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Management

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Submitted By Yannbertier
Words 9372
Pages 38
Le pouvoir du rire pour les managers

Mémoire présenté par le groupe
Marie Pietruszka
François Puigsarbé
Gaëtan Raffi
Hamza Sentissi 1 Prologue 4
2 Démarche de recherche adoptée 4
2.1 Question de recherche 4
2.2 Hypothèse 5
2.3 Références théoriques 6
2.4 Enquête envisagée 14
3 Ce qui ressort de l’enquête réalisée 15
3.1 Le rire fédérateur du groupe et facteur d’intégration 15
3.1.1 La bonne ambiance au sein du groupe 15
3.1.2 La figure du chef renforcée par le rire 16
3.1.3 Le rire en temps de crise 18
3.2 Le rire : mise en danger du collectif ? 19
3.2.1 Le rire peut conduire à une déconcentration de l’équipe 19
3.2.2 Moqueur, le rire peut déstabiliser l’équipe 19
3.2.3 Le rire peut diminuer la crédibilité du chef 20
3.2.4 Le rire peut saper la créativité de l’équipe 21
3.3 Les limites au rire doivent-elles être explicites ou implicites ? 22
3.3.1 Faut-il limiter le rire ? 22
3.3.2 La distinction entre rire et humour 26
4 Bilan 28
4.1 Retour sur la question de recherche, l’hypothèse, les références théoriques et l’enquête réalisée 28
4.2 Perspectives, limites, interrogations, apports 28
Bibliographie 29
Annexes 30
Entretiens (questionnaires …) 30
Documents 30 1 Prologue
« Et on fait quoi quand on lance une grenade et qu'elle n'explose pas ? -Bah, trente minutes après, le chef de section s'avance en rampant pour la faire sauter avec d'autres explosifs. D'ailleurs, la dernière fois, au moment où le militaire s'est penché au-dessus de l'explosif, ça lui a pété à la gueule. Décapité … C'est triste mais c'est drôle » dit le chef de groupe en s'esclaffant alors que le malaise naissait en nous. Le silence d’une plaisanterie ratée est temporaire, mais les nombreuses discussions qui nous animèrent après cet événement confirmaient que cet épisode n’avait pas été anodin. Pourtant nous ne parvenions pas à cerner ce qui avait déclenché chez nous une telle réaction.
A posteriori, nous avons compris que la cohésion du groupe s'était en partie formée autour du sous-lieutenant; mais le clivage que son rire avait créé entre lui et nous avait mis en péril le groupe dans son ensemble. Ce qui pour lui n'était qu'une façon de dédramatiser le tragique de la situation nous a semblé inapproprié. Il avait franchi une ligne, jusque-là imperceptible, et cela bouleversait nos rapports. Plus encore, sa crédibilité et son autorité en étaient remises en cause. En effet, notre sous-lieutenant avait rompu l’accord tacite qui prévalait entre nous jusqu’alors : tout ne peut pas être matière à rire quand il existe une hiérarchie.
Pourtant, c'est bien le rire qui lui avait permis d’asseoir sa position de chef ; il nous avait rassemblé autour de ses plaisanteries.

2 Démarche de recherche adoptée
2.1 Question de recherche
Après avoir chacun relaté nos expériences marquantes du stage Saint-Cyr, nous avons donc décidé d’évaluer la place du rire dans les relations au sein d’un groupe hiérarchisé. Il nous apparaissait clairement que le rire dans le travail était un sujet ambivalent, riche et que notre recherche révèlerait des thématiques auxquelles nous n’avions pas songé.
Cependant, au-delà de l’aspect théorique, nous cherchions également des outils qui nous aideraient demain dans notre travail de manager ; l’expérience d’hommes et de femmes d’entreprise nous aideraient à appréhender notre futur sous l’angle d’un sujet apparemment léger et qui parle à tous : le rire. Certainement y avait-il aussi de notre part la volonté de se prouver que le monde de l’entreprise tolérait le rire : est-ce une façon de démystifier le monde du travail, que nous ne connaissons que peu ?
La question des limites à mettre au rire nous a paru à même d’explorer les différentes facettes du rire : aspects positifs, risques… Il nous est surtout apparu que la problématique des limites nous permettrait d’arriver à une conclusion quant au rire et à la manière dont l’individu doit y réagir.
Ainsi notre question de recherche fut déterminée rapidement : au sein d’un groupe hiérarchisé, faut-il mettre des limites au rire ?

2.2 Hypothèse
A priori tout porte à croire que le rire est un facteur majeur de cohésion. En effet, il permet de créer une ambiance agréable au sein du collectif. Dès lors les participants à l'action collective sont plus motivés, ce qui les incite à donner le meilleur d'eux-mêmes et à dépasser les difficultés auxquelles ils pourraient être confrontés. Ainsi, cela semble à la fois positif pour le groupe qui gagne considérablement en efficacité et pour les individus qui se sentent bien intégrés au sein de l’équipe. En outre, le rire semble avoir la vertu de relativiser l’anxiété des individus, leur permettant de faire face à une pression importante. En temps de crise, il est important pour les membres du groupe de préserver une certaine sérénité, or le rire contribue à relativiser la gravité de ladite crise et s'avère par conséquent particulièrement crucial lorsque la cohésion du groupe est menacée.
Le rire “moqueur” peut contribuer à souder un groupe dès lors que l’identité du groupe se cristallise dans l’opposition à l’autre (groupe ou individu) dont il se moque. En revanche, lorsque les moqueries se focalisent sur l'un des membres du groupe, celui-ci est progressivement exclu.
Si le rire peut dans bien des cas rassembler, il désunit parfois. Une limite se dessine donc entre les bienfaits et les méfaits du rôle du rire dans la cohésion du groupe. Mais cette limite ne serait visible qu'une fois franchie. En effet, une plaisanterie qui semble hasardeuse dans un certain contexte et avec certaines personnes ne choquera pas dans un autre contexte. Il nous semble cependant que les limites du rire sont bien plus tangibles dans la relation entre un chef et son subordonné qu’entre deux collaborateurs. En effet, le chef heurte plus facilement, par sa position dominante, la sensibilité de ses subordonnés par des plaisanteries malencontreuses. Ce faisant, il se décrédibilise et perd son autorité. De même, à trop favoriser le rire, le chef devient excessivement proche de ses subordonnés et il perd en autorité. En résumé, nous avancerons dans ce mémoire avec l’hypothèse que, si le rire est un formidable outil de la cohésion, certaines limites ne doivent pas être franchies, en particulier par le chef.
2.3 Références théoriques
La première source académique avec laquelle nous avons progressé dans la réflexion provient d’une sociologue française dont l’article Le rire dans les relations de travail a porté sur les relations au rire dans le travail. Jacqueline Frisch-Gauthier s’est immergée dans un atelier pour observer la vie des ouvriers. Embauchée au sein de l’atelier, son rôle était similaire à celui d’une ouvrière « classique » mais son travail de recherche a consisté en l’étude et la classification des plaisanteries qui animaient la vie des ouvriers. Elle en a tiré des conséquences sur le rôle du rire dans le travail. Divisé en trois grandes parties, l’article de Jacqueline Frisch-Gauthier dresse une typologie des plaisanteries et des rires au sein de l’atelier.
Dans une première partie de son article (« Le rire et le travail »), Jacqueline Frisch-Gauthier montre que le rire est une manière de se détourner de la pénibilité ou de la dangerosité d’un ouvrage. En prenant l’exemple d’une remarque ironique de son contremaître quant à la position des doigts de l’ouvrière sociologue, elle montre cependant que si la plaisanterie relativise la dangerosité de la tâche, elle concentre paradoxalement l’esprit sur sa réalisation en toute sécurité. Ainsi, la plaisanterie est une manière habile de ramener l’attention de l’ouvrier sur la tâche.
La deuxième partie étudie essentiellement les relations entre le rire et l’autorité : Jacqueline Frisch-Gauthier relate qu’environ un tiers des plaisanteries dont elle a été témoin à l’atelier sont relatives à l’autorité et aux formes sous lesquelles elle est représentée. Il convient tout d’abord de noter qu’au sein de l’atelier s’entremêlent deux types de relations : la relation d’égal à égal (ou « relation des groupes sociaux », selon ses propres termes) et la relation d’un subordonné à son chef. L’autre donnée importante dans la compréhension du rire envers l’autorité est la personne à laquelle cette plaisanterie est adressée. La sociologue dessine dès lors quatre catégories de plaisanteries : plaisanteries à l’encontre du règlement, plaisanteries au sujet de l’organisation, plaisanteries à l’égard des supérieurs hiérarchiques et le rire à l’égard des groupes sociaux.
L’organisation est souvent vécue, nous dit Jacqueline Frisch-Gauthier, comme une contrainte disproportionnée. Ainsi, la volonté d’introduire de la nouveauté, de l’innovation dans les principes de production suscite la méfiance des travailleurs. De ce fait, l’ouvrier qui pointe l’incompatibilité entre la pratique et l’idée qui vient de la hiérarchie se rebelle contre la contrainte. De manière plus subtile, la plaisanterie participe à un rehaussement de son image personnelle : voilà l’ouvrier qui fait mieux que les têtes pensantes. A ce titre, le témoignage de Frisch-Gauthier nous rappelle la prégnance au milieu des années 1960 de la soif de revanche sociale. Cette lutte des classes trouve en la plaisanterie un outil efficace bien que léger. Nous y reviendrons plus tard.
Lorsqu’elle étudie les plaisanteries à l’égard du chef, le premier point que souligne Frisch-Gauthier est que plus l’individu détient de pouvoir, plus les plaisanteries qui lui sont adressées sont acerbes. Ce qui est moqué, c’est le contraste entre l’importance que se donne celui que Jacqueline Frisch-Gauthier appelle le « personnage » et les situations cocasses dans lesquelles il se retrouve placé. La moquerie est d’autant plus vive lorsque ce dernier ne jouit pas d’un prestige moral ou d’une autorité naturelle et qu’il ne parvient pas à descendre du piédestal, sur lequel il se met, afin de rire de la situation. Selon les propres mots de Jacqueline Frisch-Gauthier, l’autorité est sapée par le biais de la plaisanterie.
L’atelier est aussi lieu de cohabitation de différentes classes sociales. Cependant, le plus important aux yeux de la sociologue n’est pas tant la véracité de l’appartenance à telle ou telle classe sociale que les représentations qui existent d’une classe à une autre. Ainsi, les plaisanteries qui mettent en jeu le décalage entre ce qui est vu ou imaginé et ce que les ouvriers se représentent rencontrent un franc succès.
La troisième et dernière partie porte sur le rire et les relations de travail. Jacqueline Frisch-Gauthier évalue d’abord l’importance des plaisanteries entre camarades avant de consacrer une plus grande attention au rire entre subordonné et chef. Peu nombreuses, les plaisanteries échangées entre un cadre et un ouvrier sont intéressantes d’un point de vue sociologique car elles mettent en jeu des facteurs autres que le simple rire. Dans le cas où il existe une proximité entre le subordonné et le chef, les plaisanteries sont plutôt bien acceptées. Prenant l’exemple d’un contremaître juste et jouissant d’une autorité méritée, Jacqueline Frisch-Gauthier explique que les plaisanteries dudit contremaître, plutôt que de nuire à son prestige, renforcent l’adhésion des ouvriers à ses directives. Il est intéressant de noter que les plaisanteries que partagent les ouvriers et le contremaître sont souvent orientées vers l’organisation, autrement dit vers l’échelon supérieur. Il apparaît que, dans le monde du travail, les plaisanteries prennent souvent pour cible la hiérarchie et les formes du pouvoir. Dans les cas où ouvriers et supérieurs hiérarchiques ne partagent pas de complicité naturelle, le rire est matière à caution. Certains apprécient l’intérêt que montre le rire ; d’autres le récusent, arguant de leur opposition fondamentale avec le supérieur hiérarchique. Reste que les plaisanteries entre chef et subordonné marchent souvent « sur le fil ». Jacqueline Frisch-Gautier estime que certains rires ne se font pas tant avec le supérieur que contre lui : la plaisanterie sera ensuite l’occasion d’une moquerie envers celui-ci auprès des collègues. En outre, le rire a ici la même fonction qu’un éclat de colère, qui libèrerait d’une tension sans avoir pour conséquence une dislocation du groupe dans son ensemble. En somme, le rire apparaît ici être une forme de diplomatie qui préserve les intérêts communs sans frustrer l’individu dans son opposition avec le patron.
En définitive, il nous semble que l’article de Jacqueline Frisch-Gauthier, bien que daté, aborde des thématiques intéressantes que nous nous efforcerons d’approfondir et de compléter.

Le deuxième ouvrage de référence est Le Rire de Bergson. Le philosophe cherche à apporter des réponses à cette question simple : qu’est-ce que rire ?
A cette interrogation Bergson apporte plusieurs éléments de réponse. Le rire est le propre de l’homme, en deux sens. Tout d’abord il est incontestable que seul l’homme rit. Mais le plus important, pour Bergson c’est de constater que l’objet du rire est aussi l’homme. En effet, nous ne rions pas des objets. Aussi, la première réponse qui se dégage sur la nature du rire c’est que le rire est, selon les termes de Bergson, un « éclat » de l’homme qui se porte sur l’homme. C’est en cela que l’apport de Bergson nous semble essentiel dans la compréhension du rire dans les relations sociales au sein d’un groupe hiérarchisé.
Cependant, jusqu’à maintenant, nous avons considéré le rire comme une seule aptitude physique; or le rire est purement cérébral si l’on en croit Bergson. En effet, le rire intervient lorsque nous constatons un décalage, une anomalie entre ce que nous prenons pour la norme et une situation donnée. Ce décalage est la résultante d’un certain détachement, d’une distance émotionnelle par rapport à l’élément source du rire.
En outre, le rire a une fonction sociale : il convient de préciser et d’expliquer en quoi consiste cette fonction sociale. Pour Bergson, cette fonction sociale est avant tout coercitive et violente. Au dernier chapitre de son essai il écrit ainsi que «Le rire est, avant tout, une correction. Fait pour humilier, il doit donner à la personne qui en est l’objet une impression pénible. La société se venge par lui des libertés qu’on a prises avec elle.». L’idée de Bergson est que la société doit chercher à s’apaiser et à pacifier les tensions animales qui existent dans les rapports humains. Le rôle du rire est de nous moquer de nos écarts antisociaux, de nos comportements déviants de la norme. Le but étant qu’en se moquant de ces écarts nous prenions conscience de leur existence et que nous cherchions ensuite à les corriger. En effet, il existe nombre de comportements sociaux, voire déviants pourtant seuls certains nous font rire. Ainsi, le rire va se porter sur les comportements qui s’éloignent de la norme mais qui restent suffisamment proches de la norme pour être ramenés à celle-ci.
On tire de la réflexion de Bergson que le rire constitue une forme de rappel à l’ordre, utile dans l’autorégulation des groupes.
Une définition du rire pourrait être l’expression spontanée de joie. Dès lors, le rire semble échapper à toute tentative de contrôle par un groupe ou une entreprise. Pourtant celui-ci intervient dans le cadre d’interactions entre personnes au travail. A ce titre, le rire peut apparaître comme un facteur de consolidation de l’équipe ou comme un malaise, une gêne que l’on pourrait qualifier de « mal-rire ». Ce mal-rire apparaît comme une notion de dissonance émotionnelle où le sujet est tiraillé entre sa morale et l’inertie du groupe. Les plaintes sur le mal-rire en entreprise reposent sur le fait qu’au moins un des acteurs désigne un rire comme malaise, soit dans l’instant ou après coup.
Martine Brasseur [REFERENCE + QUI EST-CE ?] s’interroge sur la possibilité d’y mettre des limites.
Le propre du rire est qu’il ne s’explique pas, il survient. Il arrive et surprend le rieur. Il est donc compliqué de pouvoir le limiter. Le rire est hors du champ d’action du management, il relève de la discipline et de la morale personnelle. Il faut donc aborder le rire comme comportement professionnel inapproprié ou comme facteur générateur de malaises au travail. Jacques Abadie (sociologue et maître de de conférence ) l’ENSAT, affirme « les hommes pensent que leur rire est toujours innocent, et pourtant il est toujours criminel et condamnable » . Pire, il semble y avoir une croyance populaire que «les rieurs se trouvent toujours du bon côté ».
Cela souligne l’existence d’une domination de certains acteurs, ces rieurs qui prennent le dessus par rapport à un individu par la formation d’une coalition basée sur le rire de groupe. Ce phénomène relève d’une véritable stratégie du rire dans un contexte social. En effet, l’environnement social semble jouer un rôle décisif pour la manifestation du rire, les exemples de pressions sociales qui suscitent le rire sont nombreux : rire nerveux, fou rire, rire moqueur… L’interdire alors ? La question se révèle absurde du fait de deux raisons.
D’abord, le rire est spontané, donc l’interdire – c’est à dire ordonner aux gens de retenir un sentiment sur lequel ils n’ont pas de contrôle - serait a priori illogique. De plus, vouloir le brider ne serait pas éthique au sens kantien, car aucun homme ne pourrait se plier à la règle. Pour Freud, le rire correspond à une opposition entre les pulsions d’agression et d’auto-anéantissement et la pulsion de vie Eros. Un refoulement de cette opposition pourrait s’avérer dangereux et destructeur pour soi-même et pour autrui.
Ensuite, du point de vue du formalisme, une objection morale pourrait être formulée à une telle règle et dont la portée de la première dépasse largement la seconde. En effet, une telle interdiction porterait atteinte à la liberté de critique et serait source de dérives quasi-totalitaires. Le Comte de Shaftesbury affirme ainsi : « Mais qui sera le juge de ce que la censure peut examiner librement ou de ce qu’elle doit souffrir impunément ? Qui décidera des circonstances où la liberté peut agir sans scrupules ou se taire ? » . Appliquer une telle loi à des employés, les priver d’un sentiment personnel reviendrait à les déshumaniser.
Il faut donc une limitation affirme Martine Brasseur, mais pas sur le rire. Il est alors nécessaire d’envisager la limitation des conditions du mal-rire. Analysons d’abord les dynamiques du rire au travail.
En management, il existe une notion « d’intelligence émotionnelle ». Celle-ci correspond à l’efficacité des leaders et leur faculté à influencer les composants d’un groupe afin d’atteindre leurs objectifs. Dans cette optique, le rire peut être vu comme une aptitude à motiver, mobiliser et surtout extérioriser une vision optimiste d’un avenir favorable.
Dès lors, les dynamiques de groupe font que cette motivation se transmet. Il s’opère en effet une véritable « contagion émotionnelle »
La structure du groupe repose donc sur un leader, un individu du groupe qui peut se trouver en position de leader du fait de la hiérarchie de l’entreprise ou plus simplement initiateur d’un rire dans une situation donnée. Mais ce n’est pas tant le rôle du comique qui intéresse, plutôt les dynamiques qui le lie au groupe. C’est dans ces interactions sociales qu’il est nécessaire de repérer les indicateurs du mal-rire.
Parmi tous les types de « mal-rire », le plus évident est sans doute la moquerie. En effet, Nietzsche disait « Ce n’est pas par la colère mais par le rire que l’on tue » . Le poids de la moquerie constitue en soi une pression suffisante pour anéantir un individu qui serait exclu du groupe. Dès lors, ce groupe de moquerie constitue une forme de sanction sociale symbolique. Cela constitue évidemment une pratique qui doit être interdite dans le cadre du travail, au risque d’isoler un élément de l’équipe et de porter atteinte à l’efficacité de l’entreprise dans son intégralité.
Toutefois, le caractère condamnable de la moquerie peut être relativisé à deux degrés différents. D’abord, le paria, qui subit les rires du groupe constitue un exutoire, une forme de catharsis s’opère au sein du groupe et les tensions internes sont évacuées par le biais de moquerie collectives dirigées vers l’élément extérieur : le paria. Cette pratique renforce la cohérence du groupe et l’empêche d’imploser.
Le second degré de relativisation est la pratique de la moquerie à bon escient, pour taquiner un collègue et le faire réagir de façon positive. Il faut alors considérer la volonté de bon usage du rire. Sa réciproque étant l’utilisation abusive du rire qui se manifeste par la persistance : quand après coup, l’initiateur du rire source de malaise s’en rend compte mais poursuit quand même dans cette voie, de façon continue ou dans la répétition sur le long terme. Le rire en est réduit à la manifestation d’une violence contre autrui. Il est alors judicieux de rappeler les paroles de Bergson :« Le mal se cache si bien, le secret est si universellement gardé, que chacun est ici la dupe de tous : si sévèrement que nous affections de juger les autres hommes, nous les croyons, au fond, meilleurs que nous. Sur cette heureuse illusion repose une bonne partie de la vie sociale » .
Toutefois, ces suppositions restent théoriques, il est nécessaire de les confronter à l’expérience à travers des données empiriques. L’étude porte sur des individus, cadres à différents niveaux de l’entreprise qui ont demandé un recours à une aide extérieur pour les aider à dépasser des situations difficiles.
Dans cette partie de l’article, Marine Brasseur met en lumière les résultats de son investigation scientifique. Les résultats des entretiens peuvent être synthétisés en fonction de la position du sujet face au rire. Le tableau soutient la thèse de l’article : les rieurs ne sont pas toujours du bon côté. Mais au-delà du diptyque sujet-ri – sujet-rieur, des schémas sociaux émergent de la cinquantaine d’entretiens menés.
Une femme avançait ainsi « au début ça me faisait rire, mais les blagues sur mon poids ont fini par m’user ». Cet exemple reflète bien l’impact de la répétition et de la persistance dans le mal-être généré par le mal-rire avec l’absence d’une réciprocité par rapport à la moquerie qui dans ce cas est toujours unilatérale.
Une autre employée découvre, fraîchement embauchée dans un service, que la majorité des employés se moquaient du handicap d’élocution d’un de leurs collègues. Cette situation l’a amenée à changer de poste malgré les avantages proposés par sa position dans cette entreprise. Ainsi, un accord préalable et l’unanimité semblent constituer des conditions nécessaires au bon rire au travail.
En conclusion, Martine Brasseur montre qu’il est possible d’identifier plusieurs conditions au rire au travail : réciprocité, unanimité, persistance et plein accord préalable. Un rire qui sort de ce cadre peut potentiellement générer un malaise entre les acteurs présents.
Mais le bon rire constitue un ciment certain dans le groupe, notamment quand le leader est doté d’un certain sens de l’humour, ce qui lui confère un puissant outil de mobilisation. Le rire permet alors par exemple d’assouplir la rigidité de l’administration. Toutefois, le cas extrême du bon rire : l’euphorie peut conduire à des dérives, qui peuvent se manifester par la prise de risque dans les décisions financières

2.4 Enquête envisagée
L’enquête que nous avons envisagée repose en grande partie sur le témoignage d’hommes et femmes dont le travail s’inscrit dans l’action collective. Nous avons défini des catégories, des figures que nous voulions interroger.
La première est la figure du chef, du manager, qui, dans ses relations de travail, a dû gérer le rire.
La deuxième est la figure du trublion : nous avons considéré la possibilité d’interroger une personne dont le mode de communication principal est le rire. Cependant, peu de personnes se définissent ouvertement comme des boute-en-train au travail, dans la mesure où cela remet en question leur crédibilité.
Enfin, nous avons souhaité interroger des spécialistes du rire ; en effet, cela nous paraissait pertinent de savoir si l’objet vendu (à savoir, « le rire ») avait un impact significatif sur le rire dans les relations de travail. En d’autres termes, nous voulions comprendre si et pourquoi le rire était mieux accepté dans certaines organisations et dans certains cadres.

Le second axe de notre enquête portait sur une expérience. Afin de mesurer si le rire a un effet important sur l’efficacité du travail collectif, nous voulions faire coopérer des personnes qui ne se connaissaient pas. L’idée directrice était de susciter le rire durant l’expérience parmi une partie de l’échantillon, tandis que l’échantillon-test ne serait pas expressément « poussée vers le rire ». A ce titre, il nous a semblé judicieux de diffuser une vidéo comique au tout début de l’expérience afin de mettre les participants du premier échantillon dans les meilleures dispositions pour plaisanter et rire lors de la tâche collective à effectuer. Nous reviendrons dans la suite de ce mémoire sur les modalités, les résultats et les limites d’une telle expérience.
3 Ce qui ressort de l’enquête réalisée
Lors de notre réflexion, il nous est apparu que si le rire constitue un formidable outil de l’intégration dans le groupe, il peut mettre en danger l’efficacité de l’action collective et mener à l’implosion du collectif. De ce fait, nous nous sommes demandé s’il fallait mettre des limites implicites ou explicites au rire au sein du groupe hiérarchisé.
3.1 Le rire fédérateur du groupe et facteur d’intégration
3.1.1 La bonne ambiance au sein du groupe
Le rire rapproche : il fait communiquer des sensibilités qui sont étrangères l’une à l’autre. La frontière qui existe entre moi et les autres s’estompe et c’est ainsi que naît, au travers du rire, la communauté. Stéphane de Freitas, fondateur de Coopérative Indigo, nous indique cette caractéristique du rire dès les premières minutes de l’interview que nous avons réalisée en cherchant à donner une définition du rire : «Le propre du rire est de créer de la proximité, du lien.». Or cette proximité, en d’autres termes cette solidarité, est nécessaire dans la réalisation d’une tâche collective ; Stéphane de Freitas continue : «Manager une équipe induit que ses membres soient soudés.». Le sentiment d’appartenance à un collectif aiguillonne l’envie de bien faire. Nous en avons été témoins lors du stage Saint-Cyr. Le dépassement de soi pour l’équipe a culminé lors du parcours Guyane : fatigués, arrivés, pensions-nous, à nos limites physiques, les cent derniers mètres furent l’expression d’un collectif. Et ce n’est pas un hasard que le parcours Guyane ait clôturé la partie terrain de ce stage : il nous fallait bien être une équipe pour en arriver au bout. Aurions-nous terminé le parcours Guyane s’il avait eu lieu lors de notre arrivée, alors que nous n’avions rien partagé ? Or, nous l’avons évoqué, le rire a joué un grand rôle dans l’émergence du collectif lors de notre stage Saint-Cyr.
Le rire est un vecteur de bonne humeur, de bonne ambiance au sein d’un groupe. Le rire est souvent plus aisé entre des collègues : en effet, il est difficile à manier car il peut être mal perçu quand il franchit les limites qu’impose la hiérarchie. Ainsi, le rire cimente le groupe « non-hiérarchisé ». Un exemple frappant de ce rire horizontal est le phénomène social de l’after-work. Des collègues se retrouvent une fois la journée de travail terminée autour d’un café ou d’un verre d’alcool. Ce moment convivial, à mi-chemin entre vie professionnelle et vie privée, est propice au rire. Il est intéressant de noter que le rire lors de l’after-work se porte souvent sur les figures de la hiérarchie : le « boss », le « big boss »… Marc Fabayre, directeur commercial dans une grande banque, juge l’after-work avec bienveillance : il est naturel que les critiques et le rire se portent sur les supérieurs, cela soude le collectif et permet l’évacuation des frustrations. Plus encore, le chef doit s’abstenir d’y prendre part afin de laisser cette soupape fonctionner. Le rire, dont l’objet est le chef, ne représente pas à ses yeux une menace mais un phénomène naturel de décompression et de consolidation du groupe.
Ce phénomène, assez récent, peut être rapproché des observations qu’a faites la sociologue Jacqueline Frisch-Gautier quant aux plaisanteries au sein de l’atelier vis-à-vis de l’autorité . L’organisation spatiale des bureaux aujourd’hui (l’open-space) ne laisse plus la liberté aux employés de plaisanter entre eux lors du temps de travail : ce rire se reporte naturellement sur un temps hybride, qui mélange professionnel et privé.
3.1.2 La figure du chef renforcée par le rire
3.1.2.1 Le chef qui prend part au rire
Nous étudierons maintenant le rire du groupe en ce que celui-ci émane du chef. En effet, le chef peut être un des facteurs d’intégration des individus dans le groupe, nous en avons témoigné dans le prologue. A ce titre, le rire devient un outil de management, utile non pas seulement dans la consolidation du collectif mais aussi dans la valorisation du statut du chef.
Quand il rit, le chef, comme tout autre, laisse affleurer une part de sa sensibilité. Ce dévoilement est le témoignage de la part du « patron » d’une confiance envers ses collaborateurs. Par ce biais, le chef se rapproche de ses subordonnés. Jacqueline Frisch-Gauthier témoigne de la solidarité nouvelle qui apparaît lorsque chef et subordonnés rient ensemble, même si elle concède que cette complicité n’est pas toujours voulue: « Le rapprochement que crée le rire entre un ouvrier et un chef qui n’inspire pas confiance suscite des réactions diverses chez les ouvriers : […] d’autres en sont gênés parce qu’ils récusent toute complicité avec un chef auquel ils se sentent opposés de toutes les manières ; ils se refusent à avoir quoi que ce soit en commun avec lui. » Toujours est-il que le rire est un partage qui ramène le chef au même niveau que le subordonné, facilitant ainsi l’adhésion et l’identification. Il existe des groupes dont la cohésion s’est formée autour du chef qui a su rassembler. La cohésion de ces groupes, dont l’identité repose sur une valorisation du chef, est renforcée paradoxalement par le rire du décideur : ce rire rappelle son statut de collaborateur aux autres membres du groupe.
3.1.2.2 Le chef qui fait rire
Quand il fait rire, le chef fait régner la bonne ambiance au sein du groupe. Ainsi témoigne encore Jacqueline Frisch-Gauthier : « De la part d’un représentant de l’autorité, cette attitude crée une nouvelle sorte de détente, met une atmosphère plaisante et agréable dans les relations de travail, sans pour autant diminuer son prestige. » Ainsi, le chef plus que tout autre parvient à insuffler la « bonne ambiance » dont on parlait précédemment sans pour autant influer sur son autorité. Alexandra Henry, chargée du management d’artistes et d’humoristes français, raconte que son ancien employeur, dans une entreprise de production de spectacles comiques, faisait de nombreuses plaisanteries (jouer à chat entre autres) sans que cela n’ait d’impact négatif sur l’accomplissement du travail, ni sur sa légitimité et son autorité puisque certains collaborateurs restaient sur la réserve, angoissés, par le contact avec le fondateur de l’entreprise. Le leader, s’il sait user avec raison de cette arme qu’est le rire, se retrouve grandi auprès de ses subordonnés. En effet, faire rire est chose difficile et cela apparaît pour beaucoup comme preuve d’une intelligence de situation et d’une intelligence relationnelle. Michel Oriol, expert-comptable nous a, à ce sujet, dit : « L’humour est une preuve d’intelligence ».
De plus, Stéphane de Freitas a aussi fait remarquer : «Faire rire, c’est ne pas se prendre au sérieux, donc faire tomber les conditions sociales, les statuts et la codification.» Le supérieur qui fait rire opère une transgression des codes qui relativise la hiérarchie et permet ainsi une coopération accrue entre le chef et ses subordonnés.
3.1.3 Le rire en temps de crise
3.1.3.1 Le rire lors de l’affrontement de la crise
Enfin, le rire trouve sa place dans le processus compliqué qu’est la résolution d’une crise. Nous avons recueilli des avis divergents sur le rôle que doit occuper le rire en temps de crise, néanmoins il résulte de ces différentes opinions que le rire n’est pas prohibé en temps de crise. Au contraire, entretenir le rire peut s’avérer salvateur.
Dans une première phase de la crise, que nous appellerons l’ « affrontement », maintenir le rire permet de préserver la bonne ambiance malgré la difficulté. En effet, il est important que chacun puisse exploiter ses compétences sans réserve afin de parvenir le plus vite possible à la résolution du problème. «Plus tu demandes aux gens de travailler, plus c’est ton devoir de manager de les mettre au mieux.» Une ambiance détendue doit être entretenue par le responsable. M. de Freitas a bien spécifié que cette ambiance détendue ne s’obtenait pas uniquement par le rire ; face à l’épuisement dont ils faisaient état, il avait lui-même conseillé à des collaborateurs de rentrer chez eux pour dormir. Néanmoins, le rire peut lors de l’affrontement de la crise se révéler un partenaire judicieux en ce qu’il permet de mettre à distance le problème, de s’en extirper afin de le regarder de haut, d’en avoir une vision d’ensemble : Jacqueline Frisch-Gautier écrivait : « Toute plaisanterie, même sans rapport direct avec le travail, libère quelque peu d’une tension nerveuse trop forte » .
3.1.3.2 Le rire : signe de la résolution de la crise
Lors de la résolution de la crise, le rire devient le signal que la crise est derrière. En effet, un individu qui a vécu sous pression parvient à rire de cette même pression une fois que celle-ci n’est plus. Marc Fabayre, qui, lui, déniait la possibilité de rire lors de l’affrontement de la crise, nous a donné l’exemple d’un dîner d’affaires avec de potentiels clients. Les visages sont fatigués, les discussions très sérieuses : il n’y a pas de place pour le rire. Mais le contrat est signé une fois le dessert arrivé : les convives prennent des nouvelles de la famille de l’un, évoquent leurs prochaines vacances et rient. La tension venait de l’enjeu de cette réunion ; le rire n’émerge qu’une fois la tension dissipée. Monsieur Fabayre résume sa pensée en une maxime : « A partir du moment où vous rigolez, vous êtes en voie de dépasser l’élément de crise ».

3.2 Le rire : mise en danger du collectif ?
3.2.1 Le rire peut conduire à une déconcentration de l’équipe

Utilisé trop fréquemment, il semblerait que le rire soit néfaste au travail réalisé par une équipe. Il peut dégrader sa productivité en déconcentrant les membres de l’équipe. En effet, le rire ne fait pas partie des moments où les individus travaillent.. C’est pourquoi, à trop rire, les individus vont se détourner de manière abusive de leur tâche de travail, et le rire en perdra tous ses bienfaits pour le travail de l’équipe. Certes, parce que «le rire va prendre place lorsqu’il y a un moment de détente» , les individus vont se retrouver reposés par ces instants de joie. Mais, si ces instants ne sont pas pleinement destinés à travailler par la suite, et entretiennent plutôt une atmosphère constamment joviale, cet aspect d’abord régénérateur du rire ne sera que pernicieux pour le travail de l’équipe. Le rire doit donc être utilisé à juste dose en entreprise afin que l’efficacité de celle-ci ne pâtisse d’une déconcentration trop importante.
Plus encore, la déconcentration suscitée par le rire peut être physiquement dangereuse pour les membres de l’équipe selon le cadre dans lequel ils travaillent. À titre d’exemple, «faire rire quelqu’un qui travaille à la chaîne peut avoir des implications très graves. Le risque est une déconcentration de l’équipe qui peut générer un accident.» Ainsi, la déconcentration entraînée par l’utilisation du rire en entreprise est encore plus dangereuse lorsque le travail requiert prudence et attention.
3.2.2 Moqueur, le rire peut déstabiliser l’équipe

Si le rire présente moult aspects positifs au travail, il est une forme de rire à bannir : la moquerie. Cette bassesse d’esprit est profondément négative au sein d’une équipe de travail. Il apparaît effectivement que “le rire peut être intéressant pour l’équipe tout autant que l’on respecte les personnes. Il ne faut pas que le rire fasse émerger certains moqueurs.” Loin des vertus fédératrices du rire, la moquerie ne fait que déstabiliser une équipe. Elle peut créer des clans usant de railleries tour à tour et ne fait alors que diviser l’équipe. Ou, peut-être plus inquiétant, la moquerie peut isoler un membre de l’équipe, tourné en bouc-émissaire du groupe.
Il est, par conséquent, indispensable que les collaborateurs se respectent entre eux pour que le rire reste positif et ne tourne en une moquerie néfaste à l’équipe.

En outre, si certains vont avec moindre mal accepter la moquerie, d’autres, empreints de susceptibilité, la verront comme une injure difficilement supportable. «La moquerie est négative. Il faut faire attention à la susceptibilité des gens.» Les individus ne supportant pas de manière égale la moquerie, il est encore plus évident que l’usage de celle-ci doit être banni en entreprise, et dans toute organisation collective, sous peine de mettre à mal l’équilibre du groupe.
3.2.3 Le rire peut diminuer la crédibilité du chef

Le chef, pour conserver une autorité légitime et être écouté au sein de son entreprise, se doit de garder une certaine crédibilité vis-à-vis de son équipe. Pour cela, il semble indispensable qu’il n’use du rire de manière abusive avec ses collaborateurs. Pour garder toute crédibilité au travail, «c’est plus un dosage du rire, des traits d’humour, plutôt qu’un rire omniprésent qu’il doit utiliser.» . En effet, le chef ne doit pas entretenir une trop grande proximité avec les membres de son équipe par le rire, autrement il effacerait les codes de la hiérarchie et perdrait dès lors toute crédibilité. Ainsi, parce qu’ «il n’y a pas d’autorité sans prestige, ni de prestige sans éloignement», le chef doit maintenir une certaine distance avec ses collaborateurs s’il veut conserver la légitimité de son statut.
Certains individus sauront d’eux-mêmes garder cette distance avec leur chef malgré les instants de rire partagés avec lui. Cette distance relèverait du respect car “il y a des collaborateurs avec qui on peut avoir de temps en temps de l’humour, sans pour autant qu’ils en profitent et qu’ils aient un comportement moins respectueux vis-à-vis du chef d’entreprise.” Le respect témoigné par les personnes envers leur chef étant inégal, il semblerait que la diminution de la crédibilité du chef par le rire varie selon les personnes. C’est pourquoi, il est parfois d’usage que le chef «pondère son humour en fonction du type de collaborateur qu’il a en face».
3.2.4 Le rire peut saper la créativité de l’équipe

La créativité consiste à imaginer, créer, proposer de nouvelles solutions à un problème, parfois originales, à sortir d’un cadre déjà pensé. Elle est un changement aux coutumes préétablies dans un secteur ou une activité.
Or selon Bergson, le rire a une fonction sociale et permet de ramener tout comportement à la norme. Par peur du ridicule et d’être moqués, les individus essaieraient de se conformer à des codes et mœurs établis par la société.
Dans le cadre du travail, le rire permettrait donc de rappeler à l’ordre tout comportement anormal des collaborateurs. Certes, il serait dès lors favorable à la stabilité et à la cohésion du groupe en évitant que des attitudes ne prennent une tournure gênante et distrayante trop longtemps. Le rire assurerait l’uniformité d’une équipe de travail. Mais, en inhibant toute tentative de rupture des conventions communes à un secteur, le rire se pose de fait comme un obstacle à la créativité au travail.
En réalité, il s’agit de distinguer le rire ironique de l’humour. Ce dernier n’a pas la fonction de rétablir la norme, mais, parce qu’il est un détachement à la réalité, il est une source de créativité et d’innovation au sein d’un groupe de travail.
Ainsi, il semblerait que le rire, en tant qu’humour, ne doive être restreint sous peine de freiner la créativité d’une équipe.
En revanche, l’ironie, gage de stabilité et d’uniformité dans le groupe, empêche à terme tout décalage avec les conventions établies dans un secteur et neutralise indéniablement la créativité de l’équipe.

3.3 Les limites au rire doivent-elles être explicites ou implicites ?
3.3.1 Faut-il limiter le rire ?
3.3.1.1 L’hypothèse des limites explicites
Serait-il opportun de définir explicitement des limites au rire au sein d’une action collective pour qu’elle soit plus efficace ? Il convient tout d’abord de définir ce que nous clairement à tous les collaborateurs de telle sorte qu’elle ne peut pas être ignorée. Ces limites sont supposées connues et acceptées par les participants à une action collective. En revanche, elles peuvent prendre des formes bien diverses.
Pour certaines sociétés on peut notamment penser à la charte de sur la vie en entreprise ou encore au règlement interne à l’entreprise. Même s’il n’est pas fait mention d’une limite directe imposée au rire, des articles du règlement intérieur peuvent être très stricts sur certains points : racisme, sexisme… Dès lors les employés comprennent immédiatement qu’il serait très malvenu de s’hasarder à des plaisanteries sur le sujet. Ainsi, ces limites explicites viennent directement circonscrire le champ des possibles du rire.
Cependant, une limite explicite peut être orale. Le leader au sein d’un groupe peut se montrer particulièrement intransigeant sur des plaisanteries douteuses. Ici, c’est l’aura du chef qui prend son importance. Nous l’avons vu précédemment, il en va parfois de sa crédibilité d’établir des limites claires concernant le rire avec ses subordonnés. Dans ce but, il peut donc imposer oralement des limites explicites concernant le rire.
Se pose alors la question de savoir si l’action collective sera plus efficace en posant ce type de limites.
Des plaisanteries déplacées peuvent mettre mal à l’aise certains collaborateurs. Dès lors, une mauvaise ambiance peut s’installer au sein du groupe. Cette mauvaise ambiance peut nuire à son efficacité. En effet, la mauvaise atmosphère au travail rend l’échange et la circulation d’information plus difficile. De même le travail collectif devient plus délicat. Par conséquent il parfois stratégique de circonscrire le rire afin de gagner en efficacité. Ici, le rire est circonscrit de manière horizontale, entre les collègues.
Mais le chef peut lui poser de limites explicites de manière verticale. Cela consiste pour lui à limiter les blagues et plaisanteries avec ses collaborateurs. L’action collective peut être plus efficace parce que cela contribue à la sacralisation du chef. En effet, en posant ce type de limites explicites, le chef se met volontairement à distance de ses subordonnés. Cette distanciation lui permet dès lors d’affirmer son autorité. Or, il est parfois crucial pour le chef de maintenir une certaine distance avec ses subordonnés. En effet, si celui instaure une hiérarchie forte, alors ses ordres sont exécutés sans être remis en cause. Il y a moins de temps perdu en digressions et remises en question qui n’aboutissent pas. Les moments de flottement au travail sont par conséquent très limités dans le temps et l’efficacité prime.
On peut par conséquent se demander si les limites concernant le rire peuvent êtres des limites temporelles. Au sein d’une action faut-il fixer des limites temporelles au rire ? Le chef doit-il définir un temps pour rire et un temps se détendre ?
Le chef peut par exemple choisir de solliciter ses équipes de manières très intenses pendant un certain laps de temps. Au cours de ce laps de temps il est demandé à tous les collaborateurs d’être très concentrés sur leurs tâches respectives à accomplir et il serait malvenu de relâcher l’attention en se laissant aller au rire. Mais une fois cette sollicitation intensive passé on peut tout à fait envisager de laisser membres de l’action collective un moment de détente au cours duquel le rire sera le bienvenu. Ainsi, il peut être optimal pour une action collective de limiter le rire dans le temps.
Pourtant, cela semble difficile de définir de manière très précise des moments de sollicitation intense et des moments de relâchement. En effet, le propre du rire c’est survenir de manière soudaine et imprévisible. Notre rencontre avec Stéphane de Freitas, entrepreneur à deux casquettes (créateur d’entreprise et d’association) nous a, au contraire, amenés à considérer que la volonté de vouloir limiter le rire, dans le temps pouvait s’avérer contre-productive. A trop vouloir le circonscrire dans le temps, le risque est de créer une ambiance quasi-tyrannique au sein de l’action collective. Dans le cadre d’une association cela peut s’avérer particulièrement dangereux. Les participants à une association le font dans la plupart des cas de leur plein gré et sont parfois bénévoles. Même s’il y a bien un chef, un décideur, celui n’a pas forcément la légitimé pour imposer aux participants de ne pas se relâcher. Si le leader décide de poser des limites temporelles très strictes quant au rire, il peut y avoir deux principaux effets pervers. D’une part, le décideur peut être perçu comme un pouvoir tyrannique et perd l’adhésion de ses subordonnés. Le risque est que ceux-ci rechignent dès lors à effectuer certaines tâches et qu’ils se refusent à faire des efforts pour le collectif auquel ils appartiennent. D’autre part, leur investissement dans l’accomplissement de l’objectif sera. Ils feront ce qu’on leur demande mais n’en feront pas davantage.
Toutefois nous avons vu que dans certains cas il était utile de poser des limites aux rires. Dès lors ce sont peut-être les limites explicites qui sont trop contraignantes parce que trop coercitives. Peut-on envisager d’y préférer des limites implicites ?
3.3.1.2 L’hypothèse des limites implicites
Par opposition aux limites explicites, les limites implicites sont celles qui ne sont pas clairement identifiées. Elles ne sont pas identifiées parce qu’elles ne sont pas révélées aux membres d’une action collective. Pourtant certaines limites existent concernant le rire, quelles sont-elles ? Les limites implicites sont celles qui existent de facto. Ces limites existent des facto parce qu’elles viennent des participants à l’action collective. Ce sont des limites qu’ils se posent inconsciemment à eux-mêmes. Au sein d’un groupe qui œuvre pour un but commun les plaisanteries stigmatisantes sont en général écartées de fait. Les participants à l’action collective ne les font pas pour deux raisons. Soit, on peut estimer qu’étant donné la pression morale qu’exerce le groupe ce genre de blague ne leurs viennent pas à l’esprit. Mais on peut aussi estimer que lorsqu’ils ont envie de faire certaines plaisanteries douteuses ils se restreignent volontairement. Si les membres de l’action collective choisissent délibérément de se contenir c’est parce qu’ils ont conscience que s’ils se risquaient à faire ce type de plaisanteries ils pourraient être exclus par le groupe.
Ces limites sont certes implicites mais leur existence est révélée dès lors qu’elles sont traversées. Ce n’est qu’une fois que la limite de l’acceptable a été traversée que l’on comprend son existence. En effet, une plaisanterie douteuse va jeter un malaise au sein du groupe, mais ce n’est qu’une fois qu’elle a été faite que celui qui a fait cette plaisanterie se rend compte qu’il y avait là une limite qu’il n’aurait pas dû franchir. Ces limites ce révèlent donc a posteriori, une fois le dommage causé.
Ces limites implicites sont-elles préférables aux limites explicites pour ce qui est de l’efficacité de l’action collective ?
Les limites implicites reposent exclusivement sur le civisme des participants à l’action collective. On comprend dès lors que leur efficacité est variable selon le degré de civisme des participants à l’action collective. Si celui est faible le risque est que les limites morales soient fréquemment franchies. Chaque franchissement est un dommage causé au groupe ou à l’un des membres du groupe. Ainsi, le risque est de retomber dans les dangers néfastes que nous avons décrits auparavant. Par conséquent, si le degré de civisme est faible parmi les participants à l’action collective, il peut être utile de poser des limites explicites pour gagner en efficacité. Cela peut s’avérer utile mais nous en avons aussi décrit les limites. Dès lors, c’est ici que le rôle du chef va prendre tout son sens, c’est à lui qu’incombe la tâche de trouver le juste dosage entre limites implicites et explicites. En effet, ces limites ne sont pas exclusives, il peut exister des limites explicites sur certains points tandis que sur d’autres les limites implicites suffiront.
A l’inverse, dans un groupe où le degré de civisme est relativement élevé, ces limites seront très rarement franchies. Comme le rappelle Bergson, les franchissements ponctuels pourront en l’espèce seront rapidement sanctionnés par le rire moqueur. Pour ce type de groupe il est donc probable que les limites implicites se suffisent à elles-mêmes. Mais là encore survient une nouvelle difficulté. Si nous avons montré que l’élément clef ici était le degré de civisme des participants à l’action collective, il faut déterminer ce degré. C’est là que le meneur du groupe doit agir, il doit être capable d’identifier qui sont les participants à l’action collective qu’il dirige. En fonction des conclusions qu’il en aura tiré ce sera à lui que reviendra la tâche d’évaluer ce degré de civisme et ce sera à lui d’arbitrer le juste dosage entre limites implicites et explicites concernant le rire. Mais là encore ce dosage n’a rien de définitif. En effet, le groupe est par définition vivant, il a une dynamique interne qui lui est propre. Dès lors celui peut très bien évoluer vers plus ou moins de civisme.
Là encore le leader doit chercher à identifier la direction que prend son groupe par rapport aux objectifs qu’il a fixés.
Que les limites soient explicites ou implicites elles ont dans les deux cas leur utilité mais aussi de nombreux défauts. Dès lors ne pourrait-on pas formuler une nouvelle hypothèse, plus utopique peut-être, celle d’un rire totalement débridé, ne souffrant aucune espèce de limite ?
3.3.1.3 L’hypothèse d’un rire sans limite
C’est notre rencontre avec Alexandra Henry, qui collabore au quotidien avec des humoristes, qui nous a amenés à formuler cette hypothèse. Elle nous a expliqué que les humoristes, une fois réunis, se livraient à une véritable compétition en termes de plaisanteries. Chacun d’entre eux cherchant à faire la plaisanterie qui ferait le plus rire. Ainsi, il y avait une forme de surenchère dans l’humour. Cette surenchère faisait que celui-ci ne souffrait plus aucune limite, tout étant désormais sujet à rire. Or, par cette surenchère débridée dans le rire, les plaisanteries étaient toujours meilleures. Le fait de supprimer toute forme de limite permettait à la créativité de chacun de s’exprimer pleinement.
Formulons donc l’hypothèse d’un rire sans limite au sein d’une action collective. Certaines actions collectives requièrent une vivacité d’esprit et une créativité conséquente de la part des participants. Dès lors, débrider le rire stimule la créativité des membres de ladite action. Or, si ces derniers sont plus créatifs il est très probable qu’ils apportent des idées plus originales et novatrices. C’est le groupe dans son ensemble qui en bénéficiera et l’action collective pourra par conséquent progresser.
Alors même que nous avions en d’abord montré que des limites au rire étaient utiles on peut constater ici que dans certains cas il est préférable de ne lui opposer aucune forme de restriction. Si nous en sommes arrivés à cette conclusion, c’est aussi parce que nous sommes progressivement passés du rire, comme éclat spontané à l’humour. En l’occurrence, ici il semble que ça soit l’humour qui n’ait aucune limite.
3.3.2 La distinction entre rire et humour

Le rire est avant tout un mouvement physique un « éclat de langue », passager. Il peut résulter d’une plaisanterie ou tout simplement d’une situation qui par certains aspects est risible. L’humour lui est bien plus subtil, c’est un mouvement de l’esprit. L’humour est une forme d’esprit qui ne cherche pas à persuader de la fausseté d’une idée, mais à créer un doute sur l’apparence logique du monde ou à mettre en évidence les aspects insolites ou amusants de la réalité. On voit ici que le rire n’est parfois que la simple résultante de l’humour, mais que toute forme d’humour ne conduit pas nécessairement au rire.
3.3.2.1 Le trait d’humour, créateur d’une atmosphère plaisante mais sérieuse
Le trait d’humour, consiste à rebondir sur des éléments qui sont à certains égards amusants. Il se veut délibérément subtil et opportun. Il a donc cette vertu de contribuer à détendre l’atmosphère, mais uniquement de manière éphémère. Ainsi, l’attention peut se relâcher l’espace d’un instant mais aussitôt la concentration revient. Il écarte ainsi les inconvénients liés au rire. En effet, lorsque le rire devient omniprésent au sein d’une action collective c’est progressivement l’oisiveté qui risque de s’installer. Le trait d’humour par son caractère très succinct évite en revanche cette dérive tout en contribuant à forger un cadre agréable à l’action collective.
Le trait d’humour a aussi un rôle particulièrement intéressant pour le leader du groupe. Le chef d’un groupe a donc tout intérêt à le manier avec habileté. En effet le trait d’humour permet de rapprocher le chef de ses subordonnées tout en préservant une certaine distance. Par conséquent celui-ci contribue à former une certaine aura autour du leader. Or, le chef a tout intérêt à être perçu comme charismatique par ses collaborateurs. Si le chef parvient à développer un certain charisme, par des traits d’humour utilisés à bon escient, son autorité s’en trouvera affirmée. Par autorité nous entendons ici le fait que les subordonnées acceptent volontairement d’être commandés et dirigés par leur leader qu’ils estiment légitime.
Ceci contribue à rendre l’action collective plus efficiente pour au moins deux motifs. D’une part si le chef renforce son autorité, via l’humour, ces ordres circulent mieux et sont bien acceptés par ses subordonnées. Par conséquent, ceux-ci les exécutent sans les considérer comme une contrainte. D’autre part, le chef garde tout de même une certaine proximité avec ses collaborateurs, dès lors ceux-ci peuvent lui faire parvenir leurs idées quand ils pensent qu’elles pourraient améliorer le fonctionnement de l’action collective. Le chef reste finalement à distance mais toujours accessible.
4 Bilan
4.1 Retour sur la question de recherche, l’hypothèse, les références théoriques et l’enquête réalisée
Notre question de recherche fut déterminée rapidement : au sein d’un groupe hiérarchisé, faut-il mettre des limites au rire ? En effet, il nous apparaissait qu’à travers une expérience de malaise de groupe suite au mauvais humour d’un leader, le rire détenait un rôle primordial dans la dynamique de groupe. En ce sens, l’étude des limites implicites et explicites qu’il fallait analyser permettait de comprendre comment un leader pouvait jouer de cette lame à double tranchant. L’hypothèse était qu’il fallait mettre des limites claires au rire dans le cadre du travail de groupe, surtout de la part du leader. L’étude des références et des interviews a montré que cette hypothèse était fondée, un leader dispose d’un formidable atout de cohésion : le rire. Toutefois, tout abus ou dépassement des limites de sa part provoque des conséquences on ne peut plus néfaste quant à la dynamique de groupe. Nous comprenons alors aisément pourquoi certains leaders tiennent à préserver une limite avec leur collaborateur y compris dans les moments de « détente ».
4.2 Perspectives, limites, interrogations, apports
Cette étude a montré qu’au delà du rôle de cohésion, le rire dans la dynamique de groupe était un facteur extrêmement complexe à appréhender. En effet, tout le monde est capable d’affirmer qu’il faut poser des limites au rire, mais ces limites sont en elle-même souvent remise en question, les limites ne sont pas dessinées avec précision. Si il semble que la plupart des groupes parviennent à entretenir une relation au rire qui relève du correct grâce aux limite implicites que se fixe chaque individu, il apparaît que dans certains cas, lorsqu’un leader par exemple dépasse ces limites, il devient nécessaire d’exprimer et surtout d’instaurer des limites plus explicites. Sans cela, l’efficacité du groupe est remise en question et pire, sa pérennité.
Ainsi, le rire dans le cadre du travail ne peut être limité, de façon pratique car il serait difficile pour un individu de pouvoir juger et fixer ces limites. Toutefois, pour le bien de l’efficacité de l’équipe, un bon leader saura jouer d’un trait d’humour qui favorise une ambiance conviviale tout en limitant les facteurs créateurs d’un « mal-rire » : moquerie, sujets sensibles… Bibliographie

Abadie, J. (1692). L'art de se connaître soi-même. Paris: Fayard Coll.
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Nietszche, F. (1883). Ainsi parlait Zarathoustra (Vol. La fête de l’âne ).
Schaftesbury, C. d. (1714). Enquête sur la vertu et le mérite .

Annexes
Entretiens (questionnaires …)
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...Management is universal in the modern industrial world. Every industrial organization requires the making of decisions, the coordinating of activities, the handling of people, and the evaluation of performance directed toward group objectives. In addition, our society simply could not exist as we know it today or improve its present status without a steady stream of managers to guide its organization. Peter Drucker makes this same point in stating that effective management is quickly becoming the main resource of developed counties and the most needed resource of developing ones (Certo, 1986). In short, management is very important to our world. Then, what is management? This essay will discuss this topic as following. It has to be recognized that the definitions of management are extremely broad. Harbison and Myers (1959) offered a concept for emphasizing a broader scope for the viewpoint of management. They observe management as an economic resource, a system of authority, and a class or elite from the view of the economist, a specialist in administration and organization, and sociologist respectively. Henri Fayol, “the father of modern management theory,” formulated fourteen principles of management. Hugo Munsterberg applied psychology to industry and management. Max Weber is known for his theory of bureaucracy. Vilfredo Pareto is considered “the father of the social systems approach.” Elton Mayo and F.J. Roethlisberger became famous through their studies of the impact...

Words: 296 - Pages: 2

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...Restaurant Managers are responsible for controlling profitability, optimising restaurant management and overseeing sales, human resources and team management in their respective stores. Profile • Displays managerial and leadership qualities • Autonomous employees who enjoy taking an initiative • Well organised individual • Self-controlled, disciplined and highly driven Operations management (OM) can be defined as "Managing the available resources by designing, planning, controlling, improvising and scheduling the firms systems & functions and thereby deliver the firm's primary product & services. " It has been an integral part of manufacturing and service organisation and is aimed at timely delivery of finished goods & services to the customers and also achieving it in a cost effective manner. It consist of an amalgamation of different functions including quality management, design & industrial engineering, facility and channel management, production management, operational research, work force management, enhancing product design, improvising productivity, and improve customer services. The traditional McDonald's philosophy that acts as the guiding force behind it's operational make-up is "Quality, Service, Cleanliness and Value". The importance of operation management can be divided into three broad categories:- Assistance in Strategic Decisions (Long term):- Operation management decision at the strategic level affect McDonald's effectiveness to address customers...

Words: 1212 - Pages: 5

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...Introduction to Management and Organizations True/False Questions A MANAGER’S DILEMMA 1. Today’s managers are just as likely to be women as they are men. (True; moderate; p. 4) 2. Management affects employee morale but not a company’s financial performance. (False; easy; p. 4) WHO ARE MANAGERS? 3. In order to be considered a manager, an individual must coordinate the work of others. (True; moderate; p. 5) 4. Supervisors and foremen may both be considered first-line managers. (True; moderate; p. 6) WHAT IS MANAGEMENT? 5. Effectiveness refers to the relationship between inputs and outputs. (False; moderate; p. 8) 6. Effectiveness is concerned with the means of getting things done, while efficiency is concerned with the attainment of organizational goals. (False; moderate; p. 8) 7. A goal of efficiency is to minimize resource costs. (True; moderate; p. 8) 8. Efficiency is often referred to as “doing things right.” (True; moderate; p. 8) 9. Managers who are effective at meeting organizational goals always act efficiently. (False; difficult; p. 8) WHAT DO MANAGERS DO? 10. The four contemporary functions of management are planning, organizing, leading, and controlling. (True; easy; p. 9) 11. Determining who reports to whom is part of the controlling function of management. (False; easy; p. 9) 12. Directing and motivating are part of the controlling function of management. (False; moderate; p. 9) 13. Fayol’s management functions...

Words: 6792 - Pages: 28

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...Past Influence of Management Today Abstract The past influence of management was done with bureaucracy and Administrative ways that gives management today to achieve their goals for the organization. Bureaucratic management may be described as "a formal system of organization based on clearly defined hierarchical levels and roles in order to maintain efficiency and effectiveness." Administrative has to foresee and make preparation s to meet the financial commercial and technical condition s under which the concerns must be started. How Bureaucratic and Administrative Management Affects Overall Management Bureaucracy Bureaucratic management focuses on the ideal form of organization. Max Weber was the major contributor to bureaucratic management. Based on observation, Weber concluded that many early organizations were inefficiently managed, with decisions based on personal relationships and loyalty. Also, bureaucracy formed the need for organizations to operate rationally rather than relying on owners’ and managers. (Williams’s pg. 31) this brings Jobs are divided into simple, routine and fixed category based on competence and functional specialization. Officers are organized in a n hierarchy in which higher officer controls lower position holders i.e. superior controls subordinates and their performance of subordinates and lower staff could be controlled. All organizational...

Words: 864 - Pages: 4

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...conceptual skills, interpersonal skills, and technical skills. These three managerial skills are used by different managers in different degrees. Successful managers usually display more conceptual than technical skills. They have to continuously think about the company's goals and objectives and how they can be effectively communicated to employees. Middle Level Management Middle management is the intermediate management level accountable to top management and responsible for leading lower level managers. Image of Middle managers fig. 1 Middle managers Middle management is the intermediate management of a hierarchical organization, being subordinate to the senior management but above the lowest levels of operational staff. Key Points Middle management is the intermediate management of a hierarchical organization, subordinate to the senior management but above the lowest levels of operational staff. They are accountable to the top management for their department's function. They provide guidance to lower level managers and inspire them towards better performance. Middle management may be reduced in organizations as a result of reorganization. Such changes include downsizing,...

Words: 635 - Pages: 3

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...Management Practice and Theory Student’s name: Instructor’s Name: Class Name and Code: University: Date of Submission: TABLE OF CONTENTS Executive Summary …………………………………………………………………… iii Introduction ……………………………………………………………………………. 4 Organisation Effectiveness ……………………………………………………………. 5 Team Effectiveness …………………………………………………………………… 6 Management Theories ……………………………………………………………….... 8 Command and Control ………………………………………………………………… 9 Scientific Management ……………………………………………………………….. 10 Bureaucratic Organisation ……………………………………………………………. 11 Subordination to Community ………………………………………………………… 11 Management as a discipline ………………………………………………………….. 12 Conclusion …………………………………………………………………………… 12 References …………………………………………………………………………... 13 Executive summary A professional manager will acknowledge the contribution of team effectiveness to overall organizational success. Teams will often require leaders to ensure delegation and coordination of group activities for a team to attain the desirable results. This paper seeks to establish influence of management theories on a professional manager both at team and organisation level. The management theory adopted by a leader will determine their style of leadership thus their relationship with employees and other key stakeholders. Introduction A team is a small group of workers with complimentary expertise who share common goals whereby group interests precede over individual interest. Teamwork is essential in organisations...

Words: 2903 - Pages: 12

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...management In general, management is the activity of resolving a disorderly situation into an intentionally orderly situation, to achieve pre-determined (i.e., purposeful) outcomes. Since disorder continuously arises from creativity, destruction, decay, variance, versioning, chaos, and other natural and intentional changes, resolving that disorder into an intended order requires continuous tracking and adjustments in the "architecture" of the intended order's parts, part relationships, and part and relationship attributes. The classic approach to management Classical approach to management is dated back to the Industrial Revolution. the classical approach was an approach that places reliance on such management principals as unity of command, a balance between authority and responsibility, division of labor, and delegation to establish relationships between managers and subordinates. This approach constitutes the core of the discipline of management and the process of management. The classic approach to management – Classical approach - consists of two separate branches: the scientific and administrative management. The achievements of the classical school - the school has created a basis for further development of management theory, identified key processes, functions and leadership skills, which today are considered significant. Limitations of the classical school - more suitable for stable and simple organization of the modern and dynamic. Often recommended...

Words: 463 - Pages: 2

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...INTRODUCTION In thinking about an ideal Total Quality Management (TQM) in a government organization of the 21st century, what follow is innovation, globalization, and a new culture that organizations need to adapt constantly to meet new market situations and competitive business world. "TQM refers to a management process and set of disciplines that are coordinated to ensure that the organization consistently meets and exceeds customer requirements. It allows organizations to survive the global business competition and allows for a continuous improvement (kaizen) to the needs of the rapidly changing world by having organizations move from the current way of doing things to a new and possibly different way of doing things based on systematic management of data of all processes and practices that eliminates waste. TQM require engagement of all divisions; departments and senior management to organize all its strategy and operations around customer needs and develops a culture that allows employee participation. For service organizations, TQM has become a philosophy of management that is driven from the continuous improvement of customer satisfaction that offers meaning to an organization existence in delivering meaningful services to customers and satisfaction and growth to members of the organization. It is from this premises that TQM strategy is to achieve excellence in quality service, low cost, high productivity and organizational effectiveness [Evans, J & Lindsay, W. 2008]...

Words: 2527 - Pages: 11