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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 501–507

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Pertinence du Fairy Tales Test chez des enfants francais ayant des troubles ¸ des apprentissages : résultats préliminaires
Testing the relevance of the Fairy Tales Test in a French sample of learning disabled children: Preliminary results C. Arnould , M. Daviller , E. Feral , C. de Tychey ∗
Laboratoire interpsy, Grepsa, université de Nancy 2, 23, boulevard Albert-1er , 54000 Nancy, France

Résumé But de l’étude. – Débuter la validation francaise d’une nouvelle épreuve projective permettant d’explorer la personnalité de l’enfant : le test de ¸ contes de fée (FTT) de Coulacoglou (1996, 2008) qui fait appel à partir d’un support imagé principalement à l’histoire de Blanche Neige et des sept Nains et à celle du Petit Chaperon Rouge. Méthode. – Nous avons comparé les réponses aux images du FTT de 80 enfants âgés de six à 12 ans divisés en deux groupes (un groupe clinique d’enfants ayant des troubles des apprentissages et un groupe témoin) en centrant cette étude exploratoire sur trois dimensions psychologiques importantes évaluées par le FTT : l’angoisse, la dépression et l’estime de soi. Résultats. – Les variables privilégiées permettent de différencier significativement les deux groupes sur le plan statistique (en utilisant la méthode du Khi2 ) en matière de niveau d’angoisse, de dépression et d’estime de soi, ce qui apporte une première contribution à la validation francaise du ¸ FTT. Ces données suggèrent l’intéret de poursuivre en France la validation d’un outil dont l’utilité clinique a déjà été démontrée sur les populations d’enfants d’autres pays, notamment en Grèce par Carina Coulacoglou (1996, 2008), en Russie (Savina, 2008), en Chine (Li et Zhang, 2008), en Inde (Sanyal et Dasgupta, 2008) et en Turquie (Ikiz-Ertem-Vehid-Düsgör, 2008). Conclusions. – Les résultats obtenus appellent des pistes de recherches futures notamment en augmentant la taille des échantillons comparés et en mettant à l’épreuve chacune des autres variables psychologiques (sur l’ensemble des 29 que compte le test) actuellement non passées en revue. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : FTT ; Enfant ; Personnalité ; Validation ; Technique

Abstract Background. – The authors have started a preliminary research to start the French validation of a new projective tool for children created by Coulacoglou (1996): The Fairy Tales test (FTT). Using tales to invite the child to tell a story is not rare in the field of child clinical psychology (Düss, 1949; Royer, 1978; de Tychey, 1993). FTT is a novel way of accessing the inner life of children through structured fantasy and storytelling. The FTT has the advantage of using stories that many children are familiar with (Little Red Riding Hood, Snow White and the Seven Dwarfs). The FTT includes an interview guide (many questions ask about the thoughts and feelings of the characters) and is composed of seven sets of stimulus cards with three cards per set. The three pictures differ just enough to vary in emotional valence, usually by alteration in facial expressions and body postures of the characters. Methods. – We have compared FFT responses of 80 children aged from 6 to 12 years and divided into two groups (clinical group composed of children with learning disabilities versus control group). The aim of that exploratory study was to study three psychological important variables of the FTT: anxiety, depression and self-esteem levels. Results. – FTT indicators allow us to differenciate significatively (using Chi Square Method) the two groups’ distributions. Anxiety and depression levels are higher in the clinical group and self-esteem level was lower in the same group. These data suggest the interest to develop further FTT validation since the usefulness of that tool has been demonstrated in other countries such as Greece (Coulacoglou, 1996, 2008), Russia (Savina, 2008), China (Li and Zhang, 2008), India (Sanyal and Dasgupta, 2008) and Turkey (Ikiz-Ertem-Vehid-Düsgor, 2008).



Auteur correspondant. Adresse e-mail : detychey@univ-nancy2.fr (C. de Tychey).

0222-9617/$ – see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.neurenf.2011.03.003

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Conclusion. – Our preliminary study shows us FTT discriminant power to differenciate a group of children with learning disabilities compared to a control group for three important dimensions of personality: anxiety, depression and self-esteem levels. Now it is necessary to undertake further validation on FTT in France with several goals: larger samples, more contrasted clinical groups and evaluation of the other FTT indicators not studied in the present article. © 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Fairy tale test; Child; Personality; Validation; Projective techniques; Psychodynamic

1. Introduction L’objectif premier de ce travail est de présenter aux cliniciens francais une étape exploratoire préliminaire de validation d’une ¸ nouvelle épreuve projective d’exploration de la personnalité de l’enfant que nous avons appliquée à des enfants présentant ou non des troubles des apprentissages : le test des contes de fée (Fairy Tales Test) créé initialement par Coulacoglou en Grèce (1996). Ce type de support est fréquemment privilégié en clinique infantile. En effet, si on adopte une perspective historique, force nous est de constater que les contes ont fait l’objet de nombreuses élaborations et réflexions à l’intérieur de la clinique psychanalytique. Dans l’Homme aux loups [10], Freud remarque qu’ils renvoient l’enfant à l’image qu’il a de lui-même. D’autres psychanalystes comme Ferenczi [8] avancent l’idée que ces histoires offrent une représentation de la situation perdue de toute puissance et engendrent un retour à l’omnipotence. Le conte représenterait ainsi selon lui « un retour à un état illimité, à l’état de toute puissance du Moi ». Les contes apparaissent également dans l’œuvre de Jung et de ses disciples. Ainsi Marie-Louise von Frantz [9], auteur de nombreuses analyses de contes de fées, affirme que ces derniers émanent des rêves et expriment les processus de l’inconscient collectif. Cette notion jungienne permettrait d’expliquer le caractère universel de ce type de récit, dans le sens où nous partageons des fantasmes communs. L’auteur incontournable dans ce champ nous semble Bettelheim qui dans son ouvrage Psychanalyse des contes de fées [1] met l’accent sur le lien entre les contes et la vie psychique de l’enfant. Ces histoires, qui sont vues comme des expressions organisées de fantasmes, seraient d’une importance majeure dans le développement de l’enfant. En effet, elles permettraient, à un niveau préconscient, d’affronter certaines angoisses et auraient ainsi une valeur thérapeutique. On retrouve ce point de vue chez des auteurs contemporains comme Kaës [13] et Lafforgue [14,15]. Le premier assigne au conte une fonction à la fois contenante (capacité d’accueil de l’angoisse) et de conteneur (capacité transformatrice de l’angoisse). Le second va dans le même sens lorsqu’il parle des fonctions contenantes, détoxicantes et organisatrices des contes. Selon lui, le conte absorbe ce que la pensée ne peut traiter du retour du refoulé. Il porte en germe, grâce aux représentations présentes, ce qui pourra devenir une élaboration conceptuelle des contenus psychiques inconscients. Nous nous devons de préciser que cette dimension narrative du conte, avec ses fonctions contenante et abréactive, n’est pas en jeu dans le FTT en rajoutant que cet instrument n’est pas uti-

lisé avec une visée thérapeutique mais privilégie la perspective diagnostique. Il ne faut d’ailleurs nullement s’étonner que les psychologues cliniciens d’orientation psychodynamique se soient depuis plusieurs décennies largement appuyés sur les contes, non dans une perspective thérapeutique mais en privilégiant un autre axe tout aussi important ; l’axe diagnostique, en mettant au point des instruments susceptibles d’approcher les stades, les fantasmes et les conflictualités inhérents au développement et à la construction de la personnalité. À titre illustratif nous mentionnerons ici deux épreuves projectives à support verbal sous forme d’histoires à compléter largement utilisées en clinique infantile : le test des fables de Louisa Düss [7] et le test des contes de Jacqueline Royer qui permet une étude rétrospective de l’ensemble des stades du développement libidinal [18,22] quelle que soit par ailleurs la dimension d’après-coup pouvant la saturer. Ces premiers outils se sont présentés sous forme verbale d’histoires à compléter ayant pour fonction d’évaluer les avatars du développement libidinal [7,18,21]. L’originalité de l’outil mis au point par Carina Coulocoglou [2,6] et Coulacoglou et Kline [3] est double. Il se présente sous la forme d’un support imagé (cf. en Annexe A ces images en format réduit) de 21 planches par série de trois (le Petit Chaperon Rouge, le Loup, le Nain, la Sorcière, le Géant, les Scènes du Petit Chaperon Rouge, les Scènes de Blanche Neige et les sept nains) mais le support verbal est largement mobilisé également. En effet, l’enfant est invité devant chaque image à décrire ce que ressent, pense le personnage et à se mettre à la place des protagonistes incarnés par l’image. L’arrière-plan du FTT n’est pas univoque mais pluriel. Coulacoglou (1996) le fonde principalement sur des référents psychanalytiques (notamment sur les théories du Moi et des relations d’objets) tout en soulignant l’association entre les contes de fées et les processus inconscients. Mais elle intègre également dans sa conceptualisation les théories développementales pour certaines dimensions de la personnalité (exemple pour la dimension relative au sens moral. . .) Par ailleurs, cet instrument plutôt que de situer l’enfant de manière précise en termes de stade de développement libidinal (comme certaines épreuves à support purement verbal), s’attache davantage à cerner certaines dimensions et affects fondamentaux de la personnalité, tels que par exemple l’estime de soi, l’angoisse et la dépression. L’objectif initial de ce travail est de présenter au clinicien francais une première étape de validation de ce nouvel outil ¸ d’investigation de la personnalité de l’enfant faisant appel à des contes de fée, créé au départ en Grèce par Carina Coulacoglou [2,4,5] et dont la validation s’est poursuivie en Russie [20], en

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Chine [16], en Inde [19], en Turquie [11] et a été également affinée en Grèce [6]. ¸ Plusieurs équipes francaises de recherche en psychologie clinique projective sont actuellement engagées dans la validation francaise de cet outil diffusé dans l’hexagone au niveau ¸ des consignes et du matériel par les ECPA depuis 1996. Le présent article a pour but de présenter la première contribution exploratoire d’un travail de validation qui sera beaucoup plus long. Notre équipe s’est demandée dans un premier temps si certaines des dimensions psychologiques codifiées dans le FTT au départ par Coulacoglou [2] et servant de base au travail d’interprétation, pouvaient être pertinentes pour différencier, en France, une population d’enfants consultants de leurs homologues non consultants. Nous pensions en effet que ce préalable devait être levé pour poursuivre une validation plus approfondie d’un instrument dont la finesse discriminative semble suggérée par les travaux déjà entrepris dans les autres pays évoqués plus haut. Nous présenterons dans cet article les résultats préliminaires obtenus sur deux groupes d’enfants, consultants en Réseau d’aides spécialisées pour les élèves en difficulté (RASED) et tout-venant, à propos desquels nous avions fait l’hypothèse que les indicateurs FTT évaluant les niveaux d’angoisse, de dépression et d’estime de soi devaient différencier significativement les deux populations. 2. Méthodologie 2.1. Sélection des deux groupes Nous avons sélectionné un échantillon total de 80 enfants âgés de six à 12 ans (âge moyen de neuf ans), représentatif de la population générale francaise approchée par le ¸ code Insee [12]. Ces enfants ont été divisés en deux groupes assez largement appariés sur le plan de l’âge, du sexe et de la catégorie socioprofessionnelle des parents (cf. Annexe B tableaux S1, S2 et S3). L’investigation réalisée l’a été avec l’accord de l’inspection académique des Vosges, des directions d’écoles concernées ainsi que des enfants et de leurs parents qui ont signé un formulaire de consentement éclairé : • le groupe témoin est composé de 43 enfants sans problèmes scolaires n’ayant jamais fait l’objet d’une consultation psychologique. Ces sujets ont été sélectionnés à partir d’un échantillon plus large d’enfants dont les parents avaient donné leur accord. Nous avons retenu les enfants de ce sous-groupe en conservant ceux permettant l’appariement avec le groupe clinique sur le plan de l’âge, du sexe et du niveau socioéconomique (avec six enfants supplémentaires mais représentatifs de leur groupe) ; • le groupe clinique était constitué de 37 enfants suivis dans le cadre du RASED pour des difficultés au niveau des apprentissages. Il a été sélectionné à partir des critères du DSM4 de trouble des apprentissages incluant soit un trouble de la lecture (F81.0), soit un trouble du calcul (F81.2), soit un trouble de l’expression écrite (F81.8). Nous ajouterons que ces troubles

des apprentissages étant divers, ils entraînent certes une certaine hétérogénéité dans l’échantillon mais il y a un point commun chez tous ces enfants : des difficultés dans les acquisitions scolaires suffisamment importantes pour justifier une prise en charge en RASED. Le niveau intellectuel moyen des deux groupes n’a pu être complètement contrôlé et n’a pu faire l’objet d’une évaluation comparative, ce qui constitue une limite de ce travail. 2.2. Présentation et consignes du test FTT (cf. images en format réduit dans l’annexe A) Le FTT se présente sous la forme de sept séries de trois images (le Petit Chaperon Rouge, le Loup, Le Nain, la Sorcière, le Géant, Scènes du Petit Chaperon Rouge, Scènes de Blanche Neige et des sept Nains). On demande à l’enfant de répondre à des questions plutôt que d’inventer une histoire. Ces questions sont variables en fonction de la série présentée. Pour le Petit Chaperon Rouge, le clinicien demande à l’enfant ce que pense et ressent le Petit Chaperon Rouge figuré sur chacune des trois images puis il lui demande de choisir laquelle est celle du conte et pourquoi et au final il interroge l’enfant pour lui demander laquelle il mangerait s’il était le loup et pourquoi ? Pour la série du loup, les premières questions sont identiques et au final on demande à l’enfant quel loup lui fait le plus peur et pourquoi ? Pour la série du Nain, il en va de même pour les deux premières questions et à la fin on lui demande avec lequel des trois nains Blanche Neige aimerait se marier et pourquoi ? Pour la série la Sorcière, les deux premières questions sont identiques puis on demande à l’enfant laquelle des trois lui fait le plus peur et pourquoi, laquelle est la plus méchante et pourquoi, puis l’enfant est invité à narrer ce que peut faire une sorcière et donner un nom à chacune des trois sorcières. Pour les deux séries Scènes du Petit Chaperon Rouge et Scènes de Blanche Neige et des sept Nains, on suggère à l’enfant de narrer le conte puis à décrire chaque image et enfin à choisir à la fois l’image avec laquelle se termine l’histoire (en disant pourquoi) et l’image avec laquelle il aimerait que l’histoire se termine en en donnant la raison. 2.3. Variables du FTT retenues L’interprétation quantitative du FTT repose sur l’évaluation des scores de 30 variables de personnalité formalisées par Coulacoglou [6]. Il s’agit de comptabiliser dans tout le protocole, le score total pour chacune des variables. Le score brut de chaque variable devrait être transformé en score-T normalisé (moyenne = 50, écart-type = 10), la normalité se situant dans l’intervalle [40 T ; 60 T]. L’ensemble des données a fait l’objet d’une codificationanalyse par deux coteurs indépendants, destinée à contrôler la subjectivité éventuelle de la codification pour les trois dimensions étudiées. Cette codificiation a porté sur l’ensemble des protocoles sélectionnés en utilisant le coefficient de corrélation r de Bravais Pearson appliqué à des variables dichotomisées. La

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Tableau 1 Description des distributions des variables pour les 80 sujets de notre échantillon. Variable ANG D ES n 80 80 80 Minimum 0 0 −4 Maximum 33 15 2 Moyenne 7,51 4,20 −0,42 Écart-type 5,341 3,196 1,111 Variance 28,531 10,213 1,235

ANG : angoisse ; D : dépression ; ES : estime de soi.

fidélité intercoteur s’est avérée satisfaisante (corrélation r intercoteur de 0,80) Les désaccords de cotation ont été résolus en faisant appel à un troisième coteur expérimenté (l’auteur du test lui-même que nous remercions) dont le point de vue était retenu. Comme il s’agit d’un travail exploratoire destiné à évaluer la pertinence d’un nouvel outil sur le plan de la clinique projective, il nous a semblé pertinent de nous centrer sur trois dimensions psychologiques générales dont on peut faire l’hypothèse qu’elles devraient être touchées davantage chez des enfants ayant des troubles des apprentissages entraînant des difficultés scolaires. De plus l’espace d’expression offert par la Rédaction pour un article dans la revue n’aurait pu nous permettre de présenter les résultats pour 26 variables. L’examen des autres variables fera l’objet d’une étude ultérieure car nous souhaitions dans un premier temps nous assurer de la valeur différenciatrice sur le plan clinique des trois indicateurs privilégiés. Nous ne présenterons donc dans ce travail préliminaire que les données relatives aux trois dimensions de la personnalité que nous avons privilégiées dans notre hypothèse de départ, à savoir : • la variable angoisse (ANG) peut être cotée pour toutes les questions du test. Elle s’exprime au FTT sous forme de dangers imminents ou de malheurs stressants verbalisés par l’enfant lors de la narration de son récit. Les formes d’angoisse projetées au FTT sont diverses, renvoyant soit à une peur de la blessure et/ou de la mort, à la peur d’être séparé des autres, abandonné, ou à la peur de la punition et/ou de l’impuissance avec des niveaux d’intensité codifiés de facon différenciée à ¸ partir de la question « que pense, que ressent le personnage de l’image ? » : ◦ cotation à trois points : réponses reflétant une inquiétude, l’appréhension d’un désastre majeur : « Le Petit Chaperon Rouge redoute que quelqu’un veuille la tuer » ou « Le Petit Chaperon Rouge pense que sa maison est en feu », ◦ cotation à deux points : réponses reflétant une inquiétude à propos de dangers imminents ou d’évènements déplaisants : « Le loup redoute de tomber dans un piège », ◦ cotation à un point : réponses reflétant souvent indirectement une préoccupation concernant des problèmes personnels ou des difficultés mineures : « Le loup se demande s’il est assez fort. . . » ; • la variable estime de soi (ES) se reflète à travers les différentes questions du test dans les réponses concernant l’aspect physique ou psychologique des protagonistes incarnés dans les planches présentées, ou encore le succès ou l’échec de leur trajectoire future de vie. Elle apparaît le plus souvent dans les réponses aux planches représentant le Petit Chaperon Rouge,

le Nain, la Sorcière et le Géant. En réponse aux questions « que pense, que ressent chacun des personnages ? » ; ◦ l’estime de soi va être codifiée négativement (−1) chaque fois que l’enfant exprime, à travers sa réponse, des sentiments d’infériorité, d’échec et/ou d’insuffisance. Par exemple, « Le Petit Chaperon Rouge pense qu’elle est bête » ou « Le Petit Chaperon Rouge n’aime pas ses cheveux » ou encore « si j’étais le loup, je mangerais celle-ci parce qu’elle est moche ». L’estime de soi sera codifiée positivement si la réponse reflète des pensées positives sur soi-même, comme par exemple, « Le Petit Chaperon Rouge pense qu’elle est jolie/intelligente/courageuse. . . » ; • la variable dépression est reliée dans le FTT aux réponses formulées le plus souvent aux planches représentant le Nain et les Scènes du Petit Chaperon rouge. Coulacoglou (1996, 2008) propose trois critères de codification de cette variable révélateurs de trois niveaux d’intensité de la dépression : ◦ cotation à trois points : réponses reflétant des préoccupations directes concernant la mort : « Le Petit Chaperon Rouge pense à un ami qui est mort » ou « Le Petit Chaperon Rouge veut mourir, elle pense que sa vie est sans espoir », ◦ cotation à deux points : réponses reflétant des sentiments portant sur des choses tristes, accompagnés par le terme « pleurer » : « le Petit Chaperon Rouge pleure parce qu’elle a vu un oiseau mort » ou « le Petit Chaperon Rouge pleure parce que la loup a mangé sa grand-mère », ◦ cotation à un point : réponses reflétant souvent indirectement de la tristesse : « Le Petit Chaperon Rouge est triste » ou « Le Petit Chaperon Rouge pense aux temps heureux d’autrefois ». 2.4. Mode de traitement statistique des données Les données ont été traitées de manière inférentielle grâce au logiciel SPSS. Les comparaisons que nous analyserons dans la section suivante s’appuient sur les tableaux de contingence et une méthode de traitement par Khi2 en appliquant la correction de Yates lorsqu’elle s’est avérée nécessaire. Nous avons synthétisé dans le Tableau 1 les moyennes, variances, écart-type, score minimum et maximum obtenu caractérisant l’ensemble de l’échantillon retenu (80 sujets) et nous renverrons également le lecteur aux Tableaux 2–4 pour approcher la comparaison des distributions des deux groupes au niveau de chacune des trois variables examinées. Pour le traitement statistique des résultats (cf. tableaux en annexe B et Tableaux 1–4), nous avons choisi les intervalles définissant les bornes de réponses de chaque

C. Arnould et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 59 (2011) 501–507 Tableau 2 Tableau croisé consultants (C)/non consultants (NC) pour la variable angoisse (ANG). Groupes Score d’angoisse (ANG) nombre de sujets par intervalle [0,5] C NC Total Effectifs observés Effectifs observés Effectifs observés 16 14 30 [6,10] 14 27 41 11 et + 7 2 9 37 43 80

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Total

C : consultant ; NC : non consultant ; ANG : angoisse.

sous-groupe en nous appuyant à la fois sur la formalisation initiale de Coulacoglou (1996, 2008) afin de rendre une comparaison ultérieure des données obtenues en France avec celles recueillies dans les autres pays possible ainsi que sur les moyennes et écarts-types obtenus par chacun des sous-groupes.

3. Résultats 3.1. Variable angoisse (ANG cf. Tableau 2) Les deux groupes comparés se différencient significativement (Khi2 = 6,63 significatif à 0,03). L’intensité de l’angoisse apparaît significativement plus élevée dans le groupe consultant. Il y a un pourcentage plus important d’enfants consultants situés dans l’intervalle de points le plus élevé pour cet indicateur. Il faut noter cependant que les enfants non consultants sont plus nombreux à avoir un score d’angoisse intermédiaire (de 6 à 10) que les enfants consultants, cela tient probablement au substrat des Contes de Fées, en général, qui ont pour fonction, entre autres, de mobiliser l’angoisse chez les enfants pour les aider à la traiter psychiquement via le support Conte sans être débordé par la charge d’affect comme c’est le cas pour les enfants du groupe clinique. Nous restons conscients que les critères de codification et d’attribution de l’intensité de l’angoisse formalisés par Couloacoglou (1996) pourraient faire l’objet d’une discussion. Ainsi par exemple la réponse « le Petit Chaperon Rouge pense que sa maison est en feu ». Cette réponse est cotée par Coulacoglou elle-même dans les exemples de son manuel comme caractéristique de l’appréhension d’un désastre majeur. Nous avons dans ce travail strictement respecté son critère de codification La mise en scène de ce scénario implique pour l’auteur en amont une angoisse d’intensité maximale mais on peut cependant regretter que sa nature ne soit pas discutée ou précisée par l’auteur car il nous semble qu’elle peut renvoyer à une angoisse d’abandon tout autant qu’à une angoisse de destruc-

tion, ce qui sur le plan clinique ne renverrait pas aux mêmes registres de fonctionnement. On pourrait tout autant discuter la cotation en angoisse mineure (1 point) de la réponse « le loup se demande s’il est assez fort » dans la mesure où cette réponse renvoie aussi à l’estime de soi et recoit donc égale¸ ment une cotation pour l’estime de soi (ES-1). Nous avons au cours de cette recherche repris sensu les critères de codification de Coulacoglou (1996). Il nous semble que la nature de cette angoisse d’intensité faible pour Coulacoglou en fonction de ses propres critères est peut être moins archaïque que celles figurées dans l’exemple précédent et pourrait peut-être davantage renvoyer à l’angoisse de castration (peur de ne pas y arriver. . .). 3.2. Variable dépression (D cf. Tableau 3) La différence entre les deux groupes pour cette variable semble un peu moins marquée que pour la variable précédente. En nous appuyant sur les usages en psychologie relatifs à la lecture des seuils de probabilité statistique [17], il est défendable de poser qu’une tendance à la significativité se dégage (Khi2 = 4,91 significatif à 0,08), ce qui tend à montrer que l’intensité de la dépression est plus importante dans le groupe consultant que dans le groupe témoin conformément à notre hypothèse de départ. On trouve à nouveau un nombre plus important d’enfants consultants situés dans la borne de points la plus élevée pour cet indicateur. La même remarque vaut d’ailleurs si on considère la fréquence des enfants ayant un score de dépression moyen. Un échantillon plus important permettrait sans doute de mieux rendre compte de la finesse discriminative actuellement plus faible de cet indicateur. On pourrait également interpréter ce résultat en proposant deux autres hypothèses explicatives. La première consisterait à poser que les supports d’opérationnalisation de cette dimension dans le FTT possèdent une moindre sensibilité. La seconde viserait à avancer

Tableau 3 Tableau croisé consultants (C)/non consultants (NC) pour la variable dépression (D). Groupes Score de dépression (D) : nombre de sujets par intervalle [0,3] C NC Total Effectifs observés Effectifs observés Effectifs observés 14 26 40 [4,7] 16 14 30 8 7 3 10 37 43 80 Total

C : consultant ; NC : non consultant ; D : dépression.

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Tableau 4 Tableau croisé consultants (C)/non consultants (NC) pour la variable estime de soi (ES). Groupes Score d’ES : nombre de sujets par intervalle [−4, −1] C NC Total Effectifs observés Effectifs observés Effectifs observés 22 10 32 0 13 24 37 1 et + 2 9 11 37 43 80 Total

C : consultant ; NC : non consultant ; ES : estime de soi.

que la clinique de la dépression chez l’enfant est particulière et passe par d’autres modes d’expression que la verbalisation d’affects dépressifs que nous avons privilégiée comme critères d’opérationnalisation dans le FTT. Dans cette perspective, il pourrait être utile de s’atteler à la construction d’autres indicateurs complémentaires d’opérationnalisation de la dimension dépression. 3.3. Variable estime de soi (E.S cf. Tableau 4) La différence entre les deux groupes est ici beaucoup plus marquée. L’estime de soi, conformément à notre hypothèse de départ, est beaucoup plus fragilisée dans le groupe consultant (Khi2 = 11,84 significatif à 0,003). L’analyse des intervalles extrêmes révélateurs d’une estime de soi soit franchement négative, soit franchement positive est ici très révélatrice. Elle met en évidence d’un côté que 59 % des enfants consultants ont une estime d’eux-mêmes très basse (contre 23 % seulement dans le groupe témoin tout venant). Sur un autre plan, il apparaît que dans le groupe clinique seuls 5 % des enfants ont une estime d’eux-mêmes franchementt positive contre 20 % dans le groupe témoin. Nous illustrerons l’aridité relative de ces données statistiques par un extrait de vignette clinique. Babeth est une préadolescente âgée de 11 ans cinq mois et scolarisée en CM1. Son enseignante nous informe qu’elle éprouve des difficultés scolaires et d’intégration au sein de sa classe. Dans son protocole au FTT, Babeth obtient un score négatif d’« Estime de soi ». En effet, elle projette sur les différents personnages une fragilité narcissique, qui s’exprime notamment en termes d’apparence physique : « Il se trouve moche », (Nains, planche III) « Il pense qu’il est trop grand », (Géants, planche I) « Il déteste ses dents, il se trouve moche » (Géants, planche II). Aussi, on peut percevoir certaines angoisses de rejet et une crainte du regard de l’autre, qui pourraient être en lien avec ses difficultés d’intégrations évoquées plus haut : « On se moque de lui » (Nains, Planche 3), « Il veut pas que tout le monde se moque de lui » (Nains, planche II). . . 4. Discussion – Conclusions Au final, les résultats préliminaires obtenus à partir d’un échantillon de 80 enfants divisés en deux sous-groupes (consultant/non consultant) sur trois variables du FTT ne manquent pas d’intérêt. Ils suggèrent que cet outil présente pour les trois variables que nous avons privilégiées une indiscutable finesse

discriminative pour les dimensions relatives à l’angoisse et à l’estime de soi et un potentiel différenciateur un peu plus faible pour l’axe relatif à la dépression, ce qui justifie la poursuite du travail de validation engagé sur une population ¸ d’enfants francais. Il est légitime de penser que la sensibilité de l’instrument lors d’un travail de comparaison intergroupes sera renforcée d’une part en augmentant la taille de chacun des sous-groupes, d’autre part en comparant des groupes cliniquement encore plus contrastés que ceux que nous avons choisis, par exemple en introduisant un échantillon d’enfants présentant des troubles graves du développement. Il reste bien sûr maintenant à tester sur un échantillon plus important ces variables et les 27 autres indicateurs mis au point par l’auteur dans la mesure où il est possible qu’ils ne présenteront pas tous la même finesse discriminative sur le plan clinique. Pour asseoir la validité de l’outil en France, nous restons également conscients qu’il conviendrait en outre de multiplier les comparaisons entre groupes cliniques différents et corréler les résultats obtenus au niveau des indicateurs FTT avec ceux d’autres épreuves projectives ou questionnaires de personnalité déjà validés approchant des dimensions de personnalité similaires. Cette perspective fera l’objet des futures recherches consacrées en France à cet instrument. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Annexes A et B. Matériels complémentaires Les matériels complémentaires (Annexe A et Tableaux S1, S2 et S3 de l’Annexe B) accompagnant la version en ligne de cet article sont disponibles sur http://www.sciencedirect.com. Références
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