles ne dépendent ni de manière fonctionnelle ou organique d’une quelconque structure ou d’un droit administratif : ses décisions ont valeur d’actes de gouvernements émanant d’organes politiques mixtes de valeur institutionnelle et d’impulsion politique 55. Comme pour le cas d’un état fédéral la congruence entre le gouvernement central et les C.A pèsera de tout son poids dans le cadre des réunions. 2.3.3 Les autres institutions impliquant des relations intergouvernementales Elles concernent des procédures de planifications partagées56 ou des relations bilatérales impliquant des transferts de compétences du centre vers les Communautés autonomes et négociées séparément avec le gouvernement central, sans connaître la position des autres CA et sans se soucier de l’ensemble57. Les relations bilatérales et asymétriques occupent une place dominante58 dans le dialogue entre les différents niveaux de pouvoir impliquant l’absence de pouvoir de veto des régions sur les mesures décidées - un veto player étant un acteur individuel ou collectif dont l’accord est nécessaire pour l’adoption d’une décision59. 2.3.4 La Bureaucratie Canal d’influence représentatif d’une forte centralisation, c'est son caractère bilatéral qui permettra l’adaptation au niveau local des initiatives nationales et réciproquement la transmission de la demande locale au centre60. Sans véritable effet, elle témoigne de la spécificité institutionnelle de la région à travers l'institutionnalisation d’un profil type de hauts
53
Alfredo GONZALEZ GOMEZ (2006). ‘La cooperacion multilateral institucionalizada : las conferencias sectorales’ .pp97-114 (Ed) Lourdes LOPEZ NIETO. ‘Realaciones Intergubernamentales en la Espana Democratica. Interdependencia, Autonomia y Cooperacion’. Dykinson.p99 54 Eliseo AJA (1999). El Estado Autonòmico. Federalismo y Hechos Diferenciales. Alianza Editorial. Madrid. p139 55 Alfredo GONZALEZ GOMEZ (2006). op.cit. .p97 56 ibid p139-142. 57 ibid. p138 58 Josep M. COLOMER (1999). "op.cit .p50 59 Georges TSEBELIS (1995) ‘Bicameralism’. Cambridge University Press. p293 60 Michael KEATING (1998) op.cit p125. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 16 cadres et représentants de l’administration catalane provoquée par plusieurs décennies de gouvernements par des partis régionalistes et donc censée limiter la possibilité d'importation et d'exportation de Hauts fonctionnaires61. Dès lors une alternance partisane entre les deux grandes formations à Madrid n’affectera pas la gestion régionale, puisqu’il s’agit d’un circuit fermé.
Chapitre 2 Les acteurs des Relations Intergouvernementales
Au sein d’un système où les rapports entre le centre et les Communautés sont organisés sous la forme partisane, l’idéologie des acteurs se pose comme une condition interne à l’institution de pactes
62
. Dès lors, le positionnement des acteurs et leur volonté de négocier se pose
comme une condition cumulative au niveau de l’achèvement des institutions régionales. Un détour sur le positionnement tant du CiU (section 1) en Catalogne que du Parti Populaire ou du Parti Socialiste au centre (section 2) permettent de fixer ce point. Section 1 : Convergencia i Unio (CiU) en Catalogne Conversi (1997) définit le nationalisme Catalan comme un mouvement de droite Chrétienne, positionné sur la droite63. Le nationalisme catalan possède des caractéristiques particulières ayant modulé le discours du CiU : premièrement, il puise ses racines au 19ème siècle dans la tradition et la continuité, deuxièmement, il est une force d'intégration, ce qui l'exclut en tant qu’un appel au vote ethnique, troisièmement, il a une influence sur les branches régionales des partis nationaux (supra) au sein du système catalan
64
. La littérature sur les partis
régionalistes dresse certains faits empiriques qui impliquent d’établir clairement le portrait de l’acteur - la famille régionaliste étant beaucoup plus hétérogène que les autres familles sur le spectre idéologique gauche/droite65. De même, au sein du clivage centre/périphérie qui représente le cœur de leur idéologie, ils se positionnent différemment dans une envergure allant des autonomistes modérés à des positions sécessionnistes
66
. Deux critères permettent
61 62
Jordi MATAS (2002) El Control politico de la administraciòn. Institut de Ciènces Politiques i Socials UAB. 2001. p37 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002) op.cit p113 63 Daniele CONVERSI (1997) ‘ The Basques, The Catalans and Spain’Hurst and Company. p119 64 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET (1998). Nationalist Parties in Catalonia. Convergència Democràtica de Catalunya and Esquerra Republicana. Lieven. (Eds) DE WINTER, Huri TURSAN. Regionalist Parties in Western Europe. Routledge. p84 65 Emanuele MASSETTI (2009) ‘Explaining Regionalist Party Positioning in a Multi-dimensional Ideological Space: A Framework for Analysis’. Regional and Federal Studies Vol 19 No 4.p36. 66 ibid Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 17 de définir un parti régional par rapport à un parti d’envergure nationale : ‘le territoire électoral couvert par les candidats du parti et le destinataire du message électoral’67. La classification de parti régional est cependant à tempérer avec l’appellation de partis régionalistes puisque la plupart sont guidés par un projet d’autonomie régionale68. L. De Winter (1998) propose le label de parti ethno régionaliste basé sur deux dénominateurs communs qui les unissent : 'une division territoriale sub nationale' et 'une population culturellement distincte et ayant une identité exclusive que le parti prétend constituer'69. Malgré l'attrait que représente cette définition capturant les dimensions territoriale et culturelle/linguistique, elle s'avère limitée par l'image que le multiculturalisme et la diversité que prônent ces partis, allant au-delà du pur aspect ethnique, et qui dans un aspect uniquement culturel ou linguistique nierait d'autres aspects comme la mobilisation politique ou la recherche d'intérêts économiques ethnique
71 70
. D'autre part, l'ambivalence du nationalisme catalan en
fait une force d'intégration, ce qui exclut de considérer le discours du CiU comme un vote . En outre, la présence et l'intensité d'une division ethnique apparaissent comme l'explication privilégiée de l'existence de partis sécessionnistes, et dans cet ordre d'idée, la division ethnico-linguistique étant faible en Catalogne - bien que l'ERC se soit approprié le thème 72. A l'inverse, les partis régionalistes autonomistes les plus modérés se trouvent là où la différence ethnique est soit absente comme en Andalousie, soit très faible comme dans la communauté de Valence, bien qu'un modèle explicatif unique soit impossible73 - soulignant l’opportunité d’en dresser une classification. 1.1 Classification au sein des partis régionalistes La classification des partis régionalistes s’opère selon différents critères issus du cadre d’analyse réalisé par E. Massetti (2011) et comprend : les succès électoraux, positionnement idéologique sur l’échelle gauche-droite et centre-périphérie. Cette classification est essentielle puisqu’elle permet de saisir le point déterminant du succès électoral qui se traduit par une sensibilité partagée par une large partie de l’électorat catalan et soulève la question de la compatibilité entre objectifs programmatiques régionaux et nationaux. C’est en s’approchant le plus possible de cet équilibre que le parti CiU parviendra à maximaliser son influence. Dans un système où les relations prennent quasi uniquement une
67
le
Jean-Benoit PILET, Jean-Michel DE WAELE, Serge JAUMAIN (2009). L’absence de partis nationaux : menace ou opportunité ? Editions de l'Université de Bruxelles. 2009. p11 ibid .p13 69 Lieven DE WINTER (2001). The Impact of European Integration on Ethnoregionalist Parties. Institut de Ciències Politiques i Socials. Barcelona. p4 70 Eve HEPBURN (2009). Op.cit .p481 71 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET (1998) op.cit p84 72 Emanuele MASSETTI.(2011) op.cit p32. 73 ibid
68
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 18 forme partisane le fait qu’un parti soit largement couvert par l’électorat régional (1.1.1) n’implique pas nécessairement qu’il puisse prendre part aux négociations, ceci est aussi vrai pour des partis nationaux. Dans cette optique, le positionnement sur le clivage centre/périphérie (1.1.2) et gauche/ droite (1.1.3) sera lui aussi déterminant. 1.1.1 Le Succès électoral Le succès électoral est déterminé par (a) la faculté d'élire des représentants dans l'assemblée régionale au moins trois fois consécutives, (b) deux fois s'il s'agit de nouveaux partis (n'ayant pas encore disputé trois élections) (c) si l'assemblée régionale représentants au Parlement central74. 1.1.2 Le positionnement idéologique sur la dimension centre-périphérie Le positionnement idéologique au sein de la dimension centre-périphérie se divise entre les "autonomist parties" et les "sécessionnistes parties" chacun divisé en sous-classes. Parmi les autonomistes on distingue les "assertive autonomist parties" dont le but poursuivi va d'une autonomie étendue pour leur région ou des réformes fédérales tandis que les "moderate autonomist parties" réclament une autonomie modérée ou prêtent main forte aux "assertives autonmist parties" dans leur conquête fédérale. Parmi les "secessionist parties" la distinction la plus subtile a lieu entre sécessionnistes fortement engagés (revendication frontale et continue dans les discours et documents) et sécessionnistes ambigus (abordant leur vision de l’autonomie de manière ambiguë ou laissant en arrière plan leurs objectifs)75. 1.1.3 Le positionnement idéologique sur l’échelle gauche-droite Sur l’échelle gauche-droite nous pouvons distinguer au sein des partis régionalistes la gauche radicale, la gauche mainstream, centriste, droite mainstream, droite radicale. L’offre politique nationaliste en Catalogne allant d’un centre droite CiU à une gauche ERC. 1.2 Le positionnement idéologique du CiU Dans l’optique de cette classification, le CiU se présente comme un parti connaissant une forte assise électorale "assertive autonomist" sur la dimension centre/périphérie et centriste76. Le CiU se positionne au centre droite mais avec des pénétrations dans toutes les directions77. n’existe pas, élire des
74 75
Ibid Ibid 76 Emanuele MASSETTI (2011). op.cit p29-30 77 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET (1998) op.cit .p72. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 19 Il représente le nationalisme catalan mainstream dans la moyenne des électeurs catalans78. Il est construit à partir de deux formations Convergència Democràtica de Catalunya (CDC) et Unìo Democràtica de Catalunya (UCD). Leur rapprochement en 1978 fut perçu comme un mariage de convenance en raison de la différence idéologique et de la représentation sur les listes alors que la coalition bipartite a fait preuve au cours du temps d'une incroyable endurance et d'un renforcement de structure en 2001, en accédant au statut de fédération79. Le CDC se positionne comme un parti nationaliste modéré de type centre/centre-droite qui est le point de rencontre entre différents courants idéologiques rassemblés autour de la question nationale - véritable vecteur d'union et d'identité80. La stratégie espagnole du CiU a été de manière pratiquement permanente de conditionner depuis la Generalitat le gouvernement central sans l'intégrer et sans définir avec précision ses projets, mais en se portant garant de la bonne gouvernance de l'Etat81. L'indépendance dont jouissent les parlementaires UCD répartis au sein des différents parlements leur a permis d'exercer une influence dans le positionnement du parti82 contribuant à former une structure compétitive. Bien que le CiU ne soit en compétition que dans quatre circonscriptions électorales, notons que son organisation s’est formée en intégrant une configuration partisane classique c’est-à-dire formant des groupes militants sur une base territoriale et sectorielle réunissant les membres par secteurs d'activité83. Section 2 : Les partis nationaux et leur positionnement idéologique par rapport à ‘l’Estado de las Autonomias’ Plus les principaux partis nationaux s’accommodent dans leurs programmes aux défis posés par les partis régionalistes, plus ils gagneront du terrain dans le débat politique et marginaliseront les demandes périphériques84. Dès la transition la question se posa. Les partis nationaux durent adapter leurs stratégies pour ne pas laisser la revendication territoriale uniquement entre les mains des partis régionalistes et catalysant ainsi les partis nationaux vers des positions davantage autonomistes Autonomique.
78 79 80
85
. C’est au cours des années 1990 que les deux
formations polarisées adopteront, sous la pression nationaliste, un nouveau discours sur l’Etat
Ibid.p85. David HANLEY and John LOUGHLIN (2006).op.cit. p75. Ibid p78. 81 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002) op.cit. p67 82 David HANLEY and John LOUGHLIN (2006).op.cit. p77. 83 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET (1998) op.cit .p77 84 Saul NEWMAN (1997). ‘Ideological trends among ethnoregional parties in post-industrial democracies’. Nationalism and Ethnic Politics, Vol 3 No 1 p56 85 Enrique DIAZ LOPEZ (1981) ‘The state of the Autonomic Process in Spain’. Publius Vol 11 No 3/4. p212 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 20 2.1 Le Partido Socialista Obrero Espanol et l’Estado Autonomico : Fondé en 1879 le PSOE est la plus ancienne formation politique espagnole. Ayant disparu pendant le franquisme, dès la démocratisation, il s’est reconstruit sur une base territoriale. D’après les statuts du Vingt-Septième Congrès de décembre 1976, le PSOE est une structure fédérale qui est composée sur quatre niveaux : local, provincial, régional et national86. Au sein de l’environnement compétitif des années 1990, le PSOE connaîtra ses premières sérieuses tensions internes entre l’aile formée autour du secrétaire général Alfonso Gerra (los guerradores) et les renovadores, militant pour la transformation de l’organisation et du discours du parti 87. Cependant, si des tensions surviennent elles sont liées majoritairement à des questions de leadership plus que d’affrontement idéologique
88
. Bien qu’il envisageait
déjà une réforme du Sénat en chambre de représentation territoriale, c’est l’entrée du parti dans l’opposition qui lui fera plaider activement un renforcement de l’Estado de las Autonomias avec la volonté d’opter pour une structure fédérale – mais avec comme toile de fond le texte de 1978 89. Pendant sa décade au pouvoir le PSOE ne s’aventura pas à outrance sur le débat territorial. Néanmoins en 1988, lors du Trente-et-Unième Congrès, le parti initiera une nouvelle phase sur le plan autonomique avec : le plan en cinq points du PSC pour une Espagne fédérale, la réforme du fond de compensation inter-territorial (FCI) pour plus de solidarité nationale et la réponse aux Communautés à voie lente d’augmenter leurs compétences 90. 2.2 Le Partido Popular et l’Estado de las Autonomias : Le Parti Populaire incarnant à la base la sub-culture conservatrice, s’est transformé en 1989 en une formation centriste catch-all proposant une conception unitaire d’une Espagne fondée sur le slogan ‘Espana una y catolica’ (unitaire et catholique) 91. La période d’apprentissage du pouvoir entre 1996-2000 fit glisser le PP de la droite vers le centre, complétant ainsi le passage d’une idéologie de centralisation vers un relâchement en faveur de l’Estado Autonomico92. En effet, le degré de modération et de pragmatisme qui caractérisa son arrivée au pouvoir - propre à confondre les observateurs voyant une réminiscence allégée du
86
Monica MENDEZ-LAGO (2005) ‘The Socialist Party in government and in opposition’ pp170-197 (Ed) Sebastien BALFOUR. 'The Politics of Contemporary Spain'. Routledge p171 87 Ibid p183 88 Richard GILLESPIE (1994) ‘The resurgence of factionalism in the Spanish Socialist Workers’ Party (Ed) David S. BELL & Eric SHAW. ‘Conflict and Cohesion in Western European Social Democratic Partie’s. Pinter. p59 89 David HANLEY and John LOUGHLIN (2006).op.cit p59 90 Alfredo GONZALEZ GOMEZ & Lourdes LOPEZ-NIETO (2006) ‘Los Partidos Politicos en el desarrollo autonomico : PSOE-AP/PP’ pp79-94 (Ed) Lourdes LOPEZ NIETO, Relaciones Intergubernamentales en la Espana Democràtica. Interdependencia, Autonomìa , conflicto y cooperaciòn. Dykinson. p83 91 José M. MARGONE (2004). ‘Contemprary Spanish Politics’. Routledge p90 92 ibid Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 21 franquisme – contrasta avec l’agenda plus conservateur de la législature suivante sous majorité absolue 93.
Chapitre 3 Un modèle explicatif
Ce chapitre aura pour ambition d’imaginer d’une part, un modèle explicatif du processus de construction d’une capacité politique régionale et d’autre part, de jeter les bases du système politique et institutionnel espagnol abordée dans la troisième partie. Ce chapitre se divise en deux ensembles de deux variables expliquées aux Sections 1 et 2, et représentées sur la figure 1. Le premier ensemble composé des facteurs historiques et culturels comprend des variables propres à l’espace catalan et analyse leur dépendance sur la construction d’une capacité régionale et sur le positionnement du parti dominant l’espace régional (le CiU). Le second ensemble se compose de facteurs communs aux 17 C.A – le système électoral et partisan – en suivant la même démarche. Les figures 1 et 2 reprennent les variables indépendantes des deux phénomènes étudiés : la capacité politique et le positionnement du CiU. Section 1 - Les facteurs historiques et culturels : la construction de l’entité régionale et de l’identité La région en tant que territoire peut se définir par des critères qui dépendront de ses caractéristiques. Si l’on doit choisir parmi les définitions existantes, il ne fait aucun doute que la Catalogne serait au croisement entre une région Historique, Economique et Politique dans la mesure où elle occupe à la fois un ‘espace national différentié’, ‘fortement industrialisé’ et ‘disposant d’un système politique élu démocratiquement’94. C’est cet aboutissement et ses effets que tentera d’expliquer ce premier ensemble.
1.1 La construction comme entité régionale : La région n'est ni un fait inné, ni un vestige de l’histoire, il s'agit d'une construction sociale, en constante évolution et dont le niveau d'achèvement dépendra du degré d'autonomie qu'elle
93
94
Sebastien BALFOUR (2005) ‘The reinvention of Spanish conservatism. The Popular Party since 1989’(Ed) Sebastien BALFOUR. 'The Politics of Contemporary Spain'. Routledge p154 Michael KEATING & John LOUGHLIN (2005) ‘The Political Economy of Regionalism’. Routledge. p2-4 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 22 est capable de se faire octroyer 95. Ses institutions ne sont pas statiques, l’autonomie non plus, elle est constamment négociée et ne correspond pas à une image qu’on pourrait lui donner de simple fait institutionnel
96
. Ce mouvement constant implique que la construction régionale
puisse être découpée en deux dynamiques interdépendantes, l’une politico-institutionnelle, l’autre socio-structurelle et censées toutes deux converger dans leur vision du projet territorial. Concernant la première dynamique, elle traduit sous une forme institutionnelle la vision de l’autodétermination présente au sein de la région. Depuis la transition, certaines régions ont décidé d'assumer un haut degré de fonctions gouvernementales en raison de leur demande historique97 d'autonomie98. Elle s’est réalisée, pour les C.A par des transferts de compétences organisés à travers des négociations bilatérales entre le gouvernement national et la CA, territoire par territoire, créant un modèle à la carte pour chaque région d’inscrire le projet politique de ses élites comme une réalité institutionnelle. Le régionalisme catalan dans sa dimension socio-structurelle est de type bourgeois, c’est-àdire développant une structure propice aux régions industriellement et économiquement avancées. La gestion compétitive du territoire est passée historiquement pour la Catalogne par la volonté d’imposer une vision d’accroissement du développement et de modernisation du territoire national qui s’est exprimée dans ses mouvements historiques par la volonté de catalaniser l'Espagne101. Cette double dynamique historique se retrouvera dans les années 90 au cœur du désaccord entre un interventionnisme hors de la région promu par Roca et une vision plus nuancée du rôle de la Catalogne au sein de l’Etat national (voir supra), vision défendue et maintenue par Jordi Pujol. La construction régionale de type bourgeois – en dehors du levier politique que présente sa puissance économique différentielle dans le cadre de négociations institutionnelles – s’inscrit dans un processus historique marquant l’apparition d’une offre régionaliste encline au maintien de son statut économique. Ainsi, la construction régionale débute au milieu du XIXème siècle qui marque pour la Catalogne le début de l’essor industriel et modernisateur précoce, impulsé par une bourgeoisie
95 96
99
. C’est la
décentralisation politique qui a permis à la région de poursuivre sa construction100 et
Micheal KEATING (1998). op.cit. p109-113. Eve HEPBURN (2010). op.cit. p37 97 Au XIIIème siècle la Catalogne donne naissance à ses premières institutions représentatives qui perdurent après la formation d'une confédération entre les dynasties d'Aragon et de Castille formant le royaume d'Espagne en 1516 ; rattachée ensuite au Saint Empire romain sous Charles Quint (1519-1556) (Keating 1996; 137). Elles se composent d'un Parlement, 'les Cortes' et d'un exécutif la 'Generalitat' lui permettant de voter ses propres lois, percevoir ses propres taxes et de ne participer à la défense du roi que de manière limitée. L'habitude de la négociation de contractualisme et de partage des pouvoirs a marqué sa culture dès les origines mais suite à la volonté du régime absolutiste et centraliste de réduire son autonomie, à son positionnement en faveur des Habsbourgs lors de la guerre de succession d'Espagne marquent son assujettissement au pouvoir central en 1714 et l'abolition des prérogatives concédées par 'le décret de la Nueva Planta' (Keating 1996 ; 137-139) 98 Richard GUNTHER, José RAMON MONTERO, Joan BOTELLA (2004) op.cit. p296. 99 Robert AGRANOFF and Juan Antonio RAMOS GALLARIN (1997).op.cit. p4. 100 John LOUGHLIN (2007). 'Reconfiguring the State : Trends in Territorial Governance in European States'. Regional and Federal Studies. 17 : 4, 385-40. p393. 101 Micheal KEATING (1998).op.cit. p105 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 23 dynamique et singulière, faisant naître le clivage entre une périphérie économiquement avancée et un centre disposant du contrôle politique - débouchant sur un rapport de concurrence et de dépendance avec le centre faisant naître un nationalisme catalan ambivalent, moderne et rétrograde, progressiste et répressif 102. Le catalanisme se politise à la fin du XIXème siècle sous la forme d'un régionalisme bourgeois et au début du XXème cherche à obtenir l'autonomie gouvernementale pour la Catalogne et en même temps de catalaniser l'Espagne : la moderniser et l'influencer ; en 1914 l’instauration de la 'Mancomunitat' aux pouvoirs limités suite à l'incapacité de la bourgeoisie de choisir les bonnes alliances fut pris en main par une petite bourgeoisie beaucoup plus hostile à l'Etat et qui formera l’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC) en 1931 103. Les compétences transférées seront retirées par la dictature de P. de Rivera en 1924 puis rétablies par un statut d’autonomie quelques années plus tard, puis définitivement suspendues sous la dictature104. Jusqu’à la transition, l’autonomie régionale fut abrogée, la gestion du territoire se faisant sous la forme d’un système unique de décentralisation administrative maintenant la concentration du pouvoir politique au centre de l'Etat
105
. Ce développement historique explique en partie l’opposition
entre un ERC orienté à gauche et construisant son programme sur la question du statut et un CiU récupérant le projet de nation orientée vers la compétitivité. 1.1.1 L’impact de la construction régionale sur la capacité politique : La capacité politique et l’autonomie sont complémentaires et forment un tout
106
. Ceci se
traduit par une corrélation positive impliquant que : plus le niveau d’autonomie régionale augmentera, plus la capacité politique se trouvera renforcée à travers un contrôle sur : des compétences politiques étendues et les moyens pour les mettre en œuvre. Le transfert de compétences
107
marque au fur et à mesure la montée en puissance de la région face à l’Etat
puisqu’il réduit la différentiation entre les deux acteurs depuis que l’un exerce les matières relevant auparavant de la compétence de son interlocuteur. La région dispose de tous les moyens pour faire pression sur l’Etat alors que ce dernier en retour garde en main la matière du financement, véritable sésame d’une gestion régionale effective. En effet, la question du financement est indissociable de cette logique à la fois de construction régionale et de pouvoir
102 103 104
Ibid. p139 ibid . p141 Jordi CASASSAS, Carles SANTACANA (2004) ‘Le nationalisme catalan’. Ellipse p64-105 105 John LOUGHLIN (2007). op.cit. p393. 106 Eve HEPBURN (2010). op.cit. p34 107 Ainsi, bien que la plupart des statuts aient de nombreux points communs, tous résultent d’un long processus de négociations traduisant la nature de leur rapport bilatéral avec Madrid permettant à la Catalogne de jouir d’une liberté considérable en matière d’éducation, de culture et de politique linguistiques. (Michael T. NEWTON (1997), ‘institutions of Modern Spain : a political and economic guide’. Cambridge p124) Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 24 -
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 25 régional : plus la région a de l’autonomie pour régler ses charges, plus elle aura de capacité politique108. Il faut d’autre part souligner que le statut socio-économique de région bourgeoise pèsera de tout son poids au niveau national et vis-à-vis des autres communautés lors des négociations, mais aussi sur le positionnement de l’offre politique au sein de la région. 1.1.2 Influence sur le positionnement des partis régionalistes La construction comme région forte économiquement fera aussi naître des intérêts -souvent liés de près à l'identité régionale (supra) - qui donneront naissance à une élite politique capable de les traduire sous la forme d’une offre territoriale appropriée à l’environnement socio-culturel, d’autant que la poursuite de ce type de projet implique au sein de la région la promotion de ses intérêts économiques en partenariat avec des élites locales109. Il en ressort que les partis régionalistes les plus représentatifs ayant émergé au sein de régions bourgeoises se retrouvent la plupart du temps à droite ou au centre, dans la mesure où l'environnement socio-économique est demandeur de politiques de libre marché et de développement de l'activité, créant une richesse qui contribue à développer des orientations socio-culturelles libertaires ou post-matérialistes - comme le libéral progressiste régionalisme promu par le CiU
110
. Ce positionnement va permettre d’une part d’obtenir des concessions économiques
des formations de droite et des avancées en matière d’autodétermination de celles de gauche111, permettant d’obtenir un gain la plupart du temps en bâtissant un dialogue - selon l’interlocuteur sur le clivage droite-gauche ou centre-périphérie. Cet avantage d’un positionnement régionaliste de type centriste modéré pour la Catalogne est représenté sur la figure 3 et trouverait sa plus simple expression dans la capacité du CiU à maintenir un projet régional à travers l’alternance PSOE et PP au niveau national. 1.2 Le sens de l'identité : La mobilisation identitaire autour du thème de la nationalité historique est inhérente à la volonté politique des élites catalanes depuis la transition. L'identité régionale s’inscrit comme un élément déterminant de la construction de la région comme espace politique et social et en tant que système d'action collectif
112
. En effet, la construction régionale et l’identité
obéissent à une trajectoire commune et à une influence réciproque : ainsi l’action collective au
108 109 110
Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT.(2002) op.cit. p208 Micheal KEATING (2003) op.cit. p55 Emanuele MASSETTI (2011). Explaining Regionalist Party Positioning in a Multi-dimensional Ideological Space : A Framework for Analysis. (Ed) Eve HEPBURN. New Challenges for Stateless Nationalist and Regionalist Parties. Routledge p33-34 111 Ibid. p36 112 Michael KEATING (1998). op.cit p85. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 26 niveau régional correspond à ‘un ensemble de pratiques politiques et de représentations du monde stabilisées et territorialisées dans le temps qui oriente les logiques d’actions des groupes d’acteurs régionaux’113. L'identité est fortement corrélée à la langue, bien que d'autres éléments culturels soient en Catalogne aussi liés à sa construction nationale comme la tradition de pacte, de compromis ou un esprit entrepreneurial114. Une simplification critiquée par certains auteurs serait de différencier un ‘ancien’ régionalisme protégeant des valeurs culturelles et linguistiques à un régionaliste nouveau focalisé sur l’entreprenariat et la compétitivité régionale115 tandis que d’autres placent toujours la culture au centre de la création d’espaces politiques régionaux116. Sur le plan de la viabilité dans le temps, le lien étroit entre la construction régionale et l’identité implique de préciser deux autres aspects inhérents à l’espace régional : la cohérence territoriale et la cohérence sociale. La première implique qu’un groupe véhiculant une identité distincte soit dans une entité bien définie géographiquement et qu’il y constitue la majorité117. Politiquement la région représente la base la plus effective sur le plan fonctionnel, politique et normatif : le territoire offre un cadre propice pour la démocratie et un gouvernement responsable, définissant un groupe de référence pour la participation et l'exercice des droits dans une forme inclusive et non discriminante118. La cohérence sociale elle interviendra aussi dans sa construction comme en Catalogne, qui possède sa propre société civile et un réseau dense d'associations et de groupes119. 1.2.1 Influence de l’identité sur la capacité politique La Catalogne a une identité très forte en tant que nation minoritaire et historique
120
. Son
identité affectera réellement la vie politique à travers une mobilisation autour de la spécificité régionale, un hecho diferencial traduit par des valeurs, des normes et comportements comme une langue différente, et pouvant dépasser celle de l'Etat
121
. Nous avons vu que l’identité
était intimement liée à la construction générale puisque la première impulsion de revendication à l’autonomie sera la conséquence de la politisation de cette identité et qu’elle se manifestera tout au long du processus de la décentralisation. Le modèle du régionalisme politique va suivre le cheminement construit sur la séquence suivante : l’identité conduira à
113 114
Romain PASQUIER (2004). op.cit p28 Michael KEATING (2003). op.cit.46 115 Josefina SYSSNER (2009) ‘Conceptualizations of Culture and Identity in Regional Policy’. Regional and Federal Studies. Vol 19 No 3 p437 116 A. Paasi (2003) ‘Region and Place: Regional Identity in Question’, Progress in human geography, Vol 27 No4, p477 117 Michael KEATING (1998) op.cit p85 118 Ibid p109 119 Michael KEATING (2003). op.cit p49 120 Ibid p44. 121 Michael KEATING (1998) op.cit 85 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 27 une politisation de l’identité qui conduira à une demande d’autonomie comme fonction de sa différence122. En revanche un aspect particulier de l’identité est qu’elle se manifestera différemment selon l’enjeu politique, ce qui soulève un aspect inattendu, la double identité. L’identité régionale sera exprimée plus favorablement lorsqu’il s’agira de voter pour un parti régional au niveau territorial que pour le national ou supranational123 limitant la représentation régionaliste au sein des Cortes et donc diminuant sa capacité au sein des institutions nationales. 1.2.2 Influence de l’identité sur le positionnement du CiU La Catalogne connaît deux clivages politiques répartis sur deux niveaux : un clivage sur la question nationale relatif à son positionnement identitaire au sein de l'Etat national et un clivage interne entre forces laborales et capitales donnant lieu au traditionnel clivage gauche/droite124. C’est-à-dire qu’au niveau du système partisan catalan se manifeste une polarisation CiU /PSOE-PSC. Les résultats des scrutins attestent de l'importance du débat politique autour de la question nationale puisque seuls les partis nationalistes, sans liens avec des partis nationaux ont remporté l’espace régional 125. Il en résulte que le positionnement des partis catalans ne consiste plus à orienter les discours sur un clivage gauche/droite mais par rapport à la question nationale catalane126. Cette path fut établie au moment des premières élections autonomiques par le CDC (CiU) : le choix d'une option nationaliste en substitution d'un choix gauche/droite127, et ayant d'après le CDC conditionné le système catalan en marginalisant le clivage gauche/droite
128
. Pourtant, bien que ce discours fut mis en avant
pour expliquer la volatilité du vote des catalans entre le niveau régional et national exprimé par le dual voting celui-ci au contraire trouverait sa source dans une double identité - à la fois Catalane et Espagnole de l'électorat129 n’éveillant un positionnement sur le clivage gauche/droite que lorsqu’il s’agit d’élections nationales. Cet exemple illustre la nature complexe de l'identité et l'apport que l'étude du système électoral peut offrir dans sa compréhension. L’analyse des modèles électoraux et du système partisan espagnol supporte l’hypothèse que la structure fédérale puisse influencer les comportements politiques au sein d’un espace démocratique : l’impact des structures fédérales sera pourtant inégal se traduisant par des variations d’une région à l’autre pouvant se mesurer par rapport aux régions ayant
122 123 124
Michael KEATING (1998).op.cit. p88 Kerstin HAMAN (1999) ‘Federal Institutions, Voting Behaviour, and Party Systems in Spain’. Publius, Vol 29 No 1 pp 111-137. David HANLEY and John LOUGHLIN.(2006).op.cit p74. 125 Ibid. 126 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002) op.cit. p255. 127 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET(1998) op.cit. p74 128 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002) op.cit. p255. 129 Santiago PEREZ-NIEVAS, Marta FRAILE (2000). ‘Is the Nationalist vote really Nationalist ?Dual Voting in Catalonia, 1980-1999’. Working Paper 2000/147 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 28 développé des partis régionalistes plus forts
130
. Notons que la seconde offre régionaliste
ERC en tant que parti régionaliste catalan de gauche connaîtra des résultats électoraux moins brillants, mais soutenant cependant une certaine corrélation avec le CiU : là où le CiU est fort, l’ERC le sera aussi, mais à des degrés différents 131 ce qui donne une certaine contenance à la thèse d’un nationaliste orienté vers le centre/centre-droite de l’échiquier politique en Catalogne. Cette dichotomie entre régionalisme de gauche et de droite au sein d’une même région trouverait selon Jan Erk (2005) une explication à des moments de critical junctures impliquant que les alliances formées au moment de l’introduction du suffrage universel puissent être renforcées au cours du temps132 . L’influence de facteurs identitaires et historiques sera la base d’une capacité politique différentielle avec les autres communautés autonomes mais modulera aussi la spécificité de la région au sein de systèmes – électoraux et partisans – communs à l’ensemble des régions et expliqués sous le vocable de facteurs institutionnels.
Section 2 : Les facteurs Institutionnels Le système électoral national est commun aux 17 communautés, le système partisan national aussi. Les comportements vont pourtant varier d’une région à l’autre, influencés par la construction et l’identité qui s’y sont manifestées. C’est ce que notre analyse tentera d’expliquer en suivant le même modèle que la section précédente : l’influence produite par la variable étudiée sur la capacité politique et sur le positionnement de l’acteur au centre de notre recherche, le CiU. D’autre part, vu l’interdépendance des deux niveaux national et régional, l’étude du système électoral régional complètera l’étude du système national et de même pour le système partisan. 2.1 Le système électoral national et autonomique Depuis le décret de 1977 et la Ley Orgànica del Regime Electoral General (LOREG) de juin 1985, le cœur du système électoral espagnol a très peu changé
133
. Lors de la transition, les
systèmes électoraux furent dessinés en tenant compte des différents facteurs ayant entraîné les
130 131
Kerstin HAMAN (1999) op.cit p136 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET. (1998) op.cit p84. 132 Jan ERK (2005) ‘Sub-state nationalism and the left-right divide : critical junctures in the formation of nationalist labour movements in Belgium’. Nations and Nationalism Vol 11 No 4 pp551-570. p552-553 133 José M. MARGONE (2004). op.cit p80. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 29 inconvénients des systèmes antérieurs comme la fragmentation excessive du congrès, l'indiscipline des députés ou l'instabilité gouvernementale qui avait marqué la vie politique espagnole134. Les communautés, malgré la liberté qui leur était offerte, ont décidé d’endosser le même système électoral. Le système électoral espagnol produit généralement des majorités gouvernementales stables ou des coalitions ayant comme base un projet et s’opposent aux scènes politiques fragmentées observables en Belgique et en Italie135. La Chambre basse, le Congreso de los Disputados compte 350 membres élus au suffrage universel pour une durée de quatre ans et au sein de circonscriptions électorales qui recouvrent les provinces : chacune dispose d'un minimum de deux sièges auxquels s'additionne un siège pour chaque tranche supplémentaire de 144,500 habitants ou fraction au-dessus de 70.000 136. Les élections se font à partir d'un scrutin proportionnel sur base du système d'Hondt de la plus forte moyenne. Ce système est favorable au PP et PSOE car comparé aux autres pays ayant adopté le système proportionnel, le système de partis espagnol apparaît comme hautement disproportionnel : ceci est imputable à la petite taille des circonscriptions électorales découpées à partir des provinces auxquelles s'ajoute le nombre faible de sièges à pourvoir à la chambre basse de 350 députés ( i.e 630 en Italie; 659 au Royaume Uni ; 656 en Allemagne) et la distribution inégale des sièges à travers le territoire faisant que certaines provinces sont sous représentées par rapport à leur population137, dont profite la capacité de la Catalogne dans sa stratégie nationale. 2.1.1 L’impact du système électoral national sur la capacité politique de la Catalogne Le système électoral est favorable à certains partis régionalistes - comme le CiU - dans la mesure où ils bénéficient d'une forte concentration de votes au sein de leurs circonscriptions138. Il en résulte que malgré l'application du système d'Hondt, le système électoral espagnol possède toutes les caractéristiques d'un système majoritaire139. Le territoire de la région de la communauté s'avère assez réduit pour ce système électoral censé devenir plus proportionnel à mesure que la circonscription électorale s'agrandit
140
, ce qui permet
d’avoir au sein des quatre circonscriptions électorales de Tarragone, Lleda, Barcelone et Girone un nombre réduit de partis élus dans ces 4 provinces et représentés aux Cortes. Un
134
Mercedes ALDA FERNANDEZ, Lourdes LOPEZ NIETO (2006) ‘Los sistemas representativos y las relaciones intergubernamentales en el Estado Autonomico’ pp39-79 (Ed) Lourdes LOPEZ NIETO, Relaciones Intergubernamentales en la Espana Democràtica. Interdependencia, Autonomìa , conflicto y cooperaciòn. Dykinson. p41 135 Michael KEATING (1998). Op.cit p123. 136 David HANLEY and John LOUGHLIN (2006). Op.cit p168 137 José M. MARGONE (2004). op.cit. p80-81 138 ibid p80 139 ibid p83 140 ibid p80 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 30 système proportionnel aurait dû favoriser la fragmentation des assemblées alors qu’au contraire c’est un nombre réduit de partis qui siègent au Congrès. En limitant la fragmentation, le système électoral favorise la capacité catalane : le CiU parvient à se maintenir comme une des quatre principales formations politiques (aux côtés du PP, PSOE et IU) en se présentant dans 4 provinces uniquement. L’arithmétique du vote pour le CiU face aux deux forces polarisées PP et PSOE est expliqué dans la figure 4, pour les élections nationales au sein des quatre provinces catalanes et au sein du reste du territoire des 16 autres C.A.
FIGURE 4 : Résultats au Congrès
*** * Élections générales de 1993
Résultats au sein des 4 circonscriptions électorales Catalogne (Barcelone, Lleida, Girone et Tarragone).
Résultat dans les autres circonscriptions
Résultat toutes circonscriptions confondues
PSC - PSOE CiU PP
18 sièges 17 sièges 8 sièges
34.87% 31.82% 17.04%
141 0 133
159 17 141
* Élections générales de 1996
Résultats dans les 4 circonscriptions électorales Catalogne (Barcelone, Lleida, Girone et Tarragone).
Total dans les autres Circonscriptions
Total de toutes les Circonscriptions
PSC - PSOE CiU PP
19 sièges 16 sièges 8 sièges
39.36% 29.61% 17.96%
122 0 148
141 16 156
* Élections générales de 2000
Résultats dans les 4 circonscriptions électorales Catalogne (Barcelone, Lleida, Girone et Tarragone).
Total dans les autres Circonscriptions
Total de toutes les Circonscriptions
PSC - PSOE CiU PP
17 sièges 15 sièges 12 sièges
34.13% 28.78% 22.79%
108 0 171
125 15 183
Élaboration personnelle.
Source : Ministerio del Interior. Espagne. http://www.infoelectoral.mir.es/min/
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 31 Au sein de la région le PSC se présente d’une part comme le leader incontestable de la gauche et comme la principale force d'opposition du CiU au sein du Parlement catalan. En raison du système électoral en Catalogne - et en Espagne plus généralement - moins de voix sont nécessaires dans les zones rurales pour obtenir des députés, départageant les deux adversaires et favorisant le CiU141. Le CiU exercera une influence sur les partis nationaux (UCD, PSOE et PP) grâce à sa position pivot au sein du Congrès
142
lui permettant de garantir la stabilité en se positionnant comme la seule
gouvernementale en tant de législatures minoritaires
143
alternative viable, en conséquence de son positionnement idéologique. 2.1.2 L’influence sur le positionnement des partis régionalistes Saul Newman (1997) développe l’hypothèse que la distinction entre un système électoral majoritaire et proportionnel aura un effet important sur le positionnement rationnel des partis régionalistes sur l’échelle gauche/droite et centre/périphérie. Dès lors, des partis dual structural comme le CiU – partis dominant à la base du consensus sur l’échelle gauche/droite au niveau régional et reconnaissant la légitimité de l’Etat - ne pourront apparaître et se maintenir qu’au sein d’un système suffisamment fragmenté pour lui garantir un espace idéologique qui n’a pas été déjà offert par les partis traditionnels144, c’est-à-dire en dehors d’un espace bi-partisan majoritaire (dont le système électoral espagnol tend pourtant à se rapprocher). 2.1.3 Le vote en Catalogne Ce sont les premières élections autonomiques catalanes de 1980 qui ont déterminé la path de la vie politique régionale: elles consacrèrent l'importance qu'allaient avoir les partis nationalistes au sein de la communauté les effets observés au niveau national
145 146
. Son système électoral qui reproduit à l’identique a permis au CiU de former des gouvernements
147
stables et d’obtenir trois majorités absolues consécutives entre 1984 et 1995, expliquant un impact direct sur la capacité de la région à prendre des décisions . Parmi les caractéristiques principales du vote en Catalogne, retenons qu’aux élections générales, la région penche favorablement pour le PSC/PSOE (Figure 4), alors que lors des élections autonomiques c'est le CiU qui obtient la majorité des votes148. Ce phénomène de dual voting a été majoritairement expliqué comme étant lié à la dimension nationaliste des élections
141 142 143
David HANLEY and John LOUGHLIN (2006). op.cit p168 Josep COLOMER (1999) op.cit p46 Les législatures minoritaires : I (1979-1982), V (1993-1996) et VI (1996-2000) - voir : figure 5 144 Saul NEWMAN (1997) op.cit. p33 à 35 145 Mariona SERRA (2003). Historia electoral de Cataluna. Oriol BARTOMEUS (Ed). La Compentencia Politica en la Espana de las Autonomias. Institut de Ciències Politiques i Social. p179. 146 José M. MARGONE (2004) op.cit 147 Michael KEATING (1998).op.cit 123 148 Mariona SERRA (2003). op.cit p179. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 32 catalanes mais profondément remis en cause par Pérez-Nievas et Fraile (2000) : selon leurs résultats, les duals voters sont ceux qui présentent la plus grande proportion de double identité (catalane et espagnole) lorsqu'ils optent pour le CiU, ils placeraient leur identité catalane en avant et lorsqu'ils participent aux élections générales, ils votent comme des espagnols, pour un parti national
149
. L'enjeu est double dans la mesure où premièrement le CiU perd des voix
d'électeurs en principe sensibles au clivage centre/périphérie aux élections générales et deuxièmement, le transfert de vote se faisant du CiU au PSOE, renforcerait le PSC voir l’ERC en cas de vote punitif au niveau régional envers le CiU, hypothèse plus probable qu’un passage vers le PP. A cela s’ajoutent les caractéristiques du differential turnout 150 impliquant une participation beaucoup plus forte aux élections nationales qu’autonomiques stabilité des votes deux décennies. 2.2 Le système partisan : D'après Seiler, il constitue ‘l'ensemble structuré constitué des relations tantôt d'opposition, tantôt de coopération qui existent entre les partis politiques agissant sur la scène politique d'une société politique’152. Plusieurs systèmes partisans (SP) cohabitent en Espagne dans la mesure où elle combine un gouvernement central clairement délimité par rapport à des institutions sub-nationales pouvant endosser un nombre variable de pouvoirs 153 caractérisées par un ‘multilevel party system’ qui rassemble à la fois ‘le SP national issu des élections nationales et l’ensemble des SP régionaux produit par le vote au niveau de la région’154. Ceci implique de ne considérer que les deux niveaux de pouvoir simultanément puisque l’un influence automatiquement l’autre. Certaines tendances se sont imposées depuis la transition, notamment à travers l’institutionnalisation de nouveaux acteurs et le cheminement vers un système bi partisan imparfait défini au point suivant. 2.2.1 Le Système Partisan national Bien qu'il se soit institutionnalisé, le SP espagnol s'est caractérisé par une relative instabilité pendant la première décade : l'UCD disparue en 1983 suite à une marquante défaite aux élections générales de 1982 marqua le changement au sein de la structure bipartisane, passant d'une polarisation UCD-PSOE entre 1977 à 82 à une polarisation AP/PP-PSOE de 82 à nos
149 150
et de
151
, puisque les votes ne connaîtront que de faibles variations pendant les
Santiago PEREZ-NIEVAS, Marta FRAILE (2000). op.cit. p11 ibid 151 Mariona SERRA (2003) op.cit. p182. 152 D.L SEILER (1982) ‘La politique Comparée’. Armand Colin. p121 153 David HANLEY and John LOUGHLIN.(2006) op.cit. p14. 154 Wilfried SWENDEN and Bart MADDENS (2009). ‘Introduction. Territorial Party Politics in Western Europe : A Framework for Analysis’ pp1-30. (Ed) Wilfried SWENDEN and Bart MADDENS. Terrritorial Party Politics in Western Europe. Palgrave. p6 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 33 jours155. Par institutionnalisation nous entendons ‘le procédé par lequel une institution acquiert une valeur et une stabilité comme une fin en soi’156. Les changements qui l’ont affecté depuis la transition nous permettent de le découper en trois phases (Figure 5) : (1) une première qui s’étend de la législature constituante à la législature I se caractérise par un système partisan pluraliste et modéré, une compétition étroite entre les deux principaux partis et un gouvernement minoritaire UCD ; (2) une seconde qui comprend les législatures II, III et IV, initiée par un réalignement du système - et la disparition de l’UCD - est marquée par une décade PSOE majoritaire (3) ; la troisième, débuta avec la V législature et la perte de la majorité absolue sociale démocrate aux Cortes 157. Etant donné que les lois électorales ne sont qu’un des éléments qui déterminent la structure d’un système partisan158 la compréhension de la première phase 1977-1982 (supra) sera essentielle dans la définition des enjeux occupant la deuxième phase de majorité absolue PSOE et ayant conditionné le rapport de force centre/périphérie vers une limitation des faveurs accordées aux partis régionalistes.
FIGURE : 5 *** Résultats au Congrès entre 1977 et 2000 : les phases minoritaires et majoritaires
Élaboration personnelle.
Source : Ministerio del Interior. Espagne. http://www.infoelectoral.mir.es/min/
Le processus d’institutionnalisation du SP national implique deux remarques. D’une part, il atteste l’importance de différencier l'institutionnalisation d'un parti, l'institutionnalisation d'un SP et le renforcement de l'un à travers l'autre, dans la mesure où le PSOE a reposé sur un modèle stable depuis 1980 alors que les formations de droite sont apparues et ont disparu
155
Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN (2008) ‘introduction’ (Ed) Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN. Democracy and Institutional Development. Spain in Comparative Theoretical Perspective. Palgrave. p10. Samuel P Huntington (1968) ‘Political Order in Changing Societies’. Yale University Press p12 157 Richard GUNTHER, José R. MONTERO, Joan BOTELLA (2004).op.cit. 203 158 Maurice DUVERGER (1986) ‘Duverger’s Law : Forty Years Later’. (Ed) Bernard GROFMAN and Arend LIJPHART Electoral Laws and their consequence’s. Agathon. p71
156
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 34 jusqu'à leur stabilisation en 1993159. D’autre part, l'institutionnalisation du SP n'a pas comporté une forte nationalisation : à part la coalition IU, les seuls partis significatifs sont des partis régionaux, le CiU et ERC en Catalogne et le PNV au Pays Basque et la CC aux Canaries 160. 2.2.2 L’impact du système partisan sur la capacité politique de la Catalogne En l’absence de voies formelles de communications entre les différents niveaux de pouvoir caractéristique du quasi-fédéralisme espagnol, les relations intergouvernementales s’organisent de manière informelle au sein du SP. Cette organisation à travers les négociations entre partis plutôt qu’au sein d’institutions est selon Keating (1998) un canal d’influence significatif de la région vers le centre161. Cette pratique informelle trouve d’autant plus de sens que la tendance bipolaire du SP permet à un parti comme le CiU de profiter d’une position modulatrice au sein du système pour faire valoir sa position pivot, lui permettant de faire pression à tour de rôle sur les deux principaux partis nationaux. En outre, le fait que le SP fonctionne sur plusieurs niveaux implique qu’une décision prise à un niveau aura des conséquences sur l’autre. Une coalition formée au centre sera transférée au niveau inférieur (supra). A l’inverse, une coalition formée au niveau des C.A pourra aussi avoir des conséquences sur le niveau national, jusqu’à parfois devenir un moyen permettant d’influencer la politique nationale lorsque la coalition au niveau autonomique fait levier sur l’avancée d’une issue nationale comme en 2001 entre les leaders PP et CiU, Aznar et Mas. D’autre part, les relations intergouvernementales informelles s’organisent via des négociations conclues sous la forme de pactes, institution informelle centrale dans la politique espagnole depuis la transition et sésame de l’influence catalane. Gardons tout de même à l’esprit que, en l’absence de participation des CA aux politiques nationales et sans que des systèmes de décisions conjointes aient pu s’imposer efficacement (les Communautés veillant à la défense de leurs intérêts), la coordination au niveau de l’Etat est réglée par les partis politiques qui incarnent dès lors le contre-poids centralisateur162.
159 160
Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN (2008). op.cit p10-11 ibid 161 Michael KEATING (1998) op.cit. 125 162 Ute WACHENDORFER-SCHMIDT (2000) ‘Introduction’ (ed) Ute WACHENDORFER-SCHMIDT Federalism and Political Performance. Routledge p13 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 35 2.2.3 L’influence du SP national sur le positionnement du CiU La dimension verticale du système partisan dans un jeu de multi-level party politics implique que l'interaction entre partis régionalistes et nationaux puisse influencer le positionnement des partis régionalistes sur la dimension gauche-droite et centre/périphérie 163. La volonté pour les partis nationaux d’éviter de céder aux demandes régionalistes sur des questions liées à la dimension centre/périphérie implique une prise de position publique des partis nationaux : la tendance étant que dans les pays où le principal parti de centre droite est un conservateur nationaliste, on observe un alignement des partis nationaux de centre gauche sur la décentralisation et que ceux de centre droite y soient opposés ou critiques, créant ainsi un schéma "gauche-périphérie" contre "droite-centre" impliquant que les partis régionalistes soient poussés à adopter rationnellement une idéologie de gauche - et s’explique en Catalogne par le fait que la gauche (ERC) soit plus radicale sur la question de l'autodétermination
164
.
Cet alignement a un double impact sur la formation de coalitions : les partis régionalistes situés à gauche auront tendance à se regrouper seulement avec des partis de gauche au niveau national alors que les partis régionaux de droite et centre droite sont capables de former des coalitions avec des partis de gauche, desquels ils peuvent obtenir des avancées en matière de décentralisation, comme de droite desquels ils peuvent attendre des politiques socioéconomiques favorables165. Cette capacité à former des coalitions pour les partis régionalistes de centre-centre/droite à travers l’alternance s’illustre par le pacte PSOE-CiU de 1993 à 1996 et le pacte PP-CiU de 1996-2000, tous deux ayant contribué à maximaliser des gains en matière d’autonomie au sens large. 2.2.4 Le système partisan catalan A côté d’un SP national s’ajoute un ensemble de systèmes propres à chaque CA, dont les acteurs peuvent être à la fois des partis appartenant au système national, directement ou à travers leur branche régionale, ou des partis exclusivement régionaux166. Il arrive que ces deux types de partis se retrouvent dans des relations différentielles - à Madrid et au sein de la C.A - créant un jeu complexe de relations à l’intersection des différents systèmes et défini comme un party subsystems 167. Si la pénétration des partis nationaux s'est effectuée de manière efficace au sein des SP régionaux, le SP catalan reste lui dominé par des partis nationalistes 168.
163 164 165
Emanuele MASSETTI. (2011) op.cit p36. ibid p36 ibid p24-25 166 David HANLEY and John LOUGHLIN (2006) op.cit. p14. 167 ibid p122. 168 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET (1998) op.cit, p84. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 36 Le passage à un système quasi fédéral a impliqué une adaptation pour les partis nationaux qui s’est traduite tant du côté du PP que du PSOE par la création d’une branche territoriale169. C'est-à-dire qu’au sein du parlement Catalan le CiU sera parfois obligé de composer avec les alliances nouées au niveau national avec la branche décentralisée de son partenaire au Centre présente dans les institutions de la Generalitat (supra), créant des croisements complexes de coalitions
170
, composées entre des branches décentralisées de partis nationaux commandés
depuis Madrid et des partis régionalistes. La question sera de connaître le degré de contrôle réel du parti national sur ses composantes sub-nationales dans le cadre d'une issue particulière dans la mesure où nous pouvons nous retrouver dans des cas de figures où une coalition PSOE-CiU est formée au niveau national alors que le PSC serait dans l'opposition au Parlement catalan
171
. Dans la mesure où un
système dans lequel les régions ne jouent pas un rôle collectif de veto player au centre la formation de coalitions non congruentes n'aura pas d'effet sur la capacité du Centre à adopter des normes172. Au sein d'un Etat fédéral les politiques peuvent êtres décidées soit uniquement au niveau national soit uniquement au niveau régional. En revanche, lorsque les politiques sont décidées à travers des relations intergouvernementales, verticales et bilatérales, la non congruence complique le jeu politique enjeu (supra).
173
. Nous aurons l’occasion d’illustrer cet
Pour conclure cette seconde partie, il convient de souligner un point. Les facteurs historiques, politiques et institutionnels ne sont pas des faits cantonnés à leur sphère, au contraire, ils s’influencent les uns les autres au point de former un système de variables interdépendantes. Par rapport à la nomination de représentants aux Cortes, i.e au sein du système partisan national cohabitent des partis nationaux et régionalistes, le système est commun à l’ensemble des communautés, pourtant malgré des lois électorales favorables aux partis régionalistes, tous n’enregistrent pas des scores équivalents. Le succès électoral s’explique à travers des facteurs historiques et identitaires propres à chaque Communauté, impliquant qu’un nombre suffisant d’électeurs positionnent leur vote sur un clivage centre/périphérie aux élections générales et non sur une dimension gauche/droite. Il en découle qu’un parti – le CiU - qui se présente dans seulement quatre circonscriptions obtient suffisamment de représentants à
169
Pieter VAN HOUTEN (2009) ‘Authority in Multilevel Parties : A principal-Agent Framework and Cases from Germany and Spain’. pp167-182. (Eds) Wilfried SWENDEN and Bart MADDENS. Terrritorial Party Politics in Western Europe. Palgrave p176. Ceci implique par exemple que les élus socialistes catalans (PSC) aux élections générales, présents eux aussi dans seulement quatre circonscriptions soient absorbés dans le groupe PSOE au Congrès (figure 4) alors que le CiU présent lui aussi uniquement dans ces quatre circonscriptions forme son propre groupe parlementaire à Madrid. 171 Pieter VAN HOUTEN (2009) op.cit. p178. 172 Irina STEFURIUC (2009) ‘Governing Strategies in Multilevel Settings: Coordination, Innovation or Territorialization? Pp183-203. (Ed) Wilfried SWENDEN and Bart MADDENS. Terrritorial Party Politics in Western Europe. Palgrave. p185. 173 ibid
170
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 37 Madrid pour occuper une place significative au sein du système partisan. Ensuite, son positionnement idéologique, découlant des mêmes facteurs en fera une option suffisamment viable pour appuyer des législatures de gauche (1993-1996) ou de droite (1996-2000). Cette habilité à influencer les décisions à travers une conjonction de facteurs et reprise sous le titre de capacité politique sera l’objet de la troisième partie. On y développera l’idée principale que à travers l’absence de mécanismes de représentations des intérêts territoriaux au sein des institutions nationales, la défense de ces intérêts s’est institutionnalisée de manière informelle, avec comme toile de fond les réformes consécutives de la loi de décentralisation fiscale (LOFCA), s’imposant graduellement jusqu’à être réformée en périodes de législatures majoritaires. Pour décrire cette montée en puissance de la capacité politique de la région catalane, trois périodes seront étudiées : 1. le point zéro, au moment de la transition, véritable influence sans l’autonomie à travers le marchandage multilatéral ; 2. la capacité politique de la région catalane en temps de législature minoritaire (1993-2000) ; 3 la consécration de 2001, l’influence en temps de législature majoritaire.
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 38 -
Troisième Partie
Cas d’étude : l’influence catalane sous le prisme du processus de réforme de la loi organique de décentralisation fiscale. En tant que réalité institutionnelle ayant investi les relations partisanes, l’épicentre de la politique de gestion et de négociation de l’Estado Autonomico s’est organisé sous la forme de relations informelles entre les partis nationaux, régionalistes ou leur branches décentralisées. Les accords intervenant en dehors d’institutions formelles sont négociés sous la forme de pactes - centraux dans la politique espagnole - faisant office de pré-requis à toute future politique. La définition du pacte la plus couramment utilisée parmi les auteurs (Linz ; Montero ; Gunther ; Field ; Hamann) est celle de O'Donnel et Schmitter (1986) le définissant comme: ‘un accord exprès, ne faisant pas nécessairement l’objet d’une publication ou d’un exposé des motifs, conclu entre un nombre déterminé de parties qui entendent définir les règles régissant l’exercice du pouvoir, sur la base de garanties mutuelles en ce qui concerne leurs intérêts vitaux respectifs174. Au moment de la transition les pactes furent identifiés comme conservateurs, excluant et antidémocratiques, dans la mesure où leur négociation s’appuyait sur la participation limitée de quelques acteurs puissants
175
mais contribuaient à
régler de nombreuses issues en raison de l’influence que l’institution avait sur le choix des acteurs. La transition démocratique à travers la souplesse qu’elle procure, s’est fortement appuyée sur cette institution qui s’institutionnalisera à partir de ce moment cette troisième partie. Nous avions défini précédemment que l’influence de la Catalogne était fonction du soutien qu’elle offrait à des gouvernements minoritaires, par laquelle elle obtenait en retour des concessions en matière de politique de décentralisation. Nous avions aussi défini qu’en matière de financement, il était possible d’influencer un gouvernement en dehors d’une législature minoritaire par un assemblage de voies d’influences combinant un mécanisme formel au niveau sub-étatique (au Conseil de Politique Financière et Fiscale et depuis le Parlement de la Generalitat) mais sans valeur contraignante, coulé ensuite au niveau national en Normes. Notre méthode qui se base sur la loi de financement des C.A (LOFCA) implique
176
. Cette
institution, dès lors, sera au centre de la stratégie catalane d’influence consacrée au sein de
174
Guillermo O'DONNEL and Philippe C SCHMITTER (1986) ‘Transition from Authoritarian Rule: Tentative Conclusions about Uncertain Democracies’. The John Hopkins University Press. p37. 175 Omar G. ENCARNACION (2001). ‘Labor and Pacted Democracy : Post-Franco Spain in comparative Perspective’. Comparative Politics, Vol 33 No.3 pp337-355. 338 176 Bonnie N. FIELD (2008) 'Interparty Politics in Spain : The Role of Informal Institutions' pp44-68. (Eds) Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN. Democracy and Institutional Development. Spain in Comparative Theoretical Perspective. Palgrave. p62
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 39 que nous en définissions les contours dans un premier chapitre. Un second chapitre sera consacré aux pactes de majorité spéciale et aux pactes de soutien de l’UCD minoritaire entre 1977 et 1982, moment de capacité politique sans autonomie. Le troisième reprendra les points principaux des pactes de soutien de gouvernements PSOE minoritaires aux Cortes entre 1993 et 1996 et PP entre 1996 et 2000. Un dernier chapitre soulèvera la question de l’évolution de la capacité de la Catalogne à travers son influence sur un gouvernement majoritaire consacrée par la LOFCA de 2001, considérée comme une des avancées les plus significatives en matière de financement 177.
Chapitre 1 Le financement des régions
Section 1 : Principe du financement L’asymétrie qui caractérise l’Estado Autonomico entre les régions historiques et non historiques se retrouve dans le système fiscal, entre les systèmes foraux (le Pays et Basque et la Navarre peuvent lever et collecter presque toutes leurs taxes) et les régions sous le régime commun
178
. Le système a été adopté moyennant deux modèles de financement distincts : le
foral - applicable au Pays Basque et en Navarre, ayant connu une relative stabilité mais ponctué par des conflits d'interprétations - et le système commun, applicable aux 15 autres communautés, qui lui a été l'objet de réformes continues, suite aux pressions exercées par la Communauté catalane
179
. Le financement des Communautés Autonomes est régi par la Loi
Organique 8/1980 (LOFCA) adoptée le 22 septembre, et qui constitue le cadre juridique national pour quinze des dix-sept Communautés, sans cesse remis en cause par une série de réformes180. Le pouvoir d'initiative des lois organiques ou de lois ordinaires qui affecte les pouvoirs, les opérations ou les finances des gouvernements des CA appartient à l'exécutif 181 . Dès lors, si une réforme doit avoir lieu, les forces périphériques devront faire pression sur le centre pour lancer une réforme qui ne touche pas à leur domaine de compétences. Cette question du financement sera au centre du programme politique du CiU dans la mesure où selon lui le système en vigueur supposerait une large disproportion pour la Catalogne qui ne
177 178 179
La Vanguardia (2004) ‘Entrevista – Jordi Pujol’ p21. 24/9/2004 John LOUGHLIN (2007). op.cit. p396. Ignacio Zubiri Oria (2010). El nuevo sistema de financiaciòn de las CCAA. (Ed) Francesc Pau i Vall. La financiaciòn autonònomica. XVI Jornadas de la Asociaciòn Espanola de Letrados de Parlamentos. tecnos. p275 180 la LOFCA de 1980 sera l'objet de réformes consécutives à travers : la Ley Orgànica 1/1989 du 13 avril ; la Ley Orgànica 3/1996 du 27 décembre ; la Ley Orgànica 10/1998 du 17 décembre ; la Ley Orgànica 5/2001 et 7/2001 du 13 et 27 décembre. Voir : Alfonso AREVALO GUTIERREZ. La Financiacion Autonomica y los Nuevos Estatutos de Autonomia. (Ed) Francesc Pau i Vall. La financiaciòn autonònomica. XVI Jornadas de la Asociaciòn Espanola de Letrados de Parlamentos. tecnos 2010. p119 181 Robert AGRANOFF and Juan Antonio RAMOS GALLARIN (1997) . op.cit. p6 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 40 peut pas bénéficier pleinement de son développement interne et n’a pas d’autre choix que l’endettement en raison du grand nombre de compétences qu’elle assume182. Section 2 : Le problème du financement sous l’angle catalan Dès les années 60 la question financière fut au centre des débats en Catalogne : le drainage des capitaux depuis la région vers le reste de l’Etat soutenait la tendance au ralentissement de sa croissance - sans pour autant valoriser la croissance ailleurs ; ceci matérialisait les tensions entre le centre et la périphérie renforcées par l’appel des secteurs financiers pour l’instauration d’un gouvernement autonome
183
. Suite à la transition démocratique,
l’autonomie fut consacrée constitutionnellement et le processus de décentralisation des secteurs publics débuta en 1979 et entraîna des dépenses liées aux services publics transférés, se traduisant au bout de trente ans par une dépense de 35 % du budget par les Communautés Autonomes
184
.
Le processus de décentralisation a accordé aux Communautés des
compétences identiques, qui concernent principalement el Estado de bienestar (Santé, Education, Services Sociaux) soulevant la discorde en matière de financement. La Catalogne clamait qu’au nom de sa différence historique elle méritait un traitement similaire aux régimes floraux
185
. Selon Moreno (1997) le déséquilibre territorial serait dès lors, dans un
cas, un vecteur d’équité, dans l’autre, une injustice et offrirait autant un argument pour le Centre soutenant la thèse d’un Etat homogène que celui de nationalistes non solidaires 186. Section 3 : Les réformes successives Nous avons représenté sur la figure 6 les principales réformes décidées sous forme de plans quinquennaux par le CPFF et approuvés par voie législative. Elles feront l’objet d’une attention particulière dans la mesure où nous associons une réforme ou une refonte du système à une influence de la Catalogne exercée sur les RIG entre toutes les communautés au niveau sub-national et au sein du gouvernement ensuite pour faire approuver les recommandations du CPFF grâce à des pactes de soutien accordés à des gouvernements minoritaires. L’interdépendance entre les différents acteurs sera le moteur des RIG au sein de l’Estado Autonomico notamment en ce qui concerne le financement des C.A, dont les desseins et la gestion des instruments créés à cet effet vont résulter d’interactions ayant
182 183
Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002). op.cit. p206 (Ed) Sebastian BALFOUR. ‘The Politics of contemporary Spain’. Routledge p113 184 Ignacio ZUBIRI ORIA. (2010). op.cit. p275 185 Robert AGRANOFF (1996). op.cit. 392 186 Luis MORENO (1997). op.cit. 147. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 41 permis l’évolution constante du modèle187 . Ces relations intergouvernementales sont conflictuelles et obéiront à une logique d’interactions caractéristiques des systèmes fédéraux et traduisent un aspect fondamental de la politique espagnole et de son glissement fédéraliste : un climat permanent de négociation entre gouvernements locaux, régionaux et central 188 dont la Catalogne tire profit en raison de sa capacité politique différentielle. Le modèle de financement des Communautés, après une période transitoire entre 1978 et 1986 a été redéfini et déterminé sous forme de lois quinquennales jusqu'à ce qu'en 2002 quand il fut entrepris de régler un modèle définitif en éliminant les réformes quinquennales - sept ans plus tard, le modèle fut à nouveau remis en cause débouchant sur la réforme de 2009
189
. Le système de
financement à travers ses réformes successives brosse un très large paysage temporel débutant au moment de la transition. Analyser l’évolution du modèle en parallèle à la montée en puissance de la capacité politique de la région, nous majoritaires. permettra d’identifier trois types d’influences, celle sans autonomie, en tant de Cortes minoritaire et la dernière lors de Cortes
Chapitre 2
Les pactes au moment de la transition démocratique La construction de l’estado de las autonomias dut suivre un processus de décentralisation en top-down, qui organisa des pratiques de type fédéral entre les différentes composantes politiques
190
. Au cours du processus d’adoption de la constitution et de la mise en place de
l’autonomie, le CiU a exercé une influence dans la définition de ses priorités en négociant l’autonomie (section 1) et en l’organisant à travers des transferts de compétences et le financement des C.A. (section 2).
J.A.RAMOS GALLARIN, M.A FERNANDEZ. (2006) op.cit. p16 Luis MORENO (2001). ‘Ethnoterritorial concurrence in multinational societies : the Spanish comunidades autonomas’. pp201-221. (Eds) Alain G. GAGNON & James TULLY. ‘Multinational Democracies’. Cambridge University Press. 212 189 Ignacio ZUBIRI ORIA (2010) op.cit.. p278 190 Luis MORENO (2001). op.cit..p209
188
187
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
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Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 43 Section 1 – Les pactes de majorités spéciales et la définition de l’autonomie 1.1 L’influence catalane à un stade de pré-autonomie : la capacité sans l’autonomie ? Dans la symbolique sociale de la transition le pacte, le dialogue et le compromis furent intégrés comme des éléments de rationalité et de modération : la rationalité véhiculait implicitement la non-violence, tandis que la modération incarnait le centre, et le slogan de Suarez ‘le Centre c’est la Démocratie’191. L’aspect décisif de la consolidation fut en partie joué par un ensemble de négociations privées réunissant les élites politiques de manière restreinte mais en incluant l’ensemble des factions politiques ce qui - en opposition avec des débats publics d’assemblées capables de figer les positions des élites – permit d’obtenir de larges compromis à travers un processus d’intégration structurelle entre des élites antagonistes192. Dans cet ordre d’idée, c’est de Miquel Roca, représentant du CiU, qu’émana la proposition de maintenir le secret des délibérations au sein du sub-comité constituant (ponencia) chargé de rédiger le premier jet du texte constitutionnel193. C’est pourtant de manière accidentelle que les catalans furent impliqués au sub-comité grâce à une gestion habile de leur minorité194. En comparaison avec des périodes politiques plus stables, le cadre institutionnel plus ouvert d'un processus de transition impliquera des interactions entre les acteurs politiques moins contraignantes et en conséquence les initiatives et les interactions entre les acteurs peuvent avoir davantage d'influence sur les issues politiques 195. L'analyse des 192 votes en chambres réunies sur la constitution, démontra que 92 pour cent furent approuvés grâce au support des groupes parlementaires UCD et PSOE, 91 pour cent avec le soutien d’au moins cinq des sept groupes parlementaires et seulement trois votes grâce à une 'majorité mécanique' ce qui quantitativement justifie la période comme relevant pleinement du consensus entre formations politiques
196
. Le CiU jouait un rôle légitimant au
sein du nouveau système : le rejet de l’emploi d’une ‘majorité mécanique’ UCD-AP pour promulguer le nouveau texte se fondait sur la volonté d’inclure les forces périphériques aux fondations du nouveau régime
197
. D’autre part, il influença étroitement le positionnement
idéologique des partis nationaux, ce qui leur permis d’exercer un contrôle sur l’agenda
191
Laura DESFOR EDLES (1998). ‘Symbol and ritual in the new Spain. The transition to democracy after Franco’. Cambridge University Press. 53-55. 192 Richard GUNTHER, José R. MONTERO, Joan BOTELLA (2004). op.cit. 111. 193 ibid p112 194 La Vanguardia (1977) ‘Todo a punto para la Constitucion’. 2/8/77. p1 - Ainsi, le PSOE qui disposait de deux sièges abandonna aux nationalistes un sièges ce qui aboutit à une répartition en son sein de UCD (3 sièges), PSOE (1 siège), PCE (1 siège), AP (1 siège), et PDC (1 siège) 195 Josep M.COLOMER (2000). 'Strategic Transitions. Game Theory and Democratization' John Hopkins University Press. p6. 196 Bonnie N. FIELD (2008). op.cit. p49. 197 Richard GUNTHER, José R. MONTERO, Joan BOTELLA (2004). Op.cit 113 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 44 politique
198
. Le consensus sur les institutions de la transition provoqua une dichotomie dans
l’institutionnalisation des issues adoptées en fonction du terrain concerné : quand le consensus signifia la résolution d'issues institutionnelles majeures, l’institutionnalisation subséquente fut forte et précoce, là où le consensus (1.2) servit à reporter une issue dans l'agenda, l'institutionnalisation prit plus de temps et demeura inégale 199. En outre, il ressort nettement de cet exemple que la capacité territoriale n’est pas uniquement la fonction du degré d’autonomie accordée200, mais peut aussi à défaut de compétences effectives s’appuyer sur une reconnaissance – consacrant une forte légitimité historique et symbolique – pour influencer les décisions au sein d’une conjoncture politique favorable en raison du rôle qu’elles seront amenées à jouer ; sorte de compétences par anticipation du rôle futur des acteurs. 1.2 Le choix rationnel du ‘vote stratégique’ : Il n’y eut que le clivage centre-périphérie qui résista à des résolutions immédiates201. En pratique le vote s’organisa autour de la définition par chaque parti d’un certain nombre de priorités et inversement de concessions exprimées par un vote stratégique sur des issues et ce, afin d’obtenir de manière réciproque la même attitude des autres partis lors du vote d’une issue prioritaire de la sorte qu’au final, aucun parti ou groupements ne seraient totalement satisfaits ou insatisfaits du texte constitutionnel approuvé en 1978 catalan concerna l’autonomie politique de la Generalitat
203 202
. L’objectif principal
. Le AP, le CDC, le PNV et
quelques partis mineurs furent les seuls à considérer la décentralisation comme une priorité à l’agenda : l’AP/PP se positionnait pour un maintien rigide de la forme unitaire et inversement Basques et Catalans pour la création d’institutions pour leurs communautés autonomes204. L’UCD accepta de manière stratégique une autonomie proche du degré initial pour les régions classées historiques en échange du maintien du système de découpage des provinces, le PSOE et le PCE durent accepter stratégiquement les 50 provinces (volonté imposée par l’AP et l’UCD) et le CiU choisit d’accepter les provinces et une formule égalitaire d’autonomisation
198
Simon TOUBEAU (2009). Le système de partis dans l'Etat des Autonomies en Espagne. Partis politiques, institutions et mise à l'agenda de la réforme de l'Etat. p125-150 (Ed) Jean-Benoit PILET, Jean-Michel DE WAELE, Serge JAUMAIN. L'absence de partis nationaux : menace ou opportunité ? Editions de l'Université de Bruxelles. p131 199 Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN (2008). op.cit. p2. 200 La Catalogne au moment de la transition dispose d’un statut de pré-autonomie établie par un Décret-loi le 29 septembre 1977. Ces arrangements autonomes furent décrits par l’opposition comme ‘la théorie de l’assiette de fromage’ dans la mesure où la stratégie consistait à stimuler artificiellement le sentiment régional là où il ne s’était jamais véritablement manifesté en leur conférant un pouvoir régional afin de minimiser les revendications basques et catalanes (César Enrique DIAZ LOPEZ (1981) ‘The state of the Autonomic Process in Spain’. Publius Vol 11 No 3/4pp193-217. p200) 201 Richard GUNTHER, José R. MONTERO, Joan BOTELLA (2004).op.cit. 104. 202 Josep M. COLOMER (1999). op.cit. p41. 203 ibid. p43. 204 ibid p41. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 45 régionale présumée diminuer le statut de la Catalogne en échange d’une autonomie politique pour les nationalités 205. Cet échange de voix tourna favorablement à l'égard des nationalistes catalans dans la mesure où leur objectif prioritaire d'adoption de l'autonomie politique avait été consenti par l'ensemble des partis à l'exception de l'AP demeurée inflexible, bien que le CDC (CiU) dût offrir en retour un vote stratégique sur la distribution territoriale du pouvoir
206
. Sur la
question territoriale, il ressort que, au sein de l'Assemblée constituante, la plupart des accords ayant impliqué des votes stratégiques et des échanges de votes ont nécessité des concessions de la part de l'UCD de sorte que les questions relatives à la perpétuation des politiques ayant précédé la transition comme le découpage provincial furent adoptées par un vote sincère de l'UCD et un vote stratégique catalan alors que les innovations comme la différentiation des nationalités historiques furent approuvées grâce à un vote stratégique UCD censé faciliter le large consensus constitutionnel 207. Cet autre exemple permet de mettre en perspective l’impact sur les dirigeants de partis – fonctionnant en tant qu’acteurs rationnels - des institutions informelles de la transition, ayant conduit à la renonciation d’objectifs secondaires pour maximiser les objectifs principaux (à part pour le PP), mais il montre aussi une autre dimension, l’influence de ces institutions sur la prise en compte de tous les intérêts des acteurs, y compris périphériques. A l’inverse, bien que la constitution de 1978 a été celle qui a entraîné le plus grand support lors de son adoption, elle est aussi celle qui généra le moins de passions dans la mesure où le vote stratégique a conduit à une satisfaction partielle208. En conclusion, ce détour par la phase constituante nous permet de rapporter un fait politique essentiel : l’influence nationaliste se conçoit davantage comme un mécanisme de pression lorsque celle-ci est en mesure d’offrir une contrepartie exprimée sous la forme de soutiens parlementaires sur une politique. De plus, l’entrée dans une nouvelle phase reléguera au niveau sub-étatique les négociations multilatérales sur des politiques (au sein des conférences sectorielles), créant au niveau national un climat privilégié de face-à-face pour le CiU sollicitant les gouvernements en quête de stabilité gouvernementale (section 2).
205 206
ibid p43. Josep M. COLOMER (1995). 'Game Theory and the Transition to Democracy : The Spanish Model'. Edward Elgar. p98 207 ibid p99 208 ibid p103 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 46 Section 2 : L’autonomie consacrée, les transferts de compétences et la loi de financement 2.1 Les Pactes de soutien d’un gouvernement minoritaire UCD-CiU : l’institutionnalisation d’une pratique informelle ? L’usage du consensus fut maintenu pour l’adoption des Statuts d’Autonomie Catalan et Basque, mais la détérioration du leadership de Suarez au sein de l’UCD renforça le rôle du Parlement, d’autant que la fin de l’étape constituante rendait la mise en place de majorités spéciales difficile (ce que la motion de censure de Mai 1980 ne faisait que confirmer) 209. Les membres de l’aile conservatrice au sein de l’UCD tentèrent de repousser la stratégie de consensus de Suarez afin de permettre une politique partisane compétitive : leur position au sein du parti ne leur permettait pas d’en prendre le leadership ce qui les conduisit à tenter un rapprochement parlementaire avec le PP(/AP) , stratégie de majorité naturelle auquel Suarez résista210, ce qui fit converger les objectifs du PSOE et des conservateurs demandeurs de plus de compétitivité partisane et trouva son expression la plus évidente dans la motion de censure PSOE de Mai 1980211. Le CiU lui, se positionnait comme un acteur stratégique qui en échange d’un appui externe lui permit d’obtenir des concessions de l’UCD 212. C’est au début de l’autonome 1980 que l’UCD se rapprocha du CiU et réalisa l’entente sous la forme de pactes législatifs de soutien – sans pour autant entrer dans le gouvernement - en échange d’une promesse sans réserve de transfert de compétences : ce fut le démarrage de l’Estado Autonomico qui allait se développer sans principaux partis
213
véritable préméditation et sans réelle
214
compréhension de la route à suivre, donnant lieu à un exercice d’improvisation par les et une forte path-dependency dans sa mise en œuvre . La décentralisation qui fut réalisée sous forme de relations bilatérales mit une certaine pression depuis la périphérie sur l’UCD et le PSOE qui souhaitaient ralentir un processus qui semblait leur échapper, les menant à sceller un pacte secret pour ralentir la machine Organique d’Harmonisation du Processus Autonomique
216 215
. La Loi
(LOAPA) fut la tentative de
209
Jonathan HOPKIN (2005). ‘From consensus to competition: the changing nature of democracy in the Spanish transition’. pp6-27 (Ed) Sebastian BALFOUR. ‘The Politics of contemporary Spain’. Routledge. p10 Cette coalition hypothétique de ‘Gran Derecha’ fut écartée par l’UCD en raison de cinq facteurs - s’opposant à une attitude rationnelle permettant de maximiser son potentiel électoral, à savoir : (1) l’idée principale de l’UCD qu’un parti centriste était nécessaire au sein du système partisan face aux dérives bipolaires (2) Ses suspicions envers Fraga (3) Des questions d’hétérogénéités idéologiques (4) le risque de ne pas être aux commandes de la coalition (5) L’impression de pouvoir être compétitif sans former de coalition. (Richard GUNTHER (1989) ‘Electoral Laws, Party Systems, and Elites : The Case of Spain’. The American Political Science Review. Vol 83, No 3 pp835-858. p849) 211 Jonathan HOPKIN (2005). op.cit..19 212 Juan J. LINZ & José R. MONTERO (1999) ‘The Party Systems of Spain : Old Clivages and New Challenges’. Working Paper 1999/138. 66 213 Enrique DIAZ LOPEZ (1981) ‘The state of the Autonomic Process in Spain’. Publius Vol 11 No 3/4pp193-217. p215 214 Simon TOUBEAU (2009) op.cit. p135 215 Richard GUNTHER et Johathan HOPKIN (2002) ‘Una crisis de institucionalizacion : el colapso de UCD en Espana’ pp165-207. (Eds) Jose Ramon MONTERO, Richard GUNTHER, Juan LINZ. ‘Partidos Politicos. Viejos conceptos y nuevos reto’. Trotta. p182 216 Approuvée aux Cortes le 30 juillet 1982 et déclarée partiellement inconstitutionnelle, cette Loi Organique issue d’un pacte PSOE-UCD entendait ralentir le processus d’autonomie pour les communautés.
210
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 47 rationalisation du processus, qui pour les CA à voies rapides atteignait un degré fort de RIG conflictuelles 217. 2.2 La conséquence des pactes : transferts de compétences et lois de financements Les compétences impliquaient des transferts de revenus fiscaux depuis le centre pour pouvoir les financer. Les Basques avaient posé comme condition de soutien au texte constituant le rétablissement des forts. Pour le reste, la question de la fiscalité pour les régions avait été consacrée par une série d’articles 218 liés principalement aux pouvoirs de taxations autonomes et de solidarité nationale 219. Le CiU défendit un modèle qui se révélerait utile pour organiser le processus de décentralisation mais inadéquat concernant l’autonomie politique 220. C’est un modèle inadapté et asymétrique de financement qui a été établi entre la transition et les débuts de l’Estado Autonomico, conséquence directe des domaines où le consensus servit à reporter des matières
221
impliquant que son développement initial fut un mélange de facteurs, sans
réelle tendance établie et reformulé en 1986. Dès lors, entre l’adoption de la LOFCA en 1980 par le gouvernement UCD et l’année de sa redéfinition, le modèle fonctionna sur une renégociation annuelle du modèle qui se basait sur le critère du coût effectif 222. La transition par consensus eut un effet important sur la détermination des institutions futures : quand le consensus signifiait la résolution des principales questions institutionnelles, on observerait une institutionnalisation plus rapide et plus forte de ces domaines, lorsque le consensus signifia de repousser à une prochaine échéance une question institutionnelle, son institutionnalisation restera inégale et marquée - encore aujourd’hui - par les arrangements du passé
223
. De plus certains domaines n’ont réellement commencé à s’institutionnaliser
224
qu’après le passage pacifique vers le PSOE en 1982
. Comme le montre la Figure 6 les
réformes de la question du financement seront continues, faisant que le choix de reporter la question de la décentralisation aura joué sur la définition d’un modèle de financement en constante évolution, impulsée par la Catalogne.
217
Ruth CICUENDEZ SANTAMARIA & Juan A. RAMOS GALLARIN (2006) ‘La dimension intergubernamental del sistema de financiacion autonomico’ (Ed) Lourdes LOPEZ NIETO, ‘Relaciones Intergubernamentales en la Espana Democràtica. Interdependencia, Autonomìa , conflicto y cooperaciòn’. Dykinson. p180 218 Article 157, 133.2 et 158.2 de la Constitution de 1978 219 Enrique DIAZ LOPEZ (1981) op.cit. p210 220 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002) op.cit p208 221 Bonnie N. FIELD and Kerstin HAMANN (2008). op.cit p2 222 Mathieu PETITHOMME (2009). ‘L’Etat espagnol et le financement autonomique. Le dilemne de la conciliation entre autonomie régionale et solidarité nationale dans un contexte de fédéralisation asymétrique (1980-2009’). Fédéralisme-Regionalisme. Vol 9 No 2. p6 223 Bonnie N Field, Kierstin HAMANN (2008) op.cit. p7 224 ibid Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 48 -
Chapitre 3 Les pactes de soutien de gouvernements minoritaires (1993 et 1996) 225
Lorsqu’un seul parti n’arrive pas à la majorité, les partis minoritaires disposent d’un veto conditionnel sur la politique et il en résulte généralement qu’un accord de gouvernement suscitera automatiquement des négociations et des compromis faisant que l’issue adoptée ne sera jamais équivalente à une loi qu’un parti seul aurait adoptée 226. Qu’un gouvernement central minoritaire bénéficie d’un appui parlementaire s’impose comme une règle courante au sein des démocraties européennes. Comme l’a exprimé Strom (1990), il n’y pas d’anomalie à ce qu’une formation gouvernementale reste minoritaire et de préférence sans former de coalition pour des questions de rentabilité à long terme en matière de coût électoral
227
. Le caractère singulier de ce type d’alliances se trouve ici dans la dimension
territoriale : l’opinion publique espagnole considérait que le CiU n’agissait qu’en défense d’intérêts territoriaux à l’inverse de partis nationaux comme le PP et PSOE, qui eux agissaient pour l’ensemble de la communauté
228
. Cette critique illustre de quelle manière la capacité
politique d’une région peut s’exprimer de façon différentielle au sein d’un système : lui permettant non seulement de bénéficier d’une représentation au sein des institutions nationales, mais aussi d’influencer en sa faveur les issues qui allaient y être décidées. D’après Heller (2004) le fait que, autant le PSOE que le PP, se tourneront vers des partis nationalistes impliquait qu’ils pourraient échanger le soutien des partis régionalistes et les objectifs contre la concrétisation de politiques nationales
229
. Cette stratégie d’échange impliquait une
maximalisation par les partis nationaux de mesures axées sur le clivage gauche/droite supportées en échange par des concessions sur les demandes périphériques, mais serait en revanche une entreprise risquée en terme de coût électoral pour le CiU en perte de vitesse sur le terrain autonomique et national. Ce principe est illustré entre 1993 et 2000 (section 2 et 3).
225
Les pactes de soutien s’appuieront aussi sur les sièges d’autres formations régionalistes comme le PNV ou la Coalition Canaris – ceci étant précisé, nous ne ferons plus référence à leur participation. 226 William B. HELLER (2002). ‘Regional parties and national politics in Europe. Spain estado de las autonomias, 1993 to 2000’ ‘Comparative Political Studies, Vol 35 No 6 pp657-685. 661 227 Kaare STROM (1990) op.cit. p38 228 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2001). Los socialistas ante los pactos de gobernabilidad de 1993 y 1996. Revista de Estudios Politicos. N° 1. pp9-43. Enero-Marzo. p25 229 William B. HELLER (2002) op.cit. 679 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 49 Section 1 - Les années de gouvernements majoritaires PSOE (1982-1993) : les années d'influence faible ? Les élections de 1982 produisirent ce qui fut probablement le plus haut degré de volatilité électorale de l’histoire européenne, marquant un réalignement électoral en faveur du PSOE auquel seuls les nationalistes Catalans et Basques ont survécu revendications des partis nationalistes
231 230
. Cette période marqua le
début d'un système à parti dominant permettant au PSOE d'écarter de l'agenda politique les . Elle se caractérisa par une absence de contraintes
232
dans les choix politiques ce qui lui permit d'entreprendre une vaste réforme de l'économie basée sur une augmentation à long terme de la compétitivité . La négociation de l’action publique pour la Catalogne supposait de manœuvrer avec un PSOE d’une part, sensible aux disparités économiques touchant les régions les plus faibles mais de l’autre, favorable au processus de décentralisation. En 1985, la Generalitat avait proposé une réforme qui ouvrirait la voie sur un autre modèle, basé sur un indicateur socio-économique, qui resta quasi identique pour l’ensemble des Communautés autonomes à l’exception de la Catalogne, qui bénéficia (légèrement plus) du nouveau système manière croissante à s’appuyer sur le CiU 234.
233
. C’est principalement suite à la baisse de
support électoral aux élections de 1986 (marginalement) et 1989 que le PSOE commença de
Section 2 – La déroute socialiste (1993-1996) 2.1 Les résultats électoraux : Au vu du climat de la Campagne électorale générale de 1993 aucun parti ne paraissait en mesure d'obtenir une majorité absolue aux Cortes ce qui incita le CiU à réaffirmer sa vocation à conclure des pactes - mais dans la mesure où son appui permettrait d'introduire des changements en profondeur 235. La figure 6 présente la répartition des sièges au Congrès : les deux principales formations nationales PSOE et PP occupaient les deux pôles du système au milieu duquel s’inséraient les deux traditionnelles formations de taille moyennes le CiU et
230 231
Juan J. LINZ & José R. MONTERO (1999) op.cit. p15. Simon TOUBEAU (2009). op.cit. p134 232 L'UCD qui venait de s'effondrer avait opté pour une option économique fondamentalement différente basée sur un postulat Keynesien de stimulation de la demande pour contrer à court terme les effets de la récession auxquels s'ajoutait un ensemble d'accords avec les groupes d'intérêt dominants pour réduire le taux d'inflation. (Richard GUNTHER, José Ramòn MONTERO, Juan BOTELLA. Democracy in Modern Spain. Yale University (2004). p354) 233 Mathieu PETITHOMME (2009). ‘L’Etat espagnol et le financement autonomique. Le dilemme de la conciliation entre autonomie régionale et solidarité nationale dans un contexte de fédéralisation asymétrique (1980-2009’). Fédéralisme-Regionalisme. Vol 9 No 2. p6 234 Juan J. LINZ & José R. MONTERO (1999) op.cit. p69 235 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT.(2002) op.cit. p79 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 50 Izquierda Unida (IU) qui emportèrent 17 et 18 sièges. Le PSOE enregistra une baisse électorale de 9,1% et en passant de 175 sièges en 1989 contre 159 il perdit sa majorité, l’obligeant à choisir un partenaire pour gouverner (2.2). 2.2 Le gouvernement national minoritaire appuyé aux Cortes par un parti régionaliste : Suite aux résultats, le PSOE dû choisir une alliance pour pouvoir gouverner : le choix rationnel fut de privilégier la ligne entamée par Maastricht, poursuivre la politique de privatisation et de rigueur budgétaire pour lesquelles le CiU se profilait comme le meilleur partenaire face à Izquierda Unida
236
. La stabilité politique semblait indispensable pour
surmonter les défis du moment marqués par la crise économique et la convergence européenne, permettant au parti régionaliste de faire valoir son soutien au PSOE comme doublement congruent - car cohérent avec sa tradition politique de pacte de soutien et utile, en raison de l’aide que le pays était en mesure d'espérer
237
. En outre, le choix rationnel qui
guidait J. Pujol fut marqué par la réalisation de ses objectifs économiques, sociaux et autonomiques : la condition posée d’obtenir une cession de 15% sur l’impôt des personnes physiques permettait à la Catalogne de valoriser son effort fiscal et le PSOE était davantage en mesure de concrétiser ses objectifs (d'autant que le PP n'était pas en position d'assumer un titre de leader d'un gouvernement)
238
. Malgré la volonté de Gonzàlez d'incorporer le CiU à
son nouveau cabinet pour renforcer la coresponsabilité dérivant de l'accord, la coalition resta strictement Parlementaire, permettant aux nationalistes de préserver une plus grande marge de manœuvres et de séparer la politique catalane de la politique nationale dans laquelle il ne souhaitait pas trop s'impliquer 239. Le CiU pouvait mettre la pression au PSOE en retirant son soutien à tout moment, de plus il échappait au contrôle de l’assemblée. Un appui externe était plus adapté aux changements de circonstances et en plus permettait d'essuyer d'éventuelles critiques concernant la participation d'un parti nationaliste au gouvernement central
240
.
Inévitablement, un gouvernement de coalition aurait davantage été profitable au PSOE, même si en substance, le CiU aurait aussi bénéficié de pouvoirs plus étendus mais plus précaires : entre le risque de perdre des voix aux élections générales et aux élections autonomiques catalanes, Pujol privilégia les intérêts régionaux241. Le CiU insatisfait du bilan général, força
236 237 238
William B. HELLER (2002). ‘op.cit. 673 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002). op.cit p80 ibid p81 239 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2001). op.cit p11 240 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002).op.cit p81 241 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2001).op.cit p14 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 51 le PSOE à dissoudre l’Assemblée en 1996, convaincu que de meilleurs résultats pourraient se présenter dans le futur 242. 2.3 Le transfert d’alliance vers le niveau autonomique et les résultats au sein des autres communautés Au niveau autonomique, l'appui exercé aux Cortes par le CiU se concrétisa en échange par une complicité des socialistes catalans au Parlement, notamment à travers leur abstention lors du vote d'investiture de Pujol en 1995 243. Les objectifs nationaux du CiU étaient conditionnés par la nécessité de maintenir son statut politique en baisse de 14% dans la Région (la législature initiée en 1995 marqua le retour d'un gouvernement minoritaire après plus de dix ans de majorité absolue en passant de 70 sièges à 60)
244
. D'autre part, durant le Congrès
d'octobre 1992 du CDC une crise éclata : Miquel Roca incarnant l’aile sociale-démocrate du parti se plaça en faveur d'un interventionnisme direct dans la politique nationale - héritage du nationalisme catalan connu sous la deuxième République - face à Pujol qui défendait davantage une philosophie de mouvement politique que de parti politique, voulant garder la liberté de décider ses alliances 245 et d'influencer avant de décider 246. 2.4 Les bénéfices en matière de financement et la mesure de l’influence Au niveau de la voie sub-étatique, le 7 Octobre 1993, le Conseil de Politique Fiscale et Financière procéda au vote : c’est un accord franc qui ressortira de la réunion, dont l’Andalousie avait subordonné le règlement du financement de ses compétences en matière de santé et où les trois C.A positionnées à droite, la Galice, la Castille et Léone et les Baléares hésitaient encore entre les deux consignes de votes données par le PP à Madrid, le non ou l’abstention 247. Si il y a en effet une influence forte de la Catalogne, elle ne la devra pas à une capacité différentielle face aux autres Communautés, (la thèse du 1 contre 14 semble peu crédible) mais à son influence au sein des institutions Madrilènes. En effet, le Conseil n’est d’après Aja (1999) qu’une simple caisse de résonance de la majorité politique des Communautés
248
. L’exemple de la Galice, bastion du PP, votant contre une cession de 15%
de IRPF en 1993 pour ensuite voter favorablement à son augmentation de 100% en 1996 sous
242 243
William B. HELLER (2002). op.cit p674 Jordi MATAS DALMASES & Josep M. RENIU VILAMALA (2003). 'La polìtica de las coaliciones en Catalunia'. Revista Espanola de Ciencia Polìtica. Num 9 : pp83-112. p107. 244 ibid. p107. 245 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET (1998). op.cit p75. 246 Jordi MATAS DALMASES & Josep M. RENIU VILAMALA (2003). op.cit p108. 247 La Vanguardia 7/10/1993. ‘Gonzalez y Pujol sentaron las bases del acuerdo sobre la cession del IRPF’ p14. 248 Eliseo AJA (1999) op.cit. p226. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 52 l’ère du PP, démontre à suffisance la reproduction mécanique des positions partisanes au sein de l’institution 249. Un contre exemple atteste tout de même de la nature ambiguë des intérêts des communautés dans la mesure où pour le plan suivant, la Navarre, l’Aragon et les Asturies, toutes socialistes ont voté favorablement pour le plan du Parti Populaire d’un passage à une cession de 30 % de l’impôt sur les personnes physiques
250
. C’est dès lors le caractère
controversé de cette seconde voie d’influence Catalane qui nous permet de douter de son impact réel et de déporter notre attention sur les institutions nationales. En effet, la plupart des décisions du CPFF sont des compromis concertés entre le parti au gouvernement et les leaders des communautés nationalistes ; ces compromis sont ensuite transférés vers le CPFF afin de transformer la logique de négociation exclusivement bilatérale en une logique multilatérale de consensus entre les communautés 251. Dès lors, si la Catalogne semble emprunter la voie subnationale, c’est de manière symbolique puisque c’est au Centre que se trouvent les commandes. Notre idée de départ, d’un assemblage entre un niveau sub-étatique fortement institutionnalisé et des relations informelles menées au Centre, semble se vider de toute substance. Les accords du CPFF ne répondent qu’à une seule logique interne : les critères politiques du parti au gouvernement et dans les Communautés, mais ne traduira en aucune manière l’intérêt particulier des Autonomies 252. Dans un système où les Communautés n’ont pas accès à la création de normes et donc où les Communautés ne veillent qu’à la défense de leurs intérêts, la co-ordination de l’Etat est réglée par les partis politiques, qui incarnent dès lors le contre-poids centralisateur
253
. Comprendre l’influence de la Catalogne entre 1993 et
1996 implique de comprendre le changement de logique partisane au sein du PSOE et expliquer une telle concession aux nationalistes. La concession socialiste impliquait deux remarques : d’une part, l’initiative d’introduire une plus grande co-responsabilité fiscale avait déjà été discutée au sein du parti mais abandonnée dans la foulée de Maastricht, d’autre part, la résurrection d’une tradition fédéraliste au sein du parti semblait expliquer cette concession254. C’est donc à travers la nécessité de devoir composer avec les nationalistes que le PSOE modifia sa stratégie autonomique
255
. C’est à partir du 33ème Congrès Fédéral
(1994) du PSOE que l’aile guerrista perdra son influence dans l’exécutif du Parti, permettant au gouvernement d’aller vers une politique de décentralisation (bien qu’une opposition interne perdurait) et de faire approuver dès 1993 par J. Saavedra, nouveau ministre de
249 250
ibid. p227 Jorge P. GORDIN (2004) The Institutional Determinants of Fiscal Decentralization : Argentina and Spain in Comparative Perspective. VII Congreso Espanol de Ciencia Politica y de la Administracion : Democracia y Buen Gobierno. p9. 251 Ruth SANTAMARIA, Juan A. GALLARIN. (2006) op.cit p184 252 ibid p185 253 Ute WACHENDORFER-SCHMIDT (2000) op.cit p13 254 Simon TOUBEAU (2010) ‘The Accommodation of Nationalism : Regional Nationalist Parties and Territorial Restructuring in Great Britain, Spain and Belgium’. European University Institute. p188 et 189 255 Alfredo GONZALEZ GOMEZ, Lourdes LOPEZ NIETO (2006) op.cit p84 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 53 l’Administration Publique le plan pour 1994-1997 incluant le principe de co-responsablité fiscale256. Au delà de la LOFCA, l’influence du CiU sur l’agenda politique national se traduisit pour cette législature par le règlement d’un certain nombre d’issues concédées par le PSOE : un nouveau système de financement de la santé, une autorité sur les fonds européens concernant des matières sous leur juridiction et une force de police régionale
257
. Si ce cas
accuse le système institutionnel de l’Estado de las Autonomias de n’être entièrement dominé que par le parti au gouvernement, il atteste aussi de la nature particulière du CiU - assertive autonmist parties pris entre deux chaises – dont les choix, en tant qu’institution par essence territoriale, seront rationnellement guidés par la sauvegarde de son assise régionale, seul lieu de pouvoir légitime. Section 3 – Le baptême du feu populaire (1996-2000) 3.1 Les résultats électoraux : Les élections générales anticipées du 3 mars 1996 furent celles de l’alternance. Le PP enregistra un bond de 11% et se positionnait à présent – et pour la première fois - comme la principale force politique. Ses 157 sièges n’étaient pas suffisants pour atteindre la majorité faisant d’un pacte de stabilité gouvernementale une option inévitable. Le CiU continuait à baisser en perdant un siège de plus pour la deuxième fois consécutive, atteignant 16 sièges seulement (figure 6). Dès que les résultats tombèrent , le réseau entrepreunarial se mit en marche et tenta de convaincre Pujol de rentrer en scène pour assurer la gouvernance du pays258. Le pacte sera conclu entre les deux délégations au mois d’avril à Barcelone à l’Hotel Majestic, lieu hautement symbolique pour le CiU, puisqu’il y célèbre habituellement ses victoires électorales259. 3.2 Le Pacte formel et public entre Aznar et Pujol : l’économie et l’autonomie Contrairement à la période précédente le PP choisit de signer un accord de gouvernement formel et public (et non négocié en privé) en choisissant de s’allier aux trois formations nationalistes : le CiU, le PNV et la Coalition Canaries (CC)260. Aznar, le leader réformateur du PP, avait défini avant les élections que les nationalismes en Espagne constituaient un chantage et qu'un parti national ne pourrait en aucune manière trouver en eux un allié
256 257
ibid William B. HELLER (2002). op.cit . 673 258 Felix MARTINEZ & Jordi OLIVERES (2005) ‘Jordi Pujol. En nombre de Cataluna’ Arena Abierta. p391 259 ibid 260 Richard GUNTHER, José R. MONTERO, Joan BOTELLA (2004).op.cit p366 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 54 politique
261
. Il fut le premier chef de gouvernement national à avoir précédemment occupé
une place de président au sein d’une C.A, ce qui en terme sociologique marquait sa singularité par rapport au développement de l’Estado Autonomico d’autant que son expérience et son influence sur le thème de l’autonomie étaient elles-même issues de la fonction qu’il occupa dès les années 80 au sein du parti en tant que responsable national de la question autonomique262. Chez les nationalistes le résultat des élections générales de 1996 fut analysé comme l'expression sociale de changement politique à travers l'alternance et délibérément insuffisante pour encourager une politique de pactes, s'auto attribuant un mandat social qui le destinait à recentrer la vie politique espagnole et éviter les attitudes revanchardes dues à sa position modulatrice
263
. La politique économique du PP au niveau national visait à se
conformer aux standards du Fonds de Coopération Monétaire Européen pour permettre l'entrée de l'Espagne dans la zone euro. Si l'influence du CiU s'affichait de manière croissante, il perdait en gouvernabilité dans l'espace régional. Pujol était en réalité pieds et mains liés, la situation de majorité relative au parlement catalan depuis 1995 le laissait à la merci du PP 264. D'une part, le vote d'investiture au Parlement Catalan ne sera possible qu'au soutien des 12 députés Populaires
265
. De l'autre, l'ERC avait choisi - entre une coalition nationaliste pour
266
balancer la victoire prochaine du PP aux élections générales et une alliance entre forces d'oppositions - de désormais opérer un contrôle sur le gouvernement CiU à chaque législature un peu plus d'influence sur le gouvernement central. 3.3 Le gain en matière de financement Dans son programme destiné au PP et souscrit dans le pacte, le CiU demanda : une cession de 30% de l’IRPF - voire extensible jusqu’à 40% - pour les Communautés ordinaires, 15% de participation de la taxe sur la valeur ajoutée (IVA) et les impôts spéciaux (essence, tabac, alcool), une capacité normative en matière de taxations, auxquels s’ajoutait un ensemble considérable de mesures favorables à la Catalogne rendues publiques lors du discours d’Investiture et de Gouvernabilité aux Cortes
267
. Malgré cette
baisse de régime, la période permit un gain considérable en matière de financement, exerçant
. A l’inverse de son discours avant les
élections de 1996, le PP accepta les conditions posées par le CiU en matière de financement faisant augmenter de 100% la part cédée de l’IRPF (qui passa de 15 à 30%) et la gestion de l’IVA pour les communautés autonomes à mesure de 30%, mais surtout permettant
261 262
La vanguardia (1996) ‘En efecto, la llave’ 6/3/96, p19 Mercedes ALDA FERNANDEZ & Lourdes LOPEZ NIETO (2006) op.cit p39 263 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT. Partidos (2002). op.cit p85 264 Felix MARTINEZ & Jordi OLIVERES (2005). op.cit p393 265 Jordi MATAS DALMASES & Josep M. RENIU VILAMALA (2003). op.cit p108. 266 Juan MARCET and Jordi ARGELAGUET. (1998). op.cit p82 267 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002). op.cit p87 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 55 aux CA de pouvoir légiférer en matière fiscale. Pujol déclarera à ce sujet qu ‘une avancée importante [de cette législature] se trouve dans le changement d’attitude du PP, autrefois hostile au modèle politique (…) autonomes 269. Au niveau sub-étatique, le vote favorable du CPFF ne fut approuvé pour la réforme de 1996 que parce que sa majorité correspondait aux partis au pouvoir PP et CiU
270 268
. L’opposition commenta immédiatement les accords
comme destinés à favoriser la Catalogne et augmentant les inégalités entre les communautés
. De manière
comparable à 1993, le sentiment qu’un organe de réunion au niveau des C.A puisse contrebalancer ou influencer le Centre semble hors propos. L’influence au Centre de la Catalogne et son gain incomparable traduisent deux phénomènes : un assouplissement du discours du PP envers les nationalistes et une capacité du CiU d’enregistrer une influence encore inégalée en validant ses objectifs de financement contenus dans le pacte d’investiture. En outre, si la position du PP semblait s'atténuer face aux nationalistes, la forme rigide du pacte traduisit dès le départ son pragmatisme et l'intention d'aller au bout des accords d'investiture, en somme dès sa victoire relative de 1996, le PP avait modifié son discours, avant de retourner sa veste sur la question de l’autodétermination.
Chapitre 4 Une influence encore (plus) inégalée ?
L’enthousiasme lié à la nouvelle formule de financement et de souveraineté fiscale retomba assez rapidement, relançant le CiU dans la voie d’une nouvelle proposition de pacte fiscal destiné à réduire les ‘discriminations’ dont il était l’objet
271
. Ceci conduira à la réforme de
2001. La valeur de cette réforme (contrairement aux deux précédemment étudiées) n'est pas à chercher mécaniquement dans une augmentation statistique (i.e de 1993 à 1996 l’IRPF doublait, ici il augmente de 3%). Sa valeur tient davantage dans la variable partisane en détournant la logique qu'une réforme d'envergure ne pouvait être menée qu'en temps de vaches maigres - lorsque les partis nationaux sont en position de faiblesse aux Cortes.
268 269
La Vanguardia 6/4/1997 ‘Entrevista a Jordi Pujol, José Antich. p16 Mathieu PETITHOMME (2009). ‘L’Etat espagnol et le financement autonomique. Le dilemme de la conciliation entre autonomie régionale et solidarité nationale dans un contexte de fédéralisation asymétrique (1980-2009’). Fédéralisme-Regionalisme. Vol 9 No 2. p12 270 Eliseo AJA (1997) op.cit p223 271 Cesàreo R. AGUILERA DE PRAT (2002). op.cit p208 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 56 Section 1 - L'envol électoral du Parti Populaire Aux élections générales du 12 mars 2000 le Parti Populaire augmenta son score de 16,5% en passant de 157 sièges à 183 (figure 6). Pour sa deuxième législature consécutive le PP obtint la majorité absolue tant convoitée aux Cortes et modifiant l'espace partisan. Les résultats firent apparaître que la fragmentation déjà très modérée du système partisan espagnol avait atteint un des niveaux les plus bas depuis la transition 272. De plus, le niveau de compétitivité était réduit à un seuil comparable à la décennie pendant laquelle la prééminence socialiste n’avait pas encore été menacée par une alternative réelle
273
. En raison de l’obtention d’une
274
majorité absolue aux élections le PP pouvait gouverner seul, le CiU réitéra son appui parlementaire bien que formellement le PP n’en avait pas besoin . Les quatre années de
275
majorité absolue du PP ont été perçues comme relativement centralisatrices ce qui stimulait la demande de plus de garanties relatives aux pouvoirs autonomiques termes programmatiques du centre vers la droite changement des priorités politiques
277 276
. Avec cette assise
électorale, le nouveau gouvernement fut en mesure de déplacer son centre de gravité en . De plus, elle se caractérisa par un . A partir de 2002 le PP cessa toute concession au
CiU278. Sur la question de l'autodétermination, l'appel de Janvier 2002 pour son XIVème congrès à un patriotisme constitutionnel marqua à la fois un moment d'intenses discussions sur la souveraineté et les compétences, son rappel de l'hégémonie de l'Etat et le concept d'Espagne unitaire qu'il sous tend, mais aussi le rejet d'une nouvelle dévolution ou de renégociations des statuts comme le demandait le CiU
279
. Si la question de
l’autodétermination et de la renégociation des statuts s’opposait frontalement à la doctrine du PP, celle du financement relevait davantage de la gestion publique des autonomies. Selon Aznar l’opportunité d’un nouvel accord tenait dans sa dimension solidaire : au contraire du plan précédent il n’aggravera pas la situation entre les différentes Communautés, sans perdants, ni gagnants (cit : La Vanguardia, 26/03/2001 ‘El debate sobre los recursos autonomicos’ p13). Sur le plan sociologique, lorsque des rapports sociaux s'institutionnalisent il en découle une plus grande stabilité et prévisibilité des négociations dans la mesure où les négociateurs,
272
Pablo ONATE RUBALCABA et Francisco A. OCANA LARA (2000). ‘Elecciones de 2000 y sistemas de partidos en Espana: Cuanto cambio electoral ? Revista de Estudios Politicos. Num 110 Noviembre-Diciembre. p324 273 ibid 274 Mercedes ALDA FERNANDEZ & Lourdes LOPEZ NIETO (2006).op.cit p63 275 Michael KEATING and Alex WILSON (2009). Renogotiating the State of Autonomies : Statute Reform and Multi-level Politics in Spain. West European Politics, 32: 3. p541. 276 Sbastien BALFOUR (2005). op.cit p157. 277 Richard GUNTHER, Jodé Ramòn MONTERO, Joan BOTELLA (2004). op.cit p350 278 La Vanguardia (2004) ‘Entrevista – Jordi Pujol’ p21. 24/9/2004 279 Sbastien BALFOUR (2005). op.cit p158-159. Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 57 restent les mêmes sur une longue période et où les questions traitées demeurent pendantes 280. Une fermeture du dossier du financement irait contre ce principe de stabilité, d’autant que le PSOE relégué dans l’opposition fustigeait la tournure qu’avaient prises les négociations. La période freinait la demande nationaliste dans la mesure où le CiU - minoritaire au Parlement catalan - devait compter sur l’appui populaire pour gouverner 281. Pourtant, c’est une gestion habile de sa minorité qui fut décisive sur sa stratégie nationale : d’une part, c'est à partir du niveau autonomique - quid où il était minoritaire - que pour la première fois le CiU pu influencer le Centre, de l’autre, plus globalement, ceci témoignait de l’essor de multilevels strategies au sein du système partisan. Dans les faits, le CiU se trouvait en position d'instabilité au Parlement et opta pour un pacte d’appui avec le PP : Pujol justifia cette alliance dans la mesure où le PP ne demanda presque rien en contrepartie 282. En revanche, le CiU conditionnait cet appui à un gain en matière de financement. Artur Màs témoigna à Aznar sa volonté de gouverner de manière sereine jusqu’en 2003
283
. Mas dépourvu en
principe de moyens de pressions sur le PP fit valoir que l’instabilité qui régnait en Catalogne était directement profitable aux socialistes et à Maragall, le leader du PSC, conditionnant un pacte de soutien à la réforme de la LOFCA (Pais). Par la suite, le CiU se distança du PP quelques mois avant les élections de 2003 pour éviter une punition de vote. Le fait d’avoir été l’allié du PP en Catalogne aura eu un coût électoral en 2003 (1990) dans son ouvrage. Section 2 : une influence catalane encore inégalée ? La réforme fit perdurer la croissance du niveau d’autonomie de la Catalogne. La gestion passait à présent de 30 à 33% de l’IRPF, l’IVA de 30 à 35% et 40% sur les impôts spéciaux (figure 6). Elle impliqua un nouveau système de financement qui contrairement à celles qui l'ont précédée, avait vocation à devenir permanente. Premièrement, cet objectif parut dès le départ irréalisable dans la mesure où la forme de calcul des ressources financières versées à chaque CA et les variables utilisées pour ce calcul allaient à l'encontre d'un blocage du système
285 284
, ce que théorisait Strom
. Deuxièmement, la réforme de 2001 se traduisit par l’adoption de la loi 22/2001
du 27 décembre qui fut promulguée pour reprendre les recommandations du CPFF sur le FCI
280 281
Reynald BOURQUE et Christian THUDEROZ (2002) Sociologie de la négociation. La découverte. p68. Mercedes ALDA FERNANDEZ & Lourdes LOPEZ NIETO (2006) op.cit p63 282 La Vanguardia 6/7/2001 'Pujol justifica su colaboración con el PP en que los populares exigen muy poco a cambio' p12. 283 El Pais (2001).Josep Garriga 22/5/2001 ‘El CiU busca pacto de estabilidad’. (www.elpais.com) 284 Andrew DOWLING (2005) ‘Catalonia and the new Catalanism’. (Ed) Sebastian Balfour. The politics of contemporary Spain. Routledge.p116 285 Ignacio ZUBIRI ORIA (2010). op.cit p282 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 58 (fondo de compensacion interterritoria)
286
. L’épilogue de la réforme se traduisit par un
ensemble de tensions venant du PSOE, sans réelles incidences sur les lois destinées à développer les accords et adoptées avec les votes répartis entre le PP, CiU et CC (notons que la règle de majorités spéciales de 2/3 n’est pas applicable pour le vote de Lois Organiques aux Cortes) 287. D’après Pujol, l’attitude du CiU, pour ce pacte de financement, qui sera considéré comme le meilleur depuis 20 ans aura été plus passive qu’active
288
. Au niveau du CPFF,
l’accord survenu en 2001 avait été refusé précédemment par les régions sous contrôle socialiste - sous le critère qu’il augmenterait les inégalités économiques – et adopté ensuite par large consensus résultant de la sécurité d’un PP ayant une majorité absolue 289. Pour conclure, l’épilogue de ce cercle vertueux de réformes aura permis aux régionalistes de réaliser un coup double : en sécurisant sa gouvernabilité au Parlement catalan, le noyau dur de sa capacité politique régionale, le CiU était parvenu à étendre un peu plus celle-ci, réalisant la performance irréelle de ne plus conditionner son influence vis-à-vis du gouvernement à la menace planante d’un veto.
CONCLUSION L’influence de la Catalogne au sein des institutions nationales est-elle indissociable des législatures minoritaires des partis nationaux aux Cortes ? Une lecture de la réforme de 2001 mit à posteriori en évidence que les pactes de 1993 et 1996 avaient dégagé une nouvelle pratique politique : les coalitions formées sur plusieurs niveaux entre des partis nationaux et régionalistes. De cette nouvelle pratique, le CiU, en opérant une gestion habile de sa minorité, réussit à faire levier sur le niveau supérieur en inversant les rôles, se jouant du paradoxe qu’il était lui-même demandeur de stabilité gouvernementale - falsifiant ainsi notre hypothèse. Pourtant, si en effet il y a eu une influence des régionalistes en période de Cortes majoritaires, celle-ci doit être relativisée dans la mesure où le CiU ne disposait pas de veto sur les politiques du PP. En effet, rien n’obligeait Aznar à se plier aux exigences d’une réforme - à l’exception de ses propres convictions partisanes. Ce sera un point qui ressortira de cette recherche : au sein du système institutionnel espagnol, l’influence de la Catalogne dépendra
286
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- 59 toujours de trois aléas, ses résultats électoraux, le parti majoritaire aux Cortes et l’obtention par ce parti d’une majorité suffisante à gouverner seul ou non. Nous avions imaginé deux routes expliquant son l’influence, la capacité politique et le positionnement idéologique du parti régionaliste dominant le consensus régional sur le clivage centre/périphérie et gauche/droite. L’une expliquait comment en dehors de mécanismes de représentation territoriale la Communauté autonome parvenait à intégrer le niveau national. L’autre répondait à la nature particulière des relations intergouvernementales organisées exclusivement à travers le canal partisan. Elles ont mis en évidence que l’influence était toujours conditionnée à une logique institutionnaliste formelle (majorité ou non), et qu’en conséquence le système s’était organisé sur des pratiques informelles. Sur le plan analytique ceci nous permettait de dégager une constante au sein de l’influence catalane : elle s’organisait sous une forme réaliste - basée sur la maximalisation de ses gains en contrepartie de sa puissance électorale - et jamais sous la forme d’une convergence idéologique. La rationalité de son action sera donc de constamment solliciter un gouvernement contraint d’accepter pour ensuite faire planer l’ombre d’un veto. Le pacte de soutien à la Generalitat suivra aussi cette logique, permettant au PP de participer à l’action publique sans renforcer sa position au sein de la région et jouant un rôle de canal vers le centre. Il est intéressant de constater qu’au sein des modèles d’influences que nous avions dégagés, si l’environnement partisan et institutionnel subit des variations, l’approche régionaliste restera la même et profitera constamment de sa légitimité bien qu’elle prône l’autodétermination. Lors de la transition, c’est un univers multilatéral qui domine les négociations. Comme l’a souligné J. Colomer (1995 ; 1999 ; 2000) qui analysa la période constitutionnelle à travers la théorie du jeu, son influence fut attribuée aux voix qu’elle pouvait offrir, mais aussi aux enjeux auxquels elle pouvait renoncer stratégiquement. Le passage à une compétitivité bipartisane lui permettra d’enregistrer des gains avec les socialistes sans contrepartie grâce à sa position pivot. La période avec le PP sera le sommet de son influence mais se payera aux élections. Afin de clore cette recherche nous devons souligner que parfois certains biais perceptifs s’immiscent entre la réalité des faits empiriques et la perception que nous en avons. Ce fut le cas des pouvoirs du Conseil de Politique Fiscale et Financière. Notre vision du fait régional, construite après des années de vie à Bruxelles et à Barcelone, impliquait que dans notre représentation, un organe réunissant les Communautés et où s’affrontaient les dynamiques et les intérêts régionaux, ne pouvait être qu’une pierre angulaire du système institutionnel. Le
Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
- 60 CPFF, si on lui reconnaît certains pouvoirs, n’est en fait que l’écho des partis au pouvoir à Madrid et sans réelle influence pour la plupart des communautés. Pour terminer, Paul Pierson (2000) définit ‘la politique comme un monde où le pouvoir compte, permettant grâce au pouvoir de bloquer le cours dans une direction’
290
et il
semblerait que la Catalogne, au gré des conjonctures, soit parvenue à tenir la direction. *** Appendix Elections générales VIII et IX de 2004 et 2008 et la nouvelle réforme de 2009 de la LOFCA En 2004, suite à une erreur de communication en réponse aux attentats de Madrid, le PP, pourtant parti favori laissa sa place au PSOE. Avec le PSOE au pouvoir, la période couvrant la VIII législature empêcha le CiU pour la première fois depuis la transition d’exercer de l’influence tant au niveau Autonomique que National
291
. Alors que les réformes précédentes
avaient reposé sur des pactes et des négociations menées depuis les arrières bases autonomiques, la logique se modifia et se compliqua. Une division émergea dans le centre et dans la périphérie, les partis nationaux et régionalistes s'étaient tournés vers des ‘multi-level strategies’ : le PP et le PSOE entraient dans une crise d'opposition profonde pendant que des tensions naissaient au sein de leurs branches régionales, dirigées contre le leadership national et entre les structures régionales et qu'en Catalogne le CiU et l'ERC s'affrontaient dans la course au crédit pour plus de réformes autonomiques
292
. Ces conflits, en s'additionnant, ont
affecté le processus de négociation, le contenu des réformes et la stabilité des coalitions s'entrecroisant sur les différents niveaux 293. La réforme de 2009 de la LOFCA augmenta les ressources prélevées par les C.A allant jusqu’à 50 % de l’IRPF et de l’IVA294, vers un modèle continu de réformes.
290
Paul PERSON (2000). ‘Increasing Returns, Path Dependency, and the Study of Politics. The American Political Sciences Review. Vol 94 No 2. p259 291 Andrew DOWLING (2005) op.cit p118. 292 Michael KEATING and Alex WILSON (2009) op.cit p542 293 ibid p542 294 Juan Emilio IRANZO (2010) ‘Effectos de la Financiacion Autonomica sobre la planificacion economica general, en el marco de la crisis economica’.pp85-95 . (Ed) Francesc Pau i Vall. La financiaciòn autonònomica. XVI Jornadas de la Asociaciòn Espanola de Letrados de Parlamentos. Tecnos. p94 Rovito Anthony (2011). L'influence des entités régionales dans le processus politique national : étude du cas catalan. Université Libre de Bruxelles
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