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Submitted By lindakamdem
Words 8500
Pages 34
Les nouvelles frontières entre vie professionnelle et vie privée chez les femmes comptables professionnelles

Ioana Lupu
Chercheur, Conservatoire National des Arts et Métiers, LIRSA (EA4603) ioanalupu.office@ gmail.com

Marie-Astrid Le Theule
Maître de conférences, Conservatoire National des Arts et Métiers, LIRSA (EA4603) marie.letheule@gmail.com Résumé : Le présent article a comme objectif de contribuer à la compréhension de la conciliation de la vie professionnelle et privée des femmes comptables professionnelles en France. Une des caractéristiques des cabinets comptables est le surinvestissement. Les femmes allient leur vie privée et professionnelle grâce aux aménagements du temps de travail introduisant de la flexibilité dans leur espace temps. Des entretiens ont été réalisés auprès de femmes comptables afin de comprendre comment les nouvelles technologies leurs permettent d’harmoniser vie familiale et vie professionnelle, comment elles les utilisent et quel en est l’impact sur leur vie privée et leur carrière
Mots clés : profession comptable française, femmes, flexibilité au travail
Abstract: This article aims to contribute to the understanding of the reconciliation of professional and private lives of women professional accountants in France. One of the characteristics of accounting firms is over-investment. Women combine their private and professional life through work arrangements introducing flexibility in their space-time. Interviews were conducted with women accountants in order to understand how the new technologies can help balance their family and professional life, how they are used and what is the impact on women’s personal lives and careers.
Keywords: French accounting profession, women, flexible work arrangements

1. Introduction

« Depuis plus d’un demi-siècle, nos sociétés ont connu des transformations culturelles, qui se sont accélérées ces vingt dernières années. Les figures du travail les plus identifiables – associées à l’image d’une dépense physique de force – se heurtent à un usage plus parcimonieux de la motricité humaine, qui devient maniement de symboles et de relations. Le travail humain se fait discret, en se déplaçant vers des manipulations informatiques ou des interactions humaines ; ils se logent, au-delà des lieux classiques de l’atelier, du bureau ou du guichet, dans des espaces-temps rendus pour eux par la diffusion massive des technologies mobiles et numériques, voire intermédiaires entre travail et hors-travail. Enfin, le travail contemporain nous met plus souvent aux prises avec des objets mouvants, indéfinis, complexes. Qu’il s’agisse de gérer les aléas d’un processus automatisé, d’un travail principalement intellectuel, ou bien d’agir sur l’humain, la relation ou la communication, c’est de plus en plus une plasticité – cette disponibilité proprement humaine au changement – qui est directement sollicitée. Comment les travailleurs s’y retrouvent-ils ? » (Bidet, 2011, p. 2)

Bidet (2011) dans son ouvrage sur l’engagement dans le travail pose la question qu’est-ce que le « vrai boulot » ? Aujourd’hui, l’image d’un travail n’est pas forcement liée à une force physique dans un lieu déterminé. Le « vrai boulot » est plus difficile à remarquer. La frontière entre le travail et le hors travail est beaucoup plus fluide. L’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) change le visage des organisations et des professions avec un impact direct sur la vie personnelle et sur la conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. De plus en plus de personnes travaillent en dehors du lieu de travail, voire chez elles. Le travail à distance s’appuie souvent sur l’utilisation des NTIC (téléphone portable, connexion Internet, ordinateur relié au réseau etc.) avec impact sur la redéfinition de l’espace-temps et sur la fluidification des frontières entre vie professionnelle et vie personnelle. L’utilisation des nouvelles technologies, à la disposition de tous, semble être affranchie des inégalités du genre, non soumise au système patriarcal traditionnel et offrant aux femmes des modalités de travail plus flexibles, en adéquation avec leur style de vie. Les cabinets d’expertise comptable et d’audit n’en font pas exception. Si la plupart des métiers du secteur tertiaire s’est féminisée (avocats, juges, médecins), la profession comptable reste marquée par une minorité féminine. La rareté des femmes dans la profession comptable libérale (19% en 2010) la rareté des femmes dans des positions élevées dans les cabinets d’audit ainsi que la rotation plus importante des femmes (Browne, 2005 ; Pillsbury et al., 1989) nous ont amenées à nous questionner sur leur vie professionnelle et l’impact des nouvelles modalités de travail basées sur l’utilisation des nouvelles technologies sur leur vie privée. Une des caractéristiques du travail en cabinet ou du travail en libéral est le surinvestissement. Les NTIC permettent de travailler chez soi, le soir, la nuit. La frontière entre le travail et le hors travail est difficile à définir. D’où nos questions : la vie privée que nous définissons comme la vie hors travail est-elle protégée ? et comment les femmes comptables s’y retrouvent-elles ?
Les sciences de gestion se sont intéressées aux femmes managers ou cadres et à leurs difficultés à gravir l’échelle organisationnelle (Landrieux-Kartochian, 2007 ; Laufer, 2004 ; Martin, 2010) ainsi qu’aux politiques de diversité mises en place par les organisations (Bender, 2004). Cependant, la place des femmes dans les métiers de la comptabilité ainsi que l’impact des nouvelles technologies sur leurs vies professionnelles et privées restent sous-explorés. En effet, l’étude du genre dans les métiers de la comptabilité a commencé à être étudiée dans les revues anglo-saxonnes à la fin des années 1980 (Crompton, 1987 ; Pillsbury et al., 1989), mais c’est seulement ces dernières années que les recherches françaises ont abordé ce sujet (Dambrin et Lambert, 2008). C’est justement ce manque que la présente recherche se propose de combler.
Cet article s’appuie sur la réalisation d'une trentaine d’entretiens semi-directifs, réalisés d’un côté auprès de femmes exerçant dans de gros cabinets et de l’autre auprès de femmes exerçant en cabinets individuels. L’analyse des entretiens montre que l’utilisation des nouvelles technologies facilite l’invasion de la vie privée par la vie professionnelle et fournit par ailleurs aux cabinets les moyens de demander de la part des femmes une disponibilité sans bornes au détriment de la vie familiale. Néanmoins, l’utilisation des nouvelles technologies et des aménagements du temps de travail par ces femmes n’a pas que des effets oppressifs. Elle permet de concevoir une organisation plus flexible du travail et finalement une meilleure conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle. Or, même si ces aménagements offrent une plus grande flexibilité à ces femmes, non seulement la vie hors travail est difficile à maintenir, mais aussi ceux qui les utilisent (majoritairement des femmes) sont rendues moins visibles que les hommes. Travailler chez soi, la nuit, le week-end n’est pas forcément considéré comme du vrai « boulot » et rend peu visible leur travail.
Après une présentation synthétique de la littérature sur les spécificités de la culture des cabinets comptables et d’audit et l’utilisation des NTIC, cet article présentera brièvement la méthodologie de recherche. Ensuite, nous allons présenter une analyse des entretiens réalisés auprès des comptables professionnelles et nous allons conclure l’article en présentant un résumé de l’argument.

2. Revue de littérature
2. 1. Culture des cabinets comptables et d’audit
La culture des cabinets de services professionnels a été souvent décrite comme étant masculine (Acker, 1992 ; Laufer, 2004), homo-sociale (Anderson-Gough et al., 2005 ; Kanter, 1977), valorisant les longues heures de travail (Anderson-Gough et al., 2001 ; Lapeyre, 2006). La compétition, la socialisation en dehors du travail, mais aussi l’esprit d’équipe et la coopération (Anderson-Gough et al., 2005) semblent être des traits définitoires. Par ailleurs, il s’agit d’une culture qui met l’accent sur le sacrifice du temps personnel (Anderson-Gough et al., 2001, 2005) et la raison principale étant celle de service au client (Anderson-Gough et al., 2000). Par ailleurs, la rhétorique du client et de l’esprit d’équipe (Anderson-Gough et al., 2005) a des effets normalisateurs sur les pratiques des cabinets et vise à légitimer la demande de faire des heures supplémentaires, de respecter les délais et d’adopter une certaine apparence physique et un certain comportement envers le client. Dans ce sens, ces discours construisent l’image du « bon » professionnel comme quelqu’un qui fait beaucoup d’heures et montre une disponibilité totale envers le client. Cette définition du bon professionnel correspond au concept de l’illusio défini par Bourdieu. L’illusio c’est la croyance à un enjeu social spécifique si important qu’il faille le poursuivre. Cet enjeu pour l’individu est indispensable car c’est une croyance socialement justifiée. Il y a un ensemble de dispositions que le professionnel adopte qui montre que l’on a intégré les règles implicites de ce travail et que l’on joue le « jeu » (Bourdieu, 1980). A l’opposé, la position de ceux qui font appel au temps partiel ou autres aménagements du temps de travail sera problématique en particulier par rapport à la progression professionnelle (Anderson-Gough et al., 2001). Dans ces organisations, l’engagement (commitment) au travail est souvent construit en termes de « centralité » du travail et présence (Dick et Hyde, 2006). Or en France, en dépit de l’émancipation sociale et économique des femmes, les rôles de genre semblent rester plus ou moins inchangés car dans la vie privée les femmes assument encore l’essentiel des tâches domestiques et parentales (CES, 2008 ; GFDT, 2000). D’ailleurs, comme montré par Walby (1997), l’inégalité entre les sexes dans la sphère familiale est centrale pour la compréhension des inégalités professionnelles car les deux sphères sont fortement interconnectées. D’autres auteurs parlent de la double journée de travail pour les femmes qui ne représente pas seulement l’addition de deux types d’activités dans deux lieux différents, mais aussi la superposition de deux charges de travail simultanées (Ferrand, 2004, p. 17). De ce fait, la culture de ces cabinets est d’une manière générale défavorable aux femmes et à la conciliation entre et vie personnelle et vie professionnelle. C’est pour cela que nous allons nous intéresser tout particulièrement dans cet article à cette interconnexion entre les deux sphères et à la redéfinition des frontières vie professionnelle et vie privée par l’utilisation des aménagements flexibles du temps de travail.

2.2. Les nouvelles technologies et la flexibilité au travail

Sous l’influence des forces exogènes comme la globalisation et la généralisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, mais aussi des forces endogènes comme la pression de la part des professionnels pour une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, la profession comptable change. Il n’est plus possible d’imaginer le travail d’un expert-comptable sans toute une infrastructure d’ordinateurs portables, de logiciels de traitement des données, d’Internet ou de téléphone portable. Tout cela permet, par exemple, aux professionnels de se déplacer chez leurs clients, de répondre aux sollicitations même en dehors des heures de travail et de communiquer avec les clients, les managers et les collègues de chez soi tout en ayant accès aux documents. Le travail à distance ou le télétravail est ainsi devenu partie intégrante du travail du comptable professionnel. Par ailleurs, des recherches dans le domaine de la comptabilité montrent que l’introduction des aménagements de travail réduit les intentions de départ ainsi que la rotation du personnel (Almer et Kaplan, 2002). Il semble que l’apparition et la généralisation des aménagements du travail basées sur l’utilisation des NTIC dans les cabinets comptables ait été impulsée par la rotation importante des femmes et par le désir des cabinets de les garder (Hooks et Tyson, 1995). Il n’est pas surprenant, alors, de voir qu’on y ait recours plus souvent. Cependant, en dépit du fait que de plus en plus de cabinets offrent ce genre d’aménagements alternatifs de travail, le nombre des personnes qui y ont recours reste limité (Charon et Lowe, 2005 ; Frank et Lowe, 2003). L’explication semble être que même si ces aménagements flexibles du temps de travail augmentent la satisfaction au travail et l’équilibre vie privée/vie professionnelle (Lautsch et Kossek, 2010), cela se fait au détriment de l’évolution future de la carrière (Frank et Lowe, 2003). 2. Méthodologie de recherche

Cet article s’appuie sur des entretiens semi-directifs à portée biographique réalisés dans le cadre d’un travail doctoral. Etant donné que le sujet de notre article est constitué par les femmes comptables professionnelles, nous allons utiliser seulement les entretiens avec des femmes (20 experts-comptables et 5 stagiaires).
La méthode utilisée pour trouver des répondants a été la méthode boule de neige, c’est-à-dire sur les recommandations de personnes déjà interviewées. Par ailleurs, dans le cadre de cette recherche, le choix des interlocuteurs ne relève pas d’une représentativité statistique. Il faut préciser d’emblée que les femmes n’ont pas été sélectionnées pour former un échantillon représentatif parce que le but de cette étude était de comprendre les expériences personnelles des femmes professionnelles comptables. Ainsi, nous avons considéré plus adéquat en raison de la nature de notre objet de recherche d’utiliser l’échantillonnage théorique. Il suppose que la collecte des données est guidée par des concepts issus de la théorie en construction. La question, ici, n'est donc pas d'augmenter la « généralité » des résultats statistiques, mais plutôt de développer ou d'affiner les catégories théoriques émergeantes (Charmaz, 2006). Il faut pourtant souligner que par ailleurs, en raison de la difficulté d’accès au terrain nous n’avons pas toujours pu contrôler le choix des personnes à interviewer. En conséquence, nous ne peux que nous réjouir qu’au final les personnes enquêtées forment un contingent assez divers ce qui donne de la richesse à l’étude. Elles exercent sous diverses formes dans la profession comptable libérale, présentent des situations familiales différenciées, se situent dans différentes tranches d’âge, sont originaires de milieux sociaux assez hétérogènes et exercent leur profession en Ile de France. Elles font aussi partie de cabinets de petite et moyenne tailles et non seulement des Big 4, comme dans la quasi-majorité des recherches antérieures (voir profils des interviewées dans les tableaux 1 et 2 en Annexe). L’échantillonnage tend à devenir de plus en plus ciblé au fur et à mesure de la progression de la recherche. Il se termine avec la saturation théorique.
Les entretiens se sont déroulés sur une période d’environ un an et demi, de novembre 2007 à juillet 2009. D’une durée variable, entre trois quarts d’heure et deux heures, tous les entretiens ont été enregistrés. Ces entretiens ont fait l’objet d’une analyse de contenu qualitative à l’aide du logiciel NVivo 8. Un dictionnaire des thèmes a été conçu. Cet article est principalement basé sur les catégories relatives aux aménagements flexibles du temps de travail existants dans les cabinets, mais aussi à l’impact de celles-ci sur la vie professionnelle et familiale des femmes comptables professionnelles.

3. Les enjeux de la flexibilité pour les comptables professionnelles
4.1. Du surinvestissement à la transformation en robot
Comme certains chercheurs l’ont montré, la question du temps est centrale dans les processus de socialisation et de construction de l’identité des comptables professionnelles (Anderson Gough et al., 2001, 2005 ; Coffey, 1994). Selon Davies (1990), l’identité d’une personne est liée à la conscience et la structuration du temps qui est linéaire et calculable (p. 243). Le temps est un élément d’autant plus important dans les cabinets d’audit et comptabilité que le business model de ces organisations est construit à partir de la réalisation du chiffre d’affaires sur la base des heures facturables de ses collaborateurs.
Les nouvelles recrues se voient exposées à un rythme de travail ardu et l’intégration au sein de l’équipe suppose aussi d’accorder son rythme de travail au rythme des autres. Une fois qu’ils réussissent à s’accorder au rythme, à internaliser d’une certaine façon la cadence du cabinet, ce rythme devient une habitude, faisant partie de la routine quotidienne. Le difficile au début c'est de suivre le rythme qui est un peu dense. Alors, au début il y avait des week-ends, tout le week-end, samedi complet, dimanche aussi et puis on se tient au rythme. (Sabine, ex directrice, Big, sans enfant) Le rythme constant de travail avec des horaires surchargés devient une routine qui est « intrinsèque au maintien de la personnalité de l’agent, qui se déplace le long des sentiers des activités quotidiennes » (Giddens, 1984, p. 109). La pression temporelle devient de plus en plus forte avec l’ascension hiérarchique, mais tout en haut de la hiérarchie la possibilité d’invention identitaire se trouve sensiblement réduite (Kaufmann, 2004, p. 269), et les initiatives ne sont développées « qu’à l’intérieur d’un espace de jeu strictement délimité » (id., p. 267).
Sabine, ex directrice dans un Big, évoque la croissance de la pression au fur et à mesure de l’avancement hiérarchique. Un des plus importants défis que la profession lance est de faire face année après année à un rythme de plus en plus dense. La pression est de toujours s’améliorer et de toujours augmenter sa productivité marginale :
Forcément c’est difficile parce que tous les ans on va vous demander plus : « c’est très bien, on est très content, maintenant on veut plus ». Ça ne convient pas à tout le monde. (Florence, associée, Big, sans enfant)

Et pour pouvoir avancer il aurait fallu que je sois encore meilleure, encore plus performante, encore plus travailleuse, alors que j'étais déjà [en mettant la main au cou elle fait le son d'une personne étranglée]. Donc trop c'est trop. (Sabine, ex directrice, Big, sans enfant)

Le travail comptable est fortement lié au concept de temps cyclique, opérationnalisé par la notion de périodicité en comptabilité (Ezzamel et Robson, 1995). Par ailleurs, à cause de cette périodicité, il y a une succession de périodes chargées qui alternent avec des périodes creuses chaque année. En revanche, il semble, selon les personnes interviewées, que dernièrement cette périodicité se ressent beaucoup moins et surtout qu’elle s’atténue au fur et à mesure de l’avancement hiérarchique.
[...] les premières années, sur l’année il y a des périodes un petit peu dures, mais il y avait quand même des périodes de creux. […] Au fil du temps, ces périodes là elles ont diminué et de plus en plus le planning était bien rempli toute l’année. Et après, d’une année sur l’autre non seulement c’était rempli, mais archi-rempli, c’est-à-dire la pression dans la journée était encore plus élevée. (Sabine, ex directrice, Big, sans enfant)

La quantité de travail est dans certaines périodes tellement lourde que pour résister il faut se livrer au travail dans un rythme incompréhensible pour les autres (en particulier l’entourage) : J’étais vraiment devenue un robot. Je trouvais ça normal. Ça me choquait quand tout le monde autour de moi, de mon mari à mes parents et amis me disaient : « mais tu es folle ? ». Je leur répondais : « Mais, non, c’est normal. » C’est comme un lavage de cerveau. Vous êtes dans une espèce de système mental où on vous en demande toujours plus et on se dit que ce n’est pas grave, que l’on se reposera après…mais l’accalmie n’arrive jamais… (Yael, ex supervisor, Big, enceinte de son premier enfant) La compétition entraine un travail de jour comme de nuit au point que les tensions sont présentes. On note dans entreprise au sens large, en cabinets des gens qui ont des comportements « anormaux, agressifs, mesquins, méprisants », des gens qui sont dans la lutte du pouvoir, pour la lutte du pouvoir, qui sont constamment dans une perspective de pouvoir et non pas de faire avancer les choses concrètement, de traiter un dossier. La manière dont ils agissent, elle s’explique plus par un enjeu du pouvoir, jusqu’à arriver à des choses complètement…abracadabrantes. Moi, j’ai en tête un responsable de service de conso, où le responsable travaille tous les jours jusqu’à minuit et en gros il quasi demande la même chose à ses collaborateurs. …On a l’impression que les gens deviennent fous, enfin un peu fous. Est-ce que c’est la pression…la main d’œuvre coûte très cher, donc il faut la faire travailler plus dur, plus vite, plus efficacement etc., donc est-ce que c’est ça qui crée des tensions qui font que… (Sabine, ex directrice, Big, sans enfant) Ce surinvestissement en temps et en énergie est une caractéristique du travail en cabinet, il concerne aussi bien les hommes que les femmes. Néanmoins, comme toute minorité, la femme au sein de son travail, est obligée d’en faire plus que la majorité masculine. Kanter (1977) décrit la pression plus forte à la performance pour un groupe minoritaire, or les femmes en position de responsabilité dans un cabinet d’audit représentent encore un groupe minoritaire. Ainsi, les femmes qui veulent être associées doivent travailler plus dur et être meilleures qu’un homme afin d’être choisies de préférence à celui-ci :
[...] pour arriver à un poste, habituellement c’est plutôt un homme qui a le poste, il va falloir que la femme surperforme, voyez ? … c’est qu’on va exiger plus de qualités à une femme pour pouvoir arriver à un poste où un homme évidemment avec des qualités moyennes, c’est normal qu’il prenne le poste, quoi. Elle va falloir surperformer…je pense quand même que ça reste vrai dans un certain nombre des cas…(Francine, associée, Big, deux enfants)

Les extraits d’entretiens de ces femmes montrent que la vie professionnelle s’introduit dans la vie privée en devant travailler le week-end, en devant toujours plus, au point de devenir un « robot » malgré les injonctions protectrices des proches de la famille ou de l’entourage. Or, on remarque qu’au départ c’est difficile puis, l’habitude est prise au point de ne plus pouvoir s’en défaire. C’est ce que Bourdieu appelle l’ « illusio ».
« L'illusio n'est pas de l'ordre des principes explicites, des thèses que l'on pose et que l'on défend, mais de l'action, de la routine, des choses que l'on fait, et que l'on fait parce qu'elles se font et que l'on a toujours fait ainsi... » (Bourdieu, 1997, p.122-123).

L’enjeu social est si important qu’il faut le poursuivre. Ces femmes montrent qu’elles ont intégré les règles du domaine professionnel comptable (c’est-à-dire l’habitus). Elles les ont intégrées au point que ces règles deviennent inconscientes (ou naturelles) et qu’elles finissent par adopter des attitudes correspondant à toutes les contraintes du domaine.
« Aux questions sur les raisons de l'appartenance, de l'engagement viscéral dans le jeu, les participants n'ont rien à répondre en définitive, et les principes qui peuvent être invoqués en pareil cas ne sont que des rationalisations post festum destinées à justifier, pour soi-même autant que pour les autres, un investissement injustifiable. » (Bourdieu, 1997, p.122-123)

Bourdieu compare l’illusio à un jeu (à l’exception que dans un jeu on est conscient). C’est comme si on était pris dans un jeu, voire même corporellement on est pris dans ce jeu et il n’est plus possible de se mettre hors jeu. Dans ce cas, la vie professionnelle rentre dans la vie privée par le temps (le soir, les samedis et dimanches) par l’espace, mais aussi avec le corps qui devient robot. La famille est surprise, étonnée, mais l’Autre ne peut entendre ayant intégré ces schémas comme vrais.
« On a ainsi des enjeux qui sont, pour l'essentiel, le produit de la compétition entre les joueurs; un investissement dans le jeu, illusio : les joueurs sont pris au jeu, ils ne s'opposent, parfois férocement, que parce qu'ils ont en commun d'accorder au jeu, et aux enjeux, une croyance (doxa), une reconnaissance, qui échappe à la mise en question (les joueurs acceptent, par le fait de jouer le jeu, et non par un "contrat", que le jeu vaut la peine d'être joué, que le jeu en vaut la chandelle) et cette collusion est au principe de leur compétition et de leurs conflits. » (Bourdieu, 1992, p. 73)

En effet, ce surinvestissement est-il conciliable avec la vie privée ? Paradoxalement, certaines femmes vont réussir à protéger des espaces, à sortir de cet « illusio ». (Bourdieu précise que même si on est dans un champ avec une illusio forte, il est possible de faire changer cet illusio.) Comment cela se fait-il ? Selon l’INSEE (2002), la femme s’occupe en grande partie des tâches domestiques et des enfants ce qui oblige certaines à concilier un espace temps pour la vie professionnelle et privée. Bidet explique que selon les difficultés, les travailleurs trouvent de nouvelles voies. Il existe en eux “une puissance d’agir trouvant sa propre fin dans l’invention de problèmes et de médiations nouvelles. Cette capacité à être le « théâtre » d’une individuation permanente est une propriété du vivant”(Bidet, 2011, p. 166). Les nouvelles technologies introduisent de la souplesse dans les horaires et les espaces. L’écran devient, alors, le lieu symbolique du travail. Bidet cite une étude de Knorr Cetina et Bruggers sur les traders. Tous deux évoquent « l’habitation » et « l’adhésivité » du monde sur écran des traders. « On travaille, on se détend, on mange et on dort littéralement avec les marchés ». Ils montrent que pour les traders, le « marché » a un lieu, l’écran comme « espace symbolique commun ». (Bidet, 2011, p. 281)
Pour les femmes comptables professionnelles l’écran devient un espace symbolique commun. Qu’en est-il de ces femmes qui deviennent mères ?

4.3. Présence et travail à distance - Travailler différemment – la flexibilité

Dans cette partie, nous nous intéressons à ces mères qui ont choisi de rester en cabinet et d’essayer de s’adapter à la culture organisationnelle tout en créant des espaces de flexibilité pour leur vie privée. (En aucun cas, nous ne réduisons la femme uniquement à la maternité, et nous ne réduisons la vie privée des femmes à la vie de mère). Au cours des entretiens, les femmes évoquent souvent la difficulté de concilier leur vie familiale (particulièrement de mères) et leur vie professionnelle. D’ailleurs, selon les témoignages que nous avons pu recueillir, certaines après leur premier enfant changent de travail pour aller en entreprise. Puisque les femmes doivent, une fois mère, glisser des temporalités familiales assez lourdes dans leurs routines de travail, elles adoptent différentes tactiques qui ont comme but une utilisation plus efficace de la ressource temps. Ainsi, elles optent pour un travail plus flexible qui leur permettra de participer à des activités avec leurs enfants et de pouvoir intervenir en cas de besoin. Certaines professionnelles profitent de tout moment libre pour travailler, mais tout en gardant du temps disponible à passer avec les enfants : [...] à titre anecdotique, quand je suis chez le coiffeur, je travaille, quand je suis dans l’avion, je travaille, quand je prends le train, je travaille. Dès que j’ai un instant libre, je travaille […]. Et dans un monde où il y a quand même beaucoup d’hommes qui n’ont pas ces contraintes-là, c’est plus difficile de se faire respecter…parce qu’on va assez vite dire : « bah, oui, elle n’est encore pas là, elle est avec ses enfants » et ça va décrédibiliser la femme. Alors, qu’en fait, on va produire la même charge de travail, mais à des moments différents. Moi, ça m’arrive fréquemment d’amener du travail chez moi, je le fais quand les enfants sont couchés. Ils sont couchés, ils ne voient pas et je profite d’eux quand ils sont éveillés (Hélène, associée unique, cabinet individuel, deux enfants). Le verbatim ci-dessous fait un point important, dans le monde organisationnel, les femmes adoptent de nouvelles méthodes de travail qui ont comme objectif la conciliation entre vie personnelle et professionnelle. La flexibilité du temps de travail à l’aide des nouvelles technologies est un moyen de s’adapter à la culture organisationnelle. Elle permet par ailleurs le passage de la vie professionnelle dans la vie privée par le brouillage des frontières espace-temps. Afin de concilier au mieux sa vie familiale et sa vie professionnelle, Anne, associée d’un cabinet moyen, fait en sorte de toujours rester en contact avec le cabinet et d’être « toujours joignable 24h sur 24 » :
La contrepartie c’est effectivement d’avoir un Blackberry, de renvoyer ma ligne sur mon téléphone et donc en fait que je sois au bureau ou pas, je peux répondre au téléphone, les clients s’en rendent pas compte. […] Le mail fonctionne beaucoup, je travaille plus le soir, je travaille en vacances, je prends une semaine, à part les vacances scolaires, depuis voilà que maintenant mon fils est en SP. La question se pose pas, je prends une semaine à chaque vacance scolaire, mais je suis toujours connectée, je lis les emails tous les jours, ma ligne est toujours transférée, même au mois d’août, donc je suis disponible pour répondre aux urgences et les clients le savent ; ils ont mon téléphone portable. Donc voilà comment je gère. Et moi ça me convient parce que les enfants ils ont l’impression que je suis avec eux et je suis avec eux et qu’ils n’y en pâtissent pas trop. Quelque fois c’est mon sommeil qui en pâtit parce que le soir ça m’est arrivé qu’en période chargée je travaille très tard le soir et l’année (Anne, associée gérante, cabinet moyen). La première préoccupation d’Anne est que les enfants ne souffrent pas trop de l’absence de leur mère. Elle n’hésite pas, pour cela à adopter une manière de travail hyper-flexible qui lui permet de répartir la charge de travail sur des périodes qui ne sont pas régulièrement destinées à être utilisées pour le travail, comme la nuit et les vacances. Toute cette organisation nécessite un investissement important en termes d’organisation et d’énergie qu’elle n’hésite pas à mettre en place. Selon l’expression d’une associée de Big 4, les professionnelles aujourd’hui « se donnent les moyens » pour réussir à avoir une vie professionnelle épanouie qui n’empiète pas trop sur la vie de famille. Les nouvelles technologies leur permettent de gérer l’imprévu. Faisant preuve d’une grande capacité d’organisation qui lui permet d’anticiper et de faire face aux urgences, Anne gère sa vie familiale tout en restant connectée à son travail.
[…] je me déplace toujours, toujours avec mon ordinateur, parce que je ne sais jamais si je vais rentrer directement chez moi, ou si je vais passer par le bureau. Je sais jamais si un soir, même si je ne vais pas travailler le soir je prends mon ordinateur parce que je sais jamais si le matin, si un enfant est malade, je travaillerai chez moi, et donc il faut que j’aie mon ordinateur. L’ordinateur est toujours dans mon sac, toujours (Anne, associée gérante, cabinet moyen). Selon Agnès, associée d’un Big, la flexibilité est intrinsèque à la profession : Et puis après moi je considère et en pratique c’est ce qui se passe, on a beaucoup de flexibilité dans notre métier, c’est l’avantage d’être une profession libérale et d’entrepreneur. Ce qui est important c’est le résultat. Le mode de fonctionnement est basé sur la responsabilisation des gens. A partir du grade de manageur, donc après cinq, six ans d’expérience chacun s’organise comme à sa façon et selon ce qu’il faut. Donc, après ça veut dire quoi ? Ca veut dire que moi quand j’ai besoin d’aller chercher mes enfants, je ne sais pas, pour les amener au train, ils partent en vacances, j’y vais, et puis que parfois je travaille de chez moi et puis ce n’est pas un sujet, quoi (Agnès, associée Big). Il semble qu’au fur et à mesure de l’avancement hiérarchique, les professionnels ont de plus en plus de flexibilité. Après une période de quelques années quand les nouvelles recrues sont très encadrées et socialisées pour internaliser les normes de comportement professionnel, elles reçoivent plus de liberté pour s’organiser. Cependant, cette liberté est assortie à plus de responsabilité, ce qui fait qu’elles ne vont que marginalement profiter de leurs nouvelles libertés. Au niveau organisationnel, comme Agnès l’affirme, le programme flexible est assez souvent utilisé sans être pour autant réglementé : [Avoir un programme plus flexible] Pour moi c’est intrinsèque à notre mode de fonctionnement. Je pense qu’en fait, en réalité il y en a beaucoup qui le font, après c’est très difficile de le normer et de l’encadrer. On s’est posé la question, mais c’est presque trop compliqué (Agnès, associée Big). Pourquoi est-ce si difficile de favoriser ces possibilités de travail flexible ? Serait-ce parce que les cabinets ne veulent pas généraliser ces pratiques souhaitant contrôler leur utilisation ? D’ailleurs nous allons voir dans ce qui suit que leur utilisation en cabinets n’est pas tellement démocratisée car restant le privilège des positions hiérarchiques élevées.

4.4. Flexibilité et invisibilité Ces femmes (entre autre celles qui sont mères) lorsqu’elles arrivent à concilier la vie professionnelle et la vie familiale, se retrouvent face à trois difficultés :
La première difficulté est la disponibilité 24 heures sur 24, la réponse aux clients et aux associés sont à assurer en permanence. Ceci est commun aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Ce qui veut dire une disponibilité permanente pour répondre à ces clients ou à ses supérieurs dans un juste à temps. La rhétorique du service envers le client, par sa composante de disponibilité, semble directement liée avec le management du temps professionnel versus le temps familial. Ainsi, il y a une injonction forte pour que les collaborateurs se montrent disponibles et flexibles pour le client plutôt que pour le bénéfice de leur vie familiale (Anderson-Gough et al., 2001). Mais c’est vrai que ce qui est dur, au niveau du cabinet, c’est que la première contrainte c’est le client, et donc, ça enlève tout de suite, moins de flexibilité (Cécile, supervisor I, Big, sans enfant). La deuxième difficulté est le développement du réseau clients. Dans le domaine comptable, pour s’assurer la continuité et le développement de la clientèle le professionnel doit adopter une attitude active auprès des clients ou des contrats. Ceci est valable pour les experts-comptables indépendants, mais aussi pour les associés salariés des cabinets comptables. Dans ce contexte, le relationnel obtient un sens de survie et de pérennité des cabinets. Dans la construction des réseaux, le professionnel doit puiser fortement sur son temps personnel. Ce temps pour la socialisation, souvent un temps passé en dehors du travail avec les collègues, les supérieurs hiérarchiques et les clients est souvent négligé par les femmes qui se concentrent plus sur le développement de leurs compétences et l’aspect technique du métier que sur l’aspect relationnel. Ainsi, pour cette ex-senior manager, les femmes passent moins de temps que les hommes à développer le relationnel qu’elles considèrent, marquant l’adhésion à la culture organisationnelle, « a priori inutile » : Si on veut se positionner sur un nouveau dossier, il faut avoir l’information en amont. Plus on a l’information en amont, plus on peut agir et obtenir quelque chose. Tandis que si vous attendez la dernière minute, on vous dit : « tiens, il y a eu un appel d'offre, on y a participé, ça a été gagné, mais c'est les personnes qui ont rédigé la réponse à l'appel d'offre qui sont nommées pour suivre le dossier ». C'est trop tard. C'est vrai que ça se fait : obtention de l’information en amont sur quelle va être l’activité dans les prochains mois ou années, obtenir l’information sur qui a le pouvoir de décision et comment se décident les choses concrètement. Il y a le discours officiel dans les entreprises, toujours il y a le discours officiel et puis, il y a le discours moins officiel. Donc, sans doute, les femmes sont peut-être plus handicapées parce qu’elles ne prêtent pas peut-être suffisamment d’attention à ce type de choses, genre pour des raisons que ce n’est pas utile, qu’à partir du moment où elles font bien leur travail, ça suffit. Non, ça ne suffit pas. (Sabine, ex directrice, Big, sans enfant) Cette situation s’explique par le fait que les femmes « ont la nécessité de rentrer vite le soir ». Cette nécessité vient du rôle qu’elles sont censées accomplir auprès de leurs enfants. Elles ne peuvent pas passer leur temps simplement « à discuter avec les uns et les autres » car le temps libre est une ressource que les femmes possèdent en moindre quantité que les hommes. Le temps d’une femme, plus que le temps d’un homme, est une question de négociation avec l’organisation, avec la société, avec la famille (Davies, 1990). Posséder du temps, libérée des (pré)occupations domestiques signifie avoir des atouts dans la compétition sociale. Car c’est la possession de ce temps qui rend le phénomène d’homo-socialisation possible et ainsi fournit un des moyens de reproduire et de maintenir la position des hommes dans la société (Davies, 1990, p. 238). La troisième et dernière difficulté est l’absence de visibilité. En effet, elles ont beau avoir la compétence technique, cela est insuffisant pour être reconnues.
Le côté ‘théâtral’ de la carrière organisationnelle est toujours au rendez-vous lors des soirées et sorties informelles surtout aux plus hauts niveaux. Pour se faire remarquer, la conduite à adopter c’est de s’afficher, d’être une personne mondaine qui sait divertir. Etant passée « de l’autre côté », Françoise a compris comment fonctionne la cooptation des associés. Elle dit s’être rendue compte que les femmes misent trop sur leurs qualités techniques sans comprendre l’importance du côté marketing dans la profession :
[…] les structures sont tellement loin, il faut qu’ils vous connaissent. S’ils ne les connaissent pas, ils ne vont pas voter pour eux. Faut aussi utiliser tous les cas de figure qui vous permettent de vous faire reconnaître, valider et ainsi de suite. Et c’est vrai qu’entre aller faire le clown à une soirée ou votre travail, pas forcément, …mais ça fait avancer votre carrière. (Françoise, associée Big, deux enfants)

La socialisation a inscrit sur les corps des femmes les normes de comportement qui régissent la présentation du soi en public. En dépit d’un travail réflexif évident des femmes sur elles-mêmes, cette inscription semble difficile à contourner (Bourdieu, 1998). […] les femmes n’ont pas été habituées à ça, elles sont un peu sous cet aspect de modestie, peut-être un peu imposé par toute une génération qui était avant nous, hein…la femme est plus discrète, plus effacée et avec cette impression si on travaille bien ça va suffire quoi. Et en fait, non, ça ne suffit pas, on s’aperçoit que les hommes passent leur temps, dans les hiérarchies, dans les structures professionnelles à faire savoir ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont réussi et c’est avec ça qu’effectivement se font les promotions. […] Ça je sais que je peux me l’appliquer à moi même, j’ai sans doute été trop…beaucoup trop en retrait par rapport au bruit que j’aurais pu faire, sans doute c’est encore vrai aujourd’hui (Francine, associée Big, deux enfants).

C’est une culture de la visibilité qui pénalise les femmes qui savent (dans une moindre mesure que les hommes) se rendre visibles.
Donc il faut vous faire voir, il faut de la visibilité. Il faut faire que les choses qui sont utiles - ça ne sert à rien de faire des choses inutiles qui ne sont pas visibles, voilà. Si vous ne faites pas ça, vous vous épuisez à faire des choses qui ne sont pas visibles, donc ça ne sert à rien. (Françoise, associée Big, deux enfants) Faire avancer sa carrière équivaut au fait de faire plus de choses visibles et de minimiser la part des choses invisibles qui épuisent sans apporter de récompenses. La conduite à adopter c’est de se faire remarquer, s’afficher et non d’être dans une démarche de modestie. Il ne s’agit plus d’une simple exposition, mais carrément d’une exhibition. Ce genre de travail n’est pas celui fait par un expert, mais plutôt celui fait par une personne douée pour se ‘vendre’ elle-même.
Plus précisément, en ce qui concerne la gestion de la visibilité, il y une différence significative entre salariées et indépendantes. Pour les professionnelles exerçant en indépendant, le choix de travailler ou pas à la maison est relativement libre, ne dépendant que de la gestion des clients. Par contre, les salariées évitent, avec de rares exceptions, de travailler à la maison car ce travail n’est pas reconnu. Moi, si je veux, je ne suis pas obligée d’être là physiquement, mais dans leur tête si je ne travaille pas au bureau, je ne travaille pas tout court. (Sophie, manager, cabinet moyen, enceinte de son premier enfant) En dépit de l’émergence dans les cabinets des systèmes de travail à distance, cette modalité n’est utilisée qu’exceptionnellement.
Alors, ce qui s’est quand même amélioré, je trouve, dans la vie professionnelle [c’est qu’] on peut travailler à distance, y compris sur Internet, un peu comme si on était au bureau. Ah, oui, j’ai fait ça pendant les grèves, […] mais c’est vrai que ce travail à distance, ça peut se faire, s’il y a un souci familial ou je ne sais pas quoi. Alors, je ne sais pas si on va travailler dix heures pas jour, mais si quelqu’un attend quelque chose c’est possible. Pourvu que ça ne se remarque pas trop qu’on n’est pas là (Christelle, manager Big 4).

La crainte qu’on remarque l’absence du collaborateur est toujours présente ce qui fait que cette forme de travail reste marginale dans les cabinets.
Les opinions sur la possibilité ou non de faire du télétravail quand on travaille en audit semblent par ailleurs varier en fonction du grade de la personne interviewée. Si pour Agnès, associée dans un Big la flexibilité était intégrante à la profession, pour Mounia, qui est assistante expérimentée dans le même Big, travailler de chez soi ce n’est pas compatible avec le travail aux locaux du client. Ce qu’elle perd de vue est qu’essentiellement le travail d’un associé est un travail d’encadrement des équipes.

5. Conclusion

Dans les cabinets, un surinvestissement est demandé aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Néanmoins les femmes sont en petit nombre dans ces cabinets. Comme elles appartiennent à une minorité, elles sont alors obligées d’en faire beaucoup plus qu’un homme. Ce surinvestissement a un impact sur la vie privée, en effet la vie professionnelle déborde sur les soirées et sur les week-end. Mais une limite est atteinte lorsque les femmes deviennent mères. A ce moment là, il y a un turnover élevé dans ces cabinets, beaucoup de femmes quittent ce travail pour aller en entreprises. Nous nous sommes intéressées à celles qui restent et comment elles concilient ces vies professionnelle et familiale. Les NTIC leur ont apporté d’être flexibles, de travailler chez le coiffeur, la nuit… Cependant, cette flexibilité est relative. D’une part, elles se doivent d’être disponibles 24 heures sur 24. D’autre part travailler la nuit, chez le coiffeur ne les rendent pas visibles auprès de leurs collaborateurs et clients. Non seulement, elles sont invisibles mais elles ne peuvent investir dans le relationnel auprès des clients et des collaborateurs. Ces femmes ne peuvent s’investir dans le relationnel, si nécessaire à la vie des cabinets comptables. Elles ont les compétences techniques mais elles ne peuvent agir au sein de la théâtralisation des relations. Comme nous l’avons vu, le rôle de professionnelle et celui de mère sont construits comme diamétralement opposés. Donc pour une professionnelle mère il sera très difficile de se positionner par rapport au discours professionnel de disponibilité, de surinvestissement au travail au détriment de la famille et d’individualisme. Les stratégies de flexibilité qu’elle met en œuvre se constituent dans des tentatives de bien se comporter en bonne professionnelle et de bien faire son travail. Pourtant, les modalités de travail alternatives sont rarement reconnues comme de bonnes pratiques professionnelles. Les NTIC introduisent de la flexibilité mais la proximité symbolique ne résout pas la distance physique. Les NTIC introduisent de la flexibilité mais elles sont joignables en continu. L’entourage familial est étonné par ce rythme. La frontière glisse au point que certaines se sentent comme des robots. Les femmes sont prises dans l’ « illusio » où déjà dans le domaine comptable, il est très présent. La vie professionnelle empiète sur leur vie privée, la frontière entre le travail et le hors travail est très fragile. Devant se surinvestir plus que les hommes, malgré leur compétence technique, elles ne peuvent atteindre tous les objectifs demandés.
Il n’y a rien de contestable à ce que les cabinets exigent l’excellence et l’investissement temporel du personnel afin de maximiser leurs profits. Ce qui est discutable c’est que, pour ce faire, ils ont recours à la rhétorique contradictoire de l’épanouissement personnel tout en soumettant leur personnel à des « processus d’évaluation et de sanction toujours plus sophistiqués et éprouvants » (Marzano, 2008, p. 93).
Il est compréhensible que les cabinets préfèrent que leurs salariés se dédient plus à leurs vies professionnelles qu’à leurs vies personnelles. La question qui doit être posée est, pourquoi est-ce leur vision du monde qui est dominante jusqu’au point de ne pouvoir imaginer un mode de fonctionnement alternatif ?
Les cabinets ont fait beaucoup de progrès ces dernières décennies concernant les aménagements du travail basés sur l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cependant, ces technologies qui pourraient permettre une meilleure conciliation entre vie familiale et professionnelle restent sous-utilisées. Par rapport à leurs consœurs anglo-saxonnes, les mesures favorisant la famille prises par les cabinets français sont encore récentes et moins proactives. Ce comportement peut être expliqué, en partie, par le fait qu’en France la famille et la maternité sont encore perçues comme restant à la charge de l’Etat (Dambrin et Lambert, 2008). Il est peut-être temps que ces cabinets s’impliquent plus dans le développement et la gestion de leurs ressources humaines. Ainsi, le besoin des cabinets de faire du chiffre d’affaires doit-il être concilié avec le besoin de garder leurs salariées, de leur permettre de se développer et d’atteindre un équilibre entre leurs vies familiale et professionnelle.

4. Bibliographie

5.1. Articles

Acker, J., Gendering Organizational Theory, p. 248-260 en Mills, A. J., Tancred, P. (editeurs), Gendering Organizational Analysis, SAGE Publications, London, 1992.
Almer, E. et Kaplan, S., « Myths and realities of flexiblework arrangements », The CPA Journal, vol. 70, no. 4/2000, p. 14–19.
Anderson-Gough, F., Grey C. et Robson, K., « In the Name of the Client: The Service Ethic in Two Professional Service Firms, Human Relations, vol. 53, no. 9/2000, p. 1151 - 1174.
Anderson-Gough, F., Grey C. et Robson, K., « Tests of Time: Organizational Time Reckoning and the Making of Accountants in Two Multi-national Accounting Firms », Accounting, Organizations and Society, vol. 26, no. 2/2001, p. 99 -122.
Anderson-Gough, F., Grey C. et Robson, K., « Helping Them to Forget. The organizational embedding of gender relations in public audit firms », Accounting, Organizations and Society, vol. 30, no. 5/2005, p. 469-490.
Bender A.F., « Égalité professionnelle ou gestion de la diversité. Quels enjeux pour l’égalité des chances ? », Revue française de gestion, vol. 30, no. 151, 2004, p. 205-217.
CES (Conseil Economique et Social), Les femmes face au travail à temps partiel, 2008, disponible en ligne : http://www.conseil-economique-et-social.fr/rapport/doclon/08261005.pdf.
Charron KF. et Lowe DJ, « Factors that affect accountant's perceptions of alternative work arrangements », Accounting Forum, no. 29/2005, p. 191-206.
Coffey, A., « ‘Timing is everything’ ; graduate accountants, time and organisational commitment », Sociology, vol. 28, no. 4/1994, p. 943-956.
Crompton, R., « Gender and Accountancy: A Response to Tinker and Neimark », Accounting, Organizations and Society, vol. 12, no. 1/1987, p. 103-110.
Dick, P. et Hyde, R., « Consent as Resistance, Resistance as Consent: Re-Reading Part-Time Professionals’ Acceptance of Their Marginal Positions », Gender, Work and Organization, vol. 13, no. 6, 2006, p. 543-564.
Ezzamel, M. et Robson, K., « Accounting in Time : Organizational Time-Reckoning and Accounting Practice », Critical Perspectives on Accounting, vol. 6/1995, p. 149-170.
GDFT (Groupe Division Familiale du Travail), Temps de travail, temps parental. La charge parentale : un travail à mi-temps, 2000, disponible en ligne à : http://matisse.univ paris1.fr/doc2/gdft_ps_0500
Hooks, K., & Tyson, T., « Gender diversity driven changes in the public accounting workplace », Research on Accounting Ethics, no. 1/1995, p. 267–289. Golsorkhi, D. et Huault I. « Pierre Bourdieu : critique et réflexivité comme attitude analytique en sciences de gestion », Revue française de gestion, vol. 32, no. 165/2006, p. 15-36. INSEE, « Préface : L'évolution des temps sociaux au travers des enquêtes Emploi du temps », Economie et Statistique, no. 352-353, septembre 2002, (http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/sommaire.asp?id=33).
Kornberger, M., Carter C. et Ross-Smith, A., « Changing gender domination in a Big Four accounting firm: Flexibility, performance and client service in practice », Accounting, Organizations and Society, vol., 35/2010, p. 775–791. Landrieux-Kartochian, S., « Les organisations face au plafond de verre », Revue française de gestion, vol. 4, no. 173/2007, p. 15 - 30.
Laufer, J., « Femmes et carrières : la question du plafond de verre », Revue française de gestion, vol. 4, No. 151/2004, p. 117-127.
Lautsch, B. A. et Kossek, E. E., « Managing a Blended Workforce: Telecommuters and non-telecommuters, Organizational Dynamics, no. 40/2011, p. 10-17.
Martin, V., « Une lecture critique de la diversité au regard du genre. La diversité au féminin dans des grandes entreprises françaises », Revue française de gestion, vol. 4, no. 202/2010, p. 47-60.
Pillsbury, C.M, Cappazolli. L. et Ciampa, A., « A Synthesis Of Research Studies Regarding The Upward Mobility Of Women In Public Accounting », Accounting Horizons, mars 1989, p. 63-70.

5.5. Ouvrages
Bidet A., L’engagement dans le travail – Qu’est-ce que le vrai boulot ? , PUF, Paris, 2011.
Bourdieu, P., Le sens pratique, Editions de Minuit, Paris, 1998.
Bourdieu, P. et Wacquant, L., Réponses, Seuil, Paris, 1992.
Bourdieu, P., Méditations pascaliennes, Seuil, Paris, 1997.
Bourdieu, P., La domination masculine, Seuil, Paris, 1998.
Browne, M., « Flextime to the Nth degree », Journal of Accountancy, vol. 200, no. 3/2005, p. 95.
Charmaz, K., Constructing grounded theory : a practical guide through qualitative analysis, SAGE Publications, London, 2006.
Davies, K., Women, Time and the Weaving of the Strands of Everyday Life, Avebury, UK, 1990.
Giddens, A. (1984), The Constitution of Society. Outline of the Theory of Structuration, Cambridge, Polity Press. Kanter, R. M., Men and women of the corporation, Harper Collins Publishers, New York, 1977/1993 edition.
Kaufmann, J.-C., L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Armand Colin, Paris, 2004.
Lapeyre, N., Les professions face aux enjeux de la féminisation, Editions Octares, Toulouse, 2006.
Marzano, M., Extension du domaine de la manipulation. De l’entreprise à la vie privée, Grasset, Paris, 2008.
Walby, S., Gender transformations, Routledge, London, 1997.

Annexe |

Tableau 1. Profils des experts-comptables interviewés

Tableau 2. Profils des stagiaires experts-comptables interviewés

--------------------------------------------
[ 1 ]. Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) (en anglais, Information and communication technologies, ICT) regroupent les techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations, principalement de l'informatique, de l'Internet et des télécommunications (Source : Wikipedia).
[ 2 ]. Par exemple, le taux de féminisation des associés dans les Big 4 varie de 10 à 18%, conformément aux informations recueillies sur les sites web de Big 4 France (données de 2009).
[ 3 ]. Huault et Golsorkhi considèrent que « la perspective bourdieusienne pourrait être à la base du renouveau de nombreuses lectures en management ». Mais cette perspective est peu utilisée par les chercheurs français. (Golsorkhi et Huault, 2006)
[ 4 ]. Un total de 42 entretiens a été réalisé avec des hommes et des femmes experts-comptables et stagiaires dans des cabinets de différentes tailles.
[ 5 ]. Nous employions les termes « échantillonnage » et « échantillon » parce qu’ils sont largement utilisés. Ils ne sont cependant pas adaptés à une approche qualitative, car ils renvoient à l’idée de représentativité et de stabilité statistique (Kaufmann, 2008, p. 44).
[ 6 ]. Le contact avec les personnes interviewées s’est fait quasi exclusivement par recommandation en utilisant le réseau professionnel des personnes interviewées. Mes tentatives répétées pour contacter des experts comptables à partir de l’annuaire de l’Ordre se sont heurtées à un mur de silence.
[ 7 ]. La seule exception est constituée par une femme expert-comptable, gérante de cabinet à Orléans.

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...go fuck urself Paper is a thin material mainly used for writing upon, printing upon, drawing or for packaging. It is produced by pressing together moist fibers, typically cellulose pulp derived from wood, rags or grasses, and drying them into flexible sheets. Paper is a versatile material with many uses. Whilst the most common is for writing and printing upon, it is also widely used as a packaging material, in many cleaning products, in a number of industrial and construction processes, and even as a food ingredient – particularly in Asian cultures. Contents [hide] 1 History 2 Papermaking 2.1 Chemical pulping 2.2 Mechanical pulping 2.3 Deinked pulp 2.4 Additives 2.5 Producing paper 2.6 Finishing 3 Applications 4 Types, thickness and weight 5 Paper stability 6 The future of paper 7 See also 8 References and notes 9 External links History Main article: History of paper Further information: Science and technology of the Han Dynasty and List of Chinese inventions Hemp wrapping paper, China, circa 100 BCE.The oldest known archeological fragments of paper date to 2nd century BC China. Papermaking is considered one of the Four Great Inventions of Ancient China, and the pulp papermaking process is ascribed to Cai Lun, a 2nd century AD Han court eunuch.[1] With paper an effective substitute for silk in many applications, China could export silk in greater quantity, contributing to a Golden Age. Paper spread from China through the Islamic...

Words: 665 - Pages: 3

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Criminal Justice Paper

...Terrica Thomas Mr. David Makhanlall Eng 090 12-11-11 My journey as a writer is when I do my papers I have to make sure that I have the correct grammar and no misspelled words. Because when write you want to make sure that your papers flows and that you stay on topic. Because you as a writer wants the people to understand what they are reading. Because your paper have to have so meaning to it and it have to have some clarity to. When I revise my papers it make me look at the things I done wrong. Like when I have misspelled words I can correct them and when I have sentences that don’t make sense and I take the out. When I write I make the mistake of writing a lot of write on sentences. I have to make sure that I don’t do that anymore. I have to make sure that I don’t forget the punctuations because I have the habit of not putting them where they belong and stuff. When I was writing my paper on my mother I think that I did a good job but I think that I could have writing about her goals in life. What she has done with her life right now and what she wants to do right now. I could have talk a little more about what she has done for me when I was growing up. What she had to do to raise three girls on her own. The pattern of errors that I need to work on is run on sentences. Because when I write I can write a sentence that can go on and on forever without a period. A sentence fragment when I write I tend to write a sentence that don’t make any sense...

Words: 321 - Pages: 2

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English

...reading and writing various forms of academic discourse • To further an awareness of oneself and others through the exposure to, study of, and experiences with the written word Course Breakdown INTRODUCTION Introduction and Diagnostic Exam Grammar Review Elements of Style by Strunk and White RESEARCH Definition of Research Research Topic Problematique and Thesis Statement CRITICAL THINKING Understanding and Evaluating Data Introduction to Reaction Papers BASIC ELEMENTS OF WRITING Audience, Point of View, Levels of Language, Voice, Style Structure of the Essay Proofreading and Editing PRE-WRITING Ideas and Data-Gathering Sources and Kinds of Sources Introduction to Report Writing Organizing Ideas Introduction to Concept Papers TECHNIQUES IN WRITING Kinds of statements Making Assertions Art of Persuasion Documentation and Plagiarism Introduction to Position Papers Requirements: Report 15% Reaction Paper 15% Concept Paper 15% Position Paper 15% Research Paper 20% Research Journal (Blog) 10% Class Participation 10% House Rules: 1. English Only Policy will be observed inside the classroom during class time 2. 6 absences = a grade of 5...

Words: 341 - Pages: 2

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Tips

...opportunity; clear articulation; persuasive idea)? 2. What MARKET OR MARKETS does the business address? -> student? undergraduate? all students? WHAT KIND OF RECIPES, EASY? CHEAP? 3. WHY DO YOU BELIEVE THIS PRODUCT/SERVICE HAS AN ADVANTAGE in the marketplace relative to the market/consumer needs? --> convenient, easy to use, simple, accessible,cheap, .... Anything! 4. Evidence and reference to testimonials or CUSTOMER FEEDBACK? --> Use the results of your survey and show that people are very interested! 5. What’s the COMPETITION in the marketplace (brief appraisal of current market, product, and service offerings with a view to justify market possibilities)? 66> THE COOK BOOK paper one and online one, but you can say that most young people think that paper cook book seems old-fashion and rather prefer to check on the internet or phone, but it is more suitable to have your phone with you in the kitchen or if you suddenly decide to prepare something at someone else place rather than take your laptop with you n the kitchen 6. Who’s the TEAM that's going to make the business succeed? (drawing upon strengths of team; good distribution of work load, presentation time) --> what are the strenghts in your team? are you good in marketing, It, finance?? what distribution network/ channels are you gonna use to promote your product? 7. How would you realise the business opportunity in the first year (steps, stages, critical transition points)? 8. What’s...

Words: 384 - Pages: 2

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Symbol

...The popularity of this clothes increased by their simple but still have the elegant look and versatility use. It is used by astounding population, where either it rural or urban are. Nowaday, this clothes has been modernize, not only the structure, color, material, but also the meaning of it. It have been consider as fashion too, with all the design. Just a normal simple meaning clothes, but could easily represent my culture. How wonderful ! At Hoi An, locate at the north of the country, there is a famous piece of artifact, name “ Hoi An Lantern”. Because of these lantern, this place is call “lantern town”, a beautiful accent place where visitor shouldn’t miss. The originally form is a frame made out of bamboo, then it wrapped by a color paper and the string on top connect to a branch, where you can hold. There is different use for this lantern, people can use it to light, to decoration, or even kid can play with it on Moon’s Festival day....

Words: 670 - Pages: 3

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Common Errors in Research Report Writing

...some common mistakes made by students in research paper writing. Textbooks, internet, and correction given during class seminar presentation constituted the sources of information gathered. It was realized that in the effort to give the best in writing research papers, students unconsciously make mistakes in topic selection, objectives of research, writing format hypothesis or thesis statement, literature review, research methodology, paragraphing, use of tense in sentence construction, referencing and quoting to mention but a few. This writing also incorporated some tips in avoiding these mistakes mentioned and therefore concluded and recommended that The mistakes stated above should be avoided at all cost when writing research papers. They can contribute to low grades or disqualification of your project. Therefore, it is advisable that students seek for guidance from their instructors or professionals in research papers writing. INRODUCTION Research assignments give you an opportunity to demonstrate practically the skills and knowledge learnt in class. In the effort to give the best in writing research papers, students unconsciously make mistakes. This article highlights common mistakes students make in research paper writing especially in their early days of undertaking...

Words: 1336 - Pages: 6

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Proposal

...functions. 6. A separate column (earth column /my earth) on a wall magazine to present their successfully completed assignments. 7. Unused lands will be used for flowering and planting the sapling of tree. 8. Separate plants to each green club members will be given for one year of which, they need to take full care of their plants. 9. Field visit such as zoo, local community forest and nurseries tri-monthly with specific theme. 10. Help all school students to discourage the use of plastic bags & plastic containers. 11. Art, essay and quiz competition related with environment (E-Quiz). 12. Encouraging guardians to become environment friendly. 13. Supply of cloth bags. 14. Assisting in making paper bags & paper related showpieces. 15. Regular competition on specific...

Words: 259 - Pages: 2

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Reflection Instructions

...Reflection Paper Assignments Due Dates: March 20, April 3, May 1 Overview These reflection papers are the chance for you to review your recent journal entries (or the sum total, if that helps) and to synthesize some thread of thinking or learning that you find in there. You might build on a single entry or on something bridging multiple entries, but the point is to capture something that you are learning. We expect the paper to have some over-arching, coherent argument so that it is not simply a string of thoughts. A string of thoughts is fine for your journal entries, but here we do want some synthesis. You should not spend time summarizing your activities, unless that is essential for your argument. Grading Criteria The criteria we will use to evaluate the papers are listed below. Note that you do not have to address all of these criteria in one paper. We want you to address all of them over the course of the semester, but any single paper can focus on only one or two of these. Regardless of what you choose to write your reflection synthesis on, your paper must demonstrate clear, coherent argumentation. 1. Expression of Learning 2. Discussion and/or synthesis of course readings 3. Reflection on assumptions and cultural frames of reference 4. Connection to proposal process Word Count The reflection papers, except for the final one, should be at least 500 words, but not a lot longer than that. The final paper should be around...

Words: 257 - Pages: 2

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Connect the Dots

...should be or in what direction to look. -I’m going to use the skills I mastered for the rest of the questions because those are the only ones I can view. The three skills I mastered were; sentence skills, punctuation, mechanics, and spelling, and the third was the craft of writing. These skills apply to my academic life because I have to apply all these skills in writing papers for classes. In order to write a quality paper, everything must be near perfect. I believe these skills give me a good base to work on a paper. -These skills apply to my professional life in a lot of ways. Each quarter we are to write reports on what we feel we could improve on as a department, having quality writing skills so everything looks more professional and you are taken seriously. My future profession which is to be a high school teacher also requires these skills, if you expect your students to have good writing skills you should develop them yourself first. -I was very surprised by the results. I say this because all throughout high school, English and writing was my weak spot. I always had trouble putting my thoughts onto paper and use proper grammar. My spelling was also terrible but after graduating high school I picked up reading and I believe that helped me greatly increase my...

Words: 260 - Pages: 2